Impérialisme linguistique

Impérialisme linguistique

L’impérialisme linguistique est pour Robert Philippson la domination culturelle au moyen de la langue. Ce phénomène est une partie du phénomène plus général d’impérialisme culturel qui englobe l’adoption des modes de vie, de l’éducation, de la musique, etc. d’un groupe linguistique par un autre. Il doit être distingué de la domination linguistique, la différence étant d’ordre idéologique : l’impérialisme linguistique est une volonté, la domination d’une langue est un état de fait, souvent la conséquence du précédent, mais pas systématiquement.

L’expression « impérialisme linguistique » a une faible notoriété. La définir est délicat. Bien que le phénomène puisse théoriquement concerner n’importe quelle langue, ceux qui utilisent ce terme de nos jours l’appliquent généralement à l’anglais.

L’impérialisme linguistique peut être le fait d’une puissance coloniale qui marginalise les langues locales, qui risquent alors de tomber en désuétude, voire de s’éteindre.

L’impérialisme linguistique est une menace pour la diversité linguistique et culturelle. L’Unesco estime que sur environ 6 000 langues parlées dans le monde, plus de 2 500 langues sont en danger[1].

Sommaire

L’impérialisme linguistique et la langue anglo-américaine

L’expansion de l’anglais dans les îles britanniques

À partir XIIe siècle, les souverains anglais pratiquent une politique d’expansion dans les îles Britanniques. D’abord à l’Ouest de l’Irlande, puis au Pays de Galles (conquis en 1282) et enfin en Écosse, dont la conquête subit plusieurs revers et n’est définitivement achevée qu’en 1707 par l’Acte d’union entre l’Angleterre et l’Écosse. Un État écossais a donc survécu plusieurs siècles aux côtés de son puissant voisin anglais. En Angleterre, le français décline, en grande partie à cause de la guerre contre la France. Ainsi, l’anglais est proclamé langue unique des tribunaux en 1362, bien que l’application soit en réalité bien plus lente. Henri IV d’Angleterre (1367-1413) est le premier souverain anglais à avoir l’anglais pour langue maternelle depuis la conquête normande. Dès lors la langue anglaise va gagner en prestige. Dans les territoires celtes conquis (Pays de Galles, façade Est de l’Irlande), l’administration se fait dans la langue du roi, la langue anglaise. Les nobles locaux, influencés par le pouvoir royal, s’anglicisent. Le petit peuple continue cependant à parler sa langue celtique (gallois, gaélique écossais ou irlandais). Au cours du XVIIIe siècle, le déclin des langues celtiques auprès du peuple s’accélère, du fait de l’immigration anglaise, du développement du commerce, de l’enseignement obligatoire. Les villes s’anglicisent, en particulier celles tournées vers l’Angleterre. Le XIXe siècle voit l’aboutissement du processus d’anglicisation, les langues celtiques sont désormais confinées aux zones maritimes isolées, loin des centres dynamiques. L’industrialisation (surtout en Écosse et au Pays de Galles), l’exode rural y ont beaucoup contribué. En Irlande, les principales victimes de la Grande Famine de 1846-48 sont les populations celtophones pauvres de l’ouest de l’île. La mort d’un million d’Irlandais et l’émigration d’1,6 million d’autres vers des pays anglophones précipitent le déclin de la langue gaélique. À la déclaration d’indépendance de la République d’Irlande en 1921, seulement 2% des Irlandais utilisent encore le gaélique. Le taux est à peu près le même pour le gaélique écossais. Aujourd’hui, les proportions de locuteurs gaéliques restent sensiblement les mêmes qu’au début du XXe siècle : la quasi-totalité des Celtes des îles britanniques parlent anglais. Pour résumer, les facteurs qui ont contribué à l’extinction des langues celtiques sont donc :

  • La conquête de ces territoires par l’Angleterre
  • L’imposition de la langue anglaise comme langue administrative unique (bureaucratie, enseignement, armée…)
  • L’empire colonial, au départ anglais, puis britannique, administré en anglais. Considéré comme riche, il attire les populations celtes qui y voient une échappatoire à leur condition économique. Leur immigration est encouragée par le gouvernement central ou les gouvernements anglo-saxons indépendants (États-Unis, Canada…).
  • L’activité économique et industrielle, qui repose sur la puissance du centre anglais et sur des notables anglophones. S’y oppose la pauvreté des celtes, souvent ruraux.
  • Le prestige culturel de la langue anglaise (au travers de la littérature, les journaux…), qui se nourrit de tous les éléments précédents.

