- Analyse harmonique sur un groupe abélien fini
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En mathématiques, l'analyse harmonique sur un groupe abélien fini est un cas particulier d'analyse harmonique correspondant au cas où le groupe est abélien et fini.
L'analyse harmonique permet de définir la notion de transformée de Fourier ou le produit de convolution. Elle est le cadre de nombreux théorèmes comme celui de Plancherel, l'égalité de Parseval ou la dualité de Pontryagin.
Le cas où le groupe est abélien et fini est le plus simple de la théorie, la transformée de Fourier se limite à une somme finie et le groupe dual est isomorphe au groupe d'origine.
L'analyse harmonique sur un groupe abélien fini possède de nombreuses applications, particulièrement en arithmétique modulaire et en théorie de l'information.
Sommaire
Contexte
Dans tout cet article, G désigne un groupe abélien d'ordre g, noté additivement, et ℂ le corps des nombres complexes ; si z désigne un nombre complexe, z désigne son conjugué.
Espace des applications de G dans ℂ
L'ensemble ℂG des applications de G dans ℂ est muni de plusieurs structures :
- c'est un espace vectoriel complexe de dimension g, de base canonique (δs)s∊G, où δs désigne le symbole de Kronecker : δs(t) vaut 1 pour t=s et vaut 0 pour les autres t∊G. Les coordonnées dans cette base d'une application f sont les nombres complexes f(s), aussi notés fs ;
- cet espace vectoriel est canoniquement muni d'un produit hermitien défini par :
Ce produit hermitien confère à ℂG une structure d'espace hermitien, noté ℓ2(G) ; - cet espace vectoriel est aussi muni du produit de convolution ∗, défini par :
Cette multiplication interne prolonge la loi du groupe G : δs∗δt=δs+t. Elle confère à ℂG une structure de ℂ-algèbre, appelée l'algèbre du groupe fini G et notée ℂ[G]. On démontre (mais ce ne sera pas utilisé dans cet article) que pour tout groupe fini G (abélien ou pas) ℂ[G] est un anneau semi-simple.
Groupe dual
Article détaillé : Caractère d'un groupe fini.Le groupe dual de G, noté Ĝ, est constitué des caractères de G, c'est-à-dire des morphismes de G dans le groupe multiplicatif ℂ*.
Il forme un groupe multiplicatif isomorphe (non canoniquement) au groupe additif G.
Il est inclus dans ℂG et forme une base orthonormée de ℓ2(G), ce qui justifie a posteriori le choix du produit hermitien sur ℂG.
Tout groupe abélien fini est canoniquement isomorphe à son bidual (le dual de son dual). Cette propriété se généralise sous le nom de dualité de Pontryagin.
Théorie de l'analyse harmonique
Égalité de Bessel-Parseval
Le cas d'égalité de l'inégalité de Bessel dans un espace hermitien montre que tout élément
se décompose sur la base orthonormée Ĝ sous la forme suivante :
Transformée de Fourier
La transformée de Fourier de cet élément a de ℓ2(G) est l'application
définie par :
Ceci définit une application linéaire, la transformation de Fourier ⌃:ℓ2(G)→ℂĜ, dont les principales propriétés sont détaillées ci-dessous, mais dont on peut déjà remarquer qu'elle est bijective, puisque les deux espaces sont de dimension g et que l'égalité de Bessel-Parseval, réécrite sous la forme suivante appelée inversion de Plancherel, assure l'injectivité :
Produit de convolution
Le choix ci-dessus de multiplier aχ par g dans la définition de la transformée de Fourier assure sa compatibilité avec le produit de convolution ∗, défini plus haut dans la section « Espace des applications de G dans ℂ » :
Soient a et b deux éléments de l'algèbre du groupe G, la transformée de Fourier de a∗b est le produit de celles de a et de b.
DémonstrationÉgalité de Parseval
Faire de la bijection linéaire ⌃:ℓ2(G)→ℂĜ un isomorphisme d'espaces hermitiens revient à choisir sur ℂĜ l'unique produit hermitien pour lequel la base (gδχ)χ∊Ĝ (transformée de Fourier de la base orthonormée Ĝ) est orthonormée. On pose donc :
On remarquera que ce produit hermitien correspond à la mesure de Haar sur Ĝ de masse 1⁄g, alors que celui introduit pour définir ℓ2(G) correspondait à la mesure de Haar sur G de masse 1. On notera cependant ℓ2(Ĝ) l'espace ℂĜ muni du produit hermitien ci-dessus. On obtient ainsi :
Avec la définition ci-dessus de ℓ2(Ĝ), la transformation de Fourier
est un isomorphisme d'espaces hermitiens. En particulier elle vérifie l'égalité suivante, dite de Parseval :
Orthogonal d'un sous-groupe
Soit H un sous-groupe de G, nous appellerons groupe orthogonal de H, et noterons H⊥, le sous-groupe de Ĝ constitué des caractères dont le noyau contient H.
D'après les théorèmes d'isomorphisme :
- H⊥ est isomorphe au dual du groupe quotient G/H.
En effet, H⊥ est l'ensemble des caractères de G qui se factorisent par G/H, donc c'est l'image du plongement canonique du dual de G/H dans celui de G. Ceci fournit une première preuve du fait que H⊥ est bien un sous-groupe de Ĝ, et montre de plus que son ordre est égal au quotient de l'ordre de G par celui de H.
- Le groupe quotient Ĝ/H⊥ est isomorphe à Ĥ.
