Representations du groupe des quaternions

Representations du groupe des quaternions

Représentations du groupe des quaternions

En mathématiques les représentations du groupe des quaternions sont un exemple d'application de la théorie des représentations d'un groupe fini. Il illustre le théorème d'Artin-Wedderburn et met en évidence un corps gauche (id non commutatif) contenant celui des nombres réels.

Sur le corps des nombres complexes, il existe cinq représentations irréductibles que les caractères mettent rapidement en évidence.

Sur le corps des nombres réels, il existe aussi cinq représentations irréductibles dont l'une possède une propriété spécifique aux algèbres semi-simples. Les morphismes de la sous-algèbre simple associée forment un corps gauche contenant celui des réels. La configuration classique du lemme de Schur où les endomorphismes commutant avec une représentation irréductible se limitent aux homothéties n'est pas vérifiée ici.

Cette propriété, permettant de construire des corps gauches, à l'aide d'une algèbre associative est l'une des méthodes fondamentales de la théorie des corps. Le terme anciennement utilisé était nombre hypercomplexe.

Sommaire

Analyse du groupe des quaternions

Définition et propriétés du groupe

Article détaillé : groupe de quaternions.

Il existe de nombreuses manières de définir le groupe des quaternions. Celle utilisée ici est la définition abstraite, à partir de deux générateurs. Le groupe est noté Q8, il est noté multiplicativement, l'élément neutre est noté 1 et les deux générateurs a et b. Ils vérifient les égalités suivantes :

a^4=b^4=1 \; , \quad bab^{-1}=a^{-1} \; ,\quad a^2=b^2

Sa table est la suivante :

. 1 a -1 -a b ab -b -ab
1 1 a -1 -a b ab -b -ab
a a -1 -a 1 ab -b -ab b
-1 -1 -a 1 a -b -ab b ab
-a -a 1 a -1 -ab b ab -b
b b -ab -b ab -1 a 1 -a
ab ab b -ab -b -a -1 a 1
-b -b ab b -ab 1 -a -1 a
-ab -ab -b ab b a 1 -a -1

L'élément -1 commute avec tous les autres, le groupe {1, -1} est donc un sous-groupe distingué isomorphe au groupe cyclique d'ordre deux, noté ici C2. Le quotient de Q8 par le groupe C2 donne un groupe à quatre éléments. On reconnait le groupe de Klein noté ici V.

On en déduit que si x n'est pas élément du centre du groupe, il n'est conjugué qu'avec son opposé, par l'action de groupe des automorphismes intérieurs. Ceci montre l'existence de cinq classes de conjugaison. Deux classes sont constitués des éléments du centre : 1 = {1}, -1 = {-1} et trois autres classes, contenant deux éléments : A = {a, -a}, B = {b, -b} et AB = {ab, -ab}. Ces notations sont utilisées tout au long de l'article.

Représentation sur le corps des complexes

Caractères irréductibles

Le quotient de Q8 par C2 est un groupe abélien isomorphe à V. Cette remarque détermine quatre caractères irréductibles correspondant à des représentations de degré un. En effet, si χ désigne un caractère de degré un de V et φ le morphisme surjectif canonique de Q8 dans V alors χoφ est une représentation de degré un de Q8 et donc un caractère irréductible. On note ici χ1 le caractère de la représentation triviale et χX le caractère égal à -1 sur X désignant ici une des classes de conjugaison A, B ou AB et 1 ailleurs.

Le nombre de représentations irréductibles à un isomorphisme près est égal au nombre de classes de conjugaison. Il ne reste donc qu'une unique représentation irréductible ρ à trouver et son caractère associé, noté ici χρ. L'image de l'élément 1 du groupe par χρ est égal à deux et représente le degré de la représentation ρ. Pour s'en convaincre il suffit de remarquer que la somme des carrés des degrés des différentes représentations irréductibles du groupe est égal à son ordre. χρ est de norme égal à 1 et est orthogonal aux autres caractères irréductibles. Ces considérations déterminent intégralement le dernier caractère. Résumons ces résultats dans une table :

. 1 χA χB χAB χρ
1 1 1 1 1 2
-1 1 1 1 1 -2
A 1 1 -1 -1 0
B 1 -1 1 -1 0
AB 1 -1 -1 1 0

Représentation irréductible de degré deux

Une méthode rapide pour déterminer la dernière représentation est donnée par les représentations induites. Pour obtenir directement une représentation de degré deux, il est nécessaire de considérer un sous-groupe H d'ordre quatre. Définissons H comme le groupe isomorphe à C4 engendré par a. Une représentation θ doit alors être choisie pour être ensuite induite sur Q8. Cette représentation θ doit être choisie de telle manière à ce que la représentation induite ρ soit de caractère orthogonale avec les représentations de degré 1. La loi de réciprocité de Frobenius permet simplement de vérifier cette orthogonalité. Elle s'exprime de la manière suivante :

<Ind_H^{Q_8} \chi_{\theta} \, | \, \chi_X>_{Q_8}=<\chi_{\theta} \, |\, Res_H^{Q_8}\chi_X>_H

Sur 1 et -1 tous les cararactères des représentations de degré 1 sont égaux à 1. Sur a et -a, ils valent soit 1 soit -1. Si l'on choisit pour caractère celui qui à a associe i, alors les orthogonalités recherchées sont bien obtenues. L'utilisation du critère d'irréductibilité de Mackey et la remarque que tous les automorphismes intérieurs laissent les éléments du groupe invariant permet de conclure sans calcul. Et la représentation ρ est bien la représentation induite de θ.

