Histoire de la Turquie

Histoire de la Turquie
Page d'aide sur l'homonymie Cet article traite de l'histoire de la République turque de 1923 à nos jours. Pour l'histoire du territoire, voir notamment Histoire de l'Anatolie.
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Histoire de la Turquie

Turquie pré-ottomane
Époque hellénistique :
Asie mineure • Thrace
Domination romaine
Dynastie des Seldjoukides
Sultanat de Rûm
Principautés d'Anatolie
Empire ottoman
Chute de Constantinople
Dynastie ottomane
Expansion • Provinces
Déclin de l'Empire • Dissolution
République Turque
Guerre d'indépendance turque
Turquie unipartiste
Turquie multipartiste :
Constitution de 1982 • Référendum de 2010
Autres
Présidents de la Turquie
Relations avec l'Union européenne

L'histoire de la Turquie proprement dite, concerne le début de la République turque de Mustafa Kemal Atatürk en 1923 jusqu'à aujourd'hui. Cet article ne traite que de cette période, et non des évènements antérieurs.

Les Turcs, venus d'Asie centrale, sont arrivés en Asie mineure pendant le Moyen Âge, alors principalement habitée par des Arméniens et des Grecs. De 1299 au début du XXe siècle règne l'Empire ottoman, un État puissant, multiethnique et multiconfessionnel. Mais les aléas de l'histoire feront que cet immense empire se disloquera aux lendemains de la Première Guerre mondiale pour donner naissance à la Turquie moderne, laïque.

Sommaire

Démembrement et résurgence (1918-1923)

À la fin de la Première Guerre mondiale, et après le génocide arménien, l'Empire ottoman, qui appartenait au camp des puissances centrales (Allemagne, Autriche-Hongrie, Bulgarie) est démantelé. La France et le Royaume-Uni se partagent les provinces du proche-orient (Syrie, Irak, Liban, Palestine, Jordanie, côtes de l'actuelle Arabie Saoudite, Yémen). La Thrace (sauf Istanbul) et les côtes égéennes sont attribuées à la Grèce, tandis qu'à l'est, une république arménienne est proclamée sous la conduite du parti Dachnak. Le reste de l'Empire (alors monarchie constitutionnelle) est lui-même divisé en « zones d'influence » italiennes, françaises et anglaises, et les Turcs craignent de se voir bientôt réduits à l'état de colonies.

Le mouvement nationaliste, mené par Mustafa Kemal, avait dès juin 1919, défini dans la déclaration d'Amasya les raisons pour lesquelles le gouvernement impérial ottoman, considéré comme illégitime, devait être remplacé pour que les intérêts nationaux des Turcs soient défendus. Il obtint un soutien important de la population et de l'armée. Lors du congrès de Sivas, un gouvernement provisoire fut élu. Définies par le traité de paix de Sèvres, signé le 10 août 1920 par le gouvernement impérial, les frontières de l'Empire Ottoman sont dénoncées par le nouveau gouvernement provisoire du mouvement nationaliste.

Le gouvernement provisoire conduit par Mustafa Kemal tenta de récupérer une partie des territoires cédés par le traité de Sèvres.

À l'est, il signa un autre traité avec le gouvernement bolchevik russe : le Traité de Kars (1921). Par ce traité, la Russie soviétique rend à la Turquie un territoire pris à l'Empire ottoman en 1878, peuplé de tribus arméniennes et kurdes, et les deux partis turc national et russe bolchévique s'entraident pour mettre fin aux velléités d'indépendance des peuples du Caucase, et pour chasser les Anglais des réserves de pétrole de Bakou.

À l'ouest, le mouvement nationaliste engagea la guerre gréco-turque pour récupérer les côtes ouest de l'Anatolie. Au sud, en Cilicie (Tarsus) il empêcha la constitution d'une région autonome arménienne sous protectorat français, prévue par le traité de Sèvres.

Conformément aux demandes des alliés, les membres du gouvernement impérial ottoman impliqués dans la déportation des arméniens d'Anatolie vers le Liban et le désert de Syrie et dans le génocide arménien avaient été traduits en justice et condamnés, mais le gouvernement provisoire n'accepte pas d'être tenu pour responsable d'un crime commis sous le régime précédent. C'est le début d'une controverse historique et politique qui dure encore aujourd'hui.

