- Produit tensoriel et representations de groupes finis
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Produit tensoriel et représentations de groupes finis
En mathématiques et plus précisément dans le cadre des représentations d'un groupe fini, le produit tensoriel est une technique permettant de construire une représentation à partir de deux autres.
Si un groupe fini G est produit direct de deux groupes, alors toute représentation irréductible de G est isomorphe à un produit tensoriel des deux groupes.
Sommaire
Contexte
Produit tensoriel
Article détaillé : Produit tensoriel.Produit tensoriel de deux espaces vectoriels
Soient V et W deux espaces vectoriels sur un corps commutatif K de dimensions finies respectives n et m. Le produit tensoriel de V et W, noté VW correspond à l'espace vectoriel des formes de VxW dans K linéaire en V et en W. C’est-à-dire :
Soit (ai) (resp. (bj)) une base de V (resp. W), il est alors possible d'identifier V (resp. W) à son espace dual. En effet, soit u (resp. v) un vecteur de V (resp. W) de coordonnées (αi) (resp. (βj)) dans la base précédente, alors ai (resp. bj) est identifié à la forme linéaire suivante :
Cette identification établit une application canonique de VxW vers VW défini, avec les notations précédentes par :
La famille (aibj) est alors la base canonique de VW. En utilisant les trois bases, on obtient l'égalité :
Passage aux endomorphismes
L'application précédente désigne aussi une application de L(V)xL(W) dans L (VW). Ici L(E) désigne l'espace vectoriel des endomorphismes de E. soit φ (resp. ψ) un endomorphisme L(V) (resp. L(W)), alors, avec les notations précédentes, on obtient :
Si (αik) (resp (βjl)) désigne la matrice de φ (resp. ψ), alors la matrice M de φψ dans la base aibj est la suivante :
Déterminons la trace de φψ. Calculons l'image de aibj par l'endomorphisme :
Le terme diagonal correspondant au vecteur aibj de la base est donc αii.βjj. La somme de tous les termes diagonaux de la matrice M est donc :
Ici, Tr désigne l'application qui à un endomorphisme associe sa trace. La trace d'un produit tensoriel de deux endormorphismes est donc égale au produit des traces des endomorphismes.
Cas où W est égal à V
Si W est égal à V, VV est égal à l'espace de dimension n2 des forme bilinéaires de V. Cet espace possède deux supplémentaires S l'espace des formes bilinéaires symétriques de dimension n.(n + 1)/2 et A l'espace vectoriel des formes bilinéaires alternées de dimension n.(n - 1)/2.
Le projecteur sur S parallèlement à A associe à aiaj la forme bilinéaire symétrique : 1/2(aiaj + ajai).
Produit direct de deux groupes
Article détaillé : Produit direct (groupes).L'un des objectifs de la représentation des groupes finis est la classification. La théorie classique utilise les techniques de l'extension pour générer des classes de groupes. Le produit direct est une des deux méthodes d'extension, elle correspond à la plus simple.
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- L'ensemble G, produit cartésien des deux groupes G1 et G2 et muni de la loi suivante *, est appelé produit direct des groupes G1 et G2 :
Le produit direct permet une classification simple des groupes abéliens finis :
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- Si l'ordre d'un groupe abélien fini G est différent de un, il existe une et une unique décomposition de G en produit de cycles d'ordre une puissance différente de zéro d'un nombre premier.
Représentations d'un groupe fini
Article détaillé : Représentations d'un groupe fini.Rappelons la définition d'une représentation et fixons les notations pour le reste de l'article. G désigne ici un groupe fini d'ordre g. Son élément neutre est noté 1, et si s et t sont deux éléments de G la loi de composition interne du groupe sur s et t est noté st. V désigne un espace vectoriel sur un corps noté K de caractéristique première avec g ou nulle.
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- Une représentation du groupe G est la donnée d'un espace vectoriel V de dimension finie notée n et d'un morphisme de groupe ρ de G vers le groupe linéaire GL(V). Une représentation est notée (V, ρ) ou parfois et abusivement V.
C'est-à-dire que l'application ρ est à valeur dans l'espace des applications linéaires bijectives et préserve la loi du groupe, ce qui est équivalent à :
Définitions
Produit tensoriel de deux représentations d'un même groupe
Le produit tensoriel est compatible avec les représentations, ce qui signifie que l'on peut définir le produit tensoriel de deux représentations. Soit (V1, ρ1) et (V2, ρ2) deux représentations d'un groupe de degré respectif n1 et n2, soit (e1i) une base de V1, (e2j) une base de V2, on considère la base (e1i e2j) de V1 V2.
Le produit tensoriel permet d'associer aux deux représentations une représentation ρ sur le produit tensoriel des deux espaces et définie par :
Montrons que (V1 V2, ρ) est une représentation. Il suffit pour cela de montrer que :
Il suffit de montrer les égalités (i) et (ii) sur un élément quelconque de la base (e1i e2j)
Carré symétrique et alterné
Dans le cas général le produit tensoriel de deux représentations irréductibles n'est pas irréductible.
Il existe un cas particulier important, celui où V1 est égal à V2, notons alors V ces deux espaces et n leur dimension, et supposons que les deux représentations associées soit identiques. Le produit tensoriel possède deux sous-espaces supplémentaires Sym (V) et Alt(V) correspondant aux formes bilinéaires symétriques et alternées. Ces deux sous-espaces sont stables pour la représentation tensoriel. Démontrons le pour les formes bilinéaires symétriques : soit s une forme bilinéaire symétrique. Alors, l'expression de s dans la base (ei ej) est de la forme suivante :
Si u est élément de G alors :
La dernière expression est bien celle d'une forme bilinéaire symétrique, ce qui montre la stabilité de Sym (V). Un raisonnement analogue montre celle de Alt(V).
