Conférence de Yalta

Conférence de Yalta

44°2804N 34°0836E / 44.46778, 34.14333

Conférence de Yalta
Les dirigeants Alliés à la conférence. De gauche à droite : Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et Joseph Staline.
Les dirigeants Alliés à la conférence. De gauche à droite : Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et Joseph Staline.
Généralités
Type Conférence diplomatique
Pays Flag of Crimea.svg Crimée
Localisation palais de Livadia, Yalta
Date 4 au 11 février 1945

Tenue du 4 au 11 février 1945 dans le palais de Livadia situé dans les environs de la station balnéaire de Yalta, sur la côte de la mer Noire, en Crimée, la conférence de Yalta réunit en grand secret les chefs de gouvernement de l'Union soviétique (Joseph Staline), du Royaume-Uni (Winston Churchill), des États-Unis (Franklin D. Roosevelt) dans les buts suivants :

  • adopter une stratégie commune afin de hâter la fin de la guerre ;
  • régler le sort de lEurope après la défaite du IIIe Reich et ;
  • garantir la stabilité du monde au-delà de la victoire.

Le propos principal de Staline était sans doute de préserver son pays de futures attaques, comme en 1914 et en 1941, en le protégeant par un glacis territorial et politique. La meilleure solution pour lui, cétait la création dune Pologne qui serait dirigée par un gouvernement ami de lUnion soviétique.

Churchill et Roosevelt, de leur côté, étaient disposés à obtenir de la part de Staline la promesse que l'URSS entrerait en guerre contre le Japon dans les trois mois après la capitulation de lAllemagne. Il est vrai que Staline négociait en position de force, les armées soviétiques nétant plus quà une centaine de kilomètres de Berlin. Par ailleurs, Roosevelt, dont la santé se dégradait de plus en plus, faisait preuve dune totale méconnaissance des valeurs morales de son interlocuteur[1] en affirmant : « Si je lui donne tout ce qu'il me sera possible de donner sans rien réclamer en échange, noblesse oblige, il ne tentera pas d'annexer quoi que ce soit et travaillera à bâtir un monde de démocratie et de paix. »[2]

Sommaire

Le rapport des forces

En février 1945 , le rapport des forces est nettement à l'avantage de Staline. Les forces soviétiques sont, de loin, les premières en nombre et en armement. Elles atteignent Varsovie et Budapest, et ne sont qu'à quelques étapes de Berlin. Cependant, Staline est prudent. Sa priorité est la prise de Berlin, à la fois comme symbole de sa victoire et pour les avantages politiques et scientifiques qu'elle lui conférerait. Il tient à s'emparer du maximum de régions industrielles allemandes, et de l'institut de physique nucléaire de Dahlem, il espère trouver des éléments de fabrication de la bombe atomique. Il craint une capitulation allemande, voire un retournement des alliances, qui le frustrerait de sa victoire. Habilement, il a fait croire à ses alliés que Berlin n'était pas prioritaire, et que l'offensive principale de l'Armée Rouge porterait vers la Bohême et la vallée du Danube: il les invite à chercher la jonction en Allemagne du Sud.

Pour Roosevelt, Eisenhower et les responsables américains en général, la priorité est de finir la guerre avec le minimum de pertes en vies américaines. Le président américain accepte de laisser l'URSS fournir l'effort de guerre le plus lourd, quitte à lui abandonner une plus vaste zone d'occupation. Peu méfiant, il annonce dès le début de la conférence que les troupes américaines quitteront l'Europe deux ans après la fin de la guerre.

Churchill souhaiterait rétablir un équilibre européen et éviter une hégémonie soviétique sur le continent, mais, représentant d'un empire affaibli économiquement et démographiquement, il a peu de poids sur les décisions de ses alliés.

