Histoire De Saint-Marin

Histoire De Saint-Marin

Histoire de Saint-Marin

Marin, le tailleur de pierres, à son ouvrage

Lhistoire de Saint-Marin, un petit État souvent qualifié de « plus vieille république du monde », prend ses racines au IVe siècle, sous l'Empire romain. Les faits entourant la naissance de la cité relèvent principalement du mythe et de la légende, mais passent néanmoins pour authentiques.

Sommaire

La création de Saint-Marin

Vers lan 300, un modeste tailleur de pierres prénommé Marinus aurait quitté son île natale de Rab, en Dalmatie, pour sinstaller dans la ville de Rimini en tant que maçon. Avant même que la grande vague de persécution contre les chrétiens lancée par lempereur Dioclétien en 303 nait commencé, le pieux Marin prit la fuite et se réfugia sur le mont Titano, situé à proximité. Un nombre grandissant de persécutés vinrent le rejoindre, et établirent ainsi sur le Titano une communauté chrétienne. La date officielle de naissance de cette communauté, aujourdhui, est conventionnellement fixée au 3 septembre 301.

En 313, suite à lédit de tolérance de Constantin et à lapaisement de la situation, Marin fut nommé diacre par lévêque de Rimini. Une patricienne romaine convertie au catholicisme, du nom de Donna Felicissima, lui fit par ailleurs don du mont Titano, dont elle détenait jusque- la propriété.

Létablissement définitif de la communauté de Saint-Marin est symbolisé par la mort de son fondateur à lautomne de lan 366, et surtout par les derniers mots qui furent les siens : « Relinquo vos liberos ab utroque homine.  » (« Je vous laisse libres des autres hommes »).

Lun des châteaux de Saint-Marin

Les premières véritables preuves historiques de lexistence dune communauté sur le mont Titano nous sont fournies par un moine prénommé Eugippio, lequel rapporte dans plusieurs documents datés de 511 quun autre moine vivant sur cette hauteur désigne déjà lendroit du nom de « Saint-Marin ». Des documents plus tardifs, vers le IXe siècle, font état dune communauté bien organisée, ouverte et fière : les écrits rapportent en outre que lévêque voisin, déjà à lépoque, était impuissant à revendiquer ce territoire. Les Saint-Marinais appréciaient leur liberté, et se trouvaient à labri de beaucoup dennemis potentiels du fait que la plupart de ces derniers ignoraient jusquà lexistence de la minuscule entité politique.

Des fortifications furent néanmoins édifiées à partir du Xe siècle, comme en témoignent le Diplôme de Berengario de 951 et la Bulle dOnorio II, datée de 1126. En 1372, le cardinal Aglico écrit que la ville « est située sur un très haut bloc de roche, au sommet duquel trois gigantesques châteaux sélèvent ». Ces trois châteaux reçurent encore au cours du temps de nombreux aménagements, comme par exemple un système autonome dapprovisionnement en eau destiné à récolter leau de pluie et à la stocker dans de grandes citernes. Certaines de ces citernes, édifiées entre 1472 et 1478, sont encore visibles sous le palais du gouvernement.

Lépanouissement dune république pacifique

Vers lan 1200, laccroissement continuel de la population avait fini par rendre nécessaire une expansion territoriale, et il fut procédé à deux reprises à lachat de châteaux voisins et de leurs dépendances. Peu de temps auparavant, Saint-Marin était devenue une cité-république à part entière, dotée de son propre code juridique. Le plus ancien des codes ayant pu être conservés date de lan 1295. Au cours des trois siècles suivants, les lois saint-marinaises furent constamment précisées et mises à jour dans de nouvelles versions : le sixième et dernier code, publié le 21 septembre 1600, est constitué de pas moins de six tomes et de 314 rubriques, ce qui témoigne du degré de sophistication atteint par la société. Les lois étaient édictées par lArengo, un conseil réunissant les grands chefs de familles : le meurtre et la trahison étaient ainsi punis de la peine de mort. Même lévacuation des ordures et des eaux usées étaient soumise à des réglementations et à des sanctions, situation exceptionnelle dans lEurope de la fin du Moyen Âge.

Dès cette époque, la république comptait pour sa protection sur une armée parfaitement formée et organisée, dans laquelle tout homme âgé de 14 à 60 ans était susceptible de servir en cas de conflit. À partir de 1243, la coutume fut prise délire deux capitaines-régents à la tête de la cité pour un mandat de six mois, une pratique encore en usage aujourdhui.

