- Bataille de Nantes
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La bataille de Nantes, qui a eu lieu le 29 juin 1793, est une bataille de la guerre de Vendée, un échec des Vendéens, commandés par Cathelineau, qui y a trouvé la mort, face aux Républicains commandés par Canclaux.
Cet échec devant Nantes est un moment crucial dans l'histoire de la guerre de Vendée et peut-être dans celle de la Révolution française : « Le siège de Nantes est peut-être l'événement militaire le plus important de notre révolution. Peut-être les destinées de la République étaient-elles attachées à la résistance de cette ville. » (Turreau)
Sommaire
Contexte historique
Les succès vendéens (mars-juin 1793)
Dès le début du soulèvement vendéen en mars 1793, les paysans-soldats remportent des succès impressionnants : au bout de deux mois, la rive gauche de la Loire est sous le contrôle des insurgés, à l'exception de Paimboeuf ; les Blancs ont réussi à s'emparer des villes de Bressuire, Thouars, Saumur et Angers ainsi que de Pornic et de Machecoul.
Après la victoire de Saumur le 9 juin 1793, l'élection comme généralissime de Cathelineau le 12 et la prise d'Angers sans combat, le conseil supérieur de l'Armée catholique et royale se réunit le 20 juin pour décider de la prochaine offensive. Les avis sont partagés : La Rochejaquelein et Stofflet veulent marcher sur Paris, les autres préfèrent assurer leur position à Saumur et Angers, puis investir Nantes, ou rentrer purement et simplement chez eux.
Après de vives discussions, la décision d'attaquer Nantes est entérinée.
La situation de Nantes en juin 1793
C'est une ville de 90 000 habitants, parmi lesquels un grand nombre de partisans royalistes. C'est un grand port qui ouvre pour les « Blancs » la voie vers la Bretagne et la Grande-Bretagne, permettant une éventuelle jonction avec les Chouans. Il y a aussi des munitions en abondance, ainsi que la arsenal d'Indret à quelques kilomètres en aval de la ville.
Située principalement sur la rive droite de la Loire, elle communique avec la rive sud par une ligne de ponts qui rejoint la route de La Rochelle au débouché du pont de Pirmil, dans le faubourg Saint-Jacques.
Le maire depuis décembre 1792 est René Gaston Baco de la Chapelle, une grande figure nantaise. Avocat au parlement de Bretagne, procureur du roi, porte-parole de la bourgeoisie en 1788, il a été député aux États généraux en 1789. Il se range parmi les Girondins. Le peuple l'admire et l'a surnommé « Le Roi Baco » à cause de ses discours, de sa haute taille et de son caractère violent et autoritaire.
La ville est défendue par les gardes nationaux nantais, la garnison, ainsi que des renforts récents : le détachement du général Beysser et celui du chef de l'Armée des Côtes de Brest, le général Canclaux, arrivé à Nantes le 14 juin avec un bataillon de ligne et quelques volontaires. Ce sont 12 000 hommes au maximum, mais aussi une puissante artillerie qui constituent les forces dirigées par Canclaux.
Le projet des Vendéens est connu depuis quelques jours à Nantes et de l'aide a été demandée à la Convention nationale. Pour seule réponse, le Comité de Salut Public adresse à la ville 500 000 livres en assignats et quatre compagnies d'artilleurs parisiens.
La participation de Charette
Comme c'est de Nantes que partent les expéditions dirigées contre Charette dans le pays de Retz, il semble judicieux de lui demander son concours et on lui envoie M. de Donissan. Les deux hommes se rencontrent à Vieillevigne, à quelques kilomètres au sud de Nantes, et aboutissent rapidement à un accord.
Charette doit occuper, avec ses troupes et celles de Lyrot, la rive gauche de la Loire dans les faubourgs du Pont-Rousseau et de Saint-Jacques, devant le pont de Pirmil. Ils doivent tenir les Républicains sous le feu de leur artillerie pendant que l'Armée catholique et royale venue par les routes de Rennes, Vannes et Paris envahira la ville par le nord et l'est. Cette diversion obligera l'armée républicaine à se diviser pour assurer la défense sur différents fronts. La route de Vannes sera laissée libre afin de permettre aux Nantais de fuir.