Les accords conclus

Palais de Livadia, près de Yalta, furent signés les accords de Yalta en 1945

Les accords conclus à l'issue des rencontres prévoyaient :

  • des élections libres dans les États européens libérés, les Trois Grands s'engageant à « constituer des autorités gouvernementales provisoires largement représentatives de tous les éléments démocratiques des populations et qui s'engageront à établir, dès que possible, par des élections libres, des gouvernements qui soient l'expression de la volonté des peuples » (cf. Communiqué final en annexe : Déclaration sur l'Europe libérée) ;
  • l'organisation en avril 1945 de la conférence de San Francisco ;
  • lentrée en guerre de l'Union soviétique contre le Japon dans les 3 mois qui suivront la défaite de l'Allemagne, l'URSS recevant en échange le sud de lîle de Sakhaline et les îles Kouriles ;
  • la destruction du militarisme allemand et du nazisme ;
  • la division de l'Allemagne en trois zones occupées par les trois vainqueurs : États-Unis, URSS, Royaume-Uni (par la suite, Churchill soutiendra une division de l'Allemagne en quatre zones d'occupation : la quatrième revenant alors à la France : cette proposition aboutira peu après la conférence de Yalta) ;
  • déplacement de la Pologne vers l'ouest : elle céderait des territoires à l'URSS et recevrait en compensation des territoires enlevés à l'Allemagne ;
  • l'établissement de la frontière soviéto-polonaise sur la ligne du pacte germano-soviétique de 1939 (correspondant en partie à la ligne Curzon) ;
  • la réorganisation du « Comité de Lublin », gouvernement pro-soviétique établi en Pologne libérée, « suivant des bases démocratiques plus étendues, avec l'inclusion des chefs démocrates se trouvant à l'étranger », c'est-à-dire des membres du gouvernement polonais en exil à Londres (cf. Communiqué final en annexe : Pologne) ;
  • quelques modalités concernant le fonctionnement de l'ONU, dont la création avait été décidée en 1944 à la conférence de Dumbarton Oaks : le droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité jouera pour tous les cas sauf pour les questions de procédure ; lURSS demande autant de sièges qu'il compte de provinces et de régions (soit 16), mais en obtient "seulement" 3 (Russie, Ukraine, Biélorussie) ; les Nations unies auront un droit de regard sur l'organisation de l'Europe.

Une conférence pour terminer la guerre

L'Allemagne : défaite, occupation, réparations

Lors de la première séance plénière, la question principale porte sur la défaite de lAllemagne par une analyse de la situation militaire. Cela débouchera sur le premier article du communiqué disponible au public[3]. Comme on peut le lire à la dernière phrase de cet article : « Il a été procédé à un échange complet et réciproque des renseignements ». Le général Marshall indique quune offensive massive sera possible sur le front de louest mais les alliés ne pourront franchir le Rhin avant le mois de mars. Staline prend alors sa décision, larmée rouge libèrera la Tchécoslovaquie et la Hongrie, repoussant la prise de Berlin. Ainsi, Staline évite toute tension avec les alliés occidentaux. Cependant, cette première séance plénière est importante car elle définit bien le cadre général des négociations qui vont suivre : les Occidentaux sont en position dinfériorité par rapport aux Soviétiques.

Lors de la deuxième séance plénière du 5 février, Staline entame la question de loccupation de lAllemagne quil considère être la plus importante. Lors de la conférence de Téhéran, tous les Alliés étaient daccord sur un démembrement complet de lAllemagne. Mais à lapproche de la victoire cette certitude devient moins évidente. Les Occidentaux pensent briser le Reich nazi, mais faut-il détruire lAllemagne et sa population ? On peut voir dans le deuxième article du communiqué disponible au public : « Nous sommes inflexiblement résolus à anéantir le militarisme et le nazisme allemand » mais les alliés présentent le peuple allemand comme victime du nazisme et décident qu’« Il nest pas dans notre intention danéantir le peuple allemand ». Churchill considère lAllemagne comme une future alliée contre lexpansionnisme soviétique. Pourtant, un démembrement de lAllemagne est conclu avec une « autorité suprême » des occupants, censé garantir la paix future en Europe. Chacun des alliés occupera une zone séparée, et la France est invitée à participer à ce projet. Cependant, les Soviétiques étant en position de force, la zone française sera prise dans la zone anglaise et américaine. La France est aussi invitée à siéger au Conseil de contrôle interallié pour lAllemagne. De plus il est conclu que lAllemagne sera entièrement démilitarisée et désarmée. Cette mesure est encore plus sévère que ce quavait prévu le traité de Versailles de 1919, qui fixait le nombre de militaires allemands à un maximum de cent mille.