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- Le sous-espace Sym (V) (resp. Alt(V)) est un sous-espace stable de la représentation tensorielle (V V, ρ ρ) appelé carré symétrique (resp. carré alterné).
Produit tensoriel de deux groupes
Soit (V1, ρ1) une représentation d'un groupe G1 et (V2, ρ2) une représentation d'un groupe G2. Considérons l'application ρ1 ρ2, c'est une application de G1 x G2 dans L(V1 V2). Cette application est un morphisme. En effet, en utilisant les notations précédentes, on obtient :
Le produit tensoriel de deux représentations de deux groupes correspond donc à une représentation du groupe produit dans le produit tensoriel des deux espaces. Remarque, la notation est ambiguë. En effet, dans le cas où G1 et G2 représente le même groupe G, (V1 V2, ρ) désigne à la fois une représentation de G et de GxG. La première représentant la restriction de la deuxième à la diagonale, le contexte nécessite une précision.
Propriétés
produit tensoriel et produit direct
Soit G un groupe contenant deux sous-groupes G1 et G2 tel que G soit isomorphe au produit direct de G1 et de G2. Il existe deux manières d'obtenir des représentations de G à partir de celles de G1 et de celles G2, soit à partir d'une somme directe d'une représentation de G1 et d'une représentation de G2 soit à l'aide d'un produit tensoriel.
La somme directe n'est guère efficace, en effet, seules les représentations irréductibles sont véritablement intéressantes, elles forment en effet la base de toutes les autres (cf théorème de Maschke). Or une somme directe ne fournit jamais une représentation irréductible, en effet, V1 x {0} et {0} x V2 sont toujours des sous-espaces invariants.
Le produit tensoriel fournit en revanche les représentations irréductibles de G. Toute représentation irréductible est le produit tensoriel de représentations irréductibles de G1 et de G2 et le produit tensoriel de deux représentations irréductibles de G1 et de G2 est une représentation irréductible de G.
Caractère
Cas des représentations irréductibles
On suppose ici que les caractères irréductibles forment une base orthonormale, par exemple parce que le corps K est celui des nombres complexes.
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- Le produit tensoriel (V, ρ) de deux représentations irréductibles (V1, ρ1) et (V2, ρ2) de deux groupes G1 et G2 est irréductible.
Le caractère de ρ (resp. ρ1) (resp. ρ2) est noté χ (resp. χ1) (resp. χ2). Pour démontrer que ρ est irréductible, il suffit de vérifier que <χ|χ> est égal à un. La trace d'un produit tensoriel de deux endormorphismes est égale au produit des traces des deux endomorphismes. Dans le cas des représentations, on obtient la formule :
De plus, <χ1|χ1> et <χ2|χ2> sont égaux à un car les deux représentations associées sont irréductibles, on en déduit si gi désigne l'ordre de Gi :
Ce qui termine la démonstration.
Cas d'une représentation d'un groupe produit
On suppose ici que G contient deux sous-groupes G1 et G2 tel que G soit isomorphe au produit direct G1 x G2. Il existe une bijection entre le produit cartésien des représentations irréductibles de G1 et G2 et celles de G données par le produit tensoriel des représentations. Le paragraphe précédent montre que le produit tensoriel des représentations irréductibles est bien à valeur dans les représentations irréductibles de G.
Montrons que l'application est surjective. Soit (V, ρ) une représentation irréductible de G.
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- Il existe une représentation irréductible (V1, ρ1) de G1 et une (V2, ρ2) de G2 tel que (V, ρ) est isomorphe au produit tensoriel des deux représentations précédentes.
Pour cela, il suffit de montrer que l'ensemble des produits tensoriels de représentations irréductibles de G1 et G2 forment une base orthonormale des fonctions centrales de G. Soit f est une fonction centrale de G orthogonale à tout produit tensoriel de caractères irréductibles. Montrer que f est la fonction nulle démontre la proposition. On a, avec les notations précédentes :
Notons fs la fonction de G2 dans K qui à t associe f(s,t)χ1(s). fs est une fonction centrale orthogonale à tout caractère irréductible de G2, fs est donc la fonction nulle. En conséquence :
Soit t un élément quelconque de G2, la fonction de G1 dans K, qui à s associe f(s,t) est orthogonale à tout caractère irréductible de G1, c'est donc aussi la fonction nulle. La proposition est alors démontrée.
Pour montrer que l'application des couples de représentations irréductibles de G1 x G2 dans celle de G donnée par le produit tensoriel est injectif, deux remarques suffisent. Le nombre de représentations irréductibles d'un groupe fini est égal au nombre de classes de conjugaison du groupe. Comme le nombre de classes de conjugaison de G est égal au produit des nombres de classes de conjugaison de G1 et G2, le nombre de caractères irréductibles de G est égal au produit du nombre de caractères irréductibles de G1 et G2. L'égalité des cardinaux de l'ensemble de départ et d'arrivé ainsi que la surjectivité démontre l'injectivité.
Notes et références
Liens externes
- (fr) Cours de représentation des groupes finis par M. Broué de l'université de Paris VII
- (fr) Représentation linéaire des groupes finis, une introduction par D. Ferrand de l'université de Renne
Références
- Jean-Pierre Serre, Représentations linéaires des groupes finis [détail des éditions]
- (en) Marshall Hall, The theory of groups [détail des éditions]
- Serge Lang, Algèbre, Dunod, 2004, 926 p. (ISBN 2100079808)[détail des éditions]
- N. Bourbaki Algèbre, Chapitre VIII Paris, Hermann 1958
Catégorie : Théorie des représentations -
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