Les préliminaires (23 au 29 juin 1793)
L'ultimatum des insurgés (23 juin)
Cette négociation terminée, alors qu'ils sont encore loin de Nantes, les chefs royalistes envoient au maire et aux officiers municipaux, un projet de capitulation. Cet ultimatum ainsi rédigé et daté du 20 juin, est remis à Baco de la Chapelle le 23 :
Aussi disposés à la paix que préparés à la guerre, nous tenons d'une main le fer vengeur, et de l'autre le rameau d'olivier. ... après en avoir délibéré en notre Conseil, réuni au quartier général à Angers, nous avons arrêté à l'unanimité de vous présenter un projet de capitulation... En conséquence, nous vous invitons à délibérer et statuer que le drapeau blanc sera de suite et six heures après la réception de notre lettre, arboré sur les murs de la ville.
Que la garnison mettra bas les armes,... que toutes les caisses publiques,... seront pareillement apportées, que toutes les armes nous seront remises, que toutes les munitions de guerre et de bouche nous seront fidèlement déclarées,...
Qu'il nous sera remis pour otages les députés de la Convention Nationale...
À ces conditions, la garnison sortira de la ville... après avoir fait serment de fidélité à la religion et au roi, et la ville sera préservée de toute invasion, de tout dommage,...
En cas de refus, au contraire, la ville de Nantes, lorsqu'elle tombera en notre pouvoir, sera livrée à une exécution militaire et la garnison passée au fil de l'épée.La mise en défense de Nantes (24 au 28 juin)
Le 24 juin, Baco de la Chapelle communique l'ultimatum aux trois conventionnels présents dans la ville et il est décidé d'en assurer la défense. Pendant ce temps, n'ayant pas reçu de réponse, le commandement vendéen met en marche son armée : 40 000 hommes sortent d'Angers et se dirigent vers Nantes.
La défense de la ville s'organise. Des barricades armées de canons sont établies sur les routes de Rennes, Vannes et de Paris. Le pont de Rousseau (sur la Sèvre) est défendu par trois pièces protégées par un ouvrage de pierres. Une barricade ferme le chemin de Saint-Sébastien et une coupure est faite à l'entrée du pont de Pirmil avec un pont-levis et deux pièces pour le défendre.
Le 28 juin, Beysser fait afficher dans Nantes l'ordre suivant :
Tout citoyen nantais est et demeurera soldat tant que durera le siège...
Tout citoyen, soldat ou officier qui aura abandonné son poste pour songer à sa propre sûreté sera puni de mort.
Tout soldat citoyen, convaincu d'avoir, dans une affaire avec l'ennemi, abandonné ou jeté lâchement ses armes, sera puni de dix ans de fers.
Tout soldat trouvé endormi, en faction ou en vedette, dans les postes les plus près de l'ennemi, sera puni de mort. Il est expressément interdit à toute femme ou fille de paraître à la fenêtre dans les moments d'alarme et de troubler les citoyens par ses cris ; et si, à la troisième injonction, elle n'obéit pas, il est ordonné de faire feu sur elle.C'est seulement à ce moment que la réponse de Baco est communiquée aux chefs vendéens « Les Nantais périront ou la liberté triomphera ».
Les mouvements d'approche au sud de la Loire
Le 26 juin, Charette se met en marche à la tête de 5 000 hommes et bientôt la troupe se réunit à d'autres contingents pour former une armée de 10 000 hommes. Ils passent la journée du 27 juin à Saint-Colomban.
Le 29 juin, vers minuit, ils arrivent au hameau des Sorinières à huit kilomètres au sud de Nantes. Au carrefour des Trois Moulins, le déploiement des troupes commence. Deux heures sonnent à l'horloge de la prison du Bouffay à Nantes et, à 2 h 30 min, les pièces de Charette attaquent les premiers retranchements des Républicains, au Pont-Rousseau. Le feu nantais très bien servi cause de grands désordres dans les rangs vendéens.