La question des réparations est elle aussi engagée par Staline. Il demande de lAllemagne en gage de réparation, 20 milliards de dollars au total, dont 50% de cette somme devrait aller à lURSS. Sur ce point, cest aussi Churchill qui soppose à cette somme démesurée, insistant sur le fait que léconomie allemande ne devait pas être anéantie. Il est dailleurs écrit dans le troisième article du communiqué disponible au public, que les dommages que verserait lAllemagne devaient être calculés « dans la plus grande mesure possible ». Cette question na pas été résolue entièrement. Il est défini les différents moyens de réparation des dommages auxquels serait contrainte lAllemagne, cest-à-dire : des transferts de biens et dargents, des livraisons de marchandises, et lutilisation de la main-dœuvre allemande. Les deux points sur lesquels la conférence ne sest pas fixée est sur la mise en œuvre de ce plan et surtout sur le montant des réparations. Pour cela, les Alliés décident la création dune commission dont le siège est à Moscou. Cette commission réunira les représentants des trois pays alliés et devra fixer le coût total des réparations sur la base de la proposition du gouvernement soviétique. Si la demande soviétique est à moitié acceptée, cest pour la simple raison que Roosevelt considère que les Soviétiques ont déjà fait pas mal de concessions, et ne prend donc pas le parti des Anglais.

Le Japon : une entrée en guerre de lURSS ?

La conférence porte sur la question de la défaite japonaise. Il est dit que : « Les chefs des gouvernements des trois grandes puissances […] ont décidé dun commun accord […] que lURSS entrera en guerre contre le Japon ». Si cette formule « commun accord » est employée dans ce cas précis cest tout dabord pour ne pas contrarier Churchill. En effet, la question de lExtrême-Orient, concernant les modalités et les conditions de lengagement soviétique, sest réglée lors dune conversation privée entre Roosevelt et Staline. L'URSS devait entrer en guerre 3 mois après la capitulation allemande. Les conditions de lengagement ayant fait débat furent celles de Port-Arthur et des chemins de fers mandchous. LURSS obtient le statu quo en Mongolie et l'annexion des îles Kouriles et Sakhaline, Port-Arthur nest pas annexé mais internationalisé et les chemins de fers mandchous ne seraient pas propriété de lURSS mais contrôlés par une commission soviéto-chinoises. Néanmoins, Staline et Roosevelt voulaient un accord du président chinois sur ces points, et ne pas les lui imposer. Churchill ne fut mis au courant de ces propositions que le lendemain de lentrevue et malgré son hostilité et sa volonté de négociations, il finit par céder, craignant dêtre mis à lécart sur les affaires japonaises.

Une conférence pour poser les bases d'un monde nouveau

Roosevelt : pour une organisation politique mondiale

Pour Roosevelt, le principal dossier de Yalta est celui de la future Organisation des Nations unies. Il entendait réussir, Wilson avait échoué après la première guerre mondiale avec la Société des Nations, et devenir larbitre entre les Anglais et les Soviétiques. Il ne se montre donc pas trop exigeant avec Staline, notamment sur la question de la Pologne. Tous les acteurs sont daccord sur ce projet mais une question fait débat : qui sera membre du Conseil de Sécurité, et quels pays composeront lAssemblée ? Les Américains soutiennent ladhésion de la Chine, et les Britanniques celle de la France, au sein du conseil de sécurité. Bien que Staline objecte le fait quil serait en position défavorable, il finit par céder. Le réel problème se pose alors pour la composition de lassemblée. Les Soviétiques craignent une mainmise anglo-américaine (soutien des pays du Commonwealth et dAmérique latine). LURSS exige donc que chacune des seize républiques soviétiques fédérées dispose dun siège. Dans lextrait de la conférence non disponible au public, on constate que lURSS obtient ladhésion de deux républiques fédérées : la Russie blanche (Biélorussie) et lUkraine. Après réflexion et négociations, Staline ne demandait plus que ladhésion de ces deux républiques ainsi que la Lituanie. Cette dernière est refusée mais Roosevelt doit sincliner face à Staline pour préserver la réussite de son projet (ONU).

