- Melilla
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Ciudad Autónoma de Melilla
Cité autonome de Melilla (fr)Devise : aucune officielle
Données clés Pays Espagne Capitale Melilla Gentilé Français mélillien Gentilé Espagnol melillense Statut d'autonomie 14 mars 1995 Sièges au Parlement 1 députés
2 sénateursPrésident Juan José Imbroda Ortíz (PP) ISO 3166-2:ES ES-ML Population Totale (2007) 72000 hab. Rang 1er rang % de l'Espagne / % Densité 3459,2 hab./km2 Superficie Totale 12,3 km2 Rang 1er rang % de l'Espagne / % Localisation
Melilla (Tamelilt en tamazight[1] [« la blanche »], Malïla chez les géographes arabes ou Mlilya en arabe actuel[2]) est une ville autonome espagnole située sur la côte nord-ouest de l'Afrique, en face de la péninsule Ibérique, et formant une encoche dans le territoire marocain. Administrée en tant que partie de la province de Málaga avant le 14 mars 1995, elle détient depuis le statut d'une ville autonome, assez proche de celui d'une communauté autonome espagnole.
C’est un port franc depuis la fin du XIXe siècle ; la ville a perdu toutes ses industries après 1956, au XXIe siècle, c'est surtout une place commerciale. Le commerce transfrontalier (légal ou de contrebande) constitue une autre source importante de revenus. Le secteur tertiaire représente sa principale activité économique (secteur bancaire, transports, administrations locales ou nationales). Les estimations de 2007 chiffrent sa population à 72 000 habitants.
Sommaire
Géographie
L’enclave espagnole de Melilla est établie sur la côte méditerranéenne du Maghreb sur la partie orientale et la plus méridionale du cap des Trois Fourches au Maroc. Cette région est située sur la partie la plus orientale du Rif Marocain. La ville occupe le centre du golfe du Gourougou, du nom du volcan qui le domine.
Le climat est de type méditerranéen méridional avec de fortes précipitations en décembre et janvier, périodes où les températures nocturnes sont inférieures à 10 °C. Les températures de juillet peuvent atteindre 40 °C. L’été est très sec.
Histoire
Cette enclave a pour origine un site fortifié sur un promontoire rocheux séparant deux types de côtes. Au nord, d’impressionnantes falaises basaltiques, au sud, une côte basse régularisée par l’action maritime qui se poursuit, en territoire marocain par une vaste lagune dénommée Mar Chica (Petite Mer) où est établie la ville de Nador.
Le site fortifié a pour origine un établissement phénicien (l’antique Russadir) occupé ensuite par la République romaine, l'Empire romain et l'Empire byzantin.
Vers la fin du VIIe siècle la ville fut conquise par le Califat islamique omeyyade,
Vers 791, à l'instar de la région du Rif, la ville fut conquise par Idriss Ier, fondateur du royaume du Maroc
En 859, la ville a subi des raids destructeurs des Vikings qui l’incendièrent.
En 927, la ville est rattachée à l’émirat de Cordoue mais ce rattachement dure peu de temps et la ville est de nouveau soumise par les nouvelles dynasties maroco-musulmanes émergentes Almoravides (vers 1079), Almohades (1141), Mérinides (1217) et Wattassides (Vers 1465) ces derniers la conservèrent jusqu'en 1497.
En 1497, la ville est prise par les Espagnols, marquant ainsi le début des expansions coloniales espagnoles dans la rive Sud de la mer Méditerranée (occupation d’Oran, Bougie, Bône, Bizerte, La Goulette, etc.).
En 1774-1775, alors qu'elle avait réussi à reprendre Larache aux Portugais en 1769, l'armée du sultan marocain alaouite Sidi Mohammed ben Abdallah voit ses attaques contre Melilla – mais aussi Ceuta et Al Hoceima – repoussées par les Espagnols ; un échange de prisonniers est ensuite effectué entre les deux pays (ce qui, à l'époque, représentait une « première » entre le Maroc et des pays européens)[3].
