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Bataille des Cardinaux
La bataille des Cardinaux est une bataille navale ayant opposé les flottes française et britannique qui eut lieu lors de la guerre de Sept Ans, le 20 novembre 1759, dans la baie de Quiberon. La flotte française fut détruite, offrant à la Royal Navy l'une de ses plus grandes victoires.
Sommaire
Contexte
La guerre de Sept Ans est à son plus fort en août 1759, et les marines britanniques et françaises sont à égalité, la première ayant remporté sur la seconde une victoire à Gibraltar, la seconde ayant battu la première à Saint-Cast. Quatre petits rochers à l'ouest de Hoëdic, les rochers des Cardinaux, donnent leur nom à une bataille navale.
Aussi, à l'amirauté germe l'idée d'un coup décisif : une invasion des îles Britanniques ; et donne pour ce faire instructions à l'escadre de Brest d'aller chercher des troupes basées dans le Morbihan. Vingt et un vaisseaux, trois frégates et deux corvettes dotés de 1 500 canons pour embarquer l'infanterie, soit au total environ 14 000 hommes, placés sous les ordres de l'amiral de Conflans, âgé de 70 ans. Les navires sont rassemblés dans le golfe du Morbihan, prêts à transporter le corps expéditionnaire qui doit débarquer en Écosse.
Situation
Au large du Croisic.
Pour appareiller, le convoi attend l'escadre de Brest. Les Britanniques sont bien renseignés sur les défenses et les engagements de forces français, aussi alignent-ils trente-quatre vaisseaux, ainsi que dix frégates et corvettes armés de plus de 2 000 canons et comptent sur une supériorité numérique d'environ 3 500 hommes.
Les îles sont bien pourvues en hommes et équipements : Belle-Île, Houat, Hoëdic, l'île Dumet fortifiée par le vainqueur de Saint-Cast, le duc d'Aiguillon. L'amiral de Conflans pense qu'il faut amener l'ennemi, dirigé par l'amiral Hawkes, en baie de Quiberon, où il espère compenser son infériorité numérique par une subtile manœuvre : les placer entre la côte rocheuse très dangereuse (et ses batteries terrestres) et la flotte française.
Mais on ne commande pas aux éléments, et dans l'après-midi du 20 novembre, le vent est très frais et il n'y a plus guère de visibilité (les ordres se transmettaient par pavillons de couleur). L'amiral ne parvient pas à organiser correctement son convoi et le combat s'engage trop tôt, entre le Four, l'île Dumet et les Cardinaux.
Le combat
La position en ligne très prisée à l'époque (jusqu'à Trafalgar) et demandée par le commandant ne peut pas être respectée très longtemps, surtout que le vent a changé et qu'il faut virer sous peine d'être bloqué à la côte, et ceci en laissant suffisamment d'espace entre chaque navire pour la manœuvre.
Le Tonnant manque à virer, et coule. Le Britannique, au vent, s'infiltre et engage le combat.
Le Thésée, vaisseau de 74 canons, vire précipitamment. Il coule près de l'embouchure de la Vilaine, les sabords de sa batterie basse étant restés ouverts avec 630 de ses hommes dont Guy François, comte de Kersaint et deux de ses fils Jacques Guy François et Guy François.
Pendant et après la bataille, les Britanniques et les Français sauvent les adversaires naufragés, et ils soignent ceux qu'ils peuvent.
Le Formidable est capturé et ses hommes faits prisonniers, le Superbe (70 canons) est coulé, le Soleil Royal (navire amiral, 80 canons, 2 500 tx) se réfugie près de la côte, et au matin se trouve relativement esseulé (il n'y a plus que le Héros qui l'attend).
Sept vaisseaux, trois frégates et une corvette, après s'être allégés en passant leur artillerie par-dessus bord, se sont enfuis vers la Vilaine…
Le Héros s'est laissé dériver pour protéger son navire amiral et n'est plus qu'une épave.
L'amiral de Conflans se retrouve donc seul devant l'escadre de Hawke, et préfère se saborder plutôt que de se rendre à l'ennemi. Il incendie son vaisseau, passe lui aussi ses superbes canons par-dessus bord.
Suites
Le gouverneur du Croisic, le marquis de Broc, fait donner ses batteries pendant plusieurs jours, et les Britanniques ne peuvent emmener, plusieurs semaines après, que la figure de proue du vaisseau amiral : une statue de Louis XV.