Une conférence future est programmée pour le 25 avril 1945 à San Francisco. Lorganisation de cette conférence est due au fait que les trois grands nont su se mettre daccord sur le système de vote de lassemblée de la future ONU, ainsi que sur lobtention du droit de veto ou non. Ils ne se sont dailleurs pas mis daccord sur les états qui pourront accéder à cette organisation. Il est donc déclaré dans un extrait non disponible au public, que « Les nations associées qui auraient déclaré la guerre à lennemi commun avant le 1er mars 1945 » seront invitées à la conférence de San Francisco et pourront faire partie de lONU.

La question polonaise

Le thème de la Pologne fait lobjet de vives tensions à Yalta. En effet, du côté de lURSS, la Pologne est le pays dont elle a obtenu une partie du territoire après le pacte Germano-Soviétique, et du côté occidental, la Pologne est une alliée qui avait eu la garantie dune aide en cas dagression allemande, ce qui a entraîné lentrée en guerre des alliés. Lors de la conférence, les deux principales questions concernant la Pologne étaient : quelles seront ses frontières, et quelle sera la nature de son régime politique ?

La frontière orientale de la Pologne ne pose pas de problème, comme on peut le voir dans larticle VI : « La frontière orientale de la Pologne à lEst devra suivre la ligne Curzon, avec des déviations au profit de la Pologne sur une profondeur de 5 à 8 kilomètres par endroits ». Le réel problème est celui de la frontière occidentale, celle avec lAllemagne. Staline propose alors le fleuve de la Neisse. Ce déplacement de la frontière occidentale vers louest est une compensation des pertes orientales. La question porte ensuite sur le choix de la Neisse : le fleuve se sépare en deux, la Neisse orientale et la Neisse occidentale. Les trois saccordent sur une formule ambiguë : « La Pologne devra obtenir des accroissements sensibles de territoire au nord et à louest ». Churchill est sceptique : lannexion de cette partie du territoire allemand, jusquà lOder et la Neisse signifie la présence de six millions dAllemands sous la souveraineté polonaise. Mais Staline déclare alors : « le problème des nationalités est un problème de transport » : dans l'année suivante, 11,5 millions d'Allemands seront « déplacés » hors de ces territoires, remplacés par 4,5 millions de Polonais eux-mêmes « déplacés » hors de la Pologne orientale devenue soviétique[4].

La question du régime politique est plus aigüe. En effet, pour Churchill, elle a une forte signification symbolique puisque le Royaume-Uni a accueilli le gouvernement polonais en exil durant la guerre. Pour Roosevelt, elle touche à lélectorat américain, car venant dêtre réélu, il vient de faire des promesses à des millions dAméricains dorigine polonaise. Mais Staline a mis en place un gouvernement polonais communiste, la installé à Lublin après la libération de lEst de la Pologne la officiellement reconnu en juillet 1944 et lui a confié ladministration du territoire polonais derrière les lignes militaires soviétiques. Les Occidentaux refusent de reconnaître ce gouvernement car ils estiment quil y a un problème de représentativité. Pour pallier ce problème, on saccorde à Yalta sur la mise en place « délections libres et sans contraintes ». Pourtant, Staline na pas la moindre intention de dissoudre le gouvernement de Lublin ni de se soumettre à de véritables élections libres, il réaménagera seulement léquipe de Lublin en ajoutant quelques membres supplémentaires polonais.

La déclaration sur l'Europe libérée

Cette déclaration a été proposée par Roosevelt et Staline et montre généreusement les principes censés permettre létablissement dun « ordre mondial régi par le droit ». Il est dit dans cet article que dans chacun des pays libérés, des gouvernements provisoires seront constitués en ayant la forme et la politique que chacun de ces États souhaite. Il est aussi dit que des élections libres auront lieu dans chacun de ces pays. Cet article est une grande preuve de naïveté de la part de Roosevelt qui se félicite davoir donné une tonalité morale aux accords de Yalta. Dailleurs, par cynisme ou lassitude, Staline approuve tout sans protester.

