- Nicolas de Staël
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Nicolas de Staël Nom de naissance Nicolas de Staël (baron Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein) Activité Peinture, dessin, lithographie, gravure, collage, lithographie, écriture Naissance 5 janvier 1914
Saint-Pétersbourg, Empire russeDécès 16 mars 1955 (à 41 ans)
Antibes, FranceFormation Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, Académie Fernand Léger, Paris Nicolas de Staël (baron Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein, en russe Николай Владимирович Шталь фон Гольштейн), né le 5 janvier 1914 à Saint-Pétersbourg, mort le 16 mars 1955 à Antibes, est un peintre français originaire de Russie, issu d'une branche cadette de la famille de Staël-Holstein.
La carrière de Nicolas de Staël s'étale sur quinze ans - de 1940 à 1955 -, à travers plus d'un millier d'œuvres, influencées par Cézanne, Matisse, van Gogh, Braque, Soutine et les fauves, mais aussi par les maîtres néerlandais Rembrandt, Vermeer et Hercules Seghers.
Sa peinture est toujours en constante évolution. Des couleurs sombres de ses débuts (Porte sans porte, 1946 ou Ressentiment, 1947), elle aboutit à l'exaltation de la couleur comme dans le Grand Nu orange (1953). Ses toiles se caractérisent par d'épaisses couches de peinture superposées, et un important jeu de matières, passant des empâtements au couteau (Compositions, 1945-1949), à une peinture plus fluide (Agrigente, 1954, Chemin de fer au bord de la mer, soleil couchant, 1955).
Refusant les étiquettes et les courants, tout comme Georges Braque qu'il admire, il travaille avec acharnement, détruisant autant d’œuvres qu'il en réalise. « Dans sa frénésie de peindre il côtoie sans cesse l'abîme, trouvant des accords que nul autre avant lui n'avait osé tenter. Peinture tendue, nerveuse, toujours sur le fil du rasoir, à l'image des dernière toiles de Vincent van Gogh qu'il rejoint dans le suicide[1]. »
Nicolas de Staël meurt à l'âge de 41 ans en se jetant par la fenêtre de son atelier d'Antibes. Il repose dans le cimetière de Montrouge.
Sommaire
Biographie
Enfance
Issu d’un milieu militaire, son grand-père, Carl Gustav, dirige la deuxième division de cavalerie du tsar et termine sa carrière comme général de corps d’armée en 1861.
Son père, Vladimir Ivanovitch de Staël von Holstein, sert dans les rangs des cosaques et des Uhlans de la garde impériale[2]. Il devient général major, vice-commandant de la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg en 1908, jusqu'en 1917, c'est un homme pieux et austère. Sa mère, Ludmilla von Lubov Berednikov, est plus jeune que son mari de vingt-deux ans. Elle est issue d'un milieu très fortuné où l'on s'intéresse à l'art. Par sa mère, elle est apparentée à la famille du compositeur Alexandre Glazounov[3].
Selon le calendrier julien, Nicolas de Staël nait le 23 décembre 1913 à Saint-Pétersbourg, qui vient alors d'être rebaptisée Pétrograd (Петроград).
Suite à la révolution de 1917, la famille est contrainte à l’exil en Pologne en 1919. Les parents de Nicolas de Staël y meurent. Orphelin, il est confié par sa marraine en 1922 à une famille de Bruxelles, les Fricero, avec ses deux sœurs Marina et Olga. Les Fricero sont une famille d'origine sarde qui a hérité de la nationalité russe au XIXe siècle lorsque le père d'Emmanuel Fricero était attaché naval à l'ambassade de Russie à Londres. Sa femme Charlotte est présidente de la Croix-Rouge. Ils ont déjà recueilli le descendant d'une grande famille russe (Alexandre Bereznikov)[4].
Formation
Les Fricero l'inscrivent au collège Cardinal Mercier de Braine-l'Alleud en septembre 1931[5]. Nicolas se passionne pour la littérature française et les tragédies grecques. Mais en même temps il s'intéresse à la peinture, il découvre dans les musées et les galeries Rubens et les peintres belges contemporains James Ensor, Permeke. Sa vocation de peintre inquiète les Fricero qui lui font faire des études d'ingénieur. Mais dès ses études terminées, Nicolas commence sa formation de peintre[3].
Après avoir visité la Hollande en juin, et découvert la peinture flamande, il entre en octobre 1933 aux Beaux-arts de Bruxelles où il suit les cours de dessin antique avec Henri van Haelen. Il se lie d'amitié avec Madeleine Haupert qui a fréquenté les Beaux arts de Paris et qui lui fait découvrir la peinture abstraite[3]. Il s'inscrit aussi à l'Académie des beaux-arts de Saint-Gilles où il suit les cours d'architecture de Charles Malcause[5]. Dans cette même académie, il suit dès 1934-35 les cours de décoration en compagnie de Georges de Vlamynck qu'il assiste par la suite pour la réalisation de peintures murales du pavillon de l'agriculture de l'Exposition universelle de Bruxelles de 1935[6].
Il voyage ensuite dans toute l'Europe. Dans le midi de la France et à Paris où il découvre Paul Cézanne, Pierre Matisse, Chaïm Soutine, Georges Braque, puis il va jusqu'en Espagne où il est séduit par le beauté des paysages[6]. Le voyage en Espagne, qu'il parcourt en bicyclette avec son ami Benoît Gibsoul, est un voyage d'étude au cours duquel il prend force notes et croquis[7]. À partir de Madrid, c'est avec Emmanuel d'Hooghvorst qu'il poursuit jusqu'en Andalousie. Il envoie un abondante correspondance à Geo de Vlamynck, produit quelques aquarelles qu'il vend à Barcelone, et aux Fricero il exprime son indignation devant la misère du peuple espagnol[7]. Il exposera d'autres aquarelles d'Espagne à la galerie Dietrich avec Alain Haustrate et Rotislas Loukine[6]
Le Maroc, l'Italie, Paris
À Marrakech en 1937 Nicolas de Staël rencontre Jeannine Guillou, peintre, dont il fera le portrait en 1941 et 1942[8]. Jeanine Guillou est elle même peintre, plus âgée de cinq ans que Nicolas. Elle s'appelle en réalité Jeanine Teslar, bretonne d'origine, d'une famille de Concarneau, elle est mariée depuis six ans à un polonais Olek Teslar qu'elle a rencontré aux Arts décoratifs de Nice dont elle a un fils : Antek[9]. Les Teslar habitent le sud marocain dans une sorte de phalanstère où ils offrent des médicaments à la population. L'administration leur a fait signer des documents déchargeant la France de toute responsabilité en cas de malheur. Sorte de « hippies avant la lettre », les Teslar se séparent élégamment lorsque Jeanine part avec Nicolas[9].
Jeannine qui a étudié aux arts décoratifs de Nice est déjà un peintre affirmé. A Fès, en 1935, un critique d'art a couvert d'éloges son travail et son talent « viril et nerveux ». Alors que Nicolas cherche encore son style[10].
