- Guerre de Sept-Ans
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Guerre de Sept Ans
La guerre de Sept Ans (1756-1763) est un conflit majeur du XVIIIe siècle souvent comparé à la Première Guerre mondiale[1] par le fait qu’il s’est déroulé sur de nombreux théâtres d’opérations (Europe, Amérique du Nord, Inde) et se traduit par un rééquilibrage important des puissances européennes[2]. De là est né l’Empire britannique, espace dominateur mondial tout au long du XIXe siècle. Le Premier espace colonial français, espace dominateur mondial tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles disparaîtra presque entièrement à l'issue de cette guerre.
Ce conflit opposa principalement la France à la Grande-Bretagne d’une part, l’Autriche à la Prusse d’autre part. Cependant, par le jeu des alliances et des opportunismes, la plupart des pays européens et leurs colonies se sont retrouvés en guerre. Le début de la guerre est généralement daté au 29 août 1756 (attaque de la Saxe par Frédéric II) bien que l’affrontement ait débuté plus tôt dans les colonies d’Amérique du Nord avant de dégénérer en guerre ouverte en Europe.
Sommaire
Causes
Le contrôle de la Silésie
En Europe continentale, la principale zone de friction est la Silésie. C’est une province riche et peuplée dont la conquête avait été effectuée en 1742 par la Prusse aux dépens de l’Autriche lors de la guerre de succession d’Autriche. Si la toute jeune Marie-Thérèse de Habsbourg obtint bien d’être confirmée sur le trône de Vienne, avec le titre d’archiduchesse d’Autriche, de reine de Hongrie et de Bohême (son mari François de Lorraine portant le titre d’empereur allemand), en revanche Frédéric II réussit son coup de main sur la Silésie. En 1754, Marie-Thérèse ne s’est toujours pas résolue à la perte de cette province.
Les colonies d’Amérique du Nord
De leur côté, les Français s’inquiétaient depuis longtemps des visées de la Grande-Bretagne sur leur domaine colonial (Nouvelle-France, Antilles, Indes). Le conflit larvé entre la France et la Grande-Bretagne tourne autour de plusieurs points :
- La possession de l’immense territoire de l’Ohio (situé entre les grands Lacs, le golfe du Mexique, les Appalaches et le Mississippi)[3]
- La concurrence dans le lucratif commerce de peaux au détriment du respect des traités avec les différentes tribus amérindiennes
- Les Britanniques craignent de voir l’influence des catholiques grandir via les colonies françaises et la présence de missionnaires en Nouvelle-France
- La zone de pêche au large de Terre-Neuve est très poissonneuse et les droits de pêche sont contestés par les uns et les autres.
Le point le plus crucial est sans conteste le contrôle de la vallée de l’Ohio. Ce territoire est convoité par les Français, les Britanniques mais aussi les Iroquois. Les Britanniques basent leur revendication sur le traité d’Utrecht en 1713 : ce traité stipule que les Iroquois sont des sujets de la couronne britannique. Or comme l’Ohio est considéré comme une terre ancestrale iroquoise, les Britanniques s’en estiment les propriétaires légitimes. Mais concrètement cette zone est sous le contrôle des Français grâce à la présence de plusieurs forts.
Les préparatifs
Situation géopolitique
Grande-Bretagne
La Grande-Bretagne possède déjà un empire colonial très étendu, très peuplé (à l’inverse des colonies françaises) et qui rapporte beaucoup d’argent à la couronne. Depuis maintenant plusieurs siècles, la Grande-Bretagne (et son prédécesseur, l'Angleterre) ne possède plus d’armée puissante et, malgré la guerre civile anglaise au siècle précédent et la création de la New model army par Oliver Cromwell et Thomas Fairfax, l’armée britannique reste de petite taille et très orientée vers le feu. Elle est principalement utilisée pour maintenir la paix intérieure et pour la conquête et la pacification des colonies. Le point fort des Britanniques est la déjà fameuse Royal Navy. Comme Mahan l’expliqua plus tard, elle est le fondement de la puissance britannique qui permet de maîtriser le commerce maritime, de contrôler et de conquérir les colonies et, militairement parlant, de déplacer la frontière de la Grande-Bretagne sur les côtes de ses adversaires et non sur les siennes.
Cependant, le Hanovre est une épine stratégique dans le pied du gouvernement britannique : les rois de Hanovre ont accédé à la couronne britannique depuis George Ier (1714). Politiquement, les Britanniques ne peuvent donc naturellement pas l’abandonner mais, en cas de conquête du Hanovre par la France, des concessions seraient nécessaires pour le récupérer. Les Britanniques cherchent donc avant chaque conflit à trouver un allié continental pour les aider à protéger le Hanovre. Cet allié se trouve être la Prusse suivie d’une partie des États allemands.
Hors d’Europe, la principale zone de friction de la Grande-Bretagne avec la France est en Amérique du Nord. La guerre de succession d’Espagne lui a permis de prendre le contrôle d’une partie de l’Acadie, de la baie d’Hudson et de Terre-Neuve mais le conflit n’est pas réglé définitivement. En Inde, la situation est aussi conflictuelle mais les deux puissances coloniales ne possèdent que des comptoirs et, sur un théâtre d’opérations aussi éloigné, elles doivent jouer avec les très versatiles alliés indiens.
France
La France est dans une situation inconfortable autant dans ses colonies qu’en Europe. Durant la guerre de succession d’Autriche, elle n’a rien obtenu de son alliance avec la Prusse si ce n’est un statu quo, mais ses finances ont été durement éprouvées par cette guerre inutile. La paix séparée conclue par les Prussiens en 1745 et leur alliance avec les Britanniques en 1756 ont fortement contrarié la France et, encouragé par sa cour (dont la marquise de Pompadour, favorite du roi), Louis XV se résigne à un renversement d’alliance pour abandonner la Prusse et s’allier avec l’Autriche. Ce traité d’alliance, finalisé en mai 1756 et nommé traité de Versailles, vise à contrecarrer la montée en puissance de la Prusse et met fin à plusieurs siècles d’inimitié avec Vienne[4]. La situation en Amérique du Nord est aussi très tendue et inquiète le gouvernement français : l’immigration française, trop limitée, ne permet pas à la France d’assurer un contrôle réel et une défense efficace de son empire colonial. Les pertes de territoires faisant suite à la guerre de Succession d'Espagne ont sérieusement amputé les possessions françaises mais l’ambition française demeure d’étendre sa domination sur le continent américain. En Inde, les affrontements précédents ont tourné plutôt à l’avantage des Français mais les princes indiens sont prompts à changer de camp et ainsi renverser l’équilibre existant.
