Counter-Guerrilla

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Gladio

Gladio (Glaive en italien) désigne le réseau italien des stay-behind, cette structure clandestine de l'OTAN créée après la Seconde Guerre mondiale pour parer à une menace d'invasion soviétique. On désigne couramment par ce nom l'ensemble des armées secrètes européennes, dont l'existence a été révélée publiquement le 24 octobre 1990 par le Premier ministre italien Giulio Andreotti.

Gladio a été mis en place dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale sous l'égide de la CIA et du MI6, comme structure de l'OTAN répondant directement au SHAPE. Cette structure avait comme fonction de « rester derrière » en cas d'invasion soviétique, afin de mener une guerre de partisans. Dans cet objectif, des caches d'armes étaient disposées un peu partout.

Ces réseaux fonctionnaient le plus souvent sans que les gouvernements nationaux en aient connaissance[1]. Seuls l'Italie, la Suisse et la Belgique ont créé des commissions d'enquête à ce sujet dans les années 1990. La Belgique s'est dotée d'un comité permanent de contrôle des services secrets afin d'assujettir ces structures au contrôle parlementaire, afin d'éviter que des événements comme ceux qui se sont produits en Italie pendant les années de plomb ne se répètent. Quant à la France elle serait restée « en dehors » de tout cela selon le ministre de le défense de l'époque J.P Chevènement[2]. Le Premier ministre italien Giulio Andreotti a cependant confirmé qu’en 1964 les renseignements militaires italiens avaient rejoint le « comité clandestin allié » dont les États-Unis, la France, la Belgique, la Grèce faisaient notamment partie[3].

Pour plusieurs auteurs, Gladio est impliqué dans différentes actions violentes des années de plomb italiennes[4],[5], mais l'ampleur de son implication fait encore aujourd'hui l'objet de débats. La nature secrète des activités de l'organisation, et le fait que les archives de l'OTAN ne sont pas accessibles aux chercheurs, font de Gladio un sujet controversé. L'idée selon laquelle, sous la direction de la CIA, Gladio aurait tenté d'influencer la politique italienne, est soutenue par des historiens[6] et des journalistes[7],[8],[9].

Le Département d'État américain a contesté en janvier 2006 que le réseau Gladio ait participé à de quelconques actions terroristes et a rappelé qu'un des principaux[réf. nécessaire] documents avancés pour soutenir cette hypothèse – un manuel militaire américain de contre-insurrection[10] – est un faux conçu au début des années 1970 par le KGB en pleine Guerre froide[11].

Sommaire

Historique des accusations et théories relatives à Gladio

Stratégie de la tension

Selon un document émis en 2000 par des parlementaires italiens membres des Démocrates de gauche, Gladio aurait participé en Italie à la stratégie de la tension, avec l'aide de la loge maçonnique P2, dirigée par Licio Gelli, destinée à « empêcher le PCI et, dans une moindre mesure, le PSI, à accéder au pouvoir exécutif ». Perpétré par le second groupe des Brigades rouges (les fondateurs étaient alors en prison), l'assassinat du leader de la Démocratie Chrétienne (DC), Aldo Moro, en mai 1978, a mis fin à tout espoir d'un compromis historique entre la DC et le PCI. De 1969 à 1980, plus de 600 attentats (4 sur 5 étant attribués aux organisations clandestines d'extrême droite pendant les « Années de plomb ») ont fait en Italie 362 morts et 172 blessés[12]. Ce document, dépourvu de valeur officielle, a provoqué de vifs débats au parlement italien, et a vu la validité de ses conclusions contestée[13].

Le général Gianadelio Maletti, ancien chef des services italiens, a déclaré en mars 2001 que la CIA aurait pu favoriser le terrorisme en Italie[14]. Le général Nino Lugarese, chef du SISMI de 1981 à 1984, a témoigné de l'existence d'un « Super Gladio » de 800 hommes responsables de l'« intervention intérieure » contre des cibles politiques nationales[15].