De Staël est fasciné par l'Italie. En 1938, il entreprend avec Jeannine un voyage qui les conduit de Naples à Frascati, Pompéi, Paestum, Sorrente, Capri. À ses amis Fricero, il écrit :
« après avoir essayé de peindre un an dans ce merveilleux Maroc, et n'en étant pas sorti couvert de lauriers, je puis approcher, voir, copier Titien, Le Greco, les beaux primitifs, le dernier des Giovanni Bellini, Andrea Mantegna, Antonello de Messine, tous, et si parfois ces toiles ne sont pas aussi près de mon cœur que les vieux flamands, les hollandais, Vermeer, Rembrandt, j'y apprends toujours énormément et n'espère qu'une seule chose, c'est de pouvoir les étudier aussi longtemps que possible[11]. »
Cette année-là, les relations avec les Fricero se détériorent. La famille d'accueil s'inquiète pour la carrière de Nicolas qui rompt tout lien avec la Belgique et décide de s'installer à Paris avec Jeannine. Il loge d'abord dans un hôtel au 147 ter rue d'Alésia, puis au 124 rue du Cherche-Midi[12]. Il suit pendant une courte période les cours de l'académie Fernand Léger et il essaie d'obtenir un permis de séjour tout en copiant les œuvres du Louvre. Il fait la connaissance de l'historien d'art suisse Pierre Courthion qui aura un rôle important par la suite[12].
Pendant cette année, Nicolas peint énormément et détruit beaucoup de ses œuvres. Il ne reste de cette période qu'une vue des quais de la Seine[13].
Pour gagner un peu d'argent, il retourne en Belgique à Liège où il travaille sur les fresques du pavillon d'exposition de la France pour l'Exposition internationale de la technique de l'eau[13].
En septembre 1939, le peintre s'engage dans la légion étrangère[13]. Mais pendant les deux mois qui précèdent son incorporation, il rencontre la galeriste Jeanne Bucher qui trouve pour lui et pour Jeannine des logements provisoires dans les ateliers d'artistes inoccupés. Jeanine est déjà tombée gravement malade pendant l'été à Concarneau. C'est à partir de cette époque, et jusqu'en 1942, que Nicolas a peint le plus grand nombre de portraits de sa compagne dans le style figuratif : Portrait de Jeannine[13], dont Arno Mansar dit que « c'est à la fois un Picasso de la période bleue et aussi un souvenir des allongements du Gréco, qu'il a admiré en Espagne[14]. »
Plus tard, Staël dira : « Quand j'étais jeune, j'ai peint le portrait de Jeannine. Un portrait, un vrai portrait, c'est quand même le sommet de l'art[15]. »
L'évolution du peintre
Le nouvel atelier
Le 19 janvier 1940, il est mobilisé et il rejoint le dépôt des régiments étrangers où il est affecté au service des cartes d'État-major à Sidi Bel Abbès en Algérie. Il est ensuite envoyé le 29 février au 1er régiment étranger de cavalerie (1er REC) à Sousse en Tunisie. Là, il travaille au service géographique de l’armée, en mettant à jour les cartes d’état-major du protectorat. Il est démobilisé le 19 septembre 1940[3] .
Nicolas de Staël rejoint Jeannine qui vit alors à Nice. Là il rencontre Alberto Magnelli, Maria Elena Vieira da Silva, Jean Arp, Christine Boumeester, Sonia Delaunay, et Robert Delaunay[8]. Les artistes se retrouvent à la librairie Matarasso, avec Jacques Prévert et Francis Carco. C'est surtout grâce à son ami le peintre Félix Aublet qu'il sera introduit dans ces cercles artistiques et qu'il va orienter sa peinture vers un style plus abstrait[16]. Il reste de cette période quelques traces de ses essais mélangeant cubisme et fauvisme avec le tableau Paysage du Broc, (Maison du Broc) 1941, huile sur toile de 55 × 46 cm, collection particulière[17].
Aublet lui vient encore en aide lorsque le jeune peintre ne peut pas gagner sa vie avec sa peinture : il lui fournit de petits travaux de décoration[18].
De son côté, Jeannine s'est remise à la peinture. « Le marchand de tableau Mockers, de la rue Masséna à Nice, lui a fait signer un contrat d'exclusivité. Ce qui permet au couple de vivre alors que les restrictions alimentaires commencent à peser terriblement. L'arrière pays niçois, assez peu agricole, a le plus grand mal à nourrir sa population[19]. » Jeannine a aussi retrouvé son fils, Antek, qu'elle avait confié à un pensionnat. Antek se débrouille au marché noir. Nicolas troque des bibelots contre de la nourriture. Ces difficultés n'arrêtent pourtant pas Jeannine qui donne naissance le 22 février 1942 à leur fille Anne[20]. Staël est fasciné par l'enfant qu'il décrit comme un « petit colosse aux yeux clairs ». Il voudrait épouser sa compagne, mais les complications juridiques du divorce avec Olek Teslar, injoignable, le découragent.
La naissance de sa fille induit chez de Staël une nouvelle réflexion sur la peinture. Abandonnant le paysage, il se tourne vers le portrait, avec Jeannine pour principal modèle[21].
Les trois années passées à Nice peuvent être considérée comme le premier « atelier » du peintre. Staël commence à appeler ses tableaux « composition », il dessine et peint fiévreusement et continue de détruire autant qu'il crée. Mais il commence à rencontrer ses premiers amateurs[22] : Boris Wulfert lui achète une Nature morte à la pipe (1940-1941), une huile sur papier de 63,5 × 79,5 cm, et Jan Heyligers, son premier tableau abstrait peint à partir d'un coquillage[23]. « Dès 1942, il peint ses premières toiles abstraites. Sur fond uni, gris, s'animent des ellipses, des formes de lasso, des grilles. Les dessin est posé sur la peinture[22]. » De Staël compartimente sa peinture, certaines formes sont des lames, indépendantes du fond, dans un jeu de géométrie. Selon Anne de Staël, on ne sait pas si la composition est dans son aplat, ou bien dans le trait qui limite, ou bien si composer revient à exprimer une chose unique[22].
Nicolas et Jeanine sont très proches de Suzie et Alberto Magnelli installés dans une ancienne magnanerie à Plan de Grasse. Magnelli va être un grand soutien pour « Le Prince »[24].
Retour à Paris, les premiers soutiens, le deuil
En 1943, sous l'occupation nazie, il retourne à Paris avec Jeannine. Les années de guerre sont très difficiles.
Jeanne Bucher achète des dessins à Nicolas et elle prête un logement au couple dans un hôtel particulier momentanément inhabité, celui de Pierre Chareau alors en Amérique[25]. Pendant cette période, le peintre dessine beaucoup de grands formats[25].
Magnelli présente à Staël un ami de Piet Mondrian : César Domela, qui insiste auprès de Jeanne Bucher pour que Nicolas participe à l'exposition qui réunit lui-même, et Vassily Kandinsky. L'exposition a lieu le 15 février 1944, mais personne n'achète les tableaux du "Prince". Des personnalités comme Pablo Picasso, Georges Braque, André Lanskoy, Jean Bazaine, sont présents lors du vernissage. Mais la critique, sans doute influencée par le contexte (art abstrait=art dégénéré), fait preuve d'indifférence, voire de mépris[26].
