- Groupe Cyclique
-
Groupe cyclique
En mathématiques et plus précisément en algèbre, un groupe cyclique est un groupe de cardinal fini dans lequel il existe un élément a tel que tout élément du groupe puisse (en notation additive) s'exprimer sous forme d'un multiple de a. Sa structure est simple : il n'existe, à un isomorphisme près, qu'un seul groupe cyclique d'ordre n : Z/nZ le quotient du groupe Z des nombres entiers par le sous-groupe des multiples de n.
Les groupes cycliques sont importants en théorie des groupes et de manière générale en algèbre. On les retrouve, par exemple, en théorie des anneaux et dans la théorie de Galois.
Sommaire
Définitions
- Un groupe monogène est un groupe contenant un élément a tel que, pour tout élément x du groupe, il existe un entier n vérifiant x = a n.
- Un groupe cyclique est un groupe monogène fini. L'expression cycle pour désigner un groupe cyclique est aussi utilisée, mais comporte un risque de confusion avec la notion de permutation circulaire.
- Soit G un groupe et a un élément de G, alors le groupe engendré par a, noté <a>, est le plus petit sous-groupe de G contenant a.
- L'ordre d'un élément d'un groupe est l'ordre du sous-groupe engendré par cet élément. L'ordre de a est noté |a| ou o(a). Lorsqu'il est fini, on montre que c'est le plus petit entier n strictement positif tel que a n = 1.
- Un élément générateur ou primitif d'un groupe cyclique est un élément qui a pour groupe engendré le groupe cyclique entier i.e dont l'ordre est l'ordre du groupe.
Remarque : La traduction littérale de "groupe cyclique" en bon nombre d'autres langues, notamment cyclic group en anglais et Zyklische Gruppe en allemand, ne correspond pas à la même définition, mais à ce qu'on entend par groupe monogène en français[1],[2].
Applications
Théorie des groupes
Article détaillé : théorie des groupes.Les groupes cycliques sont importants, dans le contexte des groupes abéliens, à la fois pour l'étude des groupes abéliens finis et ceux de type fini. Ils sont en effet les éléments de base de la classification (cf le théorème de Kronecker). Dans le cas des groupes abéliens de type fini, c'est à dire engendré par une famille finie, le groupe Z est à ajouter pour une classification complète. Dans le cas des groupes finis non abéliens le théorème de Cauchy montre l'existence de nombreux groupes cycliques. Ce théorème est utilisé pour la classification des groupes finis, même si souvent, certaines formes plus élaborées sont utilisées comme les trois théorèmes de Sylow.
Arithmétique
Article détaillé : Arithmétique modulaire.En arithmétique ces groupes offrent un large répertoire d'outils et permettent de nombreuses démonstrations. Ces outils sont regroupés dans une branche des mathématiques nommée arithmétique modulaire. Ils se fondent sur l'étude des congruences sur l'anneau des entiers. On peut citer comme exemple le petit théorème de Fermat ou encore le théorème des deux carrés de Fermat avec la démonstration de Richard Dedekind. On peut encore citer la loi de réciprocité quadratique qui repose sur des structures de groupes cycliques. Il existe de nombreux cas où le groupe sous-jacent est abélien fini et non cyclique. Cependant, comme tout groupe abélien fini est un produit direct de groupes cycliques (cf théorème de Kronecker) leur rôle reste prépondérant. On le trouve par exemple dans le théorème de la progression arithmétique. Ils jouent aussi un rôle important dans le cas où le groupe sous-jacent n'est plus fini mais de type fini. On peut citer comme exemple le théorème des unités de Dirichlet. En effet, un tel groupe prend la forme d'un produit direct de sous-groupes isomorphes soit à Z soit à un groupe cyclique.
Théorie des anneaux
Article détaillé : théorie des anneaux.Les groupes cycliques jouent un rôle dans la théorie des anneaux particulièrement dans le cas des anneaux unitaires. En effet, il existe toujours un sous-groupe pour l'addition isomorphe à Z ou à un groupe cyclique (cf caractéristique d'un anneau).
Théorie de Galois
Article détaillé : Théorie de Galois.Dans le cas particulier des corps commutatifs, les groupes cycliques ont aussi un rôle fondamental. Une telle structure possède un groupe associé nommé groupe de Galois. Le théorème d'Abel-Ruffini indique que les propriétés de commutativité sont essentielles pour comprendre la théorie des équations. Le théorème de Kronecker-Weber montre que la compréhension de la résolution des équations algébriques est essentiellement liée à la structure des extensions cyclotomiques dont le groupe de Galois est cyclique.