Le 24 juillet 1923, le traité de Lausanne, signé entre le gouvernement provisoire de Mustafa Kemal et le Royaume Uni, la France, l'Italie, le Japon, la Grèce, et la Yougoslavie, redéfinit les frontières de la Turquie et annule le traité de Sèvres. Ce traité renonce à créer un Kurdistan turc, qui était prévu par le traité de Sèvres. De plus, les restrictions imposées par le traité de Sèvres, tel que le contrôle par les armées alliées, sont levées. Bien que Mustafa Kemal ait proclamé la laïcité du futur état turc, le traité de Lausanne prévoit une « purification ethnique » pour « éviter de futurs conflits » : environ trois millions de personnes, les habitants de Turquie de religion chrétienne orthodoxe doivent rejoindre la Grèce, tandis qu'un demi-million d'habitants de la Grèce de religion musulmane doivent rejoindre la Turquie sans considération ethnique (la plupart étaient des Pomaks de langue bulgare). Sur les trois millions de « Roumis » (nom turc des orthodoxes), la moitié rejoignit en fait non la Grèce, incapable d'en accueillir tant, mais les États-Unis.

Finalement, le sultanat est aboli le 1er novembre 1922.

Enfin, clef de voûte du processus initié par Mustafa Kemal, 29 octobre 1923, la République de Turquie est proclamée : il est aussitôt élu président.

La révolution kémaliste (1923-1938)

Mustafa Kemal fondateur de la Turquie moderne.

Mustafa Kemal avait appartenu au mouvement des Jeunes-Turcs. Il était partisan d'un nationalisme restrictif (modèle de la Petite Turquie) et anticlérical. Son modèle de référence restait ancré dans la France des Lumières[1]. Il avait l'ambition de modeler une civilisation turque moderne, souhaitant pour cela la « Révolution à toute vapeur ». Ses méthodes restaient fondées sur le volontarisme et un populisme : « malgré le peuple, pour le peuple » ; une société unie/unique, sans lutte des classes, mais turque avant tout (Jacobin, il se méfiait des différences régionales depuis le Traité de Sèvres).

L'armée reste un pilier de la nation ; l'école laïque, gratuite et obligatoire, le modèle d'école républicaine de Jules Ferry est instauré, une forte action culturelle est entreprise avec les « maisons du peuple » (la Turquie restera un « État papa » jusque dans les années 1980). Une nouvelle capitale, Ankara, est choisie, au détriment d'Istanbul, la capitale historique deux fois impériale (Empire romain d'Orient et ottoman. La langue est remaniée, une politique nationale est alors appliquée par Mustafa Kemal, qui remplace par exemple l'alphabet ottoman d'origine arabe par l'alphabet latin en 1928. L'histoire turque est réécrite afin de donner des racines à cette nation, à l'instar des États occidentaux au XIXe siècle. Le problème est pour eux de localiser la mère patrie, puisque l'on trouve des turcs de la Grèce à l'Afghanistan. Ils y sont aidés par de nombreux conseillers étrangers.

La période de 1923 à 1945 se caractérise par l'imposition d'un système de parti unique, le Parti populaire (rebaptisé en 1924 Parti républicain du peuple), avec seulement deux brèves tentatives avortées de créer des partis d'opposition en 1925 (Parti républicain progressiste) et en 1930 (Parti républicain libéral). Les députés étaient élus au second degré, et les « grands électeurs » étaient tous membres du parti unique[2].

En politique étrangère, Atatürk tient fermement au principe de neutralité. À part un contentieux difficilement réglé avec la Grèce en 1933, et l'affaire du Sandjak d'Alexandrette, donné en 1938 à la Turquie par le Mandat français en Syrie, la Turquie se garde d'intervenir dans les conflits régionaux.

Dès la Révolution de 1908, les femmes émergent sur la scène politique. En 1919, suite à de grandes manifestations, des mesures sont prises visant à faire évoluer le statut de la femme : égalité avec les hommes reconnue dans le code civil, mariage civil obligatoire, interdiction de la polygamie, de la répudiation, du port du voile à l'école, scolarisation des filles, embauche de femmes dans l'administration... En 1930, elles votent et sont éligibles aux élections locales et en 1934 aux élections nationales[3].

