- Theoreme de Maschke
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Théorème de Maschke
En mathématiques et plus précisément en algèbre, le théorème de Maschke est un des théorèmes fondamentaux de la théorie de la représentation des groupes.
Ce théorème permet, si la caractéristique du corps est soit nulle soit première avec l'ordre du groupe, d'établir une décomposition de la représentation en facteurs irréductibles. Elle admet des généralisations pour l'étude des G-modules, des algèbres de groupes et des groupes de Lie.
Ce théorème doit son nom au mathématicien Heinrich Maschke (1853 1908).
Sommaire
Énoncés des théorèmes
Le cas le plus simple est celui de la représentation d'un groupe fini :
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- Soit (V, ρ) une représentation d'un groupe G d'ordre fini sur un corps K de caractéristique nulle ou première avec l'ordre de G, alors V est somme directe de sous-espaces irréductibles.
En terme matriciel, cela signifie qu'il existe une unique décomposition optimale, en somme de sous-espaces vectoriels, de l'espace vectoriel V, telle que tous les automorphismes de la représentation s'écrivent sous forme diagonale par blocs suivant cette décomposition ; l'optimalité étant choisie dans le sens qu'aucune décomposition plus fine ne conserverait la propriété d'écriture diagonale par blocs des automorphismes considérés.
Cette définition est équivalente à la donnée d'un G-module :
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- Soit V un G-module sur un groupe G d'ordre fini sur un corps K de caractéristique nulle ou première avec l'ordre de G, alors V est semi-simple.
Ce théorème possède une expression analogue en termes d'algèbre d'un groupe fini :
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- Si K est un corps de caractéristique nulle ou première avec l'ordre de G un groupe fini, alors l'algèbre de groupe K[G] est semi-simple.
Ce théorème possède une généralisation. Si le groupe est topologique, il peut parfois être muni d'une mesure compatible avec la loi du groupe et appelée mesure de Haar. C'est le cas par exemple des groupes compacts. Les conséquences du théorème sont alors encore vérifiées.
DémonstrationsUn lemme est utile pour établir le résultat :
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- Si W est un sous-espace vectoriel stable de la représentation, alors il existe un sous-espace supplémentaire de W stable pour la représentation.
En effet, notons Wq un supplémentaire quelconque de W et p le projecteur sur W parallèlement à Wq. Considérons alors l'application linéaire ps définie par :
Où g désigne l'ordre du groupe G.
Montrons que ps est un projecteur. La restriction de ps à W est égale à l'identité, car la restriction de p à W est égale à l'identité et que ρt laisse W stable. De plus, l'image de ps est égale à W.
Montrons que, si Ws est le noyau de ps, alors il est stable par la représentation. Remarquons tous d'abord que si u est un élément du groupe, l'application de G dans G, qui à t associe ut est une permutation. En conséquence :
Soit k un élément du noyau, montrons alors que ρu(k) est aussi élément du noyau.
Ws est un supplémentaire de W car c'est le noyau d'un projecteur sur W et il est stable par la représentation, le lemme est donc démontré.
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- Soit (V, ρ) une représentation d'un groupe G d'ordre fini sur un corps K de caractéristique nulle ou première avec l'ordre de G, alors V est somme directe de sous-espaces irréductibles.
- Si n est égal à un, alors il n'existe aucun sous-espace vectoriel stable non trivial, donc le théorème est manifestement vérifié.
- Supposons le théorème vrai pour toute dimension strictement inférieure à n. Si la représentation est irréductible, alors le théorème est vérifié. Dans le cas contraire il existe un sous-espace stable W de dimension strictement inférieur à n. Le lemme garantit l'existence d'un supplémentaire Ws stable, aussi de dimension strictement inférieur à n. Par hypothèse de récurrence, W et Ws sont sommes directes de sous-espaces stables par la représentation. Le fait que W et Ws soient des supplémentaires permet de conclure. Cette démonstration s'applique de la même manière aux G-modules.
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- Si K est un corps de caractéristique nulle ou première avec l'ordre de G un groupe fini, alors l'algèbre de groupe K[G] est semi-simple.
L'objectif est maintenant de montrer que le noyau de ps est un idéal bilatère. La théorie des anneaux permet de conclure, c'est un idéal nommé idéal annulateur. Démontrons le dans ce contexte. Soit a un élément de l'idéal annulateur et k un élément quelconque de K[G]. L'objectif est de montrer que ps(ak) = ps (ka) = 0. Il suffit de remarque de ps commutent avec tous les éléments de K[G] car il commute sur une base.
Ce qui termine la démonstration
Histoire
Le théorème voit le jour dans le contexte du développement de la théorie des représentations d'un groupe fini. Le mois d'avril 1896 voit dans trois réponses[1] épistolaires de Frobenius (1849 - 1917) à Richard Dedekind (1831 1916) la naissance de cette théorie. L'auteur comprend immédiatement qu'il est à l'origine d'une vaste théorie. Le 16 juillet, il publie un premier article[2]. On peut y lire je développerais ici le concept (de caractère pour un groupe fini quelconque) avec la croyance que, à travers cette introduction, la théorie des groupes sera substantiellement enrichie.