Ce qui n'empêche pas Jeanne Bucher d'organiser, avec Noëlle Laucoutour et Maurice Panier, une deuxième exposition à la galerie L'Esquisse où sont réunis Kandinsky, Magnelli, Domela et Staël, avec pour titre Peintures abstraites. Compositions de matières. Mais pendant l'exposition, la galerie reçoit la visite de la Gestapo qui soupçonne Panier d'être un résistant[26]. Malgré cela, la galerie l'Esquisse organise le 12 mai de la même année une exposition personnelle de Staël. Quelques dessins y sont vendus. Georges Braque manifeste sa sincère admiration pour le jeune peintre. Staël va devenir un proche du maître avec lequel il noue des liens d'amitié très étroits[27].
« Aux yeux des amateurs, le style de Staël est reconnu comme une expression nouvelle, une syntaxe du dessin dénouée en compositions serrées en même temps qu'éclatées[28]. ». C'est surtout au début de l'année 1945 que ces amateurs se manifesteront lors d'une autre exposition chez Jeanne Bucher du 5 au 28 avril 1945. Parmi eux, l'industriel Jean Bauret.
Mais le peintre se débat dans de terribles difficultés financières, malgré l'aide de Félix Aublet. La situation familiale est désastreuse : « Il n'y avait pas de repas. Un sac de farine nous donnait des crêpes à l'eau. La queue longuement tirée avec des tickets d'alimentation ramenait un peu de lait, un peu de beurre[29].. »
Jeannine est en mauvaise santé et elle le cache aussi bien à sa fille Anne, qu'à son mari dont elle « soutient l'élan dans le travail. Nicolas voyait grandir ses tableaux sans soupçonner que l'état de Jeanine s'amenuisait. Elle était moralement très forte et physiquement fragile. Dans la conscience des tensions de la création, les tensions de la vie ont lâché.(…)Jeannine mourut sur le quai d'un immense tableau : Composition bleue[29]. » Jeannine meurt en le 27 février 1946.
Quelques mois plus tard, le critique d'art Charles Estienne (amateur de surréalisme) fait une critique élogieuse de la peinture de Staël « un extraordinaire "épos" rythme ici les caravanes des formes et les fulgurantes zébrures verticales jaillies souvent des hasards de la matière[30]. »
À la fin de l'année, Staël, qui ne vit que grâce à l'aide d'amis, cherche un marchand pour défendre son œuvre. Il croit l'avoir trouvé en la personne de Jean Dubourg qui lui achète un tableau : Casse lumière. Mais c'est finalement la galerie Louis Carré qui signe un contrat avec le peintre le 9 octobre 1946[31].
Quelques mois après la mort de Jeannine, Nicolas épouse Françoise Chapouton que le couple avait engagée à l'âge de dix neuf ans pour s'occuper des deux enfants, Anne et Antek. Staël aura encore deux enfants, Laurence et Jérôme, de sa nouvelle femme[32]. Et par la suite, un troisième : Gustave[33]
Les années 1945-1950 couvrent une période sombre de la peinture de Staël, où l'abstraction est mise à nu [34]. En particulier dans Composition en noir 1946, huile sur toile (200 × 150.5 cm, Kunsthaus de Zurich[35]). Et plus encore dans Orage (1945, 130 × 90 cm, collection particulière). « Ce que montrent en un sens les toiles des années quarante, c'est qu'il faut naître plusieurs fois pour gagner un tableau. Qu'il faut multiplier les angles vifs, les zones mortes, les obstacles invisibles[34] »
Les étapes de création
De l'abstraction à l'involution 1943-1948
Malgré ses difficultés matérielles, Staël refuse de participer à la première exposition du Salon des réalités nouvelles fondé par Sonia Delaunay, Jean Dewasne et Fredo Sidès parce que la progression de sa peinture le conduit à s'écarter de l'abstraction la plus stricte[31]. Ce sera un sujet d'étonnement pour le jeune amateur Claude Mauriac qui déclare dans son journal :
« Il semble surprenant que ni Staël, ni Lanskoy - novateurs peu contestés de l'art abstrait- ne soient exposés au salon des réalités nouvelles. À moins qu'ayant l'un et l'autre dépassé les formules périmées dont usent encore la plupart des participants de ce salon, leur place eût été inexplicable dans ce qu'il faut bien appeler déjà une rétrospective (…) mais cela me fait plaisir d'apprendre que Nicolas de Staël se trouve maintenant dans le peloton de tête[36]. »
Staël a horreur de s'aligner sur un courant quelconque, tout comme Braque auquel il rend visite régulièrement, ce qui l'amène à s'éloigner de Domela et Dewasne[37]. « De 1945 à 1949, la peinture de Staël se présente comme un faisceau, un lacis de formes impulsives dont les éléments formateurs, nés d'une décision rapide, loin de se perdre instantanément en elle, font valoir leur énergie propre[38]. »
Une énergie ramassée qu'il puisait sur l'instant selon Anne de Staël qui décrit ainsi l'attitude de son père après la mort de Jeannine, et après son mariage avec Françoise Chapouton : « Ils se marient en mai 1946 sans attendre qu'une couleur sèche pour en poser une autre. Il posa à côté d'une douleur profonde le ton de la joie la plus haute. Et on peut dire que de la contradiction de pareils sentiments, il puisait une énergie ramassée sur l'instant, qui permettait d'avancer en vue d'un aiguisement acéré[39]. »
André Chastel, au sujet de la peinture de Staël parle d'involution. Selon Daniel Dobbels, ce terme est d'une grande force. En quelques années, Staël donne un corps à sa peinture, d'une ampleur sans égale et pour ainsi dire, sans précédent. Involution est un terme mathématique qui définit les tableaux de l'immédiat après-guerre : La Vie dure, De la danse, Ressentiment et Tierce noir, comme une évolution en sens inverse. Staël s'écarte de l'abstraction pour former des figures identifiables : deux traits donnent à l'intervention du peintre une signification élevée[40].
Les Staëls déménagent dès le mois de janvier 1947 pour s'intaller 7 rue Gauguet, non loin du parc Montsouris. Non loin aussi de l'atelier de Georges Braque. L'atelier est vaste, haut de plafond, il rappelle les ateliers des maîtres d'autrefois[41]. Sa luminosité contribue à éclaircir la palette du peintre dont Pierre Lecuire dit dans le Journal des années Staël « Très étonnant personnage ce Staël, d'une culture rare chez un peintre, sans préjugé de modernisme et pourtant, un des plus naturellement avancé[42]. » Dès 1949 Pierre Lecuire va travailler à un livre Voir Nicolas de Staël dont le peintre annote les feuillets et précise sa pensée[43], livre-poème qui paraîtra en 1953 avec deux gravures sur cuivre de Staël[44].
Dans cet immeuble, Staël va rencontrer un marchand de tableaux américain : Theodore Schempp qui fait circuler son œuvre aux États-Unis, au grand soulagement du peintre qui n'apprécie guère les méthodes de la galerie Louis Carré, qu'il abandonnera pour la galerie Jacques Dubourg au 126 boulevard Haussmann[45].