La Turquie kémaliste se veut résolument laïque. Le califat est abandonné le 3 mars 1924. C'est alors largement perçu comme un sacrilège par le monde-arabo musulman[4]. En 1928, l'islam cesse d'être la religion d'État, puis, en 1937, la laïcité est inscrite dans la Constitution[5]. Le Calendrier grégorien est adopté, et le dimanche devient le jour de repos hebdomadaire. Poursuivant la laïcisation du droit entamée dès 1839 par les Tanzimat (réformes) de l'empire ottoman, le régime kémaliste adopte, en 1926, un code civil inspiré du code suisse, un code pénal inspiré du code italien, et un code commercial inspiré du code allemand. Mais c'est plus qu'une laïcité, car elle est dynamique et autoritaire. L'anticléricalisme est prononcé, mais le spiritualisme musulman n'est pas pour autant abandonné. La laïcité turque et kémaliste se distingue de la laïcité française et jacobine par le contrôle exercé par l'État sur les religions, et surtout la tendance majoritaire (sunnite) de l'islam, via la direction des Affaires religieuses, créée en 1924[6]. Ce mouvement laïc sera surtout efficace dans les grandes villes de l'ouest du pays.

En 1925, 1930 et 1937, des révoltes kurdes sont sévèrement réprimées. Le 8 juillet 1937, la Turquie, l’Irak, l’Iran et l’Afghanistan signent le traité de Sa'dabad qui prévoit entre autres une coordination de la lutte contre la « subversion » kurde.

Les minorités

Le souhait du gouvernement kémaliste était d'avoir une Turquie homogène ethniquement et religieusement, car il voyait l'addition de différentes nationalités en Turquie comme une faiblesse, dont se serviraient les Britanniques pour diviser et détruire la Turquie. Dans les régions et les grandes villes côtières, les Turcs étaient en minorité, que ce soit à Istanbul, en Thrace ou dans les provinces orientales. La Turquie possédait de nombreuses minorités héritées de l'Empire romain d'Orient dit byzantin : des Arméniens, des Juifs, des Albanais, ainsi que des Grecs ottomans dits en turc roumis (à la différence des Grecs de Grèce dits yunan). Bien que d'origine indo-européenne, les Kurdes ne sont pas considérés comme une minorité mais comme des Turcs des montagnes. Les Kurdes parlent une langue de type perse et sont musulmans sunnites comme la plupart des Turcs, à la différence des Iraniens (Musulmans chiites).

Mais les Kurdes acceptaient mal d'obéir au gouvernement d'Ankara qui décida de mettre fin à leur mode de vie patriarcal, féodal et religieux. Ils se trouvaient dans un état de tension voire d'insurrection incessante de 1921 à 1926. Le Royaume-Uni encourageait de son côté les rebelles kurdes à la révolte pour mettre en difficulté le gouvernement kémaliste. Il fournissait aux insurgés des armes et des subsides.

Une grande révolte kurde menée par le Cheikh Saïd éclate en 1924. Il lança les tribus kurdes sur Elazığ, Maras et Bitlis et fit placarder sur les murs de Diyarbakır des affiches où l'on lisait : « À bas la République ! Vive le Sultan-Calife ! » Mais la révolte était également soutenue par des sociétés secrètes islamiques et des journalistes. Mustafa Kemal décide alors d'envoyer neuf divisions dans le Kurdistan et donna l'ordre à ses soldats de réprimer les insurgés. Puis il y envoya des tribunaux, dits Tribunaux d'indépendance. Des cours martiales exécutèrent ou emprisonnèrent tous les Kurdes reconnus coupables d'atteinte à la sûreté intérieure de l'État. Quarante-six meneurs furent pendus sur la grande place de Diyarbakir. Le but du gouvernement d'Ankara était de faire d'eux des exemples et de dissuader les Kurdes de la révolte.

Il décide par la même occasion de supprimer les derviches tourneurs, les sectes religieuses, les couvents et les confraternités qu'il accuse d'avoir soutenu la révolte kurde.

Le traité de Lausanne inclut également un échange démographique : un million et demi de Grecs de Turquie sont échangés contre 385 000 musulmans de Grèce (turcophones et bulgarophones), en dépit de la volonté desdites populations. Seuls les Grecs d'Istanbul (environ 100 000 personnes) et les musulmans de Salonique (environ 5 000 personnes) sont exemptés. Mais depuis quatre-vingt ans, les tensions nationalistes ont poussé même ces exemptés à émigrer, et en 2006, il reste environ 50 000 musulmans en Grèce et 3 000 orthodoxes grecs en Turquie.