Les bateaux réfugiés en Vilaine restent presque deux ans, bien gardés par une marine britannique toujours présente ; parmi eux, l'Inflexible ne peut pas être relevé d'une vasière près d'Arzal, après rupture de ses amarres. L'amiral, lui, peste contre les terrestres. Les bouches à feu primitives étaient construite à partir de barres de fer réunies par forgeage, puis cerclées ; elles tiraient des boulets de pierre sphériques. Au XVe siècle, les volées de canon furent coulés d'une seule pièce, au siècle suivant, ils furent coulés en bronze, puis l'âme fut creusée après la coulée. Ils se chargeaient par la bouche pour garder une plus grande résistance. On utilisa des boulets de fer. Grâce à des poudres de meilleure qualité, leur portée fut agrandie. Le largage des canons français à cette bataille des Cardinaux, serait dû à l'existence d'un nouveau type d'engin à allumage par silex (et non par boute-feu) : il ne fallait pas qu'ils passent à l'ennemi. En ce temps là, avec une cadence de tir d'environ 10 à 15 coups à l'heure, les canons ne résistaient pas longtemps, et devaient être refondus régulièrement. Ceux de certains vaisseaux étaient décorés, gravés comme si cette ornementation avait une valeur guerrière. Aujourd'hui un canon du Soleil Royal est visible au Croisic, un second venant de l'Inflexible, est visible à La Roche-Bernard (face à la maison du canon), un troisième dans cette même cité et visible sur le site du rocher, provient du vaisseau le Juste. Quant aux rochers des Cardinaux, ils sont aujourd'hui flanqués d'un phare du même nom qui remplace celui Hoëdic. Une tourelle éponyme est implantée sur les lieux du naufrage du Soleil Royal.
En commentaire, on peut réfléchir au terme « vaisseaux de ligne ». Souvent les batailles voyaient un affrontement de lignes de vaisseaux, à coup de canons. Et les Britanniques étaient non seulement mieux équipés, mais aussi beaucoup plus entraînés que les Français. Il faut attendre la bataille de Trafalgar pour que Nelson prouve l'inefficacité de ce dispositif, en s'infiltrant lui aussi entre les rangs des bateaux de l'amiral de Villeneuve avec le résultat que l'on sait. La suprématie du bateau le plus manœuvrant devient évidente, elle était d'ailleurs bien connue des corsaires qui n'hésitaient pas, avec des petits gabarits, à entrer en chasse de bateaux beaucoup plus lourds et plus armés.
Conséquences
Les Britanniques ont perdu 300 à 400 hommes, les Français 2 500.
On peut aussi sourire quant aux négociations qui sont menées par le duc d'Aiguillon et l'amiral Hawke pour des échanges de prisonniers. Après beaucoup de politesses et d'envois de présents, elles commencent à l'initiative des Britanniques, et leur délégation aborde à Pénerf du 23 à fin novembre (le navire amiral mouillant à un mille au large) pour la restitution des prisonniers du Formidable, entre autres, dont 114 blessés entrent aux hôpitaux de Vannes avant la fin du mois.
Le canon tonna encore dans l'embouchure de la Vilaine pour protéger les réfugiés, et au Croisic jusqu'à mi-décembre, ponctuant les aléas politiques de ces tractations…
Les flottes en présence
Les vaisseaux français
Nom Rang Commandement Canons Hommes Commentaires Soleil Royal Vaisseau de ligne Cap. B. de Chézac 80 950 Sous la marque de Conflans – brûlé Orient Vaisseau de ligne Cap. N. de la Filière 80 750 Marque du chevalier de Guébriant Budes – réfugié à Rochefort Formidable Vaisseau de ligne Cap. St André 80 800 Marque de Saint André du Vergé – pris Tonnant Vaisseau de ligne Cap. St Victoret 80 800 Marque du chevalier de Bauffremont – réfugié à Rochefort Magnifique Vaisseau de ligne Bigot de Morogues 74 650 Réfugié à Rochefort Intrépide Vaisseau de ligne Chastologer 74 650 Réfugié à Rochefort Héros Vaisseau de ligne Vicomte de Sanzay 74 650 Brûlé Thésée