Les éléments du débat

Du 26 au 30 juin 1961, le British Council a organisé à Cambridge une conférence anglo-américaine sur l'enseignement de l'anglais à l'étranger (Anglo-American Conference on English Teaching Abroad). À cette conférence, assistaient des représentants d'agences du gouvernement américain (United States Information Agency, ICA, et le Peace Corps) ainsi qu'un certain nombre d'académies des États-Unis. Du côté britannique, étaient représentées les disciplines universitaires de l'éducation, de la linguistique, et de l'anglais, ainsi que le Colonial Office, le Commonwealth Relations Office, le ministre de l'éducation, la BBC, et le British Council. Il y avait des observateurs de France et du Commonwealth Education Liaison Committee. Dans son rapport, la conférence a réaffirmé certaines propositions : que l'enseignement de l'anglais outremer devait se conformer totalement aux besoins linguistiques et éducatifs de l'économie, de la société et du développement humain du pays hôte, pour aboutir à l'objectif d'autosuffisance ; que l'aide anglo-américaine devait être planifiée avec la participation active du pays hôte[2].

Dans son ouvrage Linguistic imperialism, publié en 1992 chez Oxford University Press, Robert Phillipson, ancien professeur d’anglais à l’université de Roskilde au Danemark qui avait travaillé au British Council, reprend les termes d'un « rapport confidentiel » de cette conférence selon lesquels :

« L’anglais doit devenir la langue dominante remplaçant les autres langues et leurs visions du monde : chronologiquement, la langue maternelle sera étudiée la première, mais l’anglais est la langue qui par la vertu de son emploi et de ses fonctions deviendra la langue fondamentale. »

Robert Phillipson précisait que ce rapport aurait été écrit à l’usage interne du British Council et que, par conséquent, son contenu diffèrerait de celui des textes rendus publics. Ce rapport n’était pas destiné à une large diffusion. Le but du rapport était de démontrer que le champ de l’enseignement de l’anglais dans le monde était en train d’acquérir une respectabilité universitaire des deux côtés de l’Atlantique et méritait une augmentation des subventions gouvernementales. Ainsi que l’expliquait le rapport annuel du British Council pour 1960-1961 :

« Enseigner l’anglais au monde peut être presque considéré comme une extension de la tâche qui s’imposait à l’Amérique lorsqu’il s’agissait d’imposer l’anglais comme langue nationale commune à sa propre population d’immigrants. »

Toujours selon Robert Phillipson, il était nécessaire que les Britanniques et les Américains coordonnent leur implication dans le développement de l’enseignement de l’anglais au plan international[3].

L’ouvrage de Robert Philippson a popularisé l'expression impérialisme linguistique depuis le début des années 1990, particulièrement dans le domaine de la linguistique appliquée à l’anglais.

Sa théorie de l’impérialisme linguistique s’inscrit dans le cadre de la théorie de l'impérialisme de Johan Galtung et de la notion d’hégémonie culturelle d’Antonio Gramsci. Philippson critique la diffusion historique de l’anglais comme langue internationale et la manière dont elle continue à maintenir sa domination actuelle, en particulier dans un contexte post-colonial comme en Inde, au Pakistan, en Ouganda, au Zimbabwe, etc., mais également de plus en plus dans un contexte qu’il qualifie de « néo-colonial » en parlant de l’Europe continentale.

Le constat de Phillipson est que dans un pays dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, cette langue devient souvent la langue des « élites ». Ceux qui peuvent le parler peuvent accéder à des postes à responsabilité dans les lieux de pouvoir et d’influence, comme aux Nations unies, à la Banque mondiale, à la Banque centrale européenne, etc. Les anglophones de naissance, une fois en poste, parviennent donc à prendre des décisions qui concernent ceux qui ne le sont pas, situation en contradiction apparente avec les prétentions démocratiques de ces mêmes personnes.