Prusse
La Prusse est la puissance émergente du XVIIIe siècle. Sous la houlette de Frédéric I, puis de Frédéric II, elle s’impose comme un acteur majeur en Europe centrale. Devant défendre des territoires morcelés, elle dispose de moyens humains et industriels limités, mais son armée est très performante et bien entraînée. Frédéric II est de plus un excellent stratège et tacticien. Les vues de la Prusse sur la Silésie ont été couronnées de succès lors de la guerre de succession d’Autriche où l’armée a fait des merveilles face aux troupes autrichiennes. Ce succès ne fait pas oublier à la Prusse sa position délicate et, s’étant alliée à la France à la fin de la guerre, elle se tourne désormais vers la Grande-Bretagne qui accepte bien volontiers cette alliance. Cependant, même avec les subsides britanniques, l’armée prussienne est en infériorité numérique et en position stratégique délicate face à ses adversaires.
Autriche
L’Autriche du XVIIIe siècle s'est isolée diplomatiquement. En 1713, Charles VI, empereur d’Autriche, fait adopter la Pragmatique Sanction afin de s’assurer la transmission du trône à l'ainée de ses filles à défaut d'un héritier mâle. En 1716, le fils de Charles VI meurt avant d'atteindre l'âge d'un an, et après la mort de Charles VI, le 20 octobre 1740, Marie-Thérèse hérite de la couronne impériale. Plusieurs pays, dont la France, veulent profiter de cette entorse à la tradition salienne pour contester la puissance autrichienne. La guerre de succession d’Autriche qui s’ensuit se conclut par deux traités pour l’Autriche : au traité de Breslau, elle reconnaît la perte de la Silésie au profit de la Prusse et, au traité d’Aix-la-Chapelle, elle perd les duchés de Parme, Piacenza et Guastalla. Ne pouvant se résigner à cette perte, non seulement parce que la Silésie est une province riche, mais surtout pour une question de prestige, l’Autriche veut ardemment reprendre ce territoire et, si possible, humilier la Prusse.
Russie
En Russie, la tsarine Élisabeth, après avoir conquis le pouvoir en 1741, avait confié la direction du pays au vice-chancelier Alexis Pétrovich Bestoujev-Rioumine. Celui-ci était un fervent avocat de l’alliance avec les Britanniques et les Autrichiens. Durant la guerre de succession d’Autriche, la Russie avait réussi à se sortir du conflit sans dommages mais une de ses principales inquiétudes était la montée en puissance de la Prusse qu’elle souhaitait retransformer en petit État allemand impuissant. Dans cette optique, l’alliance de la Prusse avec la Grande-Bretagne est une mauvaise nouvelle et nécessite de revoir la position diplomatique de la Russie : c’est donc tout naturellement que la Russie se range dans le camp franco-autrichien entraînant avec elle la Suède.
La spirale de la guerre
En comparaison avec le rapport de forces antérieur, l’année 1756 voit un changement complet d’alliances en Europe : la Grande-Bretagne et la Prusse s’allient contre la France, l’Autriche et la Russie. Une fois ce jeu de chaises musicales diplomatiques terminé, les protagonistes se mettent immédiatement en ordre de bataille pour finir ce qui a été laissé en chantier en 1748 : la possession de la Silésie pour l’Autriche et la rivalité nord-américaine pour la France et la Grande-Bretagne.
En ce qui concerne l’Amérique du Nord, le conflit larvé est déjà commencé depuis 1743 et ne demande pas beaucoup pour éclater totalement. Plusieurs heurts autour des forts Oswego et Carillon poussent la Grande-Bretagne à réagir en mettant en place un blocus ‘non-officiel’ (puisque sans déclaration de guerre) sur les colonies d’Amérique du Nord. En réaction, la France décide de s’en prendre à la base navale de Minorque et de menacer le Hanovre. La Prusse, sentant la tension monter, et sachant par ses espions que l’Autriche et la Russie mobilisent leurs armées, décide de prendre les devants et attaque la Saxe. La guerre de Sept ans a officiellement commencé.
Le théâtre d’opération européen
La guerre en Europe se déroule sur deux fronts assez distincts : l’Europe centrale d’un côté avec la Silésie comme théâtre et l’Europe occidentale avec l’affrontement naval franco-britannique et la bataille pour le Hanovre.
Les succès prussiens et français de 1756
En Europe centrale, Frédéric II est en position d’infériorité mais peut compter sur une armée formidable. Son idée maîtresse est de profiter de sa position centrale pour défaire les trois alliés de manière distincte et sur un terrain de son choix. La Saxe représente une première cible de choix parmi les alliés de l’Autriche : c’est un pays riche mais avec une armée faible. Une fois la décision prise, l’armée prussienne fond sur l’armée saxonne et la défait à la bataille de Lobositz le 1er octobre : la Saxe tombe sous la coupe de la Prusse sans coup férir mais en plus de temps que prévu : il n’y aura pas d’autres offensives pour cette année puisque l’hiver arrive.
Pendant ce temps, la France prend l’offensive en Méditerranée en visant la possession britannique de Minorque (où se trouve la grande base navale de Port-Mahon). Un corps expéditionnaire français débarque et assiège la ville. L’amiral Byng est envoyé en renfort mais il se fait battre par le marquis de La Galissonnière le 20 mai. Byng est exécuté pour cette défaite et Minorque tombe aux mains des Français. Au nord, l’armée française, sous les ordres de Soubise, se prépare à avancer vers le Hanovre et vers la Silésie.