Vers 4 h, Lyrot avec 5 000 hommes environ prend position au poste de Saint-Jacques. À 7 h du matin, les deux chefs vendéens n'ont toujours aucune nouvelle des autres armées et aucun bruit de canon ne se fait entendre au nord et à l'est de la Loire. Ils sont seuls et décident de ralentir le feu.
Un combat préalable au nord de la Loire : Nort-sur-Erdre
L'Armée catholique et royale a été retenue par la résistance du poste républicain de Nort, à trente-deux kilomètres de Nantes. L'officier Meuris commande les 1 000 volontaires nantais qui doivent défendre l'entrée de la ville.
L'Erdre sépare Nort en deux parties, Meuris fait couper le pont pour empêcher l'avance des vendéens et met en place les deux canons dont il dispose. Une colonne de l'armée royaliste arrive le 27 au soir et trouve le pont coupé. La fusillade commence. Le 28 au matin, la colonne est renforcée mais les Républicains résistent jusqu'au moment où la cavalerie vendéenne découvre un gué à trois kilomètres en amont. La confusion se met dans les rangs républicains qui ignoraient la présence de ce gué. Ils vont être pris à revers. Meuris qui a perdu une grande partie de ses hommes, ramène les autres vers Nantes.
Il a retardé pendant huit heures le passage de l'Erdre et sa ténacité va avoir d'importantes conséquences : elle a fait consommer environ 50 000 cartouches et manquer le rendez-vous de l'Armée catholique et royale avec Charette devant Nantes.
La bataille (29 juin 1793)
La colonne Bonchamps (route de Paris)
Quelques heures plus tard, alors que Charette et Lyrot ont ralenti le feu, Bonchamps et ses 8 000 hommes arrivent par la route de Paris, en vue du faubourg Saint-Donatien. Le combat est violent mais les Vendéens avancent et arrivent en vue de la cathédrale Saint Pierre. Bonchamps n'entend pas les canons de D'Elbée et Cathelineau. Tout comme Charette, il commence à ordonner le retrait de ses troupes vers Ancenis.
D'Elbée et Cathelineau (route de Rennes et de Vannes)
Les colonnes de D'Elbée et Cathelineau qui ont eu un chemin un peu plus long à parcourir, apparaissent enfin. Canclaux averti, ordonne aux troupes qui viennent de repousser Charette de renforcer les redoutes en se portant au devant de l'ennemi. D'Elbée mitraille de ses quatorze canons la redoute de Bel-Air sur la route de Rennes. Cathelineau par la route de Vannes s'empare du poste du Gué Moreau et avance jusqu'à la place des Agriculteurs. Ils ne sont plus qu'à quelques pas du centre de la ville. L'issue de la bataille semble favorable. C'est à ce moment que le prince de Talmont et Stofflet attaquent la route de Vannes, ne respectant pas le plan initialement prévu en conseil et obligeant les Nantais qui prenaient la fuite à retourner combattre dans Nantes.
La mort de Cathelineau et l'échec
À cet instant, un autre événement considérable se produit : Cathelineau est mortellement blessé. D'Elbée essaie d'entraîner l'armée en avant mais le découragement s'empare des Vendéens. Les troupes se dispersent.
Après une nuit calme, la canonnade recommence au Pont Rousseau, au poste Saint Jacques et sur la route de Paris. Mais très vite, les troupes font retraite, laissant la victoire aux armées républicaines.
Quelques réflexions
Les causes de l'échec des insurgés
- Poirier de Beauvais : « La plus grande faute, selon moi, c'est de n'avoir pas, dès le lendemain de notre entrée à Saumur, dirigé comme un trait la grande armée vers Nantes. Elle eût été complète, l'ennemi n'aurait appris la nouvelle de la reddition de Saumur qu'avec celle de l'arrivée des royalistes, et elle n'aurait pas eu le temps de faire des préparatifs pour la défense de la ville. »
Si sur le plan humain, le projet de capitulation formulé par les Vendéens et remis à Baco, offre des possibilités honorables, d'un point de vue militaire, il ne laisse pas six heures mais bien neuf jours à la municipalité de Nantes pour préparer sa défense. En effet, les Vendéens ont fixé l'attaque de Nantes au 29 juin et ils sont toujours à Angers lorsqu'ils adressent le 23 cet ultimatum.