La lutte pour conserver lindépendance

LItalie du XIIIe siècle est également celle de laffrontement entre les partisans du pape (les Guelfes) et ceux de lempereur (les Gibelins). À Saint-Marin, les deux communautés, qui avaient jusque vécu en bonne entente, connurent une discorde grandissante qui se solda finalement par le bannissement de tous les Guelfes hors de la cité. Le ralliement de Saint-Marin aux Gibelins et à la cause impériale sexplique en grande partie par le fait que les évêques voisins sévertuaient à semparer de ce petit territoire, ou tout au moins à le soumettre à limpôt. Le conflit entre cette cité farouchement indépendante et les autorités ecclésiastiques connut un sommet en 1247, date à laquelle le pape Innocent IV excommunia lensemble des Saint-Marinais. Trois autres excommunications suivirent au cours du siècle, et remirent sérieusement en cause la traditionnelle paix sociale de Saint-Marin.

La deuxième moitié du XIIIe siècle fut une période difficile pour la cité. La république de Rimini, dobédience guelfe et alors sous la domination de la famille Malatesta, tenta de prendre le contrôle de Saint-Marin : seule une alliance contractée avec le comte d'Urbin gibelin de Montefeltro puis son fils permit de contrecarrer ce projet, au bout de plusieurs années de combats qui ne sachevèrent quen 1299. Cette victoire ne mit cependant pas un terme aux tentatives dannexion visant la ville. Dès 1291, un ecclésiastique nommé Teodorico tenta de soumettre les Saint-Marinais au pape et à limpôt : une longue dispute juridique sensuivit, et fut résolue par un célèbre homme de droit et érudit originaire de Rimini, Palamede, qui trancha en faveur de Saint-Marin. À peine cinq ans plus tard, en 1296, ce fut la famille Feretrani qui tenta de revendiquer ce territoire, mais sans succès : un nouveau jugement de Palamede, communiqué par ailleurs au pape Boniface VIII, établit cette fois clairement la souveraineté pleine et entière des Saint-Marinais.

En dépit de cette décision, les régions avoisinantes continuèrent à nourrir des visées expansionnistes, et ce en vain. Lorsquon découvrit en 1303 des envoyés à la solde des Feretrani sétant introduits illégalement sur le territoire de Saint-Marin, les combats reprirent et ne sachevèrent quen 1320 suite à lintervention aux côtés des Saint-Marinais de lexcellente armée de lévêque Uberto.

César Borgia a brièvement pris le contrôle de Saint-Marin en 1503.

Les adversaires de Saint-Marin finirent par réaliser que le petit territoire ne pouvait être obtenu par la guerre, et tentèrent de passer par la voie diplomatique. La République obtint la levée des sanctions spirituelles imposées par lÉglise, ainsi que lexonération de tout impôt concernant les propriétés détenues par le petit État en-dehors de son territoire. En échange, cependant, fut exigée la remise de plusieurs exilés ayant fui la ville dUrbin pour se réfugier à Saint-Marin. Cette requête fut rejetée, entraînant une reprise des hostilités avec la famille Malatesta jusquà la fin du XIVe siècle.

Lorsque cette famille, cent ans plus tard, tomba en disgrâce auprès du pape, les Saint-Marinais surent mettre à profit leur avantage en signant une alliance avec lÉglise le 21 septembre 1461, ce qui leur permit de réengager la lutte contre les Malatesta.

Le conflit se termina dès 1463 par la victoire de Saint-Marin, à lissue de laquelle le pape Pie II attribua à la République les trois seigneuries de Fiorentino, Montegiardino et Serravalle. Lannée suivante, la seigneurie voisine de Faetano fut volontaire pour intégrer à son tour la communauté saint-marinaise : cet épisode constitue à la fois la dernière guerre et la dernière expansion territoriale de Saint-Marin. César Borgia, le célèbre duc de Valentinois et fils du pape Alexandre Ier, a certes envahi Saint-Marin en 1503 pour y imposer sa domination autoritaire. Néanmoins cette occupation fut de courte durée : larmée de Borgia fut anéantie lors dune révolte du duché dUrbin, à laquelle participèrent dailleurs quelques Saint-Marinais.

Le déclin et la fierté retrouvée

La nouvelle constitution

Le 8 octobre 1600, une nouvelle constitution entra en vigueur, dont les principes fondamentaux se retrouvent jusque dans les textes actuels. À cette époque encore, Saint-Marin devait faire face à de nombreuses menaces potentielles : un traité de protection fut signé en 1602 avec lÉglise, et entra finalement en vigueur en 1631.

Malgré ce succès diplomatique, les temps étaient durs pour la République, qui entra dans une inexorable phase de déclin : les personnalités les plus en vue prirent le chemin de lémigration et les lignées de grandes familles nobles séteignirent les unes après les autres, ce qui entraîna une chute du prestige culturel de la communauté.