Cependant, cette déclaration sur lEurope libérée ne mentionne pas une convention anodine sur la libération des prisonniers. Celle-ci napparaît ni dans le communiqué officiel ni dans le protocole des travaux. Elle prévoit que tous les prisonniers des allemands seront regroupés par nationalité et dirigés vers leur pays dorigine. En réalité de nombreux prisonniers russes ne souhaitent pas repartir en URSS, d'autant que le règlement de l'Armée Rouge assimile la capture par l'ennemi à une trahison. On évalue à deux millions le nombre de Soviétiques rapatriés contre leur gré et déportés au Goulag comme « traîtres ».

Conclusion

Conservé à la Bildarchiv der Österreichischen Nationalbibliothek de Vienne, le fameux accord de pourcentage contresigné par Churchill et Staline à Moscou le 9 octobre 1944.

Dans le communiqué officiel du 11 février 1945, il n'est pas fait état des trois sièges concédés à lURSS à lassemblée générale de lONU, ni de lévaluation des réparations allemandes, ni des avantages territoriaux reconnus à lURSS en Asie. Ce communiqué produit donc une profonde impression sur la presse et dans les milieux parlementaires. Spontané ou organisé, aux États-Unis et en URSS lenthousiasme est très manifeste. En Europe occidentale, la satisfaction est plus nuancée, les Britanniques évoquent le chaos allemand après Versailles comme un exemple à ne pas suivre. En France, bien que Charles de Gaulle ait souligné le manque de précision sur le cas polonais et parfaitement perçu la naïveté de la déclaration sur lEurope libérée, la Conférence et ses conclusions sont globalement saluées, d'autant qu'elle admet la France parmi les « Quatre Grands » et lui fait de substantielles concessions par rapport au statut que les anglo-américains étaient initialement prêts à lui accorder.

Les résultats de Yalta sont approximatifs. Les anglo-américains obtiennent peu d'engagements concrets importants sur le futur européen en contre-partie de ce qu'ils offrent à Staline, celui-ci étant de plus décidé à exploiter au mieux sa position de force en Europe de l'est. Les trois chefs de gouvernement ou dÉtat nont négocié aucun point sur la question des déportés (les Soviétiques ont libéré Auschwitz le 27 janvier, mais rien nest révélé avant début mai).

Contrairement à la légende, ce n'est pas à Yalta que s'est décidé le « partage de l'Europe » en « taux d'influence » mais à Moscou, le 9 octobre 1944. Contresigné par Churchill et Staline, cet accord prévoit les « taux d'influence » suivants, respectivement pour les Alliés occidentaux et pour l'URSS : Hongrie et Yougoslavie : 50-50%, Roumanie : 10%-90%, Bulgarie: 25%-75% et Grèce : 90%-10%, nonobstant le poids respectif des non-communistes et des communistes dans les mouvements de résistance et les opinions (par exemple, les communistes étaient très minoritaires en Roumanie et Bulgarie, mais majoritaires en Grèce à la tête du principal mouvement de résistance). Certains historiens ont estimé que l'influence de cet accord a été exagérée: par exemple, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Yougoslavie ont vu les communistes y monopoliser le pouvoir, bien que les accords ne mentionnent pas la première et aient prévu une égalité d'influences dans les deux autres

Cet accord avait été préparé au printemps 1943 lorsque Winston Churchill et Anthony Eden s'étaient rendus à Moscou pour conférer avec Joseph Staline et Viatcheslav Molotov[5].

Selon Churchill, ces accords n'avaient qu'une portée provisoire, le temps de la guerre. Il est cependant peu probable qu'il n'en avait pas perçu le risque, même s'il a sous-estimé la violence qui allait s'exercer sur les pays laissés aux Soviétiques. Son principal objectif était d'obtenir de Staline un renoncement à la Grèce, la guerre civile grecque allait découler du choc entre la résistance grecque à majorité communiste et la volonté anglaise de maintenir la Grèce dans la sphère d'influence occidentale. L'établissement de la tutelle soviétique en Europe orientale allait se traduire par plusieurs décennies de dictature au sein du bloc de l'Est, tandis qu'en Grèce, les troubles et la dictature des colonels traduisaient la tutelle des Anglo-Américains.