Claude Piron, ancien traducteur à l’Organisation des Nations unies et l’Organisation mondiale de la santé et psycholinguiste suisse, renforce ce constat en démontrant dans Le Défi des langues qu’une véritable maîtrise de l’anglais nécessite 10 000 heures d’apprentissage, soit l’équivalent de six années de travail. Ainsi l’utilisation de l’anglais pour des raisons pratiques comme seule langue des instances de l’Union européenne, ce qui est déjà le cas de la BCE ainsi que pour beaucoup de documents préparatoires aux décisions de la Commission européenne, risquerait d'enfreindre le principe de non-discrimination linguistique. Dans le cadre de l'élargissement de l'Union européenne de 2004, l'Assemblée nationale française a adopté pour cette raison une résolution sur la diversité linguistique dans l'Union européenne qui déclare notamment :

« La publication d'appels d'offres et d'annonces de recrutement dans la seule langue anglaise devrait être proscrite car contraire au principe de non-discrimination linguistique et considère qu'au minimum, ces publications devraient se faire dans un nombre restreint de langues officielles. »[4]

Selon le Français Bernard Cassen :

« La puissance impériale américaine ne repose pas seulement sur des facteurs matériels (capacités militaires et scientifiques, production de biens et de services, contrôle des flux énergétiques et monétaires, etc.) : elle incorpore aussi et surtout la maîtrise des esprits, donc des référents et signes culturels, et tout particulièrement des signes linguistiques. »[3]

Charles Krauthammer, un éditorialiste au Washington Post et l’un des idéologues les plus en vue de la nouvelle droite américaine, écrivait en 1999 : « Le fait est que, depuis Rome, aucun pays n’a été culturellement, économiquement, techniquement et militairement aussi dominant. » Il ajoutait: « L’Amérique enjambe le monde comme un colosse […]. Depuis que Rome détruisit Carthage, aucune autre grande puissance n’a atteint les sommets où nous sommes parvenus. »[3]

Un rapport de la CIA de 1997 mentionnait que les prochaines années seraient décisives pour imposer l’anglais comme unique langue internationale. Le rapport insiste sur le fait qu'il faut agir rapidement, avant que ne se déploient éventuellement « des réactions vraiment hostiles et nombreuses qui apparaissent et se développent partout contre les États-Unis, leur politique et l'américanisation de la planète »[3].[réf. insuffisante]

Inversement, des linguistes anglophones contestent l’idée que l’hégémonie linguistique de l’anglais serait le résultat d’une conspiration. Dans son ouvrage English as a global language (L’Anglais comme langue mondiale, Presses de l’université de Cambridge, non disponible en français), David Crystal, linguiste anglais, considère que l’anglais devrait être la langue de communication internationale, tout en gardant une sorte de multilinguisme. Les anglophones de naissance favorables au maintien de l’hégémonie actuelle de l’anglais se justifient en associant la notion d’impérialisme linguistique à une attitude de gauchiste qui chercherait à contester la diffusion historique de l’anglais. Les partisans modérés de la généralisation de l’anglais sont donc généralement des libéraux qui réfutent l’idée d’un impérialisme linguistique anglophone. David Crystal et Henry Widdowson ont été assimilés à cette catégorie.

Une frange de partisans plus extrémiste de l’impérialisme linguistique anglophone milite pour une langue et une culture uniques, ne retenant que la vision anglo-saxonne du monde, en droite ligne de la croyance religieuse que les Anglo-Saxons seraient le peuple choisi par Dieu pour coloniser l’Amérique du Nord et mener le monde vers la liberté. Dans ce contexte, la volonté d’imposer une langue unique au reste du monde est donc l’expression d’un choix divin.[réf. nécessaire]

Éric Denécé et Claude Revel placent la domination par la langue dans le contexte plus large de l'influence socioculturelle, dans laquelle le social learning, véritable formatage intellectuel des cadres et des décideurs d'un pays visé, tient aussi un rôle important comme élément de la guerre économique. Ainsi, en imposant leur vocabulaire et leur mode de pensée, les Américains remportent souvent la toute première bataille en matière commerciale[5].

Les conséquences

De plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer la marche forcée vers le « tout anglais », car ce développement marginalise le statut des autres langues nationales et régionales. Ce point de vue est particulièrement répandu dans l’Union européenne, où le multilinguisme officiel, censé être encouragé, n'empêche pas 69 % des Européens de juger que la langue anglaise est « la plus utile » (source).

