- Propaganda Due
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La loge Propaganda Due [propaˈɡanda ˈduːe], dite P2, fut une loge maçonnique du Grand Orient d'Italie de 1945 à 1976. Suspendue par cette obédience en 1976, elle poursuivit cependant son activité de manière indépendante sous la direction de Licio Gelli jusqu'en 1981. La publication d'une liste de ses membres comportant des centaines de noms, parmi lesquels des personnalités très importantes d'Italie et d'Argentine, créa un véritable scandale. La main de la P2 a été vue par de nombreuses personnes (juges, journalistes, etc.) derrière maints scandales ou affaires de l'histoire de l'Italie lors des « années de plomb ».
Sommaire
Origines de la Loge P2
Article connexe : Franc-maçonnerie en Italie.La loge P2 tire son nom d'une loge maçonnique créée en 1877 : la Loge Propaganda Massonica. Cette loge n'était pas vraiment secrète car des personnages éminents en faisaient partie comme Zanardelli, ministre de la Justice ou le poète Carducci. La « propagande » de cette loge consistait à diffuser les valeurs maçonniques (progrès, laïcité et liberté) à travers les institutions politiques et citoyennes. Cette loge fut créée dans la mouvance insurrectionnelle de l'époque pour permettre que des frères comme Garibaldi ou Giuseppe Mazzini échapassent aux devoirs de maçons et puissent se réunir entre eux, en dehors des temples et des rites maçonniques. Cette organisation élitiste, hors limites de la légalité maçonnique, ne communiquait pas toujours le nom de ses membres à l'obédience[1].
Quand Mussolini interdit la franc-maçonnerie en 1925, un certain nombre de francs-maçons s'exilèrent en France[réf. nécessaire]. La loge Propaganda Massonica fut le pilier de la principale obédience italienne : le Grand Orient d'Italie. La loge « PM » fut donc un des symboles de la République italienne en exil. À la Libération, la loge « PM » initia des hommes qui, officiellement, représentaient l'opposition à la franc-maçonnerie : des communistes, des catholiques et des démocrates chrétiens.[réf. nécessaire] Ces hommes étaient attirés par le prestige historique de la franc-maçonnerie[réf. nécessaire] mais devaient entrer secrètement dans une loge pour ne pas risquer d'être rejetés par leur mouvement d'appartenance.[réf. nécessaire]
La loge « PM » commença à dévier de l'idéal maçonnique avec l'arrivée d'un certain Licio Gelli, qui en devint le secrétaire[non neutre][réf. nécessaire]. Gelli servit le régime fasciste pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui encore, il est difficile d'expliquer ce qui a poussé la Maçonnerie italienne à accepter un tel homme. C'est donc en 1964 que Gelli fut initié[réf. nécessaire]. Il entra à la loge « PM » quelques années plus tard. En 1975, Licio Gelli devint « vénérable » (c'est-à-dire président) de la loge « PM »[réf. nécessaire]. À partir de cette période, la loge fut rebaptisée Propaganda Massonica n°2 ou « P2 ».
Gelli militait pour un retour à l'autorité avec des mesures comme le rétablissement de la peine de mort et la limitation du droit de grève dans la fonction publique. Il s'agissait du programme d'un seul homme et absolument pas celui du Grand Orient d'Italie. Les nombreux militaires, dirigeants d'entreprises, politiciens et journalistes qui demandèrent à rejoindre la loge de Gelli comprirent que la « P2 » ne proposait plus un programme maçonnique humaniste mais une philosophie ultra-conservatrice.[non neutre]
« L'affaire P2 »
Le 5 octobre 1980, Il Corriere della Sera publie une interview dans laquelle Gelli expose ses idées et tente de le présenter comme un projet de la franc-maçonnerie[non neutre][réf. nécessaire]. Par cette erreur[non neutre] le Grand Orient d'Italie détient alors la preuve que Gelli avait trahi l'idéal maçonnique[non neutre][réf. nécessaire]. Gelli fut donc exclu du Grand Orient en 1981[réf. nécessaire].