Des minorités sont donc encore présentes en Turquie : Arméniens et Grecs d'Istanbul, Juifs, Assyro-chaldéens et Kurdes. Mis à part ces derniers, elles représentent cependant un très faible pourcentage de la population.

Visées soviétiques, adhésion à l'OTAN et enjeux géostratégiques (1941-2003)

Restée sur la leçon de la Première Guerre mondiale, la Turquie choisi la neutralité lors du deuxième grand conflit du XXe siècle. Avec l'accord de la France, puissance mandataire de la Syrie, la Turquie a récupéré le 23 juin 1939, le sandjak d'Alexandrette, peuplé majoritairement de Turcs. Ce territoire de près de 4 700 km² est peuplé d'environ 200 000 habitants. Alexandrette prend alors le nom d'Iskenderun. La France voyait dans cette cession territoriale, un moyen d'écarter la Turquie de son traditionnel allié allemand. La Turquie signe un traité de non agression avec l'Allemagne en 1941, mais lui déclarera la guerre en février 1945, condition posée pour participer à la conférence de San Francisco marquant la naissance de l'ONU.

La Convention de Montreux confie à la Turquie la responsabilité des détroits de la mer Noire (Bosphore et Dardanelles), convoités par Staline : les Russes ont toujours voulu un accès à la Méditerranée pour leur flotte de la mer Noire. Face à cet accord international, Staline revendique des territoires à l'ouest de la Turquie, en reprenant l'argumentation des tsars : Constantinople était la capitale de la chrétienté orthodoxe, religion majoritaire en Russie. Les États-Unis soutiennent alors la Turquie, définitivement perdue pour le Bloc de l'Est.

En effet, la Turquie signe des accords de coopération militaire et économique avec les États-Unis en 1947-1948, bénéficie du plan Marshall, entre au Conseil de l'Europe en 1950 et dans l'OTAN en 1952.
La Turquie est aussi le seul pays laïc à majorité musulmane qui a reconnu Israël et a même conclu des accords militaires avec ce pays (mais dénoncés en 2010). Les juifs de Turquie n'ont jamais été inquiétés, et la Knesset, dans la crainte d'une éventuelle crise politique avec la Turquie, a plusieurs fois refusé le débat sur une journée de commémoration - donc une reconnaissance implicite - du génocide arménien dont la dernière fois le 14 mars 2007[7],[8].

La Turquie abrite toujours des bases américaines, et a maintenu avec les États-Unis une alliance étroite, au moins jusqu'au début de 2003 et de la guerre en Irak, lorsque la Turquie fut le seul pays candidat à l'UE qui se déclara contre une intervention anglo-américaine.

Le post-kemalisme : entre démocratie, armée et retour à l'islam (1945-2005)

En décembre 1945, la création de nouveaux partis politiques est autorisée. Ce même mois, est fondé le Parti démocrate, mouvement conservateur modéré. En juillet 1946, ont lieu les premières élections pluralistes. Aux élections suivantes, le Parti démocrate accède au pouvoir, avec 53,6 % des voix, contre 40 % au Parti républicain du peuple. C'est la première alternance politique depuis 1923.

L'économie se libéralise, et bénéficie d'une forte aide américaine. Le laïcisme kémaliste est partiellement remis en cause, avec, notamment, la réapparition de manuels coraniques en arabe, le retour de l'éducation religieuse dans les écoles publiques, ou l'assouplissement des normes vestimentaires.

Le Parti démocrate est accusé de violer la Constitution pour rester au pouvoir. Une partie des militaires, déjà opposés à la remise en cause du kémalisme, trouvent inacceptables les méthodes employées par les dirigeants. Le 27 mai 1960, un coup d'État renverse le gouvernement au nom de l'armée, installe un gouvernement provisoire et porte à sa tête le général Gürsel. Le 17 septembre 1961, le Premier ministre Adnan Menderes est exécuté pour violation de la constitution, ainsi que deux autres de ses ministres, Fatin Rüstü Zorlu et Hasan Polatkan. Les militaires restent au pouvoir un an et font approuver une Constitution garantissant les libertés démocratiques (liberté d'expression, de réunion, d'association, droit de grève)[9]. İsmet İnönü redevient premier ministre de novembre 1961 à février 1965.