La théorie de Galois permet aussi de construire tous les corps finis, intimement associés à la structure de groupes cycliques. Ainsi le groupe additif est un produit direct de plusieurs occurrences d'un groupe cyclique et le groupe multiplicatif est cyclique.
Théorie de l'information
Article détaillé : Théorie de l'information.La théorie de l'information utilise largement les groupes cycliques. Un élément essentiel de la cryptologie se fonde sur le fait qu'il est relativement simple de construire un grand nombre premier mais difficile de décomposer un grand nombre en nombres premiers. Ce principe est à la base du Code à clé publique RSA. Les algorithmes de décomposition, nommés test de primalité se fondent très généralement sur les groupes cycliques. On peut citer comme exemple ceux de Fermat de Miller-Rabin ou encore de Solovay-Strassen
La théorie des codes correcteurs, visant à assurer non pas la sécurité mais la fiabilité, n'est pas en reste. La grande majorité des codes utilisés dans l'industrie font partie de la famille des codes cycliques s'appuyant sur divers groupes cycliques.
Théorème fondamental
Les groupes cycliques possèdent une structure simple à comprendre. Ils forment une structure telle que les puissances d'un élément, bien choisi, engendrent tout le groupe. Cette situation est illustrée dans la figure suivante, qui présentent les racines complexes de l'unité sur un cercle.
L'élément neutre est représenté par un point noir, un élément générateur peut être obtenu en prenant (par exemple) le premier élément en tournant vers la droite, le carré de cet élément générateur s'obtient en tournant toujours dans la même direction. Et ainsi de suite. L'élément n+1 est égal à l'élément 1, n+2 à l'élément 2, et ainsi de suite.
Cn désigne, suivant la convention habituelle, le groupe cyclique d'ordre n.
C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 La traduction en termes mathématiques est alors la suivante :
- Soit G un groupe cyclique d'ordre n, alors G est isomorphe à Z/nZ.
Ce théorème est important, car il démontre la simplicité d'un groupe cyclique. À la fois, ce groupe est unique pour un ordre donné et, de plus, sa structure est limpide. De ce théorème découlent immédiatement quelques corolaires :
- Tout groupe cyclique est abélien.
- Soit G un groupe cyclique d'ordre p.q, où p et q sont deux entiers strictement positifs, alors il n'existe qu'un seul sous-groupe H d'ordre p et, si g est un élément primitif de G, alors gq est un élément primitif de H.
- Le quotient d'un groupe cyclique par un sous-groupe quelconque est un groupe cyclique.
- Soit p un nombre premier : le groupe cyclique d'ordre p est le seul groupe d'ordre p, à un isomorphisme près.
Démonstrations- Soit G un groupe cyclique d'ordre n, alors G est isomorphe à .
Si le groupe est cyclique, alors il contient au moins un élément primitif g. Considérons alors φ l'application de dans G qui à un entier p associe g p. Cette application est un morphisme de groupe, en effet:
Par définition d'un groupe cyclique, le morphisme est surjectif. Donc la décomposition fondamentale des morphismes (cf morphisme de groupe) montre que G est isomorphe à au groupe quotient /Ker φ. Le noyau de φ est non nul car sinon il existerait une bijection d'un ensemble de cardinal infini : avec un ensemble de cardinal fini G. Le noyau de φ est donc un sous-groupe non vide de , il existe donc n un entier strictement positif tel que Ker φ = n (cf paragraphe exemples de sous-groupes). La démonstration est donc achevée.
- Tout groupe cyclique est abélien.
La démonstration précédente montre l'existence d'un morphisme surjectif d'un groupe abélien : de Z vers le groupe cyclique. La propriété de commutativité du groupe de départ est donc transmise au groupe cyclique.
- Soit G un groupe cyclique d'ordre p.q, où p et q sont deux entiers strictement positifs, alors il n'existe qu'un seul sous-groupe H d'ordre p et, si g est un élément générateur de G, alors gq est un élément générateur de H (qui est par conséquent cyclique).
Remarquons tout d'abord que tout élément gr (comme g est générateur du groupe, pour tout élément du groupe, il existe un unique entier r compris entre 1 et p.q, tel qu'il est égal à gr) d'un sous-groupe d'ordre p de G vérifie l'équation du théorème de Lagrange :
On en déduit que r.p est un multiple de p.q et, donc, r est un multiple de q. Il existe exactement p valeurs possibles de r, tel que r soit un multiple de q et soit compris entre 1 et p.q. Il n'existe donc que p candidats à être élément d'un sous-groupe d'ordre p. Il ne peut donc exister qu'un seul sous-groupe d'ordre p dans G.