1757 : Frédéric II de Prusse à son apogée
Frédéric, une fois la défaite de la Saxe consommée, se tourne vers la Bohême et part à l’assaut de Prague, défendue par l’armée autrichienne commandée par le maréchal Brown et Charles de Lorraine. L’affrontement est sanglant mais les Prussiens s’imposent et assiègent Prague (6 mai). Avec son principal corps d’armée assiégé dans Prague, l’Autriche est en difficulté mais le maréchal Daun rassemble une nouvelle armée et marche vers Prague. Frédéric va à leur rencontre mais, profitant d’une position avantageuse, les Autrichiens défont les Prussiens à la bataille de Kolin le 18 juin, obligeant Frédéric à lever le siège et à battre en retraite en Silésie. La Prusse se retrouve alors dans une position délicate avec l’armée autrichienne qui avance sur elle du Sud depuis la Bohême et l’armée française arrivant de l’Ouest. L’armée russe s’impose en outre à la bataille de Gross-Jägersdorf mais ne profite pas de son avantage pour envahir la Prusse orientale.
Frédéric II décide alors de concentrer ses forces et d’attaquer ses ennemis un par un. Il se tourne d’abord vers les Français et les défait sévèrement à la bataille de Rossbach le 5 novembre. Ensuite, il regroupe son armée et repart vers l’est où il écrase l’armée autrichienne à la bataille de Leuthen, le 5 décembre.
L’offensive française vers le Hanovre, dorénavant dirigée par le maréchal d’Estrées à la tête d’une armée coalisée de 100 000 hommes, progresse bien face aux Britanno-hanovriens. La supériorité numérique française finit par s’imposer à la Bataille de Hastenbeck le 26 juillet, et le Hanovre capitule.
En réaction, et dans le but de détourner l’armée française du Hanovre, William Pitt l’Ancien organise la stratégie britannique sur le continent autour de « descents », des expéditions navales avec débarquement de troupes et raids en territoires alliés (cette stratégie n’est pas sans rappeler celle, beaucoup plus réussie, des Anglais au début de la guerre de Cent Ans). La première de ces expéditions est organisée à l’automne et vise Rochefort, le grand arsenal français. Le 8 septembre, John Mordaunt et Edward Hawke quittent la Grande-Bretagne et, le 23 septembre, prennent l’île d’Aix, mais Rochefort est imprenable et l’expédition retourne bredouille le 1er octobre.1758 : enlisement de la situation
Après la victoire de Leuthen, Frédéric descend vers le sud à la poursuite de l’armée autrichienne mais ne parvient pas à se débarrasser définitivement de cet adversaire. Or, pendant ce temps, les armées russes et suédoises passent à l’attaque. Frédéric est obligé de revenir sur son sol pour y faire face. Son offensive contre l’armée russe culmine à la bataille de Zorndorf le 25 août. Cette bataille sanglante ne donne la victoire à aucun des camps mais permet à Frédéric d’empêcher la jonction des Russes et des Autrichiens. Contre les Suédois, Frédéric connaît un sort moins heureux en ne parvenant pas à prendre le dessus à la bataille de Tornow, le 25 septembre. La situation de Frédéric passe alors de dangereuse à catastrophique : le 14 octobre, à la bataille de Hochkirch, Frédéric est battu nettement par les Autrichiens.
Après Rossbach, l’armée française subit un deuxième choc. En effet, la Grande-Bretagne refuse de ratifier la capitulation du Hanovre et décide de poursuivre le combat. Une nouvelle armée se forme donc sous les ordres de Ferdinand de Brunswick-Lüneburg (sans aucune troupe britannique : des mercenaires sont stipendiés par Londres) et, en six semaines, l’armée française est repoussée du Hanovre. Le coup est dur et montre l’incapacité de l’armée française, en supériorité numérique, à s’imposer contre un ennemi plus mobile et plus décidé.
En parallèle, l’armée britannique se livre à une deuxième attaque ; elle débarque dans la baie de Cancale le 5 juin et progresse vers Saint-Malo. L’arrivée d’une armée de secours française empêche les Britanniques de prendre la ville et ils ne peuvent que brûler les bateaux du port. L’armée britannique réembarque et rentre en Grande-Bretagne après avoir caressé brièvement l’idée de débarquer à Cherbourg (le mauvais temps a contrarié ses plans). Nullement découragé par ses deux précédents échecs, Pitt organise une troisième expédition en direction de Cherbourg. Soutenue par un bombardement naval, l’armée britannique débarque et capture Cherbourg. Après avoir pillé la ville, l’armée britannique reprend la mer et débarque à nouveau le 3 septembre près de Saint-Malo pour essayer de prendre la ville. C’est un nouvel échec. Le mauvais temps force la flotte à chercher un port plus abrité à Saint-Cast ; l’armée doit la rejoindre à pied. L’intervention de l’armée française menace un temps l’expédition mais le sacrifice de l’arrière-garde sous les ordres du général Dury permet à l’armée britannique de rembarquer.
1759 : la France et la Prusse en difficultés
L’année 1759 est terrible pour la Prusse qui voit les défaites s’accumuler et son territoire envahi de toutes parts : à la bataille de Paltzig, le 23 juillet, Von Wedel est défait par les Russes ; à la bataille de Kunersdorf, le 12 août, Frédéric est aussi battu par les Russes ; à la bataille de Maxen, le 21 novembre, la totalité du corps du général Von Finck se rend aux Autrichiens. La Prusse est au bord de l’effondrement et Frédéric II envisage le suicide. Néanmoins, une mauvaise entente entre les généraux russes et autrichiens les empêche de clore définitivement la guerre, tandis que Frédéric résiste toujours.
Malgré la défaite de l’année précédente, l’armée française reprend l’offensive contre le Hanovre. Début juin, une armée de 80 000 hommes aux ordres de Contades et Broglie pénètre en Hanovre. L’armée de Ferdinand de Brunswick-Lüneburg ne comptant que 35 000 hommes, celui-ci cherche avant tout à esquiver l’armée française tout en menaçant ses lignes de communication. Pourtant, début juillet, Broglie parvient à prendre la ville de Minden, important centre de ravitaillement, et ainsi fournit à l’armée française un point d’appui pour reconquérir le Hanovre. Ferdinand se doit de réagir. Il rassemble alors son armée et attaque Minden le 1er août. La bataille se solde par une défaite française. En parallèle, après la défaite de Kunersdorf, Ferdinand doit envoyer des renforts pour aider Frédéric et se voit dans l’impossibilité de poursuivre offensivement la campagne contre les Français.