Vaisseau de ligne Coëtnempren de Kersaint 74 650 Coulé Robuste Vaisseau de ligne Fragnier de Vienne 74 650 Réfugié en Vilaine Glorieux Vaisseau de ligne Villars de la Brosse 74 650 Réfugié en Vilaine Dauphin Royal Vaisseau de ligne Chevalier d'Uturbie Fragosse 70 630 Réfugié à Rochefort Northumberland Vaisseau de ligne Belingant de Kerbabut 70 630 Réfugié à Rochefort Juste Vaisseau de ligne François de Saint Allouarn 70 630 Échoué en Loire sur le banc de sable du Verd Superbe Vaisseau de ligne Montalais 70 630 Pris Dragon Vaisseau de ligne Vassor de la Touche 64 450 Réfugié en Vilaine Eveillé Vaisseau de ligne Prévalais de la Roche 64 450 Réfugié en Vilaine Brillant Vaisseau de ligne Keremar Boischateau 64 450 Réfugié en Vilaine Bizarre Vaisseau de ligne Prince de Montbazon 64 450 Réfugié à Rochefort Solitaire Vaisseau de ligne Vicomte de Langle 64 450 Réfugié à Rochefort Vengeance Vaisseau de ligne Sphinx Vaisseau de ligne Goyon 64 Inflexible Vaisseau de ligne Tancrede 64 Perdu en entrant en Vilaine Hébé Fregate 40 300 Rentre à Brest Vestale Fregate Réfugié en Vilaine Aigrette Fregate Réfugié en Vilaine Calypso Corvette Réfugié en Vilaine Prince Noir Corvette Réfugié en Vilaine Les vaisseaux britanniques
The HMS. Royal George Hawkes flag-ship at Quiberon Bay Gravure sur une réplique d'une dent de baleine
Nom Commandement canons hommes Commentaires Royal George Captain Campbell 100 880 portant la marque de Edward Hawke Union Captain J. Evans 90 770 Sous la marque de Sir Charles Hardy Duke Cap. St André 80 800 Marque de Saint André du Vergé – pris Namur M. Buckle 90 780 Resolution H. Speke 74 600 Échoué au Four Hero G. Edgecombe 74 600 Warspite Sir John Bentley 74 600 Hercules W. Forterscue 74 600 Torbay Augustus Keppel 70 520 Magnanime Lord Viscount Howe 70 520 Mars Commodore J. Young 70 520 Swiftsure Sir Thomas Stanhope 70 520 Dorsetshire P. Denis 70 520 Burford G. Gambier 70 520 Chichester W. S. Willet 70 520 Temple Hon. W. Shirley 70 520 Essex Lucius O'Brien 64 480 Échoué au Four Revenge J. Storr 64 480 Montague Joseph Rowley 60 400 Kingston Thomas Shirley 60 400 Intrepid J. Maspleden 60 400 Dunkirk R. Digby 60 420 Defiance P. Raird 60 420 « Le 20 novembre 1759 eût lieu le combat entre la flotte française, composée de 21 vaisseaux de ligne et 5 frégates, et la flotte anglaise, composée de 45 vaisseaux de ligne. La première était commandée par le maréchal de Conflans, vice-amiral de France, la seconde par l'amiral Howe [...] un de nos vaisseaux le Formidable a été pris par les Anglais ; deux autres ont été brûlés, le Héros par les Anglais, et le Soleil royal par ordre de M. de Conflans ; et cela après qu'ils ont été échoués sur la côte du Croizic. Deux autres ont coulé à fond, grâce à la quantité d'eau qui est entrée par les sabords de la batterie basse, et desquels il ne s'est sauvé personne. Un autre vaisseau est allé se perdre dans la rivière de Loire, après avoir été criblé de coups de canon, et duquel il ne s'est sauvé qu'environ 150 hommes". D'autres vaisseaux se sont réfugié dans la Vilaine : le Glorieux ; le Robuste ; le Brillant ; l'Eveillé ; le Sphinx ; le Dragon ; le Bizarre ; l'Inflexible, ainsi que les frégates la Vestale ; l'Aigrette ; le Calypso ; le Prince Noir »[1].
Notes et références
- ↑ Bataille navale de Conflans, extrait d'un mémoire de M. l'abbé Piéderrière (1857) [d'après un manuscrit trouvé dans la sacristie de Marzan). Société archéologique du Morbihan, 1857, page 37, deux pages.disponible sur Gallica
Voir aussi
Bibliographie
- Le Moing Guy, La bataille des Cardinaux, 20 novembre 1759, Economica, Paris , 2003, ISBN 2717845038.
- P de La Condamine, Le combat des cardinaux, Réédition Alizés - L'Esprit Large, 2004, ISBN 2911835034.
Liens externes
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