- Lemme de Schur
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En mathématiques et plus précisément en algèbre linéaire, le lemme de Schur est un lemme technique utilisé particulièrement dans la théorie de la représentation des groupes.
Il a été démontré en 1907 par Issai Schur dans le cadre de ses travaux sur la théorie des représentations d'un groupe fini[1],
Ce lemme est à la base de l'analyse d'un caractère d'une représentation d'un groupe fini. il permet, par exemple de caractériser les groupes abéliens finis.
Sommaire
Contexte
Motivation
Le lemme de Schur représente l'un des fondements de la théorie des représentations d'un groupe fini et de l'analyse de l'algèbre des modules semi-simples. Une représentation d'un groupe est la donnée d'un morphisme d'un groupe G dans l'ensemble des automorphismes d'un espace vectoriel. Cette approche initiée par Ferdinand Georg Frobenius dans un article[2] de 1896 s'avère fructueuse. Trois ans plus tard, Heinrich Maschke (de) démontre[3] que toute représentation est somme directe de représentations irréductibles.
Le lemme de Schur est un lemme technique essentiel pour la démonstration d'un résultat majeur : non seulement les représentations irréductibles s'identifient par leur caractère, mais en plus les caractères de ces représentations sont toutes orthogonales entre elles. Cette approche apporte des résultats majeurs pour la théorie des groupes finis. Elle a finalement permis la classification des groupes simples, mais aussi la démonstration de résultats comme une conjecture de William Burnside (1852-1927) stipulant que tout groupe fini d'ordre impair est résoluble. Ce résultat est à l'origine de la Médaille Fields de Thompson en 1970.
Si ce lemme est aussi utilisé dans d'autres contextes, celui de la représentation est néanmoins le plus important.
Représentations d'un groupe fini
Article détaillé : Représentation de groupe.Rappelons la définition d'une représentation et fixons les notations pour le reste de l'article. G désigne ici un groupe fini d'ordre g. Son élément neutre est noté 1, et si s et t sont deux éléments de G la loi de composition interne du groupe sur s et t est noté st. E désigne un espace vectoriel sur un corps commutatif noté K.
Une représentation (E, ρ) du groupe G est la donnée d'un espace vectoriel E de dimension finie notée n et d'un morphisme de groupes ρ de G vers le groupe linéaire GL(E).
Théorème de Maschke
Article détaillé : Théorème de Maschke.-
- Une représentation (V, ρ) est dite irréductible si les sous-espaces V et {0} sont distincts et sont les deux seuls sous-espaces stables.
La classification des représentations est une conséquence du théorème suivant connu sous le nom de théorème de Maschke:
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- Si la caractéristique de K ne divise pas l'ordre de G, alors toute représentation de G est somme directe de représentations irréductibles.
Connaître toutes les représentations d'un groupe fini revient donc à connaître ses représentation irréductibles, les autres s'obtiennent par somme directe.
Dans le cadre du lemme de Schur une définition plus légère suffit :
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- Soit U une partie de L(E), l'ensemble des endomorphismes de E. U est dit irréductible s'il n'existe aucun sous-espace non trivial stable par tout élément de U.
Lemme
Soient E et F deux K espaces vectoriels et Φ une application linéaire non nulle de E dans F.
- S'il existe une partie irréductible U de L(E) telle que
alors Φ est injective. - S'il existe une partie irréductible V de L(F) telle que
alors est surjective.
Démonstration- Si Φ n'est pas injective, son noyau N est non nul (et non égal à E puisque Φ est non nulle). On a alors :
Il en résulte que u(N) est inclus dans N, ce qui est contradictoire avec l'hypothèse d'irréductibilité de U. - Les propriétés suivantes sont vérifiées :
L'image de Φ est donc stable par tous les éléments de V. Il en résulte par irréductibilité de V (et le fait que Φ est non nulle) que l'image de Φ est égale à F.
Corollaires
Corollaire 1
Soient E un espace vectoriel de dimension finie sur un corps K algébriquement clos et U une partie irréductible de L(E). Si un endomorphisme Φ de E commute avec tout élément de U, alors Φ est une homothétie.
DémonstrationSi Id désigne l'application identité, on a :
On en déduit par application du lemme de Schur que Φ - λ.Id est un automorphisme ou est nulle. Soit λ* une valeur propre de Φ, alors Φ - λ*.Id est l'application nulle, ce qui démontre le corollaire.
Dans le cas de la représentation d'un groupe d'exposant fini e, alors tout automorphisme de l'image possède pour polynôme annulateur Xe - 1. En conséquence, si ce polynôme est scindé sur K, le corollaire s'applique encore.
Corollaire 2
Toute représentation irréductible d'un groupe abélien dans un espace de dimension finie sur un corps algébriquement clos est de degré 1.
En effet, soient (V,ρ) une telle représentation et D une droite de V. Quel que soit l'élément s du groupe, ρs commute avec tous les endomorphismes de la représentation. D'après le corollaire 1, ρs est une homothétie. Ainsi, D est invariante donc égale à V.
Cas des groupes finis
Corollaire 3
Soient (E, ρ1) et (F, ρ2) deux représentations de G irréductibles sur un corps K dont la caractéristique ne divise pas l'ordre g du groupe et sur lequel le polynôme Xg-1 est scindé, et ψ une application linéaire de E dans F, on définit l'application linéaire φ de E dans F par :
- Si les représentations ne sont pas isomorphes, alors φ est nulle.