Durant cette même période, un plan est élaboré par les Français pour tenter d’envahir la Grande-Bretagne. À cette fin, une armée est rassemblée à l’embouchure de la Loire et les flottes de Brest et Toulon doivent assurer la maîtrise des mers. Malheureusement pour les Français, la flotte de Toulon est battue par la flotte britannique de Boscawen à la bataille de Lagos (19 août) et, à la bataille de Quiberon (20 novembre), l’amiral Edward Hawke défait la flotte de Brest.
De 1760 à 1762 : le miracle de la Maison de Brandebourg
Après une année 1759 catastrophique, la Prusse continue donc à résister. La défaite de Landshut (23 juin), la prise de Marbourg et de la Poméranie ainsi que la perte de Glatz en Silésie sont maigrement compensées par les deux victoires de Liegnitz (15 août) et Torgau (3 novembre). Les armées russes et autrichiennes ont même brièvement occupé Berlin le 9 octobre.
À l’ouest, le scénario de l’année précédente se répète : l’armée française, supérieure en nombre, lance l’offensive mais se voit déjouée par la mobilité des alliés et l’année s’achève sans avancée notable.En 1761, étant donné la situation stratégique et l’épuisement de son armée (qui s'est réduite à 100 000 hommes), Frédéric II est contraint de passer à une stratégie purement défensive : c’en est fini des victoires de Rossbach, Leuthen ou même Liegnitz où l’armée prussienne avait su montrer ses formidables capacités manœuvrières. Dans cette optique, il fortifie la position de Schweidnitz avec une force importante. Mais, profitant d’un allégement des défenses, les Autrichiens parviennent à prendre cette place.
1762 devait être l’année de l’effondrement pour la Prusse : Frédéric II ne possède plus que 60 000 hommes sous ses ordres et la Grande-Bretagne menace d’arrêter son financement. Mais, le 5 janvier, la tsarine Élisabeth meurt. C’est un véritable miracle pour Frédéric II car le successeur de la tsarine, Pierre III de Russie, est prussophile : il signe immédiatement un traité de paix et laisse l’Autriche isolée. Revigorée par ce retournement de fortune inespérée, l’armée prussienne repousse l’armée autrichienne de Silésie après la bataille de Freiberg (29 octobre). Pour la Prusse, exsangue, c’est un dénouement inespéré de la guerre.
Le théâtre d’opération américain
Au Canada cette partie du conflit porte le nom de Guerre de la Conquête alors qu'aux États-Unis on l'appelle French and Indian War.
En 1754, la France possédait un vaste empire en forme de croissant qui s’étendait de la région du Canada et des Grands Lacs jusqu’aux rives du golfe du Mexique. Elle avait réussi à s’allier avec de nombreuses et puissantes tribus algonquines, hurones et montagnaises qui l'aidèrent dans son établissement, avec l'exception notable des Iroquois qui demeurèrent la plupart du temps fidèles à leurs alliés britanniques.
Un chapelet de fortins et de postes réunissait le Canada aux possessions du sud enclavant les treize colonies britanniques de la côte atlantique. Les possessions britanniques se trouvaient donc isolées à l’est des Appalaches et les colons américains ne pouvaient pas progresser vers l’ouest.
La partie nord-américaine du conflit opposa la Grande-Bretagne et ses colonies d’Amérique aux Français et à leurs alliés indiens. Pour les Américains, elle ne s’appelle d’ailleurs pas « guerre de Sept Ans » mais French and Indian war, indiquant bien qu’elle concerne aussi les Indiens, même si c’est avant tout un conflit entre puissances coloniales européennes.
Dans les Caraïbes, les Français possèdent un certain nombre d’îles qui sont d’une grande importance économique car elles fournissent beaucoup de sucre, d’épices et de vanille ; les Britanniques possèdent aussi des îles, mais la principale puissance (déclinante) de la région est l’Espagne.Le début du conflit en Amérique du Nord en 1754 et 1755
Les premières escarmouches du conflit ont lieu dans la région de l’actuel emplacement de Pittsburgh. Les Virginiens, sous les ordres d’un jeune planteur, George Washington, y élèvent tout d’abord un fort, le fort Prince George. Les Français les en délogent et bâtissent à la place Fort Duquesne. Les tentatives britanniques pour reprendre le fort seront des échecs. En réaction, la Grande-Bretagne décide d’envoyer deux régiments en renforts ainsi que 10 000£ et 2000 mousquets pour lever des troupes coloniales.
En parallèle, du 19 juin au 10 juillet 1754, à Albany, les représentants des colonies britanniques se réunissent pour discuter d’une alliance avec les tribus indiennes mais aussi décider de l’organisation des colonies. Un traité de non-agression sera conclu avec les tribus iroquoises mais sans grand effet dans le conflit qui va suivre.L’année 1755 voit les escarmouches entre les Français et les Britanniques se multiplier. La principale zone d’affrontement est, comme prévu, la vallée de l’Ohio, revendiquée par les deux protagonistes. La principale action est l’attaque du fort Niagara par les Britanniques qui se solde par un échec.
Dans la région de Fort Duquesne, un affrontement oppose 2000 soldats britanniques (dont 450 colons) à 900 français et indiens. Combattant avec des tactiques « à l’européenne » (ordre serré, colonne de bataille…), les Britanniques sont vaincus par les Français qui utilisent des méthodes locales proches de la guérilla (ordre dispersé, tir et repli).Pendant ce temps-là, en Nouvelle-Écosse, territoire britannique depuis le traité d’Utrecht en 1713, le gouverneur Charles Lawrence veut régler le problème des Acadiens, colons d’origine française et donc suspects à ses yeux en cas de conflit avec la France. Il décide alors d’obliger les Acadiens à se soumettre à la couronne ce qui implique de pouvoir servir dans l’armée britannique. Après leur refus, les Acadiens furent déportés par l’armée britannique, se réfugièrent au Québec pour certains, et en France pour d'autres. Mais la grande partie fut disséminée de force dans les différentes colonies britanniques de l’époque. Une majorité de leurs descendants allèrent par la suite s’installer sur les terres de Louisiane pour donner naissance à la communauté des cadiens. Cet épisode particulièrement tragique de l’histoire américaine porte le nom du Grand Dérangement. L’affrontement prend de l’ampleur aussi au niveau maritime entre la marine française qui veut protéger l’accès à la Nouvelle-France et ravitailler ses colons et la Royal Navy britannique qui veut instaurer un blocus.