L'année suivante, grâce au père Laval, le peintre est exposé dans le couvent des dominicains du Saulchoir en compagnie de Braque, Henry Laurens et Lanskoy. Il commence à vendre ses œuvres et la critique voit en lui le peintre représentatif d'un renouveau artistique. Léon Degand l'invite à montrer ses œuvres à l'exposition inaugurale du Museu de Arte Moderna de São Paulo. Mais Staël est très pointilleux sur la façon dont on interprète sa peinture. Il écrit à Degand :
« (…) les tendances non figuratives n'existent pas, tu le sais bien et je me demande bien comment on peut y trouver de la peinture (…) [46]. »
En ce mois d'avril 1948, Nicolas de Staël est naturalisé français, et le 13 du même mois naît son fils Jérôme. Anne de Staël voit un lien étroit entre les naissances et la peinture de son père. « La vie sous la coiffe de sa peinture donnait dans l'éphémère un sentiment de très longue durée (…) La vie était faite de la naissance de sa fille Laurence le 6 avril 1947, de son fils Jérôme le 13 avril 1948. La joie de Staël au moment d'une naissance était une note très haut placée d'émotion (…) C'était le rappel de la « naissance » rappel du moment où la « lumière » vous est versée (…) Vivre était une couleur et l'énergie devait en exalter la flamme[47]. »
Entre 1947 et 1949, la palette du peintre s'éclaircit. Déjà avec Ressentiment[48], enchevêtrement de structures encore sombres, on voit apparaître des gris et des bleus dans un empâtement de matière qui s'allège peu à peu, avec le noir qui s'efface graduellement comme on le voit l'année suivante dans des œuvres comme Hommage à Piranese (1948), tableau dans les tons pastellisés de gris argenté [49], puis dans une large toile paysagée Calme (1949, collection Carroll Janis, New York[50]). Staël se livre à une recherche acharnée sur la couleur, qui aboutit en 1949 à un nouveau système plastique avec Jour de fête « où l'enduit se fait toujours plus dense et gras et la couleur plus délicate[51]. »
L'équilibre par la couleur 1949-1951
L'artiste commence plusieurs toiles à la fois, mais son travail mûrit plus lentement. Il est animé d'une volonté de perfection dont Pierre Lecuire dit que c'est une « formidable volonté de faire toujours plus fort, plus aigu, plus raffiné, avec au bout l'idée du chef-d'œuvre suprême [52]. »
Staël abandonne les compositions en bâtonnets et leur surcharge pour des formes plus vastes, plus aérées, avec de larges plages de couleur. Le peintre accumule les couches de pâtes jusqu'à parvenir à l'équilibre désiré[53]. Si de nombreux tableaux portent encore le titre "Compositions", beaucoup ressemblent à des paysages comme l'huile sur toile intitulée Composition en gris et bleu de 1949, (115 x195 cm collection particulière), dont Arno Mansar dit que c'est là une « halte indispensable entre l’expressionnisme des empâtements de la matière de naguère et le prochain éclatement des champs de couleur [54]. »
1949 est une année importante pour de Staël qui participe à plusieurs expositions collectives au Musée des beaux-arts de Lyon, à Paris, São Paulo. À Toronto il expose pour la première fois Casse lumière, et tandis que Schempp travaille à le faire connaître aux États-Unis, le peintre cherche à entrer en contact avec Christian Zervos qui dirige la revue Cahiers d'art. L'historien Georges Duthuit sert d'intermédiaire et devient l'ami du peintre[55]. Staël continue à voir régulièrement Braque à Paris et à Varengeville-sur-Mer, mais bientôt ses visites seront plus espacées car le jeune peintre a besoin de retrouver les couleurs du midi. Braque restera néanmoins un de ses principaux inspirateurs et une référence importante[53].
De Staël utilise toutes les techniques, tous les matériaux : gouache, encre de chine, huile, toile, papier. Et il refuse toujours d'être classé dans une catégorie quelconque. Lorsqu'en mars 1950, le Musée national d'art moderne de Paris lui achète Composition (les pinceaux), une huile sur toile de 1949 (162,5 x 114 cm)[56], il exige d'être accroché en haut de l'escalier pour être écarté du groupe des abstraits[55] et il remercie le directeur du musée avec un jeu de mot répété dans toutes les biographies : « Merci de m’avoir écarté du gang de l’abstraction avant, écrit il à Bernard Dorival, conservateur au Musée national d’art moderne de Paris[57],[58]. »
Dès 1950, Staël est déjà un peintre qui compte, on parle de lui dans la revue new yorkaise Art and theatre. En France, Christian Zervos lui consacre un très grand article où il compare l'artiste aux grandes figures de l'histoire de l'art[59]. L'exposition personnelle qui lui est consacrée chez Dubourg du 1e au 15 juin obtient un succès d'estime et le fait connaître des personnalités du monde des arts. En octobre, lorsque Jean Leymarie tente d'acheter la toile Rue Gauguet pour le musée de Grenoble, il se trouve face à la Tate Gallery qui la lui dispute. Le tableau sera finalement acquis par le musée des beaux-arts de Boston[60].
Staël devient un artiste d'autant plus important que ses tableaux commencent à entrer dans les collections américaines. Le critique Thomas B. Hess écrit dans la revue Art News : « De Staël jouit d'une réputation un peu underground en Amérique, où il vend une quantité étonnante de peintures, mais il reste relativement peu connu[60]. » Le travail de promotion de Schempp commence pourtant à porter ses fruits. L'atelier de l'artiste se vide de ses peintures. En 1951, Staël entre au Museum of Modern Art de New York avec une toile de la période sombre : Peinture 1947 huile sur toile 195,6 x 97,5 cm[61].
Une exposition de ses dessins chez Dubourg en mai 1951 révèle aussi une autre facette du talent de l'artiste que René Char admire, et avec lequel il entame un nouveau projet : un livre de poèmes illustré de gravures. Le livre intitulé Poèmes, illustré de gravures sur bois, obtient un succès relatif lors de l'exposition à la galerie Dubourg le 12 décembre[62], mais cela n'entame pas l'enthousiasme du peintre qui poursuit un travail commencé à l'automne : des petits formats. Ces tableaux sont essentiellement des natures mortes, des pommes : Trois pommes en gris, Une Pomme (24 X35 cm) et une série de trois toiles de Petites bouteilles, cette dizaine de toiles témoigne de la nouvelle maturité du peintre, qui, après avoir étudié un livre sur van Gogh s'écrie : « Moi aussi, je ferai des fleurs [63]! » Des Fleurs aux couleurs éclatantes qui jaillissent sur un grand format (140 x 97 cm) dès l'année suivante, après avoir vu une exposition où figurent les Roses blanches de van Gogh au Musée de l'Orangerie[64]
La figuration-abstraction 1952-1955
Les années explosives : 1952-1953
Ce sont les années où de Staël a effectué le plus grand renouvellement continu selon l'expression de Dobbels[65]. L'année 1952 est riche en création (elle voit naître plus de 240 tableaux de l'artiste, grands et petits formats [66]), dont Mantes-la-Jolie, actuellement conservé au Musée des beaux-arts de Dijon. Staël passe de la nature morte, aux paysages de l'Île-de-France, aux scènes de football, et aux paysages du midi de la France. Pourtant cette année foisonnante commence par une déception avec une exposition à Londres à la Matthiesen Gallery. Cette ville enthousiasmait l'artiste en 1950. Mais à son retour, en 1952, il dit à sa fille Anne : « Londres, c'est les égouts de Paris en plein ciel avec la majeure partie des maisons construites en poussière marine, pierres à coquillages, noires près de la terre et blanches là où le vent de la mer les lave suffisamment[67] ». En février-mars, 26 tableaux sont présentés. Le vernissage est mondain mais n'a aucun succès[68]. La critique ne comprend pas Staël à l'exception du critique d'art Johnn Russell qui voit dans le peintre un novateur irremplaçable et de Denis Sutton qui écrit dans la préface du catalogue : « Staël a établi sa foi dans une œuvre intangible, nourrie par la lumière (…)Ce sont des peintures qui élèvent l'esprit[69]. »
Staël est un peu ébranlé, et il se lance dans des paysages sur carton de petits formats dans les tons gris bleu et vert (Mantes, Chevreuse, Fontenay-aux-Roses) qu'il distribue à ses amis, notamment à René Char[70]. Il fait don des Toits (200 X 150 cm primitivement intitulés "Le Ciel de Dieppe") au Musée d'art moderne de Paris[71]. Londres l'a fait douter.
Mais bientôt un évènement va faire exploser son enthousiasme. Le 26 mars 1952 a lieu au Parc des Princes le match de football France-Suède auquel Staël assiste avec sa femme[72]. Le peintre ressort du Parc transformé, habité par les couleurs qu'il veut immédiatement porter sur la toile[73].
Il y passe la nuit, commençant une série de petites ébauches qui vont devenir Les Footballeurs sujet qu'il traite avec de très vives couleurs dans plus d'une dizaine tableaux qui vont du petit au grand format, des huiles sur toiles, ou huiles sur carton dont un exemplaire se trouve à la Fondation Gianadda, un plus grand nombre au Musée des beaux-arts de Dijon, un exemplaire au Musée d'art contemporain de Los Angeles et beaucoup dans des collections privées [74]. Staël se livre tout entier à sa passion des couleurs et du mouvement. Le clou de ce travail, sur lequel il passe la nuit entière pour les ébauches des footballeurs, apparaît au bout d'une semaine : Le Parc des Princes, une toile tendue sur châssis de 200 x 350 cm (7 mètres carrés). Il utilise des spatules très larges pour étaler la peinture et un morceau de tôle de 50 cm qui lui sert à maçonner les couleurs [75].
Lorsqu'il expose son Parc des Princes au Salon de mai de la même année, le tableau est ressenti comme une insulte tant par ses confrères que par la critique[73]. Le Parc apparaît comme un manifeste du figuratif qui a contre lui tous les partisans de l'abstraction[75]. Comme Jean Arp ou Jean Hélion, Staël est déclaré coupable d'avoir abandonné ses recherches abstraites, il est traité de contrevenant politique selon l'expression de André Lhote[76].
À tout ce bouillonnement autour de deux mots, Staël répond dans un questionnaire que Julien Alvard, Léon Degand, et Roger van Gindertael ont donné à plusieurs peintres : « Je n'oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative.Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d'un espace[77]. »
André Breton déclare que : « Le novateur authentique, à qui marchands et critiques défendent aujourd'hui, pour des raisons de vogue, toute autre voie que celle du non-figuratif n'a pas grande chance de s'imposer[78]. ». Ce en quoi il se trompe. Le galeriste new yorkais Paul Rosenberg, très attiré par cette toile, va imposer Staël aux États-Unis dès l'année suivante et lui proposer un contrat d'exclusivité après avoir vu l'exposition du 10 au 28 mars 1953 à New York chez Knoedler, où Staël a connu un succès retentissant [79]. Paul Rosenberg est un galeriste de référence auxquels les amateurs font confiance. Il vend les grands maîtres : Théodore Géricault, Henri Matisse, Eugène Delacroix, Georges Braque. Nicolas de Staël est heureux de se retrouver en si bonne compagnie[80].
Mais la vie à New York lui paraît difficile. Le 13 mars, il revient à Paris, au moment où paraît le livre de Pierre Lecuire Voir Nicolas de Staël avec une lithographie en couverture et deux gravures de Staël[81].
Quelques mois plus tard, Staël trouve une nouvelle source d'inspiration dans la musique. Alors qu'il est invité le 5 mai à un concert chez Suzanne Tézenas, à la fois héritière et mondaine [82], Le peintre découvre les "couleurs des sons": après avoir entendu Pierre Boulez , Olivier Messiaen ,Albeniz, il s'intéresse à la musique contemporaine et au jazz. En particulier à Sidney Bechet auquel il rend hommage avec deux toiles : Les Musiciens, souvenir de Sidney Bechet[83] dont une version se trouve au Centre Pompidou à Paris, l'autre version intitulée Les Musiciens (street musicians) à la Phillips Collection de Washington[84]. De cette période d'inspiration musicale naîtront également L'Orchestre[85]. Il envisage même un ballet avec René Char : L'Abominable des neiges[86], ainsi qu'une toile inspirée par la reprise à l'Opéra de Paris de l'opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau Les Indes galantes que le peintre intitulera aussi Les Indes galantes[87], une huile sur toile de 161 x 114cm (collection particulière) peinte en 1952- 1953[88]
Mais il lui manque toujours les couleurs du midi. Il loue pendant un mois une magnanerie près d'Avignon à Lagnes où les couleurs de sa palette vont devenir éclatantes[80]. Puis il met toute sa famille dans sa camionnette et il l'emmène en Italie, puis en Sicile où il admire la Toscane, Agrigente, sujet de ses plus célèbres toiles[89].
Peu après, Staël achète une maison dans le Lubéron, à Ménerbes, : Le Castelet. Il y peindra entre autres plusieurs toiles intitulées Ménerbes dont une version d'un format de 60 x 81cm se trouve au musée Fabre de Montpellier[90]. Et il continue à fournir inlassablement Rosenberg qui explique dans un journal américain qu'il considère de Staël comme une des valeurs les plus sûres de son époque [91], et qui prépare une exposition : Recent paintings by Nicolas de Staël qui aura lieu dans sa galerie en 1954[92].
L'exposition du 8 février 1954 chez Paul Rosenberg va se révéler un très grand succès commercial.
Les Couleurs du midi : 1954 1955
Exilé aux États-Unis depuis la guerre, Rosenberg , qui avait une galerie au 26 rue La Boétie à Paris, et une succursale à Londres, a déjà vendu les plus grands peintres dans les années trente : Picasso, Braque, Léger, Matisse. Plus qu'un marchand, c'est un "seigneur" qui dit par provocation : « Pour moi, un tableau est beau quand il se vend[93]. » Et précisément, il vend énormément de Staël. La majorité des œuvres de la période 1953-1955 ont été vendues à New York, principalement par Rosenberg, (ainsi que par Schempp), comme on peut le vérifier dans le catalogue raisonné établi par Françoise de Staël et la liste des œuvres actuellement visibles dans les musées américains.
Pour l'exposition du 8 février 1954, le peintre lui fourni tous les tableaux qu'il a peint à Ménerbes, en souvenir de son voyage en Sicile, en Italie. Il propose toutes les couleurs du midi, des fleurs, des natures mortes, des paysages[94]. À Lagnes, Staël a travaillé avec un telle énergie et a produit tant de toiles que Rosenberg est obligé de le freiner en lui expliquant que les clients risquent d'être effrayés par une trop grande rapidité de production[94]. Agacé, Staël répond qu'il fait ce qu'il veut, et que peindre est pour lui une nécessité, exposition ou pas. Il demande même que le marchand lui renvoie une Nature morte aux bouteilles (1952) que Rosenberg trouve trop lourde[95], et dont une version de 64 7 × 81 cm se trouve au Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam[96].
À New York, les tableaux de Staël reçoivent un accueil favorable de la part des collectionneurs américains qui achètent très rapidement, certains d'entre eux en feront don à des musées, ce qui explique l'énorme proportion de tableaux de Staël actuellement visibles aux États-Unis. Lors du vernissage, il y a dans l'assemblée, un jeune diplomate français qui est bouleversé par cette peinture. C'est Romain Gary. Il écrit à Staël rue Gauguet : « Vous êtes le seul peintre moderne qui donne du génie au spectateur[97]. »
Le 3 avril, Françoise donne un nouvel enfant à Nicolas, un fils, Gustave dont le peintre dit que c'est « son portrait en miniature, un objet très vivant [94]. »
Au mois de juin, chez Jacques Dubourg, une nouvelle exposition de Staël montre une douzaine de peintures parmi lesquels Marseille (vue de Marseille), huile sur toile de 64 7 × 81 cm actuellement visible au Los Angeles County Museum of Art[98], L'Étang de Berre La Route d'Uzès, tableaux qui font sensation. Mais certains critiques s'en prennent au nouveau style du peintre. Notamment Léon Degand qui écrit que ces belles couleurs et ce brio « s'avèrent insuffisants au bout de cinq minutes, pour qui cherche un peu plus que des qualités purement extérieures[99]. » Staël a aussi des défenseurs qui soulignent le talent du peintre dans le concret et dans la couleur, notamment Alain Berne-Jouffroy dans La Nouvelle Revue Française[100].
À Paris, pendant l'été, Staël peint une série de natures mortes, de paysages et de bouquets de fleurs : La Seine (89,2 × 130,2 cm), achetée par Joseph H. Hirshhorn qui en a fait don à Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington)[101]. Le peintre fait plusieurs séjours dans la Manche ou près de la mer du Nord d'où il ramène le sujet de toiles aux tonalités douces : Cap Gris-Nez, Cap Blanc-Nez. Les toiles de cette période ont rapidement trouvé acquéreur et elles sont pour la plupart dans des collections privées[102].
Mais Nicolas de Staël a changé. Littéralement envoûté par Suzanne Tézenas, dont le salon parisien rivalise avec ceux de Louise de Vilmorin ou de Florence Gould, il est pris d'une passion fiévreuse pour celle qui est la mécène de Pierre Boulez après avoir été l'amie très chère de Pierre Drieu La Rochelle[103].
Pour être près d'elle qui réside près de Nice, Staël loue un appartement à Antibes où il vit seul, sans sa famille et où il installe son atelier[104]. « Pour la première fois de sa vie, Staël aime plus qu'il n'est aimé. Sa passion pour Jeanne le submerge[105]. » C'est elle qu'il campe de mémoire dans : Jeanne (nu debout) (146 × 97 cm), 1953, tableau postdaté et intitulé en 1954 Nu Jeanne[106], une silhouette vaporeuse, émergeant d'une brume de couleurs tendre.
Travaillant de nouveau comme un fou, il n'utilise plus la même technique. Maintenant, au lieu de peindre en pâtes épaisses, il dilue les couleurs. Les marines deviennent son thème privilégié. Le fils de Paul Rosenberg lui écrit : « Il y a des gens pour regretter vos empâtements, trouvant la matière lisse du dernier lot moins frappante [107]. » Le peintre use maintenant de matériaux différents, il abandonne le couteau et les spatules pour du coton ou des tampons de gaze avec lesquels il étale la couleur. Les grands formats l'intimident désormais, mais il continue à en réaliser [107].
Un voyage en Espagne et la visite des salles Vélasquez au musée du Prado lui font un temps oublier Jeanne. Mais bien vite, il retourne à Antibes car la passion le dévore. À l'automne, il se sépare définitivement de Françoise. À la fin de l'année, il se retrouve seul et abattu[108]. Mais il a plusieurs projets d'expositions dont une au musée Grimaldi, et la frénésie le reprend. Il travaille sur plusieurs toiles à la fois : dans le derniers mois de sa vie, il réalise plus de 350 peintures[109]. Mais il a besoin d'avis. Il en demande d'abord à Douglas Cooper, un collectionneur d'art, qui se montre très sceptique sur le style décoratif de ces dernières œuvres[107]. D'après John Richardon, Cooper était d'une humeur grincheuse. Cooper est insensible aux Mouettes(195 × 130). Fin janvier, Staël écrit à Cooper pour expliquer son évolution et défendre son point de vue, mais il est très atteint par la réserve de Cooper bien qu'il fasse mine de la rejeter. Il rejette également les remarques de Pierre Lecuire, mais il les critiques le blessent[110]. Mais, bien que très inquiet sur la qualité de son travail, il continue d'expédier des toiles à New York, à Paris[111].
Il écrit à Suzanne Tézenas : « Je suis inquiet pour la différence de lumière, lumière d'Antibes à Paris. Il se pourrait que les tableaux n'aient pas à Paris la résonance qu'ils ont dans mon atelier d'Antibes. C'est une angoisse[112]. ». Le 5 mars, il se rend à Paris où il retrouve finalement l'inspiration. Il assiste à deux concerts au Théâtre Marigny, il suit une conférence de Pierre Boulez, il rencontre des amis avec lesquels il forme des projets, et de retour à Antibes, il peint ses impressions musicales. Sur un châssis de 6 mètres de haut il entreprend "Le Concert" et il trouve chez des amis violoniste des matériaux pour exécuter des esquisses. La peinture provoque chez lui une extrême tension. Le malaise de Nicolas est d'autant plus grand que Jeanne se montre très distante, et ne vient pas à leur dernier rendez-vous.
Le 16 mars, Staël se jette par la fenêtre de son atelier[112], après avoir tenté la veille d'ingurgiter des barbituriques[113].
Selon Jean-Louis Prat, commissaire de l'exposition Nicolas de Staël en 1995 à la Fondation Gianadda : « Entre une abstraction qui n'a pour elle que le nom et une figuration qui n'illustre qu'imparfaitement le réel, Nicolas de Staël a exploré jusqu'à l'épuisement le vrai domaine de la peinture dans son essence et son esprit[114]. »
C'est aux États Unis que les amateurs de Staël ont été les plus nombreux. Dans l'année qui a suivi sa mort, les tableaux du peintre n'ont été exposés que dans des musées américains. Les œuvres de Staël sont revenues en Europe l'année suivante[115].
- Expositions personnelles en 1955-1956
- Museum of fine arts, Houston, Texas
- Kalamazoo Institute of Arts, Kalamazoo, Michigan
- DeCordova Museum and Sculpture Park, Lincoln, Massachusetts
- The Phillips Collection, Washington
- Fort Worth art center, Fort Worth, Texas
- Rockefeller center, New York
- Cornell University, Ithaca
- Memorial art gallery of the university of Rochester, Rochester (New York) (catalogue préfacé par Theodore Schempp)
La dernière rétrospective de l'œuvre de Nicolas de Staël a eu lieu à la Fondation Ginadda de Martigny (Suisse) du 18 juin au 21 novembre 2010 : Nicolas de Staël, 1945-1955.
Sélection d'œuvres
Article détaillé : Liste des œuvres de Nicolas de Staël.- Portrait de Jeannine, 1941- 1942, 81 × 60 cm, collection particulière[116]
- La Vie dure, 1946, 142 × 161 cm Centre Pompidou, [117]
- De la danse, 1946, huile sur toile, 195,4 × 114,5 cm, musée national d'Art moderne, Paris[118]
- Peinture 1947 huile sur toile 195,6 × 97 5 cm, Museum of Modern Art[119]
- Hommage à Piranese, 1948, huile sur toile, 100 × 73 cm, Henie Onstad Art Center, Oslo[120]
- Composition (les pinceaux), 1949, huile sur toile 162 5 × 114 cm, musée national d'Art moderne, Paris[56]
- Jour de fête, 1949,huile sur toile 100 × 73 cm, Galerie Jeanne Bucher[121]
- Composition en gris et bleu (ou gris vert et bleu), 1950, huile sur toile Huile sur toile 115 × 195 cm, collection particulière[122]
- Mantes-la-Jolie, 1951, musée des beaux-arts de Dijon[119]
- Série « Les Footballeurs », 1952, musée des beaux-arts de Dijon [123]
- La Ville blanche[124], 1951, musée des beaux-arts de Dijon
- Les Toits, 1952, huile sur isorel, 200 × 150 cm, musée national d'Art moderne, Paris[125]
- Fleurs, 1952, huile sur toile, 140 × 97 cm, collection Daniel Varenne, Genève [126]
- Le Lavandou, 1952, 195 × 97 cm Centre Pompidou, don de Jacques Dubourg 1959[127]
- Le Parc de Sceaux, 1952, huile sur toile, 161,9 × 1 113,9 cm, The Phillips Collection, Washington[128]
- Figures au bord de la mer, 1952, huile sur toile, 161,5 × 128,5 cm, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf[129]
- Le Parc des Princes, 1952, huile sur toile, 200 × 350 cm, collection particulière[116]
- L'Orchestre, 1953, huile sur toile, 200 × 350 cm Centre Pompidou [130] (pour les photos voir Ameline et al p.152-153)
- Les Musiciens, souvenir de Sidney Bechet, 1953, huile sur toile, 162 × 114 cm, musée national d'Art moderne, Paris[131]
- Agrigente, 1953, huile sur toile, 73 × 100 cm, Kunsthaus, Zürich Vereinigung Zürcher Kunstfreunde[132]
- Agrigente, 1953, huile sur toile, 89 × 130 cm, Musée d'art contemporain de Los Angeles[133]
- Portrait d'Anne, 1953, 89 × 130 cm musée d'Unterlinden, Colmar [134]
- La Tour Eiffel, 1954, musée d'art moderne de Troyes
- Agrigente, 1954, huile sur toile 60 × 81 cm collection particulière [135]
- Coin d'atelier à Antibes 1954, huile sur toile, 140 × 89 cm, Kunstmuseum Berne (Suisse)[136]
- Sicile, 1954, huile sur toile, 114 × 146 cm, musée de Grenoble[137]
- La Cathédrale, 1955, huile sur toile, 195 × 130 cm, musée des beaux-arts de Lyon[138]
- Le Concert (Le Grand Concert), 1955, musée Picasso, Antibes
- Nature morte au poêlon, 1955, collection particulière
- Coin d'atelier fond bleu, 1955, huile sur toile, 195 × 114 cm, collection particulière[139]
- Atelier à Antibes, 1955, huile sur toile,195 × 114 cm, collection particulière[140]
- Chemin de fer au bord de la mer, soleil couchant, huile sur toile, 73 × 100 cm, galerie Daniel Malingue[141]
- Le Fort carré d'Antibes, 1955, 195 × 114 cm Musée Picasso d'Antibes[142]
- Nature morte au chandelier sur fond bleu, 1955, huile sur toile, 89 × 130 cm, musée Picasso, Antibes[143], (donation Françoise de Staël)
Entre les tableaux, les collages et les dessins, ce sont au total plus de mille pièces (compositions abstraites, nus, natures mortes) qui sont dans les musées et dans les collections particulières.
Cote
- Nature morte au poêlon, 1955, huile sur toile, 65 × 81 cm, adjugée 625 232 euros en octobre 2007.
Bibliographie
Correspondance
- René Char et Nicolas de Staël, Correspondance 1951-1954, éditions des Busclats, 2010
Essais et biographies
- André Chastel, Françoise de Staël et Jacques Dubourg, Staël, lettres et catalogue raisonné de ses peintures 1934-1955, Paris, Le Temps, 1968, 407 p.
- André Chastel, de Staël, exposition Maeght, 1972
- Guy Dumur, Nicolas de Staël, éd. Flammarion, 1975
- Jean-Pierre Jouffroy, La Mesure de Nicolas de Staël, Neuchâtel, Ides et Calendes, 1981 (ISBN 2-8258-0001-5)
- Arno Mansar, Nicolas de Staël, La Manufacture, 1990, (ISBN 2-73770-212-7), réédition La Renaissance Du Livre, 1999, (ISBN 2-80460-256-7)
- Jean-Louis Prat, notices Henry Bellet, Nicolas de Staël Rétrospective de l'œuvre peint, éd. Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence, 1991, (ISBN 2-900923-019-5)
- Jean-Louis Prat et Harry Bellet, Nicolas de Staël : catalogue de l'exposition à la Fondation Gianadda, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 1995 (ISBN 2-88443-033-4) avec les lettres du peintre commentées par Germain Viatte.
- Françoise de Staël, Nicolas de Staël : catalogue raisonné de l'œuvre peint, Neuchâtel, Ides et Calendes, 1997, 1267 p. (ISBN 2-82558-0054-6). Françoise de Staël, née Françoise Chapouton , est la veuve de Nicolas de Staël.
- Laurent Greilsamer, Le Prince foudroyé : la vie de Nicolas de Staël, Paris, Fayard, 1998 et 2001, 335 p. (ISBN 2-213-59552-6).