En 1808, suite aux graves problèmes de ravitaillement auxquels est confrontée l'Espagne dans sa lutte contre les Français, on envisage de céder les Presidios (Sebta, Mlilya et les iles) au Maroc contre des vivres[réf. nécessaire].
Les frontières de Melilla
En 2009, la ville de Melilla est limitée par une frontière en forme de demi-cercle matérialisée par un double système de grillages ponctué de miradors[4], l’ensemble a été financé par l'Union européenne. Le tout est sévèrement contrôlé par la garde civile espagnole qui dispose d’un système électronique de détection. Cette frontière est percée de trois points de passage vers le Maroc pour les véhicules et les piétons.
Les raisons de cette frontière marquée par un rideau de fer en sont d’une part les permanentes tentatives de passages clandestins de populations du Maghreb et de l'Afrique noire, espérant atteindre l'Union européenne. D’autre part cette porte de l'Espagne est utilisée pour introduire en Europe les produits dérivés du cannabis et depuis une période récente la cocaïne sud américaine transitant par les grands ports marocains (Casablanca en particulier).
Cette frontière est cependant difficile à contrôler en raison d’un accord hispano-marocain datant du Protectorat espagnol de 1912 sur le Rif et qui autorise les habitants de la province de Nador à la franchir en présentant seulement leur passeport sans visa. Inversement, les habitants de Melilla peuvent se rendre dans cette même zone aux mêmes conditions (leur carte d'identité établie à Melilla). Cet accord de réciprocité oblige la police de l’air et des frontières espagnole à procéder à un contrôle systématique d'identité à la gare maritime ou à l’aéroport pour tous les passagers quelle que soit leur nationalité, s’ils veulent regagner l'Espagne.
La ville est donc isolée, bien qu’elle fasse partie de la circonscription téléphonique de Malaga et qu’elle soit reliée par trois mouvements maritimes quotidiens vers Malaga et Almeria ainsi qu’une dizaine de vols, eux aussi quotidiens, vers certaines villes de la Péninsule (Madrid, Grenade, Almeria, Valence, Séville, Barcelone et surtout Malaga).
Depuis quelques années, et avec la montée en puissance des villes marocaines de l'Oriental et l'amélioration de la situation économique du Nord du Maroc s'améliorant (la rocade méditerranéenne, le port de Tanger Med et de Saidia-Mediterannia), Melilla a perdu de son attrait commercial d'autant plus que les tarifs douaniers côté marocain ont fortement chuté, ce qui a entrainé l'alignement des prix des produits sur ceux de Melilla qui sont sans taxe.
La ville rifaine de Nador (environ 300 000 habitants selon des statistiques marocaines, voir plus de 500 000), jointive de Melilla, avec ses structures économiques, ne peut que sous-traiter les activités économiques du tertiaire de l’enclave espagnole. Ce rôle de Melilla était dominant et était donc fort différent de celui de son homologue espagnol de l’ouest, Ceuta. Le nord-ouest rifain dispose en effet d’une véritable capitale économique régionale qui lui est propre et qui n’est autre que Tanger ; Ceuta demeure donc un centre secondaire bien que davantage connu que Melilla.
Économie
Depuis l’indépendance du Maroc en 1956, Melilla n’a plus accès aux mines de fer du Rif qui en faisaient une importante ville ouvrière liée à la sidérurgie au point qu’elle portait le surnom de « la Bilbao du Sud ». Ces mines ont d’ailleurs été fermées peu après leur nationalisation par l’État marocain. Conservant son rôle de grande ville de garnison espagnole, Melilla a converti ses anciens quartiers industriels dans les années 1960 et 1970 en quartiers balnéaires formant un front de mer résidentiel dense sur la plage.