Les succès français de 1756 et 1757
Dans l’escalade en cours, les deux camps décident de nommer un commandant en chef en prévision de l’affrontement à venir : pour les Britanniques, c'est le général John Campbell, comte de Loudon, et pour les Français Louis-Joseph de Montcalm. Le 18 mai, la Grande-Bretagne déclare formellement la guerre à la France à la suite de l’attaque prussienne contre la Saxe : c’est le début officiel de la guerre de sept ans. Alors que la France se concentre avant tout sur sa stratégie européenne, la Grande-Bretagne veut profiter de ce conflit pour régler définitivement le conflit nord-américain et affirmer sa mainmise sur tout le continent, de la baie d’Hudson jusqu’aux Antilles.
Dès son arrivée, Montcalm réalise que son premier souci est de conserver la communication entre le Canada, centre névralgique de la Nouvelle-France et l’Ohio, objet du conflit territorial. Or cette communication est menacée par la présence du fort britannique d’Oswego, sur la rive du lac Ontario. Rapidement menée avant que les Britanniques ne puissent s’organiser, l’expédition sur Oswego est un succès et le fort est complètement rasé[5].Article détaillé : Bataille de Fort Oswego.En 1757, les renforts britanniques commencent à affluer avec l’instruction de partir à l’offensive avec comme objectif stratégique la prise de la forteresse de Louisbourg. Cette forteresse, située à l’embouchure du Saint-Laurent, commande aussi bien l’accès au Québec que les zones de pêches très riches au large de la côte. Loudon dirige alors son armée vers Halifax en Nouvelle-Écosse et attend là l’intervention de la marine. Mais la flotte britannique ayant pris du retard, trois escadres françaises se regroupent à Louisbourg et bloquent l’intervention de la marine. L’armée britannique hésite et, la saison avançant, ne peut plus espérer mener une campagne : Loudon décide alors de retraiter vers New York.
Pendant ce temps-la, Montcalm, profitant de l’immobilisation de l’armée britannique dans sa campagne vers Louisbourg, continue de renforcer la frontière franco-britannique au niveau des Grands Lacs. Après Fort Oswego, il attaqua le fort William-Henry à la pointe sud du lac Champlain. La résistance du colonel Munro fut héroïque, mais, sans espoir de renfort, la place fut prise et brûlée.
L’année 1757 se finit encore à l’avantage des Français. William Pitt l'Ancien, premier ministre britannique, décide alors de nommer James Wolfe comme commandant des forces britanniques.Le renversement britannique de 1758
Les renforts continuent d’arriver côté britannique et la Navy parvient à mettre en place un blocus efficace qui interdit tout renfort côté français. L’offensive britannique s’effectue selon trois axes :
En juillet, le général Abercromby, nouveau général en chef des armées britanniques, se met en marche avec une armée de 7 000 réguliers et 9 000 coloniaux en direction du lac Champlain avec la ferme intention de s’en prendre à Fort Carillon. Montcalm fait alors converger sa petite armée de 3000 hommes vers le fort pour les arrêter. La bataille de fort Carillon voit les troupes britanniques avancer en ordre serré vers les troupes françaises qui les déciment par leur feu. Cette bataille se solde par une nette victoire française et l’avance britannique dans cette direction est stoppée.
Néanmoins, les dirigeants britanniques, conscients de leur supériorité numérique et de la longueur de la frontière, ont lancé en parallèle une offensive vers l’Ohio et une autre vers Louisbourg. Le 27 août, ne disposant que de 100 hommes de garnison face aux 2000 hommes du capitaine Bradstreet, Fort Frontenac est pris. C’est un coup dur car ce fort est un centre de ravitaillement important des Français dans cette zone. Fin octobre, les Britanniques s’en prennent au Fort Duquesne et le prennent facilement (il sera renommé Fort Pitt, actuelle Pittsburgh).Sur la côte atlantique, une action combinée de l’armée et de la marine permet aux Britanniques de débarquer une armée de 14 600 soldats au sud de Louisbourg. Après une campagne de six semaines, la garnison de Louisbourg se rend aux Britanniques le 26 juillet.
L’année se termine donc nettement en faveur des Britanniques : s’ils n’ont pas progressé dans leur conquête du Canada, ils ont néanmoins pris possession de la frontière et surtout complètement isolé la Nouvelle-France avec la prise de Louisbourg. Ils disposent donc de toutes les cartes en main pour se lancer à l’assaut l’année suivante.
La prise de Québec en 1759
Les offensives britanniques se multiplient pour ‘nettoyer’ les zones abandonnées par les Français : tous les forts de la vallée de l’Ohio sont pris, Fort Carillon tombe et le lac George devient une base britannique en prévision des futures offensives sur le Canada. Dans la foulée, le lac Champlain est conquis mais la saison est trop avancée pour pousser encore plus vers le Nord et vers Montréal.
Le long du Saint-Laurent, après la prise de Louisbourg, les Britanniques disposent d’une base d’attaque formidable et ne vont pas tarder à l’utiliser. Le 21 juin, la flotte britannique arrive en vue de Québec avec une armée imposante. Le siège commence le 12 juillet mais la forteresse est solidement défendue par 15 000 hommes et résiste farouchement. Dans la nuit du 12 au 13 septembre, les Britanniques réussissent à débarquer une armée dans une zone non défendue et forcent Montcalm à livrer bataille. Lors de la bataille des plaines d'Abraham, James Wolfe, le commandant britannique, est tué, mais les forces françaises sont battues et Montcalm est mortellement blessé. La garnison de Québec se rend aux britanniques le 18 septembre. L’armée française n’est pas encore anéantie mais tout espoir de victoire a disparu.
