Taylorisme

Taylorisme

Le taylorisme est une méthode de travail qui tire son nom de son instigateur : l'ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-1915). Apparue vers 1880, elle préconise l'organisation scientifique du travail. Soit une méthode d'organisation mise en œuvre par des scientifiques cherchant à définir a priori la meilleure façon de produire, propre à délivrer le rendement maximum.

Sa définition et sa rentabilité sont assurées grâce à l'analyse des techniques de production (gestes, rythmes, cadences), à la définition des tâches (conception) a priori, et au passage du salaire à la tâche au salaire à l'heure.

Ces idées rencontrent un excellent accueil dans la sidérurgie où leur mise en œuvre se traduit par des résultats fort appréciables. Taylor formalise sa méthode qu'il expose dans un livre intitulé The Principles of Scientific Management (1911)[1].

Ce système ne doit pas être confondu avec le travail à la chaîne qu'Henry Ford aux USA et Louis Renault en France seront les premiers à appliquer au secteur naissant de l'automobile, et dont le taylorisme ne constitue qu'une composante.

Sommaire

Description

L'organisation scientifique du travail telle que la conçoit Taylor se justifie pleinement dans le contexte d'essor de l'Industrialisation. Taylor note qu'il est impossible de réaliser une production de masse sans un minimum d'organisation et de discipline . Or, ce qu'il voit fin XIXe et début du XXe dans les ateliers ne va pas dans ce sens : le travail réellement collectif est un mythe tant les comportements individuels, enfermés dans des logiques métiers fortement corporatistes ne contribue en aucune manière à la cohérence ni à la collaboration. L'état d'esprit, les réflexes, les comportements dominants demeurent artisanaux et individualistes, alors qu'il s'agit de faire œuvre d'Industrie.

Pour ce faire Taylor plaide énergiquement en faveur d'une forte clarification dans l'attribution des tâches. Double clarification en réalité, car le travail d'organisation pour être complet doit se déployer selon deux dimensions complémentaires :

  • La dimension verticale, pour établir une stricte distinction entre tâches de conception du travail et de formation et celles d'exécution : « Les ingénieurs pensent le travail et les ouvriers doivent l'exécuter conformément aux instructions et à la formation que les premiers leur fournissent »[2].
  • La dimension horizontale, pour décomposer le processus de production d'un bien en une suite de tâches simples confiées chacune à un ouvrier spécialisé. L'objectif est d'identifier la manière la plus efficace de découper le travail. Doivent être chargés de cette mission, des ingénieurs qui de manière scientifique vont chronomètrer chaque mouvement élémentaire, éliminer les temps inutiles, étudier les meilleurs outils pour réaliser chaque mouvement, définir un temps optimal pour chaque stade de production, rédiger les recettes de fabrication.

On trouvera une ou plusieurs études approfondies du développement de la rationalisation (taylorisme et fordisme) en France dans les années 1919-1939 dans le livre d'Aimé Moutet, Les Logiques de l'entreprise, la rationalisation dans l'industrie française de l'entre-deux-guerres[3].

La critique du Taylorisme

Si l'intention initiale est d'organiser les ateliers et les postes de travail pour une moindre fatigue de l'ouvrier (la juste journée de travail), le résultat final obtenu, constaté sur le terrain, ne comporte pas que des aspects positifs.

  • Du fait qu'il n'y a aucune place pour l'imprévu, les opérateurs exécutants sont placés dans une situation de dépendance. Chaplin, dans le film Les Temps modernes, tourne en dérision cette méthode de travail qui laisse peu de place à l'être humain. Les ouvriers sont utilisés comme des machines : ils effectuent continuellement le même geste, sont chronométrés et ils sont licenciés dès lors qu'ils ne sont plus suffisamment productifs.
  • La répétition indéfinie des mêmes tâches se traduit par :

En février 1913, l'Union corporative des ouvriers mécaniciens, dans un tract syndical contre le Taylorisme appelant à la grève, explique : « Les choses les plus monstrueuses ont été cyniquement divulguées : l'ouvrier réduit à l'état de brute, à qui il est interdit de penser, de réfléchir ; à l'état de machine sans âme, produisant intensivement avec excès, jusqu'à ce qu'une usure prématurée, en faisant une non-valeur, le rejette hors des ateliers. »

Post-taylorisme

Le but est de remédier aux dysfonctionnements liés au taylorisme et de trouver une réponse entre autres à la démotivation constatée des travailleurs. Plusieurs moyens sont suggérés qui veulent promouvoir sous diverses formes une meilleure participation des travailleurs au processus de production. Soit par exemple :

  1. La rotation des postes : l'ouvrier occupe successivement différents postes de travail pour éviter la routine et pour avoir une vision plus globale du processus de production.
  2. L'élargissement des tâches : les tâches sont moins fragmentées, moins pénibles, moins répétitives.
  3. L'enrichissement des tâches : le travail s'étend à d'autres tâches telles que le réglage et l'entretien des machines. Cela implique une responsabilisation du travailleur.
  4. Les groupes semi-autonomes : quelques ouvriers s'organisent librement pour atteindre un niveau de production fixé par la direction.
  5. Les cercles de qualité : les groupes de travailleurs volontaires se réunissent pour améliorer le processus de production et la qualité des produits. C'est une remise en cause de la division verticale du travail énoncée dans le taylorisme.

Dépassement du Taylorisme

Si l'organisation dite « scientifique » du travail, telle que pratiquée par Taylor et ses disciples est considérée encore aujourd'hui comme utile dans certains cas de figure ou certaines activités, elle n'a plus du tout aujourd'hui le monopole de la réflexion en matière d'organisation du travail.

Les méthodes venues du Japon en particulier, et décrites par Kiyoshi Suzaki dans son ouvrage Le nouveau défi Industriel[4] ont ouvert des perspectives nouvelles :

  • Le paradigme d'une production de masse organisé selon un cadre strict, répétitif et continu, n'est qu'un mode d'organisation parmi d'autres, et ne garantit plus l'atteinte des meilleures performances.
  • La division verticale du travail selon laquelle il y a des gens qui pensent et d'autres qui exécutent représente une véritable mutilation sociale : d'une part elle enferme une foule de personnes dans un cadre déshumanisé, d'autre part elle méprise la capacité d'évaluation et de proposition qui existe chez n'importe quel participant à une action ou processus déterminé.
  • La division horizontale du travail, qui délimite strictement les périmètres d'intervention de chaque opérateur, ne parait plus pouvoir être justifiée :
    • dans le cadre d'activités de service ou de production qui impliquent une forte différenciation ;
    • dès qu'un certain degré de flexibilité et d'adaptation est nécessaire pour comprendre et délivrer le livrable attendu par le client.

Notes et références

  1. (en) The Principles of Scientific Management - Eldritch Press
  2. A. Valée, Nathan, 2006
  3. Aimé Moutet, Les Logiques de l'entreprise, la rationalisation dans l'industrie française de l'entre-deux-guerres, Éditions de l'EHESS, Paris, 1997 (ISBN 978-2-7132-1225-3), 495 p.
  4. Kiyoshi Suzaki, Le nouveau défi industriel : les techniques et les hommes, traduction de la version américaine parue chez InterÉditions, Paris, 1991 (ISBN 978-2-7296-0306-9)

Bibliographie

  • (en) Robert Kanigel, The One Best Way: Frederick Winslow Taylor and the Enigma of Efficiency, New York, Viking, 1997 (ISBN 0-670-86402-1)

Annexes

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