En 2008, le documentaire Les Derniers jours d’Aldo Moro réalisé par Emmanuel Amara propose les témoignages de Steve Pieczenik, ancien membre du département d’État américain, et de Francesco Cossiga, ministre de l'Intérieur de l'époque, qui affirment que Gladio et la CIA ont été impliqués dans l'enlèvement d'Aldo Moro via la manipulation des Brigades Rouges.

L'attentat de la piazza Fontana, 12 décembre 1969

Article détaillé : attentat de la piazza Fontana.

Le 12 décembre 1969, l'attentat de la piazza Fontana fait 16 morts et 98 blessés à Milan. L'extrême gauche, en particulier le mouvement autonome, est immédiatement désigné comme responsable de l'attentat. 400 personnes sont arrêtées [16]. L'anarchiste Giuseppe Pinelli, accusé d'être l'auteur du massacre, est arrêté par la police. Il meurt défenestré quelques jours plus tard.

Dans les années 1980, le terroriste néofasciste Vincenzo Vinciguerra a affirmé au juge Felice Casson que l'attentat de la Piazza Fontana visait à pousser l'État italien à proclamer l'état d'urgence afin de favoriser un régime autoritaire en Italie. Nul lien direct n'a été cependant été établi par la justice, entre les terroristes néofascistes visés par l'enquête subséquente et l'organisation Gladio.

Démission de Vito Miceli, chef du SIOS et membre de P2, en 1974

En 1974, Vito Miceli, membre de P2 et chef du SIOS (Servizio Informazioni), les services de l'armée, à partir de 1969, puis du SID de 1970 à 1974, a été arrêté dans le cadre de l'enquête sur Rosa dei venti, un groupe terroriste d'extrême droite infiltré par l'État. Accusé de "conspiration contre l'État", Vito Miceli révèle l'existence d'un réseau stay-behind organisé par l'Otan. Suite à son arrestation, les services secrets italiens sont réorganisés en 1977 afin de les "démocratiser". La loi n° 810 du 24 octobre 1977 divise le SID en plusieurs services : le SISMI (Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare), le SISDE (Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Democratica) et le CESIS (Comitato Esecutivo per i Servizi di Informazione e Sicurezza), auquel on donne un rôle de coordination — le CESIS dépend directement du président du Conseil italien.

Attentat de la gare de Bologne le 2 août 1980

Article détaillé : Attentat de la gare de Bologne.

L'attentat contre la gare de Bologne du 2 août 1980 a été attribué à des terroristes néofascistes. Le 16 janvier 1991, The Guardian écrit que : « les pièces ayant servi à la fabrication de la bombe (...) venaient d'un arsenal utilisé par Gladio (...) selon une commission parlementaire sur le terrorisme »[17].

Liens présumés avec la politique sud-américaine

Pour l'historien américain J. Patrice McSherry, il existe des liens directs entre les organisations stay-behind européennes et l'Opération Condor en Amérique du Sud[18].

Stefano Delle Chiaie, membre de Gladio[19], a eu des contacts avec des agents de l'Opération Condor — selon Le Monde diplomatique, Delle Chiaie aurait aussi rencontré le numéro deux des Loups gris, Abdullah Catli, en 1982 à Miami[20]. Ainsi, Michael Townley, un agent de la DINA chilienne, a-t-il mis en contact la DINA avec Delle Chiaie afin que ce dernier prépare la tentative d'assassinat de Bernardo Leighton à Rome en 1975[21]. Delle Chiaie a aussi participé, aux côtés de Klaus Barbie, au coup d'État bolivien de 1980[21].