De plus, le plan d'attaque prévu par les « Blancs » nécessite une organisation et exécution parfaites. Sans une synchronisation exemplaire des différentes troupes, la défense nantaise peut s'ordonner en fonction du point d'attaque et sa force n'est plus divisée comme elle aurait dû l'être. Mais comment faire accomplir par des paysans, un plan déjà difficile à réaliser par une armée de métier ?
La résistance imprévue du poste de Nort vient ensuite déstabiliser l'armée vendéenne. Meuris et ses quelques volontaires ont joué un grand rôle dans la victoire républicaine en arrêtant pendant une journée l'armée Catholique et Royale, lui faisant manquer son rendez-vous avec Charette.
Mais alors que les vendéens progressent vers le centre de la ville et que la victoire semble à leur portée, ils arrêtent le combat et reculent. Pourquoi ? Leur nouveau généralissime, Cathelineau, en qui ils ont une grande confiance, est mortellement blessé. Ils sont consternés et découragés.
Nantes doit également son triomphe à sa situation géographique : son fleuve (la Loire) et ses deux rivières (la Sèvre et l'Erdre). Au sud, Charette ne peut faire la jonction avec Lyrot, les deux armées étant séparées par la Sèvre. Ils ne peuvent unir leur force contre l'artillerie de Beysser et Boisguyon. Ils n'ont pas eu connaissance du combat de Nort et du retard de la Grande Armée car ils en étaient séparés par la Loire. Aucun messager n'a traversé le fleuve. Bonchamps a connu le même problème, séparé de l'armée de D'Elbée et Cathelineau par l'Erdre. Leur retard de quelques heures n'a pas pu lui être signifié. Bien que l'armée vendéenne a su se constituer une cavalerie et une artillerie, elle n'a pas réussi à réunir une flotte qui lui aurait été bien nécessaire.
Enfin, Nantes doit surtout sa victoire à la résistance héroïque des Nantais eux-mêmes qui déconcerte les Vendéens habitués à des succès jusqu'alors plus faciles .
Fallait-il attaquer Nantes ?
« Maîtres de cette grande ville qui leur assurait l'arrivée des convois anglais, les armées royales pouvaient sans danger manœuvrer sur les deux rives de la Loire et menacer Paris ». (Napoléon)
« S'ils prenaient le port, les Blancs investissaient la fonderie d'Indret, dont ils faisaient leur arsenal. Paimbœuf succombait à une attaque combinée par terre et par eau. Tenant le cours de la Loire jusqu'à son embouchure, ils avaient une communication ouverte avec les Anglais qui, s'ils le voulaient, leur donnaient des secours. Nantes devenait la porte d'entrée des émigrés. L'arrivée de l'un des princes français y grossissait le parti de tous les ennemis que le régime révolutionnaire faisait à la République ». (un administrateur militaire des Armées Républicaines)
Si les Vendéens avaient réussi à prendre Nantes, il est très probable qu'ils n'auraient pu s'y maintenir. Comment retenir les paysans dans Nantes alors qu'ils n'ont jamais pu confirmer la prise des autres villes et rester éloignés de chez eux plus de quelques jours ? La Bretagne et la Vendée réunies, auraient-elles su profiter de ses succès pour se diriger vers Paris ? La Grande-Bretagne hésitante, aurait-elle pris l'initiative d'entrer en contact avec les chefs royalistes après la prise de ce grand port ?
La République a-t-elle été sauvée par Nantes ?
Voir aussi
Liens internes
Liens externes
- Christine Duranteau, Royet
- Histoire de la vendée
Bibliographie
- Boutillier de Saint-André, Une famille vendéenne pendant la Grande Guerre
- Michel de Saint-Pierre, Monsieur de Charette chevalier du Roi
- Louis Marie Turreau, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de la Vendée
- Emile Gabory, Les Guerres de Vendée
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