Économiquement, la ville est censée vivre du secteur tertiaire où l’on note la curieuse absence d’une importante activité touristique de masse à laquelle on s’attendrait ici; le tourisme existant n’étant que de transit se dirigeant vers le Maroc ou en sortant. De loin, c’est le secteur public qui sert ici de locomotive économique (masse salariale des fonctionnaires et assimilés, des administrations centrales et locales où dominent la défense nationale, l'éducation, le médico-social et les administrations publiques). Le secteur commercial, les transports et le secteur bancaire dominent le secteur privé. En fait, Melilla vit sous perfusion de lignes budgétaires issues de Madrid et de Bruxelles et cette situation fait largement penser à celle qui existe dans les territoires et départements français d’outre-mer.
Melilla semble donc vivre très au-dessus de ses moyens réels (les équipements publics sont par exemple impressionnants dans ce cadre très particulier), mais elle paraît compléter ses revenus par les dividendes de son statut de port franc et une étonnante frénésie de constructions immobilières ouvertement spéculatives dont les origines financières sont parfois obscures.
Depuis le début des années 2000, la ville souffre de la concurrence de plus en plus accrue de sa voisine, Nador. L'aéroport de Nador dépasse désormais celui de Melilia. Par ailleurs, un nouveau port, Nador West Med, est encours d'étude. Ce port fera de Nador, un important hub portuaire sur la côte marocaine.
Cadre administratif
Depuis la promulgation de la Constitution espagnole de 1978 garantissant l’intégrité territoriale de l’État, la ville de Melilla constitue juridiquement une commune (municipio) à laquelle se superpose une collectivité territoriale disposant, à l’intérieur d’un État très décentralisé, d’une large autonomie de gestion définie par son statut de Ciudad Autonoma qui l’assimile à une Comunidad (communauté autonome) au même titre que, par exemple, la Catalogne ou les Asturies. L’État central y est représenté par une delegación del Gobierno qui correspondrait à une préfecture de région en France. Cette représentation de l’État vérifie la conformité constitutionnelle des actes administratifs locaux et garde la haute main sur les affaires régaliennes (monnaie, défense, intérieur…).
Melilla est représentée au Parlement de Madrid par un député siégeant à la Chambre basse (Congreso de los Diputados) du Parlement et deux sénateurs siégeant à la Chambre haute (Senado). Partie intégrante de l'Union européenne, Melilla n’y est cependant pas incluse dans son espace fiscal, échappant ainsi à toute TVA sur les prix à la consommation des marchandises et des services. Depuis 1863, c’est tout le territoire de l’enclave qui est un port-franc alors qu’autrefois, il se limitait au rocher supportant la citadelle et à ses quais.
Population
Démographie
Selon les autorités espagnoles, la ville de Melilla serait une ville moyenne dans le sens français du terme (72 000 habitants officiellement enregistrés par les statistiques locales). En fait, il est de notoriété publique que la population réelle atteint probablement le double de ce chiffre si ce n’est bien davantage encore sans qu’il soit matériellement possible de l’établir à l’aide de critères fiables. [réf. nécessaire]
Ce très important différentiel peut s’expliquer par de multiples motifs dont les plus évidents sont issus de la forte pression démographique du Maroc environnant où l’attrait, pour ne pas dire le mirage, de la Communauté européenne sert d’aimant dans un environnement de type Tiers-Monde en pleine évolution. Melilla compte donc une forte proportion de résidents marocains (officiellement enregistrés ou non).[réf. nécessaire]
Quoi qu'il en soit, en dépit de sa très petite surface (12,3 km2), Melilla n'est plus une ville moyenne, par ailleurs sa situation à proximité du port industriel marocain de Beni Ansar et de Nador la rend économiquement dépendante de ces derniers.
Sociologie
La population est une constellation de communautés très différenciées qui se mélangent peu.