Pour connaitre cette représentation, il suffit de déterminer les matrices de a et de b car ils sont générateurs du groupe. Si Ma désigne la matrice de a et Mb celle de b, on obtient :

M_a = \begin{pmatrix} i & 0 \\ 0 & -i \end{pmatrix} \quad et \quad M_b = \begin{pmatrix} 0 & -1 \\ 1 & 0 \end{pmatrix}

Algèbre semi-simple

Article détaillé : algèbre semi-simple.

Dans le cas des complexes, on remarque que les quatre matrices M1, Ma, Mb ,Mab forment une base des matrices 2x2. En effet :

M_1 = \begin{pmatrix} 1 & 0 \\ 0 & 1 \end{pmatrix}\; ,\quad M_a = \begin{pmatrix} i & 0 \\ 0 & -i \end{pmatrix} \; , \quad M_b = \begin{pmatrix} 0 & -1 \\ 1 & 0 \end{pmatrix}\; et \quad M_{ab} = \begin{pmatrix} 0 & -i \\ -i & 0 \end{pmatrix}

Si Mc désigne la matrice de l'élément c de C[Q8], l'algèbre C[Q8] vérifie l'égalité :

\forall c \in \mathbb C[Q_8] \quad \exists ! (a_i)_{i \in [1,8]} \in \mathbb C^8 \quad M_c =
\begin{pmatrix} a_1 & 0 & 0 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & a_2 & 0 & 0 & 0 & 0 \\  0 & 0 & a_3 & 0 & 0 & 0 \\
0 & 0 & 0 & a_4 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 0 & a_5 & a_7 \\ 0 & 0 & 0 & 0 & a_6 & a_8  \end{pmatrix}

Son centre est bien égal à C5 et est isomorphe à l'ensemble des fonctions centrales.

Représentations sur le corps des réels

Dimension des représentations irréductibles

Article détaillé : Lemme de Schur.

Sur le corps des réels, la situation est plus délicate. Il est aisé de vérifier qu'aucun changement de base ne permet aux matrices Ma et Mb d'être à coefficients réels en même temps. La représentation irréductible complexe de dimension deux n'est donc pas réelle.

Les hypothèses qui permettent au lemme de Schur de garantir que les morphismes de sous-algèbres sont les homothéties ne sont pas rassemblées, car le corps R des réels n'est pas algébriquement clos. Il indique juste que les morphismes correspondent à des isomorphismes. La théorie des caractères est inopérante dans ce contexte.

En revanche, cette conclusion est suffisante pour appliquer le théorème de Maschke. L'algèbre comme le Q8-module sont donc semi-simples. On en déduit que R[Q8] est somme directe de sous-algèbres simples.

Quatre de ces sous-algèbres sont connues, elles correspondent aux représentations de degré un, qui sont toutes réelles. Il existe un supplémentaire S de la somme directe des quatre représentations de degré un stable. C'est-à-dire ayant les propriétés d'une sous-algèbre. Nous savons que S est de dimension quatre. Comme aucune sous-algèbre n'est isomorphe à une autre S ne comporte aucun facteur de dimension un. Comme toute sous-algèbre de dimension deux réelle est aussi une sous-algèbre complexe, et qu'il n'en existe qu'une, S ne comporte pas de sous-algèbre de dimension deux. Il ne peut y avoir non plus de sous-algèbre de dimension trois car il admettrait un supplémentaire stable, qui serait une sous-algèbre de dimension un. En conclusion :

  • L'algèbre R[Q8] contient cinq sous-algèbres simples, quatre de dimension un et une de dimension quatre.

Représentation irréductible de degré quatre

Soit V la sous-algèbre de la représentation complexe irréductible de degré deux. C'est aussi une représentation réelle de degré quatre, cette remarque est une conséquence directe d'une égalité tensorielle :

V_{\mathbb R}=\mathbb C\otimes_{\mathbb R} V\;

En terme matricielle, si Rx désigne la matrice réelle de Mxx désigne un élément du groupe des quaternions, on obtient les trois égalités suivantes :

R_a = \begin{pmatrix} 0 & -1 & 0 & 0 \\ 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 1 \\ 0 & 0 & -1 & 0 \end{pmatrix} \quad , \quad R_b = \begin{pmatrix} 0 & 0 & -1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & -1 \\ 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 1 & 0 & 0 \end{pmatrix}
\quad et \quad R_{ab} = \begin{pmatrix} 0 & 0 & 0 & -1 \\ 0 & 0 & -1 & 0 \\ 0 & 1 & 0 & 0 \\ -1 & 0 & 0 & 0 \end{pmatrix}

Le caractère de a en tant que représentation complexe est nul, la représentation correspond à une somme directe de deux copies de ρ. Elle est donc bien irréductible dans R.