La domination de l'anglais dans pratiquement tous les domaines de la vie internationale (politique, scientifique, commercial, financier, aéronautique et même militaire) relègue le multilinguisme parfait au rang des utopies. De plus, et cela ne date pas d'hier, la plupart des individus qui apprennent des langues étrangères le font plus par nécessité, sinon réelle, du moins ressentie, que pour le plaisir de la connaissance. Cela entraîne parfois des comportements irrationnels, comme en Corée, où des médecins gagnent 300 $ pour couper la petite peau qu'il y a sous la langue, prétendument parce que si les Coréens n’arrivaient pas à bien prononcer l'anglais, c'était à cause d'elle[6]. On trouve un autre exemple de « nécessité ressentie » au Japon, où beaucoup de parents paient 50 $ américains par heure d’enseignement pour donner des leçons privées à des enfants de cinq ans (les parents payent aussi pour d'autres matières : notamment les mathématiques).

Alastair Pennycook souligne que la langue anglaise n'est pas une langue neutre, mais qu'elle reste marquée par le passé colonial de l'Empire britannique[7]. Adrian Holliday indique qu'il existe des problèmes sociaux et politiques dans l'enseignement de la langue anglaise dans diverses parties du monde, et relève des injustices du fait que les anglophones de naissance cherchent à changer les cultures des étudiants et des professeurs qui n'ont pas l'anglais comme langue maternelle[8]. Julian Edge se demande si l'enseignement de l'anglais à des locuteurs d'autres langues (TESOL) et la promotion de l'anglais à l'étranger ne font pas partie d'un âge d'empire (« age of empire »)[9]. Suresh Canagarajah décrit les stratégies employées par les professeurs et les étudiants en anglais, qui visent à utiliser la langue anglaise d'une manière qui sert leurs besoins tout en résistant subtilement à l'impérialisme linguistique[10].

Les facettes de l'impérialisme linguistique dans les grandes régions du monde

La langue anglaise a l'avantage d'avoir pour origine une combinaison de langues latines (notamment le latin et l’ancien français) et nordiques (langues germaniques cousines de l’allemand, puis vieux norrois), ce qui pourrait en faire la langue naturelle du rapprochement européen. Cependant, le nombre de locuteurs dans l'Union européenne dont la langue maternelle est l'anglais est de 65 millions, alors qu'il y a 90 millions de germanophones et 70 millions de francophones, et de plus, l'Allemagne et la France sont dans une position géographique plus centrale en Europe que le Royaume-Uni. C'est donc la puissance économique du monde anglo-américain qui renforce la position dominante de la langue anglaise dans les institutions européennes. Éric Denécé et Claude Revel montrent en effet que les États-Unis ont depuis la chute du mur de Berlin une politique offensive de social learning dans les anciens pays communistes de l'Europe de l'Est[11], et que l'influence socioculturelle des États-Unis s'étend à l'ensemble du continent européen, à travers l'enseignement, la langue, et le cinéma[12]. D'autre part, la position de domination de l'anglais pose des problèmes d'équité linguistique : le rapport Grin réalisé à la demande du Haut Conseil à l'évaluation de l'école français (2005) estime en effet à environ 17 milliards d'euros l'économie réalisée par le Royaume-Uni du fait que l'anglais est la langue prépondérante dans les institutions européennes.

Si l’on dépasse la vision purement européenne de l’impérialisme linguistique, la même problématique se pose sur d’autres continents, comme en Amérique latine ou en Afrique, où les langues des anciennes puissances coloniales (anglais, français, espagnol et portugais) jouent encore un rôle prépondérant, ce qui amène certains à parler d’un « impérialisme linguistique européen ».

Enfin, le développement du spanglish aux États-Unis, sous l’influence des immigrés latinos, est considéré par certains[Qui ?] comme une invasion linguistique.

Points de vue

  • « Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais et que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de communication, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines et que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s’élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les Américains se reconnaissent. » [13]
  • « L’important (…) n’est pas avant tout de savoir si l’anglais a, en certaines occasions, fonctionné comme une ouverture sur le progrès social et économique, mais qu’il a au moins autant représenté une attente, un espoir qu’une telle chose arrive. À l’intérieur de ce schéma de compréhension se sont développés différents mythes ; des mythes qui assimilent le futur de l’humanité, le développement, la modernisation, l’occidentalisation, la mondialisation - et l’usage de l’anglais. »[14]
  • « N'importe quel regard sur le futur peut conforter dans l'idée que bientôt le monde entier parlera anglais. Beaucoup croient que l'anglais va devenir la langue mondiale à l'exclusion de toutes les autres. Mais cette idée, qui prend racine au XIXe siècle, est périmée. Bien sûr l'anglais va jouer un rôle important dans la construction du nouvel ordre linguistique mondial, mais son impact majeur sera de créer de nouvelles générations de locuteurs bilingues et multilingues dans le monde. »[15] David Graddol, The Future of language, Science Magazine, 2004, repris dans Encyclopedia of Linguistics.