- Si les représentations sont (non seulement isomorphes mais) égales, alors φ est une homothétie de rapport (1/n).Tr(ψ).
DémonstrationVérifions dans un premier temps que φ vérifie la propriété suivante :
Remarquons tout d'abord que l'application de G dans G qui à s associe ts est une permutation de G, si t est un élément de G. On en déduit que :
- Comme les représentations ne sont pas isomorphes φ ne peut être à la fois injective et surjective. Le lemme de Schur montre que, comme φ n'est pas un automorphisme, φ est l'application nulle.
- Si (E, ρ1)=(F, ρ2), les hypothèses du corollaire 1 sont vérifiées ce qui montre que φ est une homothétie. Dans ce cas, les deux représentations sont identiques et l'expression définissant φ est la moyenne de g applications toutes semblables à ψ et donc ayant la même trace que ψ. Les traces de φ et ψ sont donc égales. En notant λ le rapport de l'homothétie φ on a donc : nλ=Tr(φ)=Tr(ψ). En appliquant tout ceci à un ψ arbitraire de trace 1, on trouve de plus que n est inversible dans K.
- Remarque.
Si la caractéristique p de K est non nulle, la preuve de ce corollaire met en évidence que le nombre premier p ne divise pas n. Comme on a supposé que p ne divise pas g, ceci n'est pas surprenant quand on sait que le degré n d'une représentation irréductible divise toujours l'ordre g du groupe.[réf. souhaitée]
Corollaire 4
C'est un quatrième corollaire qui est utilisé dans la théorie des caractères. Il correspond à la traduction en termes de matrices du corollaire précédent. Utilisons les notations suivantes : soient A et B deux représentations matricielles d'un groupe fini G d'ordre g sur un même corps K dont la caractéristique ne divise pas g et sur lequel le polynôme Xg - 1 soit scindé. Les dimensions respectives de E et F sont notées n et m. L'image d'un élément s de G par A (resp. B) est noté aij(s) (resp. bij(s))
On a alors, sous les hypothèses du corollaire précédent :
- Si les représentations A et B ne sont pas isomorphes, alors :
- En notant δij le symbole de Kronecker, on a :
Démonstration- Si C une matrice de dimension mxn de coefficients (cjk), la traduction du point 1 du corollaire précédent montre que :
Cette égalité est vraie pour toute matrice C, donc pour toute valeur de cjk, ce qui démontre le point 1. - Avec les mêmes notations (maintenant B=A et m=n), on obtient d'après le point 2 du corollaire précédent :
On en déduit : et le point 2 est démontré.
Applications
Caractère
Article détaillé : Caractère d'une représentation d'un groupe fini.C'est la première application historique du lemme. On suppose ici que K est le corps ℂ des nombres complexes et on munit ℂG (l'espace vectoriel – de dimension g – des applications de G dans ℂ) du produit hermitien < | > suivant :
(Si z désigne un nombre complexe, z désigne ici son conjugué.)
Les caractères irréductibles d'un groupe fini G forment famille orthonormale de ℂG.
DémonstrationC'est une conséquence directe du corollaire 4. L'article associé démontre que la trace de ρ(s-1) est égale au conjugué de la trace de ρ(s), pour tout élément s de G. En utilisant les notations du paragraphe précédent, on obtient :
Si les deux représentations ne sont pas isomorphes, alors le point 1 du corollaire permet de conclure à l'orthogonalité.
D'après le point 2 on obtient :
ce qui démontre la proposition.
Ce résultat est un des fondements de la théorie des caractères.
Groupe abélien fini
Article détaillé : Théorème de Kronecker.D'autres applications existent. Le lemme de Schur permet de démonter directement que tout groupe abélien fini est un produit de cycles. La démonstration se fonde essentiellement sur l'algèbre linéaire.
Ce résultat se démontre aussi directement (cf article détaillé), ou par l'analyse des caractères.
Notes et références
Notes
- (de) I. Schur, « Untersuchungen über die Darstellung der endlichen Gruppen durch gebrochenen linearen Substitutionen », dans J. Reine. Angew. Math., vol. 132, 1907, p. 85-137 [texte intégral]
- (de) Von G. Frobenius, « Über Gruppencharaktere », dans Sitzungsber. K. Pr. Akad. Wiss. Berlin, 1896 [texte intégral]
- (de) H. Maschke, « Beweiss des Satzes, dass diejenigen endlichen linearen Substitutionsgruppen… », dans Mathematische Annalen, vol. 52, 1899, p. 363-368 [texte intégral]
Références
- Jean-Pierre Serre, Représentations linéaires des groupes finis [détail des éditions]
- (en) Marshall Hall, Jr. (en), The theory of groups [détail des éditions]
- Serge Lang, Algèbre [détail des éditions]
- N. Bourbaki, Éléments de mathématique, Algèbre, chap. VIII
- Pierre Colmez, Eléments d'analyse et d'algèbre (et de théorie des nombres), Éditions de l'École polytechnique
Lien externe
Cours de représentation des groupes finis par Michel Broué de l'université de Paris VII
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