La même année, une expédition britannique prend possession de l’île de la Guadeloupe dans les Caraïbes.La prise de Montréal en 1760
L’hiver a été rude pour la garnison britannique de Québec et une offensive française, menée par Levis fait reprendre brièvement espoir au camp français après la victoire de Sainte-Foy (aux portes de Québec) le 29 avril. Mais l’offensive britannique en direction de Montréal et l’arrivée de la flotte britannique le long du Saint-Laurent forcent les Français à se retirer. L’offensive sur Montréal n’est qu’une formalité pour les Britanniques et la ville tombe le 8 septembre, sonnant le glas de la présence française en Amérique du Nord. S'ensuit la prise du Fort Pontchartrain du Détroit (Détroit) encore aux mains des Français.
Les attaques britanniques dans les Caraïbes en 1761 et 1762
Après la défaite totale des Français en Amérique du Nord, l’attention des Britanniques se porte désormais sur les Caraïbes. La conquête de la Guadeloupe en 1759 leur donne une base d’attaque solide. Le fait nouveau dans cette région est l’entrée en guerre au côté de la France de l’Espagne. Si, à elles deux, ces deux puissances eussent pu rivaliser avec la Grande-Bretagne aussi bien sur mer que sur terre au début de la guerre, la France ne dispose plus de forces terrestre ou navales suffisantes. L’offensive britannique est rondement menée et prend l’île de la Dominique tout en préparant une grande offensive pour l’année 1762.
Remontant les Caraïbes, la flotte britannique prend possession de la Martinique et de nombreuses îles françaises pour arriver en vue de La Havane le 6 juin. Le siège est mis sur l’une des plus grandes villes espagnoles du Nouveau Monde qui capitule le 10 août. L’ensemble des Caraïbes est maintenant entre les mains britanniques avec des pertes plus dues à la maladie qu’aux combats. Profitant de ces offensives en Amérique centrale, la France tente de reprendre possession de certaines parties du Canada en vue des négociations de paix, mais cette expédition ne débouche sur rien si ce n’est la défaite de Signal Hill à Terre-Neuve le 15 septembre 1762 et les Britanniques restent maîtres du continent.
Affrontements périphériques
Inde
En Inde, l’affrontement entre Britanniques et Français s'effectue à travers leurs deux monopoles d’État : la Compagnie française des Indes orientales et la British East India Company. Leur puissance est avant tout économique et elles ne possèdent que quelques comptoirs le long de la côté est de l’Inde. Les hostilités éclatent dès 1756 alors que les deux camps se préparent à une guerre imminente. L’un des puissants princes indiens, le Nawab Siraj-ud-daula, intime l’ordre aux Français et aux Britanniques d'arrêter leurs préparatifs sinon il considérera la situation comme un casus belli. Si les Français cèdent, les Britanniques poursuivent. En conséquence, les armées de Siraj-ud-daula attaquent et prennent possession de tous les comptoirs britanniques du Bengale, y compris Calcutta. En réponse, les Britanniques montent une expédition à partir de Madras qui leur permet de reprendre possession de leurs comptoirs et de faire plier le Nawab. Dans la foulée, l’armée britannique prend le comptoir de Chandernagor aux Français le 23 mars 1757. Le Nawab cherche alors à se rapprocher des Français en vue de chasser les Britanniques. La victoire britannique de Plassey sur les troupes franco-indiennes et la trahison de l’oncle de Siraj-ud-daula, Mir Jafar, défont les alliances et permettent aux Britanniques de s’assurer le contrôle du nord-est de l’Inde.
En 1758, le conflit se porte alors dans le Sud-Est de l’Inde autour des comptoirs de Madras et Pondichéry. La campagne est dirigée par les Français pour prendre Madras.
Après une série de victoires mineures, l’armée française et ses alliés locaux mettent le siège à Madras en décembre mais, avec l’arrivée de renforts britanniques par la mer, le siège est levé en février 1759. Profitant de renforts en provenance d’Europe, le nouveau général en chef britannique, le colonel Eyre Coote, reprend un certain nombre de possessions autour de Madras. La bataille décisive aura lieu au Fort Wandiwash : le 22 janvier 1760, l’armée britannique y défait les troupes françaises. Poussant son avantage tout au long de l’année, Coote parvient à assiéger et prendre Pondichéry le 15 janvier 1761.
Pacifique
Avec l’entrée en guerre de l’Espagne en 1762, les Britanniques décident de mener une attaque contre les Philippines, possessions espagnoles. Utilisant des troupes indiennes, les forces britanniques débarquent aux Philippines sans opposition et mettent le siège à Manille le 25 septembre 1762. Le 6 octobre, une brèche est faite dans les murs et la ville est conquise ainsi que toutes les Philippines dans la foulée.
La paix et ses conséquences
Les traités de paix
Après des premiers pourparlers de paix en 1761, interrompus par l’entrée en guerre de l’Espagne aux côtés de la France, il faut attendre 1762 et l’épuisement militaire et économique des protagonistes pour voir de vraies négociations s’engager.
La paix sera signée en deux fois. Le premier traité, le traité de Paris, concerne la Grande-Bretagne, la France et l’Espagne. Il est signé le 10 février 1763 et la Grande-Bretagne, étant en position de force, obtient d’énormes gains :
- En Amérique du Nord : la Grande-Bretagne se voit accorder le Canada et toutes les îles au large sauf Saint-Pierre-et-Miquelon qui reste aux Français, ainsi que tous les territoires à l’est du Mississippi[6].
- En Amérique centrale : la France ne peut récupérer que la Martinique, la Guadeloupe, la Marie-Galante et la Sainte-Lucie. Toutes ses autres îles deviennent britanniques. Cuba et les Philippines sont rendus aux espagnols en échange de la Floride et de l’évacuation du Portugal en Europe.
- En Inde : seul le comptoir de Pondichéry est rendu aux Français mais avec interdiction de le fortifier ou d’y stationner une armée (donnant de facto le contrôle de l’Inde aux Britanniques).