La discrimination linguistique sur l’anglais aujourd’hui

De nombreuses offres d’emploi des institutions européennes demandent aux candidats d’avoir l’anglais comme langue maternelle (english mother tongue ou english native speaker), éliminant ainsi les candidats ayant l’anglais comme langue d’étude, même à un excellent niveau[16]. Ces faits sont en contradiction flagrante avec la déclaration universelle des droits de l'homme, qui précise :

« Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »[17]

Il en est de même pour de nombreuses organisations internationales.

L’impérialisme linguistique du français

L’anglais n’est pas la seule langue à s’être développée de manière impériale, au sens de la définition donnée ci-dessus. Tous les responsables d’État ont cherché à imposer l’usage de la langue qui facilitait au mieux la communication du groupe auquel ils appartenaient. Le français n’a pas échappé à la règle.

Historique

La langue franque a influencé les parlers romans à partir de la création du royaume franc, ce qui permet à la linguiste Henriette Walter de dire que le français est la langue romane « la plus germanique ».

  • En traversant la Manche, Guillaume le Conquérant emporte le normand (dialecte de langue d'oïl) de son époque sur un sol qui n’a jamais parlé majoritairement une langue romane. Le normand devient la langue des élites, et progressivement il influence la langue anglaise ; c’est la langue étrangère qui lui a transmis le plus de vocabulaire. Après que le normand eut perdu de son importance en Normandie au profit du français officiel, c’est ce dernier qui apportera de nombreux mots à l’anglais. On pourra ainsi trouver deux formes d’un même terme en anglais, l’une d’origine normande et l’autre d’origine française. L’anglais est ainsi la plus « française » des langues d’origine germanique.
  • Lors de la création de la Belgique en 1830, le français est imposé comme seule langue officielle au détriment de la majorité flamande. Le néerlandais et surtout les dialectes flamands sont méprisés, surtout par la bourgeoisie flamande qui utilise alors le français. À ceci s'ajoute un mouvement de population de Belges francophones et de Français vers la ville de Bruxelles devenue majoritairement francophone depuis. Néerlandophone à 85% en 1830, elle ne l’est plus aujourd’hui qu’à 15%.
  • Lors de la création de l’Empire colonial français, le français traverse les mers et devient, dans un souci de cohérence, la langue obligatoirement enseignée dans toutes les colonies. Il est en priorité enseigné aux enfants de l’élite locale ou des chefs de tribus. Lors des indépendances, et surtout en Afrique subsaharienne, cette élite formée en français maintiendra la langue coloniale comme langue officielle.
  • Le service militaire et les guerres mondiales, et en particulier la première, ont mis en contact des soldats qui n'avaient pas la même langue maternelle et qui ont dû communiquer entre eux et avec leurs officiers en français.
  • En 1925, le ministre de l’Instruction publique annonce : « pour l’unité linguistique de la France, la langue bretonne doit disparaître ! ».

Le français et les langues régionales aujourd'hui

Le français, longtemps langue des élites, a ainsi peu à peu pris la place des langues vernaculaires en France, avec une accélération du phénomène au XXe siècle grâce à la mise en place d’un système scolaire obligatoire qui ne transmet qu’une langue : le français. La télévision et la radio ont aussi lourdement contribué à l’unilinguisme francophone, en transmettant le français oral « parisien » dans tous les foyers. Les migrations interrégionales ont, elles aussi, joué un rôle important, car les habitants parlaient aux nouveaux arrivants dans la langue officielle.

Aujourd’hui la France, par le biais de l’article 2 de la Constitution (« La langue de la République est le français ») et la loi Toubon, s’interdit de financer les enseignements dans une autre langue, y compris celles traditionnellement parlées sur son territoire. Le déséquilibre est donc criant entre les moyens à disposition de la langue majoritaire et les langues minoritaires.