On vérifie que la famille (1, a, b, ab) est une base B de VR. Notons σ la représentation associée et Hx la matrice de σxx est un élément de R[VR] dans la base B. On obtient un système de matrices très proche du précédent :

H_a = \begin{pmatrix} 0 & -1 & 0 & 0 \\ 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & -1 \\ 0 & 0 & 1 & 0 \end{pmatrix} \quad , \quad H_b = \begin{pmatrix} 0 & 0 & -1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 1 \\ 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & -1 & 0 & 0 \end{pmatrix}
\quad et \quad H_{ab} = \begin{pmatrix} 0 & 0 & 0 & -1 \\ 0 & 0 & -1 & 0 \\ 0 & 1 & 0 & 0 \\ 1 & 0 & 0 & 0 \end{pmatrix}

On en déduit la matrice générique d'un élément de R[VR] :

\forall h \in \mathbb R [V_{\mathbb R}]\quad \exists ! (h_i)_{i \in [1,4]} \in \mathbb R^4 \quad / \quad H_h = h_1. 1 + h_2.a + h_3.b+h_4.ab=
\begin{pmatrix} h_1 & -h_2 & -h_3 & -h_4 \\ h_2 & h_1 & -h_4 & h_3 \\ h_3 & h_4 & h_1 & -h_2 \\ h_4 & -h_3 & h_2 & h_1 \end{pmatrix}

Morphismes de la représentation

Article détaillé : Théorème d'Artin-Wedderburn.

Recherchons l'ensemble D des morphismes du Q8-module VR, c'est-à-dire l'ensemble des applications d vérifant :

\forall v_1, v_2 \in V_{\mathbb R} \quad \forall h_1, h_2 \in \mathbb R [V_{\mathbb R}] \quad d(h_1.v_1 + h_2.v_2)=h_1.d(v_1) + h_2.d(v_2) \;

Ici, il existe un isomorphisme de module entre R[VR] et VR, on en déduit que R[VR] est un anneau simple, les morphismes sont donc aisés à déterminer, si d1 désigne la valeur d(1) on obtient :

\forall d \in \mathbb D \quad \forall v \in \mathbb R [V_{\mathbb R}] \quad d(v) = d(v.1)=d(v).d_1 \;

Si φ désigne l'application de D dans R[VR] qui associe à d l'élément d1, alors on obtient la propriété suivante :

\forall d^1,d^2 \in \mathbb D \quad \varphi (d^1\circ d^2) = \varphi(d^2).\varphi(d^1) \quad car \quad d^1\circ d^2 (1) = d^1( d^2 (1))= d^2(1).d^1(1) \;

Si Dop désigne l'anneau opposé de D, c'est-à-dire celui où la multiplication * est définie par l'égalité suivante, il existe un isomorphisme d'anneau entre Dop et R[VR]:

\forall d^1,d^2 \in \mathbb D \quad  d^1*d^2=d^2\circ d^1 \quad et \quad \mathbb D^{op} = Hom^{Q_8}_{\mathbb R} (V_{\mathbb R})^{op} \simeq \mathbb R [V_{\mathbb R}] \;

Le lemme de Schur s'applique, même si les hypothèses indiquant que les morphismes sont des homothéties ne sont pas présentes, il indique néanmoins que D* est composée d'isomorphismes. Ce qui démontre que D est un corps gauche. Il est connu :

Cette méthode est maintenant la principale pour construire les corps gauches et représente une branche de la théorie des corps. Initialement, un tel corps était considéré comme un ensemble de nombres hypercomplexes. On parle maintenant plutôt d'algèbre associative non commutative.

Vérification par le calcul

Déterminons la représentation matricielle de D. Pour cela notons Dδδ est un élément de VR la matrice de l'élément d de D tel que φ(d) = δ. A tout élément v de VR, d associe . Si les coordonnées de δ dans la base B sont (δi) pour i variant de 1 à 4, on obtient :

D_{\delta} = \begin{pmatrix} \delta_1 & -\delta_2 & -\delta_3 & -\delta_4 \\ \delta_2 & \delta_1 & \delta_4 & -\delta_3
 \\ \delta_3 & -\delta_4 & \delta_1 & \delta_2 \\ \delta_4 & \delta_3 & -\delta_2 & \delta_1 \end{pmatrix}

On vérifie alors le lemme de Schur sous une forme classique de commutativité de matrices :

\forall \delta, h \in {\mathbb R}^4 \quad D_{\delta}.H_h=H_h.D_{\delta}\;

Notes et références

Notes

Liens externes

Références

  • Jean-Pierre Serre, Représentations linéaires des groupes finis [détail des éditions]
  • (en) Marshall Hall, The theory of groups [détail des éditions]
  • Serge Lang, Algèbre, Dunod, 2004, 926 p. (ISBN 2100079808) [détail des éditions]
  • N. Bourbaki Algèbre, Chapitre VIII Paris, Hermann 1958
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