Réciproquement, le sous-groupe engendré par gq est un sous-groupe monogène à p éléments. Il existe donc bien un unique sous-groupe à p éléments, ce qui termine la démonstration.
- Le quotient d'un groupe cyclique par un sous-groupe quelconque est un groupe cyclique.
Les puissance d'un générateur du groupe parcourent l'intégralité du groupe, par passage au quotient, la classe du générateur engendre le groupe quotient.
- Pour p nombre premier, le seul groupe d'ordre p est le groupe cyclique d'ordre p à un isomorphisme près.
Soit g un élément du groupe d'ordre p. Il engendre un sous-groupe à au moins deux éléments 1 et g. Le théorème de Lagrange montre que le sous-groupe engendré par g a pour ordre un diviseur de p. Or, p n'a pas d'autre diviseur strictement supérieur à 1 que lui-même. Le sous-groupe engendré par g est donc le groupe entier. Il est donc monogène et d'ordre fini, c'est-à-dire cyclique.
Propriétés
Théorème chinois
Article détaillé : Théorème chinois.Le théorème chinois permet la décomposition d'un groupe cyclique en groupes cycliques plus petits et, en général, plus simples. Ce théorème est largement utilisé en théorie algébrique des nombres et plus spécifiquement en arithmétique modulaire. Il est aussi à la base de nombreux algorithmes de cryptographie, on peut citer par exemple celui qui est utilisé dans le cryptage RSA. En théorie des groupes, le théorème s'énonce de la manière suivante :
- Soient u et v deux entiers premiers entre eux, alors le groupe cyclique d'ordre u.v est isomorphe au produit des groupes cycliques d'ordre u et v.
Note : Si u et v ne sont pas premiers entre eux, alors le groupe produit ne contient pas d'élément d'ordre supérieur au ppcm de u et de v. Ce groupe n'est donc pas isomorphe au groupe cyclique d'ordre u.v.
Ce théorème entraine une décomposition unique d'un groupe cyclique en facteurs premiers, si n est l'ordre du groupe alors le théorème fondamental de l'arithmétique montre que n se décompose de la manière unique suivante:
Ou (pi) est une famille de k nombres premiers tous distincts et αi des entiers supérieurs ou égaux à un. Les puissances des nombres premiers du produit sont tous premiers entre eux. Une simple récurrence montre :
- Tout groupe cyclique se décompose de manière unique en un produit de groupes cycliques d'ordre une puissance d'un nombre premier.
Démonstrations- Montrons que si u et v sont premiers entre eux, alors les groupes sont isomorphes.
Soit G (respectivement Gu et Gv) un groupe cyclique d'ordre u.v (respectivement u et v) et d'élément générateur g (respectivement gu et gv). Soit φ l'application de G dans Gu x Gv définie par :
Remarquons ensuite que φ est un morphisme:
Remarquons enfin φ est bijective : En effet, si gm est élément du noyau, alors m est un multiple de u et de v. Comme ces deux nombres sont premiers entre eux, on en déduit que m est un multiple de u.v. Donc gm est l'élément neutre de l'ensemble de départ, et φ est injective car son noyau est réduit à l'élément neutre. Comme les groupes de départ et d'arrivée ont le même cardinal et que l'application est injective, elle est aussi surjective. Nous avons montré que φ est bijective.
Conclusion : φ est un morphisme bijectif du groupe cyclique vers le groupe produit, les deux groupes sont donc bien isomorphes.
- Montrons que si u et v ne sont pas premiers entre eux, alors le groupe produit ne contient pas d'élément d'ordre supérieur au ppcm de u et de v.
Notons p le ppcm de u et de v. La puissance pième d'un élément quelconque de Gu (respectivement Gv) est égal à l'élément neutre d'après le théorème de Lagrange. En effet, p est un multiple de l'ordre des groupes. On en déduit que la puissance pième d'un élément quelconque du groupe produit est égal à l'identité. On en conclut que le groupe produit ne contient pas d'élément d'ordre supérieur à p.
En revanche, G contient par définition un élément d'ordre u.v qui est strictement plus grand que p. Les deux groupes ne peuvent donc pas être isomorphes.