Dans le cadre d'une enquête portant sur le banquier Michele Sindona et ses liens avec la mafia, une liste de 953 membres de P2[2] (probablement incomplète[2]) fut découverte le 21 mai 1981 dans une villa de Licio Gelli. Cette liste comptait de nombreuses personnalités, dont :
- l'intégralité des chefs des différents services secrets italiens (Pietro Musumeci du SISMI, l'ex-général du SID Giovanni Allavena qui lui aurait remis les archives du SIFAR à sa dissolution dans les années 1960[3],[4], ce qui permettra à Gelli d'exercer des pressions sur de très nombreuses personnalités[3], etc.) ;
- des ministres (Pietro Longo (en), carte n° 2223[2], par ailleurs secrétaire du Parti socialiste démocratique italien) ou des personnalités puissantes telles Giulio Andreotti[5], Flamino Picolli[5] ou Francesco Cossiga[5] ;
- un ex-président du Sénat[5] ;
- des journalistes et entrepreneurs du secteur des communications (Silvio Berlusconi[5], Angelo Rizzoli[5] et Bruno Tassan Din[6]du Corriere della Sera, Genghinini[5])
- des magistrats
- le banquier Roberto Calvi[5], dit « banquier de Dieu » pour ses liens avec le Vatican;
- des prêlats (Mgr Angelini[5], Mgr Bosi[5], cardinal Casaroli[5]).
- le mafieux Michele Sindona[5],
- l'agent du SISMI Francesco Pazienza[7], conseiller particulier du général Santovito[7], qui, de 1er de la loge en mars 1980, et 3e grade en juillet 1980[7], le colonel Di Muro[7]ou Demetrio Cogliandro[7] ;
- le ministre argentin José Lopez Rega[2], fondateur de l'escadron de la mort « Triple A »
- le ministre argentin Raúl Alberto Lastiri
- l'amiral Emilio Eduardo Massera[2]qui participa à la junte de Videla.
Le gouvernement d'Arnaldo Forlani fut contraint de la rendre publique le 21 mai 1981[2], ce qui provoqua le suicide d'un colonel[2] et la tentative de suicide d'un dirigeant démocrate-chrétien[2], la destitution des chefs des cinq services de renseignement[2], la retraite anticipée de dizaines de banquiers et d'industriels[2], le licenciement de cinq directeurs de grands journaux[2] et des centaines d'enquêtes de police portant sur des fonctionnaires[2].
En 1981, le gouvernement d'Arnaldo Forlani démissionna suite au scandale, qui impliquait de nombreuses personnalités politiques issues du parti au pouvoir (les démocrates chrétiens), mais aussi du Parti socialiste. À part les communistes[5], les radicaux[5] et les gauchistes[5], des politiciens de toutes les tendances, du PS aux néo-fascistes en passant par la démocratie-chrétienne et les sociaux-démocrates[5], faisaient partie de P2[5].
Liens avec l'Argentine et l'Amérique latine
Licio Gelli se vantait souvent de liens avec Juan Peron, le caudillo argentin [réf. nécessaire]. De fait, sur la liste des « piduistes » (membres de P2) découverte au début des années 1980, plusieurs membres de la junte de Jorge Videla étaient cités, dont :
- José Lopez Rega[2], le fondateur de la « Triple A » (« Alliance anticommuniste argentine »), responsable du massacre d'Ezeiza de juin 1973, lorsque des snipers tirèrent sur une foule de jeunes péronistes de gauche, engendrant la scission entre la gauche péroniste et la droite péroniste ;
- l'amiral Emilio Eduardo Massera[2], membre de la junte qui prit le pouvoir après le coup d'Etat de mars 1976 ;
- le général Guillermo Suárez Mason (en)[2], l'un des ardents défenseurs de la « guerre sale ».
Licio Gelli bénéficiait également d'« appuis au Brésil, en Uruguay, en Bolivie, au Paraguay »[2].
Hypothèses sur le rôle de la loge P2
La Loge P2 a été accusée d'avoir participé, aux côtés du réseau Gladio, à la « stratégie de la tension » visant à « empêcher, selon les termes d'un rapport parlementaire rédigé en 2000 par la coalition de l'Olivo, le Parti communiste italien et, dans une moindre mesure, le Parti socialiste italien, d'accéder au pouvoir exécutif ».