Presque immédiatement après Yalta, Staline violait les accords. En Roumanie, les communistes noyautent les institutions, répriment les protestations de manière sanglante et imposent au roi de nommer un gouvernement communiste par le coup d'état du 6 mars 1945, alors que l'armée roumaine combat contre la Wehrmacht en Hongrie et Tchécoslovaquie. Le cas de la Bulgarie obéit aux mêmes règles. En Pologne, les Soviétiques favorisent les hommes politiques qu'ils ont placés, temporisent les discussions avec les alliés pour réprimer l'opposition, tendent des pièges aux membres de la résistance non communistes. Pendant tout ce temps, Roosevelt cherche à faire évoluer Staline en jouant la carte de l'apaisement[6].

La conférence suivante réunissant les trois alliés est celle de Potsdam daoût 1945, qui tente déclaircir certains points jugés trop flous à Yalta, mais lUnion soviétique et les Alliés ont fait le lit de la guerre froide. L'accord stipulait aussi le renvoi en URSS de ceux qui avaient rejoint la Wehrmacht pour combattre le communisme, ainsi que de tous les prisonniers soviétiques : or être fait prisonnier au front était assimilé par le code militaire soviétique à une trahison, passible de la peine de mort (pour ceux qui s'étaient rendus) ou de la déportation au Goulag (pour ceux qui avaient été capturés)[7].

Notes

  1. A. Conte parle de la « candeur de l'Occident » (in : Yalta ou le partage du monde, R. Laffont, 1964, p. 364) et A. Fontaine de « l'espoir insensé qu'il (i.e. Roosevelt) nourrissait de voir la patrie du socialisme s'associer à la garantie d'un ordre international dont celle du capitalisme aurait été pour longtemps le véritable leader. » (in : La Guerre froide 1917-1991, Éditions de la Martinière, 2004, p. 87)
  2. Cité par A. Fontaine, Le Monde du 5 février 1990.
  3. La conférence de Yalta débouchera sur deux textes : un communiqué disponible au public et un autre non disponible au public.
  4. H.E. Stier (dir), Grosser Atlas zur Weltgeschischte, éd. Westermann, 1985, p. 160, ISBN 978-3-14-100919-4
  5. Selon Diane S. Clemens, "Yalta Conference" World Book, éd. 2006, vol. 21. 2006, p. 549 etYalta ConferenceFunk & Wagnells New Encyclopedia, World Almanach Education Group, 2003, Philadelphie, États-Unis; Mot-clef: Yalta Conference et Pierre de Senarclens, Yalta, que sais-je ?, PUF, 1990, p. 50-52, Churchill aurait dit : « Ne nous disputons pas pour des choses qui n'en valent pas la peine » puis prit une demi-feuille de papier, griffonna ses propositions et tendit le papier à Staline, qui sortit de sa vareuse un crayon bleu de charpentier et traça un « V » pour marquer son approbation. L'idée de préétablir des zones d'influence dans les pays des Balkans et d'Europe orientale pour éviter de se créer de futurs sujets de discorde, ne tenait aucun compte de l'orientation politique des mouvements de résistance de ces pays (le groupe résistant le plus puissant de Grèce était à majorité communiste : ELAS, alors que les communistes étaient minoritaires en Hongrie, Roumanie et Bulgarie)
  6. Pierre de Senarclens, Yalta, que sais-je ?, PUF, 1990, p.50-52
  7. L'URSS, pas plus que l'Allemagne nazie, n'avait signé la Convention de Genève : selon l'estimation du United States Holocaust Memorial Museum, 3,3 millions de prisonniers soviétiques sont morts sur les 5,7 qui ont été capturés par l'Allemagne, soit un taux de mortalité de 57 %. Les neuf dixièmes des survivants, une fois délivrés des Stalags, ont fini au Goulag, soit un taux de déportation de 40 %. Voir: (en) [PDF] American Jewish Committee, Harry Schneiderman and Julius B. Maller, eds., American Jewish Year Book, Vol. 48 (1946-1947), Press of Jewish Publication Society of America, Philadelphia, 1946, page 599.

Bibliographie

La bibliographie est trop ancienne. Les références aux ouvrages d'Arthur Conte ne sont pas nécessaires. On peut cependant citer l'ouvrage dAndré Kaspi "La Seconde Guerre mondiale" ou il est également question de cette conférence.

  • La Chute de Berlin d'Antony Beevor, Antony Beevor, 2002 / De Fallois (fr.), 2002.

Voir aussi

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