En effet, H⊥ est le noyau du morphisme canonique de restriction, de Ĝ dans Ĥ, ce qui fournit un morphisme injectif de Ĝ/H⊥ dans Ĥ, et ce morphisme est aussi surjectif par un argument de cardinalité.
Les deux énoncés ci-dessus peuvent aussi se déduire de l'exactitude de la suite , due à l'injectivité du groupe divisible ℂ*.
Formule sommatoire de Poisson
Soit H un sous-groupe d'ordre h de G. Tout élément a de ℓ2(G) vérifie la formule sommatoire de Poisson suivante :
Démonstrationavec
Or la restriction de χ à H est égale au caractère 1 sur H si et seulement si χ appartient à l'orthogonal de H, ce qui termine la démonstration.
Applications
Arithmétique modulaire
Article détaillé : Arithmétique modulaire.Les premières utilisations historiques des caractères ont pour objectif l'arithmétique. Le symbole de Legendre est un exemple de caractère sur le groupe multiplicatif du corps fini Z/pZ où Z désigne l'anneau des entiers relatifs et p un nombre premier impair.
Il est utilisé pour le calcul des sommes de Gauss ou des périodes de Gauss. Ce caractère est à la base d'une démonstration de la loi de réciprocité quadratique.
Symbole de Legendre
Article détaillé : Symbole de Legendre.Dans ce paragraphe p désigne un nombre premier impair (c'est-à-dire différent de deux). G est ici le groupe Z/pZ. Le symbole de Legendre désigne la fonction, qui à un entier a, associe 0 si a est un multiple de p, 1 si la classe de a est un carré différent de 0 dans Z/pZ et -1 sinon.
- L'image de la fonction symbole de Legendre sur le groupe multiplicatif de Z/pZ correspond au caractère à valeur dans l'ensemble {-1, 1}.
En effet, le symbole de Legendre est défini sur Z. Cette fonction est constante sur les classes d'entiers modulo p, elle est donc définie sur le groupe multiplicatif de Z/pZ. Sur ce groupe, le symbole de Legendre prend ses valeurs dans l'ensemble {-1, 1} et est un morphisme de groupe, car le symbole de Legendre est un caractère de Dirichlet.
Les démonstrations sont données dans l'article associé.
Somme de Gauss
Article détaillé : Somme de Gauss.Dans le reste de l'article, Fp désigne le corps fini de cardinal p ou p est un nombre premier impair.
- Soit ψ un caractère du groupe additif (Fp, +) et χ un caractère du groupe multiplicatif (Fp*, .), alors la somme de Gauss associé à χ et ψ est le nombre complexe, ici noté G(χ, ψ) et défini par :
En termes de transformée de Fourier, on peut considérer l'application qui à χ associe G(χ,ψ) comme la transformée de Fourier du prolongement de χ à Fp par l'égalité χ(0) = 0 dans le groupe additif du corps et l'application qui à ψ associe G(χ, ψ) comme la transformé de Fourier de la restriction de ψ à Fp* dans le groupe multiplicatif du corps.
Les sommes de Gauss sont largement utilisées en arithmétique, par exemple pour le calcul des périodes de Gauss, elles par exemple, de déterminer la somme des valeurs du groupe des résidus quadratiques des racines p-ièmes de l'unité et plus généralement de déterminer les racines du polynôme cyclotomique d'indice p.
Loi de réciprocité quadratique
Article détaillé : Loi de réciprocité quadratique.Les sommes de Gauss ont une application historique importante, la loi de réciprocité quadratique, elle s'exprime de la manière suivante :
- Soit p et q deux nombres premiers impairs distincts, l'égalité suivante est vérifiée :
Ce théorème est démontré dans l'article Somme de Gauss.
Caractère de Dirichlet
Article détaillé : Caractère de Dirichlet.Pour démonter le théorème de la progression arithmétique, affirmant que toute classe inversible de l'anneau Z/nZ contient une infinité de nombres premiers, Dirichlet généralise les travaux de Gauss et étudie systématiquement le groupe des caractères du groupe de l'unité d'un quotient de Z.
L'utilisation de la transformée de Fourier est une étape clé de la démonstration. Les caractères de Dirichlet ont un rôle important dans la théorie analytique des nombres particulièrement pour analyser les racines de la fonction ζ de Rieman.
Espace vectoriel fini
Article détaillé : Analyse harmonique sur un espace vectoriel fini.Un cas particulier est celui des espaces vectoriels sur un corps fini. Les propriétés des corps finis permettent d'établir les résultats de la théorie sous une forme légèrement différente. Ce cas est utilisé par exemple en théorie de l'information à travers l'étude des fonctions booléennes, correspondant au cas où le corps contient deux éléments. La théorie est utilisée pour résoudre des questions de cryptologie notamment pour les boîtes-S, ainsi que pour les chiffrements par flot. L'analyse harmonique sur un espace vectoriel fini intervient aussi dans le contexte de la théorie des codes et particulièrement pour les codes linéaires, par exemple pour établir l'identité de MacWilliams.
Références
Lien externe
Mathématiques discrètes de la transformée de Fourier, C. Bachoc, Université Bordeaux I
Ouvrages
- Michel Demazure, Cours d'algèbre. Primalité Divisibilité. Codes [détail des éditions]
- Jean-Pierre Serre, Cours d'arithmétique [détail des éditions]
- André Warusfel, Structures algébriques finies, Hachette, 1971
- Gabriel Peyré, L'algèbre discrète de la transformée de Fourier, Ellipses, 2004
Articles connexes
Catégories :- Analyse harmonique discrète
- Caractère de Dirichlet
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