Le phénomène n’est pas propre au français. Aussi l’Union européenne adopte-t-elle en 1992 la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui consacre « le droit imprescriptible de pratiquer une langue régionale dans la vie privée et publique ». En 1999, la France la signe mais sans la ratifier, à cause de son aspect anticonstitutionnel[19]. La ratification lie juridiquement l’État contractant, la signature est une simple reconnaissance des objectifs généraux de la charte ; il n’y a donc aucune évolution de la situation des langues minoritaires en France, si ce n’est un vieillissement des locuteurs qui devrait amener les plus fragiles d’entre elles à disparaître avant la fin du XXIe siècle, après une existence pour certaines plus que millénaire.

L’impérialisme linguistique d’autres langues

Le latin

Le latin est la langue diffusée par les Romains à travers leurs conquêtes militaires et qui s’impose (naturellement, car il n'y a aucune trace d'une volonté systématique d'extirpation par le pouvoir romain des langues des peuples soumis) comme langue administrative, juridique et commerciale dans tous les pays conquis. Sa généralisation est à l’origine des langues latines (le catalan, l’espagnol, les parlers occitans, le français ainsi que les langues d'oïl dont il est issu, l’italien, le portugais, le roumain), entraînant la disparition des parlers gaulois. Aujourd’hui encore, cette langue domine dans certains domaines scientifiques (catalogages d’espèces, botanique), juridiques (nombre de mots techniques et d’expressions sont encore appris dans cette langue) et dans la religion catholique à la fois comme langue liturgique et comme langue de référence pour la tenue des conciles. Il y a actuellement un mouvement de plus en plus important du latin parlé comme langue de communication se manifestant, entre autres, par la création d'écoles comme Vivarium Novum en Italie, Schola Nova en Belgique, d'émissions radiophoniques comme Nuntii Latini en Finlande, de revues latines comme Melissa en Belgique et de congrès internationaux[20]. À cette fin, près de soixante mille vocables ont été ajoutés à cette langue en deux siècles[21].

Le grec ancien

Avant la constitution de l’Empire romain, le grec ancien (ou « grec classique », différent du grec moderne), tenait en Europe et au Moyen-Orient le rôle de langue de communication privilégiée dans le commerce, la philosophie, les arts, les sciences. Il a gardé ce rôle principal avec une grande fixité de syntaxe et de vocabulaire dans toute la partie orientale de l'empire romain jusqu'à sa chute en 1453. Les racines lexicales de cette langue sont encore très utilisées aujourd’hui dans le domaine scientifique (médical notamment) et dans la constitution des mots nouveaux en français à consonance technique ou technologique (aérodrome, téléphone, téléphérique, bathyscaphe, etc.). S'il existe aujourd'hui de nombreuses langues dérivées du latin (et non des moindres en surface comme en nombre, comme l'espagnol ou le portugais), le grec n'a aucune descendance et est localisé à la zone qu'il occupait déjà du temps de Platon (et même moins puisqu'il a disparu de l'ancienne Ionie, de Sicile et d'Italie du Sud, la «Grande Grèce»; Marseille était encore considérée ville grecque du temps de César, et Naples du temps de Néron); et pourtant l'Empire byzantin, aussi grand et plus peuplé à l'origine que la partie latine de l'Empire romain, a duré 1 000 ans de plus !

Les langues ibériques : le portugais et le castillan

Le castillan est la langue diffusée en Amérique du Sud et en Amérique centrale au moment de la colonisation du continent américain à partir du XVIe siècle. Comme le portugais au Brésil, cette langue s’est imposée de fait aux populations d’origine.

En Espagne cependant, le franquisme (1939-1975) a mené une politique ouverte de prohibition et de persécution dirigée contre les langues régionales[22].

Ainsi, au début du XXe siècle la Catalogne en particulier était essentiellement monolingue (catalanophone), la connaissance du castillan étant limitée à la minorité de la population ayant été scolarisée[23],[24]. Dans les années 1930 sont finalisés les travaux de normalisation de la langue menés par Pompeu Fabra et le catalan fait son apparition dans les écoles et l’administration durant la Seconde République (1931-1936). Toutefois, au cours de la dictature franquiste, le catalan est évincé au profit du castillan dans tous les contextes formels (enseignement, administration, médias, monde du travail...) et se trouve relégué à l'usage informel et familial. Après les importantes migrations survenues au cours de cette période dont la Catalogne a bénéficié, ce nouveau contexte défavorable explique la chute des compétences en catalan d'une grande partie de la population, avec une importante proportion de la population incapable de s'exprimer et un faible taux d'alphabétisation dans cette langue. Depuis l'avènement de la démocratie toutefois, la politique volontariste mené par la Generalitat catalane a permis une amélioration très significative de la situation du catalan[22]. Cette politique est parfois critiquée car jugée excluante au détriment des locuteurs castillanophones.