Indicatrice d'Euler
Article détaillé : Indicatrice d'Euler.Le nombre d'éléments générateurs d'un groupe cyclique correspond à une question importante. Elle intervient par exemple dans les calculs de déterminations des polynômes cyclotomiques ou dans la fonction zêta de Riemann. Cette fonction est en général notée φ et si n est un entier, φ(n) désigne le nombre d'éléments générateurs d'un groupe cyclique d'ordre n.
La valeur de l'indicatrice d'Euler s'obtient par l'expression de l'ordre u du groupe donnée par le théorème fondamental de l'arithmétique :
Dans la formule, pi désigne un nombre premier et ki un entier strictement positif. Une démonstration est proposée dans l'article détaillé.
Dans le groupe cyclique Z/nZ, si l'on note ses éléments {0, 1, 2,..., n-1}, alors les générateurs sont les k qui sont premiers avec n et leur nombre est une autre définition de l'indicatrice d'Euler.
Morphisme
Endomorphisme
Soit G un groupe cyclique d'ordre n, g un générateur et ψ un endomorphisme. La structure de G est entièrement déterminée par l'élément g. En conséquence, ψ est entièrement déterminé par l'image de g.
Soit p l'entier tel que ψ(g) = g p.
Réciproquement, si p est un entier (que l'on peut choisir entre 1 et n), alors l'application ψ qui à gk associe g p.k définit un endomorphisme.
En effet :
On en déduit les premières propriétés sur les endomorphismes des groupes cycliques :
- Un endomorphisme sur un groupe cyclique est entièrement déterminé par l'image d'un générateur.
- Il existe exactement n endormorphismes sur un groupe cyclique d'ordre n.
L'analyse de la fonction indicatrice d'Euler montre que:
- Il existe exactement φ(n) automorphismes d'un groupe cyclique d'ordre n dans lui-même, si φ désigne l'indicatrice d'Euler.
On peut remarquer, dans le cas où l'ensemble d'arrivée est différent de l'ensemble de départ, que si le groupe de départ est cyclique, alors l'image du morphisme est aussi cyclique.
Caractère
Article détaillé : Caractère d'un groupe fini.Un caractère est un morphisme d'un groupe dans le groupe multiplicatif (C*,·) des éléments non-nuls du corps des nombres complexes. Cette notion est au cœur d'une théorie importante, celle des représentations d'un groupe fini.
- Il existe exactement n caractères pour un groupe cyclique d'ordre n.
- L'image d'un caractère est l'ensemble des racines pièmes de l'unité, où p est le cardinal de l'image. On remarquera alors que p divise n.
En conséquence, tout caractère a pour image un groupe, sous-groupe de l'ensemble des racines nièmes de l'unité, où n est le cardinal du groupe. De plus, l'ensemble des racines nièmes de l'unité forme un groupe cyclique.
- Soit g un générateur du groupe cyclique et r une racine nième de l'unité, alors il existe un et un seul caractère ψ tel que l'image de g par ψ soit égal à r. De plus, ψ est défini par l'égalité suivante :
Démonstrations- Soit g un générateur du groupe cyclique et r une racine nième de l'unité, alors il existe un et un seul caractère ψ tel que l'image de g par ψ soit égal à r. De plus, ψ est défini par l'égalité suivante :
L'image d'un générateur détermine entièrement le caractère. En effet, pour tout élément du groupe, il existe un entier m tel que gm est égal à cet élément. De plus, l'application définie par l'égalité précécente est clairement un morphime. La proposition est donc bien démontrée.
- Il existe exactement n caractères pour un groupe cyclique d'ordre n.
C'est une conséquence directe de la proposition précédente.
- L'image d'un caratère est l'ensemble des racines pièmes de l'unité, où p est le cardinal de l'image.
L'image d'un générateur par un caractère engendre un sous-groupe, soit p son cardinal. Le théorème de Lagrange démontre que tout élément de l'image est une racine pième de l'unité et que p divise n. Or, il existe exactement p racines de l'unité, ces racines forment donc l'image du caractère et la proposition est démontrée.
Voir aussi
Références
- ↑ E. Weisstein Cyclic Group par le site MathWorld
- ↑ Zyklische Gruppe par le site Multimediale Module für Mathematik in Informatik und Naturwissenschaften de l'Université de Tübingen
Liens externes
- (fr) cours de licence sur les groupes cycliques
- (fr) groupe cyclique et entier modulaire David A. Madore
Références
- S. Lang, Algèbre, Dunod, 2004.
- J. F. Labarre, La Théorie des groupes, Presses Universitaires de France, 1978.
- Portail des mathématiques
Catégorie : Groupe fini
Wikimedia Foundation. 2010.