La loge P2 fut évoquée dans les enquêtes portant sur une série d'affaires (exécutions de magistrats, attentat de la gare de Bologne en 1980, assassinat d'un journaliste). Selon Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt (1988) :
« après l'enlèvement et l'assassinat du président de la démocratie chrétienne Aldo Moro, Licio Gelli rédige lui-même les rapports signés par le chef du SISDE, le général Grassini, et oriente l'enquête de ses services secrets. De même, il lance les services secrets sur les traces d'une fantomatique organisation internationale après l'attentat qui a fait 85 morts à la gare de Bologne le 2 août 1980[8]. »
Le rôle de cette loge dans de très nombreuses affaires fait encore l'objet de spéculations souvent conspirationnistes, alimentées par les déclarations de Licio Gelli lui-même.
Selon Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt (1988), l'acte fondateur de Licio Gelli fut l'obtention des archives du SIFAR. Il serait ensuite devenu le « véritable chef occulte » des services de renseignement italiens[8], obtenant notamment la nomination du général Vito Miceli à la direction du SID au début des années 1970[8], et ceci grâce à l'aide de deux membres de P2, le secrétaire et le frère du ministre de la Défense Mario Tanassi[8]. En 1978, tant le général Grassini[8], chef du SISDE, que Santovito[8], chef du SISMI, ou le préfet Pelosi[8], chef du CESIS qui coordonne les deux services, sont membres de la loge[8]. Selon Calvi et Schmidt...
« Gelli dispose d'un pouvoir tel qu'il décide des promotions et des nominations à l'intérieur du SISMI et du SISDE[8]. »
Il nomme le général Pietro Musumeci comme chef du bureau de contrôle et de sécurité du SISMI, malgré le fait que bien d'autres pouvaient prétendre à ce poste[8].
Certaines théories du complot sur la mort de Jean-Paul I rendent responsable la loge P2[9].
Statut réel par rapport à la franc-maçonnerie
En réalité, la loge P2 n'était pas une loge maçonnique. En effet, pour qu'une loge puisse pratiquer les valeurs qui sont celles de la franc-maçonnerie depuis le XVIIIe siècle (solidarité, tolérance, égalité), il est nécessaire qu'elle limite ses membres à une cinquantaine de frères ou de sœurs. Or la P2 enregistra plus de deux mille membres. De plus, pour que la fraternité lie les membres d'une loge, il faut que ceux-ci se côtoient régulièrement. Ce n'était pas le cas à la loge P2 dont les affiliés ne se connaissaient pas[réf. insuffisante][10].
Enfin, la franc-maçonnerie étant une société initiatique, il est essentiel que chaque frère puisse recevoir l'initiation et l'instruction maçonnique. Tel ne fut pas le cas à la P2 puisque ses membres ne se réunissaient pas et qu'ils étaient « créés maçons » non dans un temple mais dans le bureau de Gelli.
Licio Gelli en s'autoproclamant « Grand-Maître de la loge P2 » s'était, de fait, détaché du Grand Orient d'Italie.
Notes et références
- Jack Chaboud, La Franc-maçonnerie, histoire, mythes et réalité, Librio, 2004, p.38
- Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt, Intelligences secrètes. Annales de l'espionnage, Hachette, 1988, p. 71
- Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt, Intelligences secrètes. Annales de l'espionnage, Hachette, 1988, p. 72
- La guerre secrète en Italie ; les armées secrètes de l'OTAN (VI) Daniele Ganser,
- Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt, Intelligences secrètes. Annales de l'espionnage, Hachette, 1988, p. 75 ,
- Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt, Intelligences secrètes. Annales de l'espionnage, Hachette, 1988, p. 76
- Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt, Intelligences secrètes. Annales de l'espionnage, Hachette, 1988, p. 78
- Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt, Intelligences secrètes. Annales de l'espionnage, Hachette, 1988, p. 73
- (it) « La banca vaticana e la loggia P2 » sur loggiap2.com.
- Monde qui regroupe plusieurs articles à ce sujet au moteur de recherche « titre = loge P2 " voir CDROM du
Voir aussi
Articles connexes
Vidéographie
- « Le dossier Berlusconi », diffusé sur Arte le 1er février 2011
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