- En Europe : Belle-Île, occupée par les Britanniques est rendu aux Français en échange de Minorque. La France accepte d’évacuer tous les territoires appartenant au roi de Grande-Bretagne et ses alliés.
- En Afrique : Gorée est rendue aux Français en échange du Sénégal.
Les Autrichiens et les Prussiens signent de leur côté le traité de Hubertusburg le 15 février de la même année. Ce traité valide les frontières de 1756 et l’évacuation de la Silésie par l’Autriche en échange de l’abandon par la Prusse de la Saxe.
Conséquences
Diplomatiques
D’un point de vue diplomatique, la Grande-Bretagne s’impose comme la grande puissance mondiale dominante. Non seulement son territoire national n’a jamais été inquiété, mais sa flotte et son armée coloniale lui permettent de contrôler maintenant toute l’Amérique du Nord, l’Inde et surtout de dominer toutes les mers du globe. Autre vainqueur du conflit, la Prusse est passée tout près du désastre mais a survécu et, mieux, a acquis un prestige important : ce prestige lui permet de s’imposer comme un acteur majeur de l’équilibre politique des États allemands.
Du côté des perdants, la France sort du conflit extrêmement affaiblie. En Amérique du Nord son influence est perdue au profit de la Grande-Bretagne, dominante : c'est en partie pour prendre une revanche que la France, quinze ans plus tard, soutient les colons américains dans leur guerre d’indépendance[7]. L’Autriche est aussi perdante mais dans une moindre mesure. Son armée s’est battue plus vaillamment que les Prussiens ne s’y attendaient, et seule la perte définitive de la Silésie est un coup dur. Elle a néanmoins compris que la Prusse ne pourrait pas être abattue et se tourne par la suite vers l’empire ottoman pour s’agrandir, tout en consacrant de l’énergie à de nécessaires réformes structurelles. Au bilan, Russie et Espagne n’ont pas été très affectées par le conflit.
Militaires
Militairement, la Prusse sort grandie de ce conflit, s’étant imposée avec sa petite armée contre des armées bien plus nombreuses et réputées meilleures. La méthode prussienne influence alors très fortement les autres pays européens qui cherchent à la copier, oubliant les nombreuses défaites prussiennes. Mais cette réputation finit par être trompeuse: le niveau de l’armée prussienne se dégrade jusqu’à l’humiliation que lui inflige Napoléon lors de la campagne de Prusse en 1806.
Les armées britanniques ont prouvé leur grande adaptabilité, surtout dans les colonies, où elles ont su passer d’une stratégie européenne (ordre linéaire, attaque en formation) à une stratégie locale, qui passe par l'appui des populations (Indiens et colons). Ce sont donc ces mêmes capacités d’adaptation qui feront défaut aux Britanniques pendant la révolution américaine.
L’armée et la marine françaises sortent affaiblies de cette guerre. En effet, la marine est décimée et si l'armée a pu tenir le front en Europe, elle a subi plusieurs défaites graves en supériorité numérique et n'a pu défendre efficacement les colonies (en infériorité numérique). La réforme de l'armée est difficile, quoique certaines améliorations anticipent déjà l’armée napoléonienne (réorganisation de l’artillerie par Gribeauval, organisation de l’armée en divisions pseudo-autonomes, utilisation plus importante des tirailleurs). La marine est aussi réformée, mais plus efficacement comme en témoigne son efficacité lors de la guerre d’indépendance américaine où elle bat son homologue britannique pour imposer un blocus aux troupes britanniques en Amérique.
Les armées autrichienne et russe n’ont pas réussi à vaincre l’armée prussienne mais leur performance fut très honorable à tous les niveaux et aucune réforme de fond ne sera entreprise.
Économiques
D’un point de vue économique, le bilan est catastrophique pour tous les pays, principalement pour la France et la Grande-Bretagne. La guerre totale et mondiale que se sont livrées les deux puissances a coûté extrêmement cher et a fait grimper de façon vertigineuse leur dette[8].
La Grande-Bretagne, se sortant victorieuse du conflit, a profité de ses colonies pour essayer de rembourser au mieux ses dettes (passées de 75 millions de livres en 1754 à 133 en 1763[9]) par des taxes nombreuses et une bureaucratie plus efficace. Ces augmentations (comme le Stamp Act sur les timbres ou le Tea Act sur le commerce du thé) seront l’une des étincelles déclenchant la guerre d’indépendance américaine. La France de son côté, décida de ne pas augmenter les taxes mais de financer sa dette par des emprunts. Or, avec une dette passée de 1,36 milliard de livres en 1753 à 2,35 milliards en 1764 et des revenus en nette diminution suite à la perte des colonies, les taux d’intérêts grimpent en flèche et les caisses n’arrivent pas à se remplir.
Du côté de la France, de nouvelles levées de taxes par le gouvernement pour régler l'endettement et reconstruire une marine furent très impopulaires et sont possiblement l'une des causes de futurs chambardements qui mèneront à la Révolution française.
La Prusse a aussi beaucoup souffert économiquement de ce conflit. En plus de devoir maintenir une armée énorme pour ses ressources en population, le conflit en Europe centrale s’est principalement déroulé sur ses propres terres. Tous les moyens furent bons pour la Prusse : augmentation des taxes, pillage en règle des finances de la Saxe et aide financière britannique. L’Autriche a connu les mêmes problèmes de finance et les effectifs de son armée ont été réduits volontairement pour diminuer les dépenses militaires.
Humaines
Humainement enfin, le conflit fut destructeur. Les nombreuses campagnes menées en Europe centrale ont beaucoup touché les civils (pillage, famines, taxes supplémentaires). Beaucoup d’armées en campagne n’avaient pas assez de ravitaillement, voire des problèmes de paye et ne se privaient pas de piller les territoires traversés. On note entre autres le manque de scrupule des armées françaises dans les États allemands (alors que ce sont des États alliés qui fournissent le financement à la France pour cette campagne).