La situation politique se dégrade au cours des années 1970. Un nouveau coup d'État a lieu en 1971 ; les militaires, constatant que leur action n'a en rien amélioré la situation, retournent dans leurs casernes l'année suivante. La guerre froide s'intensifie, l'extrême gauche et l'extrême droite se radicalisent, des groupes révolutionnaires se forment, notamment le Devrimci Sol, en 1978. Les Kurdes subissent l'influence de formateurs léninistes et maoïstes, et le Parti des travailleurs du Kurdistan met en place des groupes de guérilleros marxistes-léninistes en Anatolie orientale dans la région du Kurdistan turc. Enfin, La guerre civile au Liban commencée en 1975 provoque l'arrivée de nombreux réfugiés libanais en Turquie.

Cette situation provoque le 12 septembre 1980 un nouveau coup d'État militaire suivi d'une forte répression. Tous les partis sont dissous, les militaires prennent la tête des nouvelles organisations. À la différence des deux interventions précédentes de l'armée, ce coup d'État se traduit par un net recul de la démocratie. Les militaires se donnent un rôle important dans la Constitution, et mettent en place un Conseil national de sécurité pour préparer le retour des civils au pouvoir.

Celui-ci est mis en place par Turgut Özal, Premier ministre en 1984, président en 1989, qui tente de concilier la nature démocratique du régime, les principes fondateurs de la République et l'islam. Il tente également de donner une réponse culturelle à la question kurde. L'état de siège est levé dans treize provinces dès 1984. Un moratoire sur les exécutions est voté par le Parlement la même année, et reconduit l'abolition de la peine de mort (voir ci-dessous). La Turquie, qui avait perdu son droit de vote au Conseil de l'Europe suite au coup d'État militaire, le retrouve.

À partir de 1991, la Constitution est réformée pour satisfaire aux critères démocratiques exigés par la candidature à la CEE, puis à l'UE.

En 2000, le Parti des travailleurs du Kurdistan proclame un cessez-le-feu suite à l'arrestation de son chef, Abdullah Öcalan.

En janvier 2002, un nouveau code civil, remplaçant celui de 1926, est instauré. La peine de mort est supprimée pour les crimes de droit commun en 2001[10], est abolie en temps de paix[11], puis en toute occasion, lors d'une réécriture du code pénal[12].

En novembre 2002, le parti AKP remporte nettement les élections législatives. C'est un parti considéré comme « islamiste modéré », il revendique « une démocratie musulmane comme d'autres se disent de démocratie chrétienne ». Les militaires disparaissent petit à petit des institutions gouvernementales où leur place était prépondérante. Ainsi, le Conseil national de la sécurité (MGK, créé en 1961, transformé en véritable instance de contrôle par la Constitution de 1982) est-il devenu, à partir de 2003, essentiellement consultatif, cependant que son secrétaire, autrefois un militaire, est désormais un civil[13]. De même, les juges militaires sont retirés des Tribunaux de sécurité de l'État (DGM) en 1999, puis les DGM sont supprimés en 2004[14].

Le 1er janvier 2005, la Nouvelle livre turque est adoptée : une NLT vaut 1 million d'anciennes livres turques. Cette réforme monétaire est lancée, après des décennies d'inflation galopante et plusieurs dévaluations, grâce à un relatif assainissement du budget de l'État (qui s'exprimait en quadrillions). Elle permet aussi d'éviter nombres d'erreurs de comptes. De 2001 à 2005, l'inflation passe ainsi de à 8,2 %, ce qui permet aux taux d'intérêts de passer de 50,5 à 20,4 % pendant la même période. Cet assainissement permet un enrichissement du pays : le Produit national brut (PNB) fait plus que doubler entre 2001 et 2005, passant de 167,34 à 342 milliards de $ ; le PNB par habitant double presque, passant de 2 420 à 4 710 $. De 2002 à 2004, les investissements étrangers font plus que doubler : 2,73 milliards de $, contre 1,06 deux ans plus tôt[15].