Saint-Marin est l'un des rares États italiens de l'ère pré-napoléonienne à conserver sa pleine indépendance. Voir Histoire de l'Italie

Une nouvelle invasion du territoire fut loccasion de ressusciter la fierté nationale des Saint-Marinais : le 17 octobre 1739, le cardinal Giulio Alberoni, légat du pape en Romagne, sattaqua à la République. Alberoni agissait ainsi pour son compte personnel et non par ordre du pape, et cest tout naturellement vers ce dernier que Saint-Marin se tourna. Clément XII envoya sur place le cardinal Enrico Enriquez pour lui rendre compte de la situation. Sur la base des indications fournies par ce dernier, le pape enjoignit immédiatement au cardinal Alberoni de libérer Saint-Marin : le 5 février 1740, moins de six mois après linvasion, la République retrouva ainsi sa liberté.

Lorsquà partir de 1796, Napoléon Bonaparte assura sa domination à travers toute lItalie en y fondant plusieurs États-satellites (République Cisalpine à Milan, République ligurienne à Gênes, etc.), Saint-Marin sempressa de conclure des accords commerciaux avec ces nouvelles entités politiques, manifestant ainsi son alliance avec Napoléon.

Il est souvent rapporté que Napoléon, au cours de la campagne d'Italie, aurait donné lordre à ses troupes de sarrêter aux frontières de Saint-Marin et de ne pas les franchirle futur empereur était, selon plusieurs témoignages, un grand admirateur de ce petit État qui navait jamais fait acte de soumission à quiconque. En guise dhommage, et avec la magnanimité du vainqueur, il voulut même offrir à Saint-Marin deux canons, plusieurs chariots de céréales et surtout une extension territoriale jusquà la mer. La sagesse et la retenue légendaire des Saint-Marinais ne leur firent pas défaut en cette occasion : la perspective détendre leur territoire et de simposer aux yeux des autres nations fut poliment déclinée. La communauté avait en effet conscience quil leur aurait été par la suite impossible de vivre en paix avec leurs voisins. Seuls les chariots de victuailles, moins compromettants, trouvèrent grâce à leurs yeux

Suite à la défaite du Premier Empire, le congrès de Vienne de 1815 décréta le retour à lordre pré-napoléonien en Italie : ainsi, de même que les Bourbons se réimplantèrent au sud de la péninsule et les Habsbourgs au nord, Saint-Marin put conserver son indépendance.

Lunification italienne

Giuseppe Garibaldi trouva refuge à Saint-Marin, dont il reçut la citoyenneté.

Pendant toute la période dite du Risorgimento, au cours de laquelle les mouvements révolutionnaires se multiplièrent en Italie, Saint-Marin servit de terre dasile à de nombreux exilés. Suite à la répression des révolutions de 1848/49, le célèbre Giuseppe Garibaldi y trouva par exemple refuge, avant de recevoir en 1861 la citoyenneté saint-marinaise.

Après que des plébiscites furent organisés en Sicile et dans le nord de lItalie, grâce auxquels une très large majorité se dégagea en faveur dune union avec le royaume de Piémont-Sardaigne, et après que les États de lÉglise eurent été envahis par les troupes piémontaises, le nouveau royaume unifié dItalie fut finalement proclamé le 17 mars 1861. Saint-Marin, depuis toujours une République indépendante, refusa de prendre part à lunification italienne et resta donc un État souverain. Abraham Lincoln, par ailleurs citoyen dhonneur de Saint-Marin, prit parti pour cette solution et écrivit à ce sujet aux capitaines-régents : « Votre État, bien que petit, est lun des plus honorables de lhistoire.  ».

Dès le 22 mars 1862, un ambitieux traité damitié et de coopération fut conclu entre Saint-Marin et le royaume dItalie, les deux États y étant considérés sur un pied dégalité. La convention fut renouvelée le 27 mars 1872.

Le fascisme et la Seconde Guerre mondiale

Jusquen 1906, les soixante membres du Parlement était nommés à vie et se désignaient eux-mêmes. Le principe électif fut introduit en 1906 afin de rendre le système plus démocratique, mais connut un dévoiement dès 1923 : suite à laccession au pouvoir le 1er avril des deux premiers capitaines-régents didéologie fasciste, le parti fasciste saint-marinais (Partito Fascista Sammarinese) remporta la majorité absolue des sièges lors des élections du 4 avril.

La neutralité de Saint-Marin pendant la Seconde Guerre mondiale.

Par la suite, et malgré sa collaboration affichée avec le dictateur Benito Mussolini, la République ne fournit aucun soldat à larmée italienne. Par ailleurs, la traditionnelle neutralité du petit État conduisit le gouvernement fasciste de Saint-Marin à ne pas sengager officiellement dans la Seconde Guerre mondiale.