Voir aussi

Bibliographie

  • (fr) Daniele Ganser, Les armées secrètes de l'OTAN, Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest, éditions Demi-Lune, 2007 (ISBN 978-2-917112-00-7). (en) Nato's Secret Armies: Operation Gladio and Terrorism in Western Europe. Cass, London, 2004 (ISBN 0-7146-8500-3). Partiellement disponible en ligne. (en) Recension critique par The Journal of Intelligence History.
  • (en) Daniele Ganser, « The ghost of Machiavelli: An approach to operation Gladio and terrorism in cold war Italy  », Crime, Law and Social Change, volume 45, numéro 2 / mars 2006, p. 111-154.
  • (de) Jens Mecklenburg, Gladio. Die geheime Terrororganisation der NATO, Elephanten Press, Berlin, 1997 (ISBN 3-88520-612-9).
  • (it) Rita Di Giovacchino, Giovanni Pellegrino, Il libro nero della Prima Repubblica, Fazi Editore, 2005 (ISBN 8881126338).

Films

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. « Son existence resta dissimulée aux gouvernements des territoires dans lesquels ils opéraient, hormis quelques individualités » écrit notamment l'historien britannique Eric Hobsbawm dans L'Âge des extrêmes. Histoire du court XXe siècle, 1914-1991, Complexe, 2003, p. 298.
  2. Daniele Ganser, Les Armées secrètes de l'OTAN, Réseaux Stay Behind, Gladio et Terrorisme en Europe de l'Ouest, éditions Demi-Lune, 2007, p. 44.
  3. Gladio : et la France ? L'Humanité 10 novembre 1990.
  4. (en) Philip Jenkins, Images of Terror: What We Can and Can't Know about Terrorism, Aldine Transaction, 2003, p. 105-106.
  5. (en) Hall Gardner, American Global Strategy and the "War on Terrorism", Ashgate Publishing, Ltd., 2005, p. 75.
  6. « Italy became the target for the largest covert political action programme in the CIA's history » écrivent notamment Martin J. Bull et James L. Newell dans Italian Politics: Adjustment Under Duress, Polity Press, 2005, p. 99.
  7. (en) William Blum, Killing Hope: U.S. Military and CIA Interventions Since World War II, Zed Books, 2003, p. 106-108.
  8. (en) Arthur E. Rowse, « Gladio: the U.S. war to subvert Italian democracy », Covert Action Quarterly, décembre 1994. [lire en ligne]
  9. (en) Philip P. Willan, Puppetmasters: The Political Use of Terrorism in Italy, iUniverse, 2002, p. 146-159.
  10. Voir l'article US Army Field Manual 30-31B de Wikipédia en anglais.
  11. (en) « Misinformation about "Gladio/Stay Behind" Networks Resurfaces », 20 janvier 2006.
  12. « Le chef de l'État italien a du reconnaître son existence », L'Humanité, 29 novembre 1990
  13. Mancino: Ds supponenti sulle stragi Corriere della sera, 24 juin 2000
  14. (en) "Terrorism in Western Europe: An Approach to NATO's Secret Armies", Daniele Ganser, 2005, Whitehead Journal of Diplomacy and Strategic Studies, PDF
  15. (en) « Secret agents, freemasons, fascists... and a top-level campaign of political "destabilisation" », in The Guardian, 5 décembre 1990
  16. (en) « 1969: Deadly bomb blasts in Italy », BBC
  17. (en) « The makings of the bomb… came from an arsenal used by Gladio… according to a parliamentary commission on terrorism... » in The Guardian du 16 janvier 1991, accessible sur le site de Statewatch
  18. « A review of early Cold War history in Europe demonstrated that parallel organizations created ther, under the auspices of NATO and the U.S. government, bore striking similarities to Operation Condor – and in several cases were directly linked to Condor. » J. Patrice McSherry, Predatory States: Operation Condor And Covert War In Latin America, Rowman & Littlefield Publishers, 2005, p. 244.
  19. (en) Stuart Christie, Edward Heath Made Me Angry, ChristieBooks, 2004, p. 101.
  20. "La Turquie, plaque tournante du trafic de drogue", Le Monde diplomatique, juillet 1998
  21. a  et b J. Patrice McSherry, op. cit., p. 43.
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