Le groupe le plus important (environ 50 % de la population) est constitué d’éléments d’origine ibérique et de confession catholique, lui-même subdivisé en un élément dominant d’origine andalouse et d’un élément secondaire d’origine catalane. Dans ces deux groupes, l’influence de l’Église catholique est en chute vertigineuse depuis la fin de l’ère franquiste. Certains groupes économiques restent cependant influencés par l'Opus Dei, en particulier le secteur des transports maritimes.[réf. nécessaire]
Cet élément ibérique est politiquement actif sur le plan local et reste très marqué par l’épisode franquiste. C’est en effet à Melilla que le soulèvement militaire a débuté en inaugurant la Guerre civile espagnole. La ville a donc été la première victime des bains de sangs de la répression nationaliste dès le 17 juillet 1936 (mille fusillés, cinq mille prisonniers et autant d’incarcérés dans les camps de concentration selon les dernières recherches universitaires).
Toujours marquée par ces répressions opérées par des troupes marocaines de l’armée coloniale espagnole (les Regulares et la Légion), cette population est restée pour le moins très méfiante vis-à-vis de l’élément musulman au point de manifester dans certains de ses secteurs une indéniable xénophobie bien que publiquement non avouée[réf. nécessaire].
L’élément berbère (de nationalité espagnole) constitue numériquement le second groupe. Il occupe une place notable dans le petit commerce et certains secteurs des professions libérales. Seuls les éléments les plus anciens et les mieux intégrés participent à la vie politique locale. Cependant, l’immense majorité musulmane de nationalité espagnole, socialement défavorisée, semble politiquement très passive, simplement satisfaite de la protection de son statut économique protégé que lui confère sa nationalité.
La ville comporte encore une influente communauté juive sépharade très bien intégrée, elle est socialement, économiquement comme politiquement très présente. Dans le cadre espagnol, cette communauté constitue une particularité remarquable[réf. nécessaire].
Enfin, il existe une petite communauté hindoue originaire de Gibraltar et de Ceuta.
Les Berbères de nationalité marocaine qui résident en grand nombre à Melilla constituent un groupe à part et plutôt rejeté par toutes les autres communautés. Leur présence est cependant « tolérée » et ils constituent une main d’œuvre bon marché. De plus, trente mille marocains franchissent très légalement la frontière tous les jours (achats hors taxe, travail légal ou au noir, commerce plus ou moins licite, etc.) en vertu d’un accord ancien entre l’Espagne et le Maroc. Il faut encore noter que l’État marocain entretient ici, pour ses ressortissants, une école arabe source de conflits avec Madrid, les enseignants détachés par Rabat ayant reçu pour ordre récemment, de la part de leur administration, de ne pas se faire établir ou renouveler leurs cartes de séjour auprès des autorités espagnoles.[réf. nécessaire]
Les autres étrangers sont officiellement quelques centaines (Français, Belges, Néerlandais, Allemands, Chinois, Britanniques et Canadiens) ; ce sont généralement des commerçants, des universitaires détachés à l’antenne d’enseignement supérieur de Melilla qui dépend de l’université de Grenade, sinon des retraités. Ils sont peu visibles et sans aucune influence sur la vie politique locale. Seule la France entretient une simple antenne consulaire bien peu active, visiblement très volontairement de la part du Ministère des Affaires étrangères[réf. nécessaire], et qui relève de son consulat général à Séville.
Une porte de l'Europe pour les vagues migratoires
Article détaillé : Politique d'immigration de l'Union européenne.Il y a une pression très importante de la part des émigrants africains ou maghrébins qui veulent entrer à Melilla, qui fait partie du territoire de l'Union européenne. La frontière est sécurisée par une double clôture de 6 mètres de haut. Cependant, des émigrants parviennent à la traverser illégalement. Le 28 septembre 2005, plus de 800 clandestins prennent d'assaut cette clôture, et une centaine d'entre eux parviennent à pénétrer sur le territoire espagnol, 6 ont été tués par des tirs venant probablement de la Gendarmerie marocaine. D'abord accusée de ces meurtres, l'enquête dédouanait vite la Guardia Civil de toute responsabilité sur cet évènement. Cette vague migratoire s'est ensuite reportée sur les îles Canaries.