L'Union européenne et la Turquie

La Turquie fait partie de toutes les institutions européennes depuis 1945 : Conseil de l'Europe, Organisation européenne de coopération économique, Organisation du traité de l'Atlantique nord, Banque de développement du Conseil de l'Europe. Elle s'est soumise à la juridiction européenne suprême de La Haye. Elle pose de façon attendue sa candidature pour devenir membre associé de la CEE en 1959, et soutenue par les dirigeants français et allemand De Gaulle et Adenauer, elle obtient satisfaction en 1963. L’accord d’association Turquie-CEE est gelé à la suite du coup d’État militaire du général Kenan Evren de 1980. La Turquie est donc logiquement candidate à l'entrée dans l'Union européenne en 1987. Dix-sept ans après sa première demande, le Conseil Européen a approuvé en décembre 2004 l'ouverture de négociations avec la Turquie, qui ont débuté le 3 octobre 2005. L'avenir proche de la Turquie tout comme de l'Europe se joue dans cette adhésion devenue brutalement un sujet de polémique en France, en Autriche et en Allemagne, la question de l'identité de la Turquie, réputée asiatique et musulmane quoique membre fondateur d'organisations européennes et laïque, ayant été reprise par un certain nombre de partis politiques.

Notes

  1. Thierry Zarcone, La Turquie. De l'empire ottoman à la République d'Atatürk, éd. Gallimard, 2005, pp. 132/133
  2. Cemil Koçak , « Parliament Membership during the Single-Party System in Turkey (1925-1945) », European Journal of Turkish Studies, 3 (2005)
  3. Jean-Paul Burdy, « Modernité autoritaire et extension des droits civiques : le suffrage universel octroyé aux femmes dans la Turquie kémaliste des années 1930 », dans Gérard Chianea et Jean-Luc Chabot (dir.), Les Droits de l'homme et le suffrage universel, éd. de l'Harmattan, 2000
  4. Thierry Zarcone, La Turquie, op. cit., p. 58
  5. Thierry Zarcone, La Turquie, op. cit., p. 131
  6. Thierry Zarcone, La Turquie, op. cit., pp. 69 et 138/139
  7. World Politics Review | Armenia, Turkey Wait While U.S. Considers Recognizing Genocide
  8. Nouvelles d'Arménie en Ligne
  9. Thierry Zarcone, La Turquie, op. cit., pp. 100/102
  10. « Pour faciliter son intégration européenne, la Turquie amende sa Constitution », Le Monde, 2 octobre 2001.
  11. « La Turquie abolit la peine de mort et autorise l'enseignement du kurde », Le Monde, 4 août 2002.
  12. « Le Parlement turc lève un obstacle en adoptant un nouveau code pénal », Le Monde, 28 septembre 2004.
  13. Jean-François Pérouse, La Turquie en marche, éd. de La Martinière, 2004, pp. 188/189 et « M. Erdogan a pu imposer aux militaires une nouvelle politique extérieure », Le Monde, 7 octobre 2004.
  14. Jean-François Pérouse, La Turquie en marche, op. cit., p. 194.
  15. Atlaséco 2006, p. 222 et Atlaséco 2007, p. 222.

Bibliographie

Ouvrages généraux

  • Histoire de la Turquie contemporaine, Hamit Bozarslan, la découverte, collection repères.
  • Histoire de la Turquie, de l'Altaï à l'Europe, Ibrahim Tabet, éditions L'Archipel.
  • Georges Duhamel, La Turquie, nouvelle puissance d'Occident, Mercure de France, 1953
  • Bernard Lewis, Islam et laïcité. Naissance la Turquie moderne, éd. Flammarion, 1988
  • Robert Mantran, Histoire de la Turquie, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1993 (1re édition, 1961)
  • Xavier de Planhol, La Turquie, Presses universitaires de France, 1981
  • Jean-Paul Roux, Histoire des Turcs, éd. Fayard, 2000
  • Stanford Jay Shaw et Ezel Kural Shaw, History of the Ottoman Empire and Modern Turquey, volume II, Reform, Revolution and Republic. The Rise of Modern Turquey, 1808-1975, Cambridge University Press, 1977
  • Semih Vaner (dir.), La Turquie, éd. Fayard, 2005
  • Thierry Zarcone, La Turquie moderne et l'islam, éd. Flammarion, 2004
  • Thierry Zarcone, La Turquie. De l'empire ottoman à la République d'Atatürk, éd. Gallimard, 2005
  • Erik Jan Zürcher, Turquey: a Modern History, I. B. Tauris, 2004 (1re éd. 1993)
  • Levent Unsaldi, Le militaire et la politique en Turquie, Harmattan, 2005