L'école de mathématiques de l'Université de Chicago étudie aussi ce sujet, avec un accent particulier sur les corps finis, un de ses membres, Heinrich Maschke (1853 1908), élève de Felix Klein (1849 1925) travaille sur le cas des caractères du groupe symétrique. En 1898, il démontre un cas particulier de ce qui deviendra son théorème[3]. Il trouve la preuve générale[4] l'année suivante et elle est publiée dans les Annales mathématiques que dirige Klein. Un mathématicien allemand Alfred Loewy énonce, sans preuve, un résultat analogue au théorème en 1896.
En 1907 à Édimbourg Joseph Wedderburn (1882 - 1948) publie son article[5] peut-être le plus célèbre, classifiant toutes les algèbres semi-simples, la formulation du théorème s'en trouve modifiée.
Applications
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- Ce théorème simplifie la théorie des représentations d'un groupe fini ou des K-algèbre d'un groupe fini. En effet, il suffit de se limiter aux représentations irréductibles. Les autres se déduisent directement par somme directe.
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- Il démontre qu'une représentation correspond à une structure d'algèbre semi-simple. Cette remarque permet d'étudier une représentation sous un autre angle, celui des algèbres de groupe.
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- Ce théorème permet de démontrer simplement que tout groupe abélien d'ordre fini est un produit de cycles. Le Lemme de Schur prouve que les seules représentations irréductibles sont de degré un. Il suffit alors de considérer la représentation régulière qui possède pour base le groupe lui-même sur le corps des complexes et d'appliquer le théorème de Maschke pour conclure. Une démonstration complète est donnée dans l'article Diagonalisation.
Exemple le groupe symétrique d'indice trois
Article détaillé : Représentations du groupe symétrique d'indice trois.Soit (V, ρ) la représentation régulière du groupe S3 du groupe symétrique d'un ensemble de trois éléments. Le groupe S3 contient six éléments et trois classes de conjugaison, la première ne contient que l'identité noté 1, la deuxième les transpositions t1 = (23), t2 = (13) et t3 = (12) et la troisième les deux cycles d'ordre trois c1 = (123) et c2 = (132). Si V est l'espace vectoriel de la représentation régulière, alors (1, c1, c2, t1, t2, t3) est la base canonique de la représentation, à l'ordre près.
On remarque l'existence de deux vecteurs propres pour toutes les images de ρ :
Toute permutation laisse f1 invariant, toute permutation paire laisse f2 invariant et toute permutation impaire transforme f2 en -f2.
Tout sous-espace vectoriel stable possède un supplémentaire stable, le théorème de Maschke indique une méthode pour le trouver. Soit F l'espace vectoriel engendré par f1 et f2 et p le projecteur sur F parallèlement à l'espace engendré par c1, c2, t1, t2, alors le projecteur p0 défini par l'égalité suivante possède un noyau stable par toutes les images de ρ.
Dans la base canonique, on obtient les matrices P et Ps des deux projecteurs :
Notons G le noyau de p0 si j désigne la racine cubique de l'unité, alors on obtient la base suivante de G
Considérons alors la représentation (G, φ) où φ est la restriction de ρ à G. Si Gx est la matrice de φx dans la base (gi) pour x élément de S3, on obtient :
On peut vérifier ensuite que les sous-espaces H1=<g1+g4,g2+g3> et H2=<g1-g4,g2-g3> sont des sous-espaces stables, supplémentaires dans G. La décomposition en sous-espaces irréductibles prédite par le théorème de Maschke est alors :
Notes et références
Notes
- ↑ T. Hawkins The origins of the theory of group characters Archive Hist. Exact Science 8 p143-287 1971
- ↑ Ferdinand Georg Frobenius Uber Gruppencharaktere Sitzungsber. Preuss. Akad. Wiss. Berlin 1896
- ↑ Heinrich Maschke Über den arithmetischen Charakter der Coefficienten der Substitutionen endlicher linearer Substitutionsgruppen 1898
- ↑ Heinrich Maschke Beweiss des Satzes, dass diejenigen endlichen linearen Substitutionesgruppen, in welchen einige durchgehends verschwindende Coefficienten auftenen intransitiv sind 1899
- ↑ Joseph Wedderburn On hypercomplex numbers London Mathematical Society 1907
Liens externes
- (en) Références historiques Par le site de l'université de St Andew
- (fr) Cours de représentation des groupes finis par M. Broué de l'université de Paris VII
- (fr) Représentation linéaire des groupes finis, une introduction par D. Ferrand de l'université de Renne
Références
- Jean-Pierre Serre, Représentations linéaires des groupes finis [détail des éditions]
- (en) Marshall Hall, The theory of groups [détail des éditions]
- Serge Lang, Algèbre, Dunod, 2004, 926 p. (ISBN 2100079808)[détail des éditions]
- N. Bourbaki Algèbre, Chapitre VIII Paris, Hermann 1958
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