En outre, les pertes militaires furent graves de tous les côtés ; de nombreuses batailles sanglantes ne donnant victorieux aucun des camps. Les améliorations techniques et organisationnelles apportées aux armes à feu n’ont pas encore été contrecarrées par l’audace et la manœuvrabilité apportées plus tard par Napoléon et ses maréchaux. Les méthodes britanniques en Amérique du Nord furent parfois extrêmes allant du cruel (ravager les campagnes de la Nouvelle-France juste avant l’hiver) au pur et simple "nettoyage ethnique" pratiqué à l’encontre des Acadiens (déportation). Même sur le théâtre secondaire de l’Inde, les exactions sur la population furent courantes, les soldats n’étant pas souvent payés.
Tableaux récapitulatif des batailles
Théâtre européen
Théâtre américain
Théâtre des Indes orientales
Nom Date Protagonistes Résultat Bataille de Plassey 23 juin 1757 Grande-Bretagne / France Victoire britannique décisive Bataille de Gondelour 29 avril 1758 Grande-Bretagne / France Victoire navale britannique Bataille de Negapatam 3 août 1758 Grande-Bretagne / France Bataille navale indécise Bataille de Pondichéry 10 septembre 1759 Grande-Bretagne / France Bataille navale indécise Bataille de Wandiwash 22 janvier 1760 Grande-Bretagne / France Victoire britannique décisive Bataille de Manille 24 septembre 1762 Grande-Bretagne / Espagne Victoire britannique décisive Notes
- ↑ Winston Churchill en parlera en ses termes dans War and British Society 1688-1815 de HV Bowen en 1998 publié chez Cambridge University Press (ISBN 0-521-57645-8) page 7
- ↑ Vision mondiale du conflit sur le site du musée de la guerre canadien
- ↑ La guerre dite de Sept Ans, précédée dès 1754 de graves incidents dans la vallée de l’Ohio où les troupes britanniques attaquèrent, sans déclaration de guerre, les postes français, ne pouvait être que désastreuse. sur le site du ministère de la culture
- ↑ Voir la célébration du traité de Versailles et le renversement des alliances sur le site du ministère de la culture
- ↑ sur le site du gouvernement canadien ici
- ↑ Perte des colonies par les Français sur le site du ministère des cultures
- ↑ Voir l’article La France dans la guerre d’indépendance américaine
- ↑ Henri Léonard Jean Baptiste Bertin alors ministre des Finances de Louis XV avant même la fin de la guerre se demandait comment réduire la dette de l’État
- ↑ La dette atteint même 146 : British governmental debt climbed to about £146,000,000 by the end of the Seven Years’ War d’après History Cooperative
Voir aussi
Liens externes
- Marianopolis College Library : Nombreuses pages en français sur les événements, les batailles et les personnages de la guerre de Sept Ans au Canada
- SALIC : Présentation synthétique de la campagne en Amérique du Nord
- The French and Indian War : plus d’informations sur le conflit en Amérique du Nord, France/Grande-Bretagne.
- La bataille des plaines d’Abraham (exposition virtuelle)
- Commission des champs de bataille nationaux. Les plaines d'Abraham. Québec, Canada.
- Les pertes
Bibliographie
- Jean-Claude Besida, La Guerre de Sept Ans, revue Vae Victis, n° 65, novembre-décembre 2005.
- (en) David G. Chandler, Atlas of Military Strategy - The Art, Theory and Practice of War 1618-1878, Arms and Armour, 1996 (ISBN 1-85409-493-9)
- (en) Daniel Marston, The Seven years’ war, Osprey Publishing, 2001 (ISBN 1-84176-191-5)
- Gustave Lanctot, Perspective économiques et militaires de la guerre de Sept Ans au Canada, dans Culture, Vol. II, No 1 (mars 1941), p. 29-40 (extrait sur le site Marianopolis)
- Histoire d'Angleterre depuis 1760 jusqu'à la fin du règne de Georges III - par Smollett et Adolphéus - 1821 [1]
- Jonathan R. Dull, La Guerre de Sept Ans, éd. Les Perséides, 2009, 536 p. (ISBN 978-2915596366)
- Paul Kennedy (trad. M.-A. Cochez, J.-L. Lebrave), Naissance et déclin des grandes puissances [« The Rise and Fall of the Great Powers »], Payot, coll. « Petite bibl. Payot », 1988 (réimpr. 1989, 1991) (ISBN 2-228-88401-4)
- André de Visme, Terre-Neuve 1762 : Dernier combat aux portes de la Nouvelle-France, Montréal, 2005. (ISBN 2-9808847-0-7)
- Gilles Perrault, Trilogie Le Secret du Roi, L’ombre de la Bastille, La Revanche américaine (1996), Livre de Poche
- Ce conflit sert de cadre au roman Le Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper et à la bande dessinée Oumpah-Pah de René Goscinny.
- Autres lectures
- Besida, Jean-Claude, Les ennemis de Frédéric (Art de la guerre), revue Vae Victis no.64, sept.-oct. 2005
- Larose, Benoit & Olivier, Luc, La Guerre de Sept Ans en Amérique (Art de la guerre), revue Vae Victis no.43, mars-avril 2002
- MacLeod, D. Peter, Les Iroquois et la Guerre de Sept Ans, VLB Éditeur, 2000, ISBN 2-89005-713-5
- Saint-Martin, Gérard, Québec 1759-1760! Les Plaines d'Abraham: L'adieu à la Nouvelle-France?, Édition Économica, 2007, ISBN 978-2-7178-5350-6
- Jeux de guerre
- Batailles pour la Nouvelle-France, par Luc Olivier & Benoit Larose, revue Vae Victis no.44, mai 2002
- La Guerre de Sept Ans: 1756-1763, par Jean-Claude Bésida, revue Vae Victis no.65, nov.-déc. 2005
Filmographie
- Le dernier des Mohicans, par Michael Mann, Twentieth Century Fox, 1992 ASIN B00005OSRM
- Entre l'amour et le devoir, vf de Trenck - Zwei Herzen gegen die Krone, par Gernot Roll, produit par Bavaria Film GmbH, 2002.
- Fanfan La Tulipe, par Gérard Krawczyk, Fox Pathé Europe, 2003, ASIN B0000CGESI
- Nouvelle-France, par Jean Beaudin, Studio 7, 2006, ASIN B000EOVWGM
- Barry Lyndon, par Stanley Kubrick
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