La guerre d'indépendance et le kémalisme

  • Tekin Alp, Le Kémalisme, éd. Félix Alcan, 1937
  • Ilhan Basgöz et Howard N. Wilson, Educationnal Problems in Turquey. 1920-1940, Indiana University Press, 1968
  • Niyazi Berkes, The Development of Secularism in Turkey, New York, éd. Routledge, 1998
  • Jean-Paul Burdy, « Modernité autoritaire et extension des droits civiques : le suffrage universel octroyé aux femmes dans la Turquie kémaliste des années 1930 », dans Gérard Chianea et Jean-Luc Chabot (dir.), Les Droits de l'homme et le suffrage universel, éd. de l'Harmattan, 2000
  • Paul Dumont, Mustapha Kemal invente la Turquie moderne, éd. Complexe, 1983, rééd. 1997 et 2006 [Ouvrage couronné par l'Académie française]
  • Orhan Konker et Émil Witmeur, Redressement économique et industrialisation de la nouvelle Turquie, éd. Sirey, 1937
  • Andrew Mango, Mustafa Kemal Atatürk, CODA éditions, 2006
  • Robert Mantran (dir.), Histoire de l'empire ottoman, éd. Fayard, 1989
  • Stanford Jay Shaw, From Empire to Republic: The Turkish War of National Liberation, 1918-1923, cinq volumes, Ankara, Société d'histoire turque, 1999-2001

La Turquie depuis 1950

  • Cem Behar, « Tendances récentes de la population turque », Cahiers d'études de la Méditerranée orientale et du monde turco-irani-en, n° 16, 1993
  • Gilles Dorronsoro (dir.), La Turquie conteste. Mobilisations sociales et régime sécuritaire, éd. du CNRS, 2005
  • F. Erhard, Population policy in Turkey. Family Planning and Migration between 1960 and 1992, Hambourg, Deutsches Orient-Institut, Mitteilungen n° 48, 1994
  • Altan Gökalp, La Turquie en transition. Disparités, identités, pouvoir, Maisonneuve et Larose, 1986
  • Ali Kazancigil, La Turquie au tournant du siècle, éd. L'Harmattan, 2004
  • Altay A. Manco (dir.), Turquie : vers de nouveaux horizons migratoires ?, éd. L’Harmattan, coll. « Compétences Interculturelles », 2004
  • Jean-François Pérouse, La Turquie en marche. Les grandes mutations depuis 1980, éd. de La Martinière, 2004
  • Jacques Thobie, R. Perez et Salgur Kancal (dir.), Enjeux et rapports de force en Turquie et en Méditerranée, Institut français d'études anatoliennes/ éd. L'Harmattan, 1996
  • Semih Vaner, Deniz Akagül et Bahadir Kaleagasi, La Turquie en mouvement, Bruxelles, éd. Complexe, 1995
  • Hamit Bozarslan, Histoire de la Turquie contemporaine, Paris, La Découverte, collection « Repères », 2004, 124 p.
  • Étienne Copeaux, Espaces et temps de la nation turque. analyse d'une historiographie nationaliste, CNRS Éditions, 1997.

Diplomatie et candidature à l'UE

  • Denis Akagül et Semih Vaner (dir.), L'Europe, avec ou sans la Turquie, éd. d'Organisation, 2005
  • Didier Billion, La Politique extérieure de la Turquie, éd. de L'Harmattan, 2000
  • Pierre Chabal et Arnaud de Raulin (dir.), Les Chemins de la Turquie vers l'Europe, Presses de l'université d'Artois, 2002
  • Paul Dumont et Jean-Louis Bacqué-Grammont (dir.), La Turquie et la France à l'époque d'Atatürk, ADET, 1981
  • Ahmet Insel (dir.), La Turquie et l'Europe : une coopération tumultueuse, éd. de L'Harmattan, 2000
  • Hossein Latif, Les Médias turcs et la Politique européenne de la Turquie, éd. CVMag, 2004
  • Pierre Le Mire (dir.), La Turquie, candidate à l'adhésion, éd. L'Harmattan, 2007
  • Mireille Sadège, La France et la Turquie dans l'Alliance atlantique, éd. CVMag, 2005
  • Stanford Jay Shaw, Turkey and the Holocaust. Turkey's role in rescuing Turkish and European Jewry from Nazi persecution, 1933-45, Londres, Macmillan press, 1993

Voir aussi

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