Le japonais

Plus récemment et sur un temps plus court, le japonais, pendant la Seconde Guerre mondiale, a été imposé dans certains pays occupés, notamment en Corée.

L'arabe

L’arabe, du fait de l’expansion territoriale au Moyen Âge et par la diffusion du Coran, s’est répandu dans toute l’Afrique du Nord et en Asie Mineure.
L’arabisation des berbérophones du Maroc, d’Algérie et de Libye rencontre une résistance des populations qui réclament des droits linguistiques. Il en est de même au Soudan, où l’arabe prend la place de l’anglais et des langues africaines parlées au sud.

Le turc

En Turquie, le kurde, parlé aussi principalement en Syrie, en Iran et en Irak, tente de se maintenir face au turc[25].

Le russe

En URSS, la diffusion du russe comme langue unificatrice n'a pas eu pour résultat la disparition des autres langues du pays, de sorte qu'encore aujourd'hui, « la vaste Russie regroupe à elle seule 43 langues (à statut officiel) sur son territoire. »

Le russe a été imposé par Staline dans les provinces non russophones de l’URSS, à partir des années 1930. Staline a progressivement mis fin à l’enseignement en langues locales, mis en place par les « idéalistes » communistes au début de la Révolution russe.
La progression du russe a aussi été favorisée par l’immigration de populations russophones, déplacées de gré ou de force aux confins de l’Union soviétique. Ainsi, dans certaines républiques comme le Kazakhstan, les autochtones se sont retrouvés en infériorité numérique face aux Russes. En Ukraine, en Moldavie ou en Biélorussie, les Russes constituent toujours une minorité non négligeable. Au Kazakhstan toujours, les brassages de populations liés au goulag ont favorisé l’imposition du russe. Le russe étant la langue de l’appareil étatique de l’URSS, il est de fait la langue de l’armée. Le régime communiste a mis fin au service militaire inégalitaire du tsarisme et a imposé la conscription de même durée pour toutes les ethnies. La langue russe est donc la seule langue de communication entre ces soldats issus de toutes les provinces du pays. Le russe est la langue indispensable pour accéder à l’université, travailler dans l’administration et accéder aux plus hautes responsabilités, ou même tout simplement pour lire un livre. Les langues locales sont donc fortement dévalorisées, « inondées » de mots russes.
Le système communiste a également imposé l’alphabet cyrillique à des langues autrefois exclusivement orales, surtout en Asie centrale, au détriment de l’alphabet latin ou arabe. Cela favorise l’apprentissage de la langue locale par les Russes tout autant que l’apprentissage du russe par les locaux. C’est un facteur d’assimilation assez efficace. Cette « cyrillisation » de l’alphabet a aussi été imposée aux Moldaves, qui parlent roumain et l'écrivaient en alphabet latin, cela dans la perspective de les séparer encore plus concrètement des Roumains et de favoriser ainsi leur appartenance soviétique. Cette politique linguistique a été très efficace, puisqu'en 1989, la grande majorité des populations non russes d’URSS parlaient le russe comme langue véhiculaire, voire comme langue maternelle.
L’impérialisme linguistique de l’URSS ne s’est pas arrêté aux frontières de l’URSS. Le russe a été imposé comme langue étrangère obligatoire aux pays membres du Pacte de Varsovie (RDA, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie…), le plus souvent au détriment de l’anglais (assez peu, on l'apprenait avec soin en seconde langue et la diaspora américaine jouait en sa faveur), de l’allemand (en partie : l'Allemagne est proche et la tradition très forte) et surtout du français (partout quasiment liquidé, sauf en Roumanie, grâce à Ceausescu). Les cadres des partis communistes nationaux étaient presque tous formées à Moscou ou à Leningrad ; aussi leur niveau de russe se devait d’être assez élevé.
Le russe est donc la langue commune et imposée aux pays du bloc de l’Est dans les organisations interétatiques comme le Pacte de Varsovie ou le Kominform. Il souffre cependant d’un manque de popularité pour les populations qui le voient comme la « langue de l’occupant », et son apprentissage s’écroule dès la fin du communisme (mais beaucoup de peuples slaves, comme les Polonais, les Tchèques et les Serbes, le comprennent assez bien sans l'apprendre).