En 1941 et en 1942, les forces dopposition parvinrent pour la première fois à revenir au Parlement, ce qui fut permis entre autres par la naissance dune vague de résistance anti-fasciste ailleurs en Italie. Le 28 juillet 1943 vit finalement la dissolution du parti fasciste saint-marinais, trois jours après le renversement de Mussolini. Le petit État accueillit par la suite près de 100 000 réfugiés fuyant les combats plus au sud. Malgré sa neutralité et le traçage de gigantesques croix blanches pour délimiter son territoire, les bombardiers britanniques larguèrent le 26 juin 1944 plusieurs centaines de bombes sur Saint-Marin, provoquant la mort de soixante personnes et des blessures pour des centaines dautresle gouvernement britannique devait reconnaître plus tard que cette agression était totalement injustifiée. Les Saint-Marinais connurent à nouveau les combats en septembre 1944, lorsque les Alliés et les Allemands saffrontèrent pour le contrôle de la région. Les États-Unis sinstallèrent à Saint-Marin à titre provisoire jusquen novembre, notamment pour aider au rapatriement des nombreux réfugiés qui sy trouvaient.

Laprès-guerre

Le Palais du Gouvernement (Palazzo Publico) aujourdhui : Saint-Marin est devenu un lieu très prisé des touristes.

Étant donné que le gouvernement fasciste de Saint-Marin navait pas porté atteinte à la constitution du pays et à ses lois les plus fondamentales, il ny eut que peu de changements politiques après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les femmes reçurent le droit de vote en 1960, puis le droit déligibilité en 1973.

Un élément souvent oublié tient à ce que la République, de 1947 à 1957 et à nouveau de 1978 à 1986, fut dirigée par un gouvernement communiste. À la fin des années 1980, le parti communiste connut un adoucissement de sa ligne idéologique et se rebaptisa Parti progressif-démocrate. Depuis lors, il dirige le pays conjointement avec le parti dominant des chrétiens-démocrates.

Depuis la fin des années 1950, le tourisme a joué un rôle croissant pour Saint-Marin. En lan 2000, plus de trois millions de touristes allèrent visiter ce petit État de moins de 30 000 habitants. Les rentrées fiscales augmentèrent en conséquence, ce qui permit à lÉtat de se libérer de toute dette publique et dinstaurer en 1975 une assurance maladie totalement gratuite pour les Saint-Marinais. Aujourdhui, environ 60% des revenus de Saint-Marin proviennent directement ou indirectement du tourisme. La plupart des visiteurs viennent y faire une excursion dune journée depuis les grands centres touristiques de la mer Adriatique toute proche, tels que Rimini et Pesaro.

Saint-Marin est devenu en 1988 un membre du Conseil de l'Europe et a adhéré en 1992 à lOrganisation des Nations unies.

  • Portail de l’histoire Portail de lhistoire

Ce document provient de « Histoire de Saint-Marin ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Histoire De Saint-Marin de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Histoire de saint-marin — Marin, le tailleur de pierres, à son ouvrage L’histoire de Saint Marin, un petit État souvent qualifié de « plus vieille république du monde », prend ses racines au IVe siècle, sous l Empire romai …   Wikipédia en Français

  • Histoire de Saint-Marin — Marin, le tailleur de pierres, à son ouvrage L’histoire de Saint Marin, un petit État souvent qualifié de « plus vieille république du monde », prend ses racines au IVe siècle, sous l Empire romain. Les faits entourant la naissance …   Wikipédia en Français

  • Saint-marin — Repubblica di San Marino (it) République de Saint Marin (fr) …   Wikipédia en Français

  • Saint marin — Repubblica di San Marino (it) République de Saint Marin (fr) …   Wikipédia en Français

  • Saint-Marin — Repubblica di San Marino (it) République de Saint Marin (fr) …   Wikipédia en Français

  • Saint-Marin (ville) — Ville de Saint Marin Ville de Saint Marin Administration Pays Saint Marin Type Castelli Géog …   Wikipédia en Français

  • Saint-marin (ville) — Ville de Saint Marin Ville de Saint Marin Administration Pays Saint Marin Type Castelli Géog …   Wikipédia en Français

  • République de Saint-Marin — Saint Marin Repubblica di San Marino (it) République de Saint Marin (fr) …   Wikipédia en Français

  • Saint-marin calcio — Club fondé en …   Wikipédia en Français

  • SAINT-MARIN — État indépendant enclavé dans le territoire italien, remarquable par ses dimensions réduites (61 km2), la république de Saint Marin (San Marino) se singularise par l’ancienneté et par la continuité de ses institutions depuis le Moyen Âge. Situé à …   Encyclopédie Universelle

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/781269 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”