- Daniel Dobbels, Staël, Paris, Hazan, 1994, 248 p. (ISBN 2-85025-350-2) rééditon 2009
- Jean-Paul Ameline, Alfred Pacquement et Bénédicte Ajac, Nicolas de Staël : catalogue de l'exposition du 12 mars au 18 juin 2003, Paris, Centre Pompidou, 2003, 251 p. (ISBN 2-84426-158-2)
- Marie du Bouchet, Nicolas de Staël, une illumination sans précédent, coll. Découvertes Gallimard Arts, éd. Gallimard, 2003
- Jean-Louis Andral (sous la dir.), Nicolas de Staël, un automne, un hiver, catalogue de l'exposition du musée Picasso à Antibes, éd. Hazan, Paris, 2005
- Alain Madeleine-Perdrillat, Staël, les mots de la peinture, Paris, Hazan, 2003, 128 p. (ISBN 2-85025-861-X)
- Anne de Staël, Staël, du trait à la couleur, Paris, Imprimerie nationale (France), 2001, 339 p. (ISBN 2-7433-0404-9) . Anne de Staël est la fille des peintres Nicolas de Staël et Jeanine Guillou.
- Jean-Louis Prat, Thomas Augais, Anne de Staël et André du Bouchet, Nicolas de Staël 1945-1955 : catalogue de l'exposition à la Fondation Gianadda, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2010, 288 p. (ISBN 2-88443-128-6)
Filmographie
- Nicolas de Staël (1968) de Jean L'Hôte
- Nicolas de Staël, vie et mort d'un peintre (1963) d'Edmond A. Lévy
Notes et références
- Télérama n°2374 du 12 juillet 1995, p.13 Bernard Heitz, article : Nicolas de Staël, les couleurs du tourment,
- Greilsamer p.18
- Ameline et al p.27
- Greilsamer p.40
- Prat Bellet p.195
- Dobbels p.239
- Greilsamer p.64
- Greilsamer p.80
- Greilsamer p.81
- Greilsamer p.82
- Prat Bellet p.195 Lettre à Emmanuel Fricero, Naples, le 15 février 1938, cité par
- Ameline et al p.32
- Ameline et al p.33
- Mansar p.32
- Prat Bellet p.34
- Greilsamer p.95
- Françoise de Staël p.179
- Ameline et al p.28
- Greilsamer p.93
- Greilsamer p.97
- Greilsamer p.99
- Anne de Staël p.58
- Françoise de Staël p.90
- Anne de Staël p.60
- Prat Bellet p.196
- Ameline et al p.38
- Ameline et al p.40
- Anne de Staël p.62
- Anne de Staël p.105
- Ameline et al p.43 La Peinture et l'époque, article de Charles Estienne paru dans Confluences n°10 de mars 1946 cité par
- Ameline et al p.44
- Greilsamer p.144-146
- Greilsamer p.249
- Dobbels p.52
- Françoise de Staël p.205
- Greilsamer p.178 Journal de Claude Mauriac cité par
- Greilsamer p.179
- Prat Bellet p.21 Introduction de Henri Maldiney dans
- Anne de Staël p.111
- Dobbels p.114-115
- Anne de Staël p.113
- Ameline et al p.45 Journal des années Staël du 29 avril 1947 cité par
- Anne de Staël p.136
- Françoise de Staël p.1047 Cité dans une lettre du 27 janvier 1953 par
- Ameline et al p.47
- Musée national d'art moderne, Paris Lettre à Léon Degand, avril 1948, Fonds Degand,
- Anne de Staël p.115
- Ressentiment présent à la fondation Gianadda juin-octobre 2010 pour la rétrospective de Staël
- Prat Bellet p.44
- Ameline et al p.99
- Chastel 1972 p.20
- Pierre Lecuire, Journal de années Staël du 22 janvier 1949
- Ameline et al p.85
- Mansar 1990 p.61
- Ameline et al p.87
- Ameline et al p.100
- Prat Bellet p.199 lettre à Bernard Dorival, septembre 1950, citée par
- Bernard Heitz, article : Nicolas de Staël, les couleurs du tourment, Télérama n°2374 du 12 juillet 1995, p.12
- Ameline et al p.90
- Ameline et al p.91
- Ameline et al p.92
- Greilsamer p.215
- Greilsamer p.217
- Mansar p.115
- Dobbels p.137
- Greilsamer p.223
- Greilsamer p.225
- Anne de Staël p.187
- Introduction au catalogue de l'exposition Nicolas de Saël, Matthiesen Gallery, 21 février-15 mars 1952
- Ameline et al p.130
- Ameline et al p.120-121
- Ameline et al p.131
- Greilsamer p.220
- Ameline et al p.136-141
- Greilsamer p.221
- Greilsamer p.222
- Ameline et al p.123 Alvard, Degand, van Gindertael, Témoignages pour l'art abstrait, Éditions Art Aujourd'hui, Paris 1952 cité par
- André Breton, Entretiens, éditions Gallimard, Paris, 1952, réédition 1960
- Ameline et al p.124
- Ameline et al p.127
- Ameline et al p.126
- Greilsamer p.229
- Les Musiciens présenté à la fondation Ginadda en 2010
- Françoise de Staël p.418
- L'Orchestre
- Greilamer p.231
- Françoise de Staël p.410
- voir Les Indes galantes de Staël
- Ameline et al p.128
- Dobbels p.179
- Ameline et al p.129
- Prat Bellet p.213
- Greilsamer p.242
- Ameline et al p.169
- Greilsamer p.244
- Françoise de Staël p.328
- Greilsamer p.245
- Françoise de Staël p.516
- Léon Degand dans " Art d'Aujourd'hui" n°6, série 5, septembre 1954, p.33
- N° 20, du 1e août 1954, p.334
- Françoise de Staël p.544
- Françoise de Staël p.553-561
- Greilsamer p.230
- Ameline et al p.170
- Greilsamer p.244
- Françoise de Staël p.477
- Ameline et al p.171
- Greilsamer p.258
- Prat et al 2010 p.27
- Greilsamer p.260
- Greilsamer p.261
- Ameline et al p.172
- Greilsamer p.265
- cité par Bernard Heitz, dans : Nicolas de Staël, les couleurs du tourment, Télérama n°2374 du 12 juillet 1995, p.13
- Ameline et al p.243
- Ameline et al p.51
- Ameline et al p.61
- Prat Bellet p.40-41
- Ameline et al p.74 <
- Prat Bellet p.44-45
- Prat Bellet p.46-47
- Ameline et al p.103
- Ameline et al p.138 à 141
- Sur le site du musée de Dijon.
- Ameline et al p.117
- Prat Bellet p.64-65
- Ameline et al p.160
- Ameline et al p.149
- Prat Bellet p.90-91
- Dobbels p.77 à 82
- Prat Bellet p.94-95
- Ameline et al p.179
- Ameline et al p.178
- Dobbels p.72
- Ameline et al p.181
- Ameline et al p.192
- Prat Bellet p.106-107
- Prat Bellet p.138-139
- Ameline et al p.190
- Ameline et al p.191
- Prat Bellet p.144-145
- Prat Bellet p.147-148
- Prat Bellet p.130-131
Liens externes
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