Relations diplomatiques entre le Maroc et l'Espagne
Un territoire revendiqué par le Maroc
La ville de Melilla est revendiquée par le royaume du Maroc tout comme Ceuta, l'îlot Persil, l'îlot d'Alboran et las Plazas de soberanía (territoires de souveraineté). Profitant de l'affaiblissement économique et militaire qu'a connu le Maroc au XVe siècle l’Espagne occupa la ville en 1497. Celle-ci appartenait auparavant au royaume du Maroc depuis 789, année de la fondation du premier royaume marocain par Idrîs Ier.
La souveraineté espagnole sur Ceuta et Melilla n'est reconnue ni par l'Union africaine[5], ni par l'Organisation de la conférence islamique, ni par la Ligue arabe, ni par l'organisation de l'Union du Maghreb arabe, les pays membres de ces quatre organisations considérant que l'Espagne doit décoloniser ces territoires et les restituer au Maroc. De plus, Melilla ne bénéficie pas de la protection de l'OTAN[6]. Cette souveraineté est, à l'opposé, reconnue par les textes d'adhésion de l'Espagne à la Communauté européenne qui est d'un tout autre poids que les organismes qui ont du, pour des raisons diplomatiques, se ranger sur les positions marocaine. La solidarité maghrébine semble fragile sur ce sujet, en particulier en raison de nombreuses abstentions algériennes face à l'irrédentisme de la diplomatie marocaine.[réf. nécessaire] Les terres espagnoles en Afrique du Nord ne font cependant pas partie des territoires à décoloniser selon la liste officielle de l'ONU.
On note d'autre part une absence de Melilla dans les repères culturels marocains alors qu'elle constitue une référence culturelle espagnole importante. En effet, Melilla occupe une place plus que notable dans la littérature ibérique. Elle est associée à la grande production théâtrale classique du XVIIe siècle espagnol depuis la publication en 1634 de La Manganilla de Melilla de Juan Ruiz de Alarcón, un auteur majeur qui a très largement inspiré le théâtre classique français et italien (Molière, Racine, Goldoni). Beaucoup plus tard, la ville marqua le grand dramaturge franco-espagnol Fernando Arrabal, né à Melilla en 1932. Son film ¡Viva la muerte! relatait sa vision d’enfant de Melilla après que son père, un officier républicain, y fut enlevé puis fusillé à Ceuta aux premiers jours du soulèvement franquiste. Sa Lettre au général Franco, relative aux mêmes évènements, a connu un certain retentissement dans toute l’Espagne. Enfin, plus récemment avec Las semanas del jardín. Un círculo de lectores, Juan Goytisolo, un des plus grands noms de la littérature espagnole contemporaine, surprenait la critique, tant espagnole que française, pour son enquête menée par un cercle de lecteurs sur un poète espagnol disparu, républicain et homosexuel, interné dans un asile psychiatrique à Melilla en juillet 1936 suite au soulèvement franquiste.
Rôle de la ville dans les débats diplomatiques
Globalement, la ville joue en fait le rôle d’un guichet et d’un sas de décompression économique entre un espace Schengen réputé riche et un Tiers-Monde réputé pauvre mais ici en cours de phase initiale de décollage économique. Cette donnée permet de relativiser les revendications territoriales affichées de façon récurrentes par le Maroc.
Les revendications dont fait l’objet l’enclave de Melilla (comme celle de Ceuta) sont très anciennes et sont agitées par deux éléments bien distincts. D’une part, celui de l’appareil d'État marocain qui l’utilise dans ses discrètes négociations relatives à l’ancien Sahara espagnol annexé par Rabat depuis la Marche Verte en refusant le projet de référendum proposé par l’ONU. La proposition par l’ONU d’un référendum est en effet soutenue par la diplomatie de Madrid avant que le PSOE ne monte au pouvoir, alors que Paris ne semble guère y tenir pour maintenir au Maroc son influence économique et politique en offrant son soutien au Maroc. De plus, Madrid et Rabat ont d’importants contentieux sur les droits de pêche de la côte atlantique depuis la fin de l'accord de pêche entre l'Union européenne et le Maroc, propriétaire avec la Mauritanie d'une des zones économiques exclusives (ZEE) les plus poissonneuses du monde, grâce à la remontée d'eau. La renégociation de cet accord était d'importance pour l'Espagne car elle constitue 80 % de la flotte de pêche européenne ce qui revient à dire que l'accord UE-Maroc est une affaire plus bilatérale qu'autre chose. Paris joue la carte de Rabat, Madrid reprochant alors à Paris de ne pas faire jouer la solidarité européenne en laissant de fait la place aux Coréens sur les côtes atlantiques. L'Espagne a en effet refusé de transférer ses prises sur les côtes marocaines pour un contrôle de taille (les prises ont diminué de moitié en volume mais aussi en taille des poissons, l'écosystème ne pouvant supporter ce niveau de prises), mais aussi car le Maroc souhaitait que ces prises puissent être transformées sur ces terres pour récupérer la marge de transformation.
Quant au rôle de Washington dans la région, il est récent. Depuis la réélection du président Bush, le département d’État a renforcé ses liens avec Rabat en optant avec Madrid pour une politique déjà appliquée face à la diplomatie française. Le retrait espagnol de la scène irakienne depuis l’arrivée d’un gouvernement socialiste au Palais de la Moncloa en est bien entendu la cause essentielle. Depuis, le souverain chérifien laisse la presse marocaine affirmer que Washington ne freinerait pas les revendications marocaines sur Ceuta et Melilla. Washington n’a jusqu’ici jamais démenti ces rumeurs reprises récemment dans la presse locale de Melilla.
D’autre part, et c’est cet aspect qui est sans doute le plus inquiétant, depuis l’émergence d’une forme violente de l’intégrisme islamiste inspirée par le wahhabisme, Melilla est devenue avec Ceuta une revendication djihadiste traitant ces deux villes de « cancers infidèles et chrétiens en terre d’Islam ». Il est vrai qu’aujourd’hui, ce mouvement en vient à revendiquer l’Andalousie… L’argumentaire utilisé par le wahabisme n’a rien d’économique, d’historique ou de social, mais politique : il s'agit de lancer des feux partout, rendre inquiets les Occidentaux et forcer au conflit des civilisations cher à Samuel Huntington. Si la population musulmane à Melilla est traditionnellement modérée et peu sensible à ce type de propagande (elle-même étant définie par le wahhabisme comme « traîtresse à l’islam »), il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est travaillée par des groupes belliqueux incontrôlés venus du Maroc, ce que confirment certains incidents dans les mosquées de la ville où les imams légalistes se font régulièrement physiquement agresser.
À Melilla, l’opinion publique locale, toutes cultures confondues, semble tétanisée face à ces incidents. Quant à la position de Madrid depuis la mise en place d’une démocratie parlementaire, elle est très stable, à quelques variantes près selon la couleur politique en responsabilité, même si ces variantes sont aujourd’hui exagérément grossies par la presse locale, la municipalité et le conseil régional de Melilla (ces instances politiques étant majoritairement PP à l’heure actuelle). La population locale est en outre massivement très attachée à son appartenance à la Communauté européenne que lui confère la tutelle espagnole et dont elle tire grand bénéfice. Son niveau de vie économique est par exemple exceptionnellement élevé dans le cadre géographique qui est le sien.
Le 6 novembre 2007, lors d’une visite officielle du souverain espagnol Juan Carlos Ier, une nouvelle crise diplomatique hispano-marocaine s’ouvrait. En effet, cette visite est aussitôt critiquée par les autorités marocaines qui considèrent Ceuta, Melilla ainsi que le reste des territoires nord-africains espagnols (plazas de soberania) comme les derniers territoires marocains sous occupation espagnole et sont dénommés par le Maroc les résidus du colonialisme espagnol, en plus cette visite coïncide avec le 32e anniversaire de la marche verte qui symbolise pour le Maroc la récupération pacifique du Sahara-Occidental ; cette visite coïncide aussi avec l’intervention du juge Baltasar Garzón qui considéra recevable une plainte de certains Sahraouis favorables à la thèse séparatiste du front Polisario.
La visite du souverain espagnol fut suivie de plusieurs manifestations à côté des postes frontaliers de Ceuta et Melilla et dans plusieurs villes marocaines devant l’ambassade et les consulats espagnols, des drapeaux espagnols ont été brûlés et des slogans anti-espagnols ont été scandés par les manifestants. Le rappel en consultation à Rabat de l’ambassadeur marocain à Madrid souligna aussitôt une crise diplomatique entre les deux États. Devant les enjeux des intérêts ainsi ébranlés, le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero, envoya une lettre au roi Mohammed VI par l’intermédiaire du ministre des Affaires extérieures Miguel Ángel Moratinos, le contenu de cette lettre n’a pas été divulgué ni par les autorités marocaines ni par leurs homologues espagnoles. Après cet évènement, le Maroc décida immédiatement de renvoyer son diplomate sur son poste dès les premiers jours de l’année 2008, cette décision fut critiquée par quelques journaux marocains qui demandaient une excuse officielle de la part du gouvernement espagnol et du roi Juan Carlos comme condition indispensable avant le retour de l’ambassadeur marocain à Madrid.
Enfin, la volonté affichée et sans doute très réelle qu'ont tant l'actuel gouvernement Zapatero que celui de Rabat d'entretenir de bonnes relations semble plaider pour le maintien du statu quo ante et donc la permanence d’une certaine stabilité.
Jumelage
Notes et références
- amazighes, voir Ceuta et Melilla, par Yves Zurlo et Bernard Bessière [1] La majorité musulmane de la ville est constitué d'
- Hilda Pearson, James Douglas Pearson et Emeri Johannes van Donzel, Encyclopédie de l'Islam : Nouvelle édition, t. VI, Leyde / Paris, Brill / Maisonneuve et Larose, 1989/1990, 295 p. (ISBN 9004088490 et 9789004088498) [lire en ligne (page consultée le 13 juin 2011)] [présentation en ligne], p. 1001
- « Troisième partie - Le temps des chérifs : Le Maroc sous le règne des ‘Alawites », dans Michel Abitbol, Histoire du Maroc, Paris, Perrin, coll. « Pour l'histoire », 23 avril 2009, 756 p. (ISBN 978-2-262-02388-1) [présentation en ligne], p. 272
- Saïd Saddiki, « Espagne - L'enjeu caché des clôtures de Ceuta et Melilla », dans Le Devoir, 26 octobre 2009 [texte intégral (page consultée le 30 octobre 2009)]
- Le plan stratégique de la Commission de l'Union africaine (pdf)
- L'Europe et le Moyen-Orient à la croisée des chemins
Annexes
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
- Máximo Cajal, Ceuta, Melilla, Olivenza y Gibraltar. ¿Dónde acaba España?, Madrid, Siglo XXI de España, 2003. (ISBN 84-323-1138-3)
- Yves Zurlo (préface de Bernard Bessière), Ceuta et Melilla : histoire, représentations et devenir de deux enclaves espagnoles, Paris, Budapest et Turin, L'Harmattan, « Recherches et documents. Espagne », 2005, 320 p. Texte remanié d'une thèse de doctorat en espagnol, soutenue en 2002. (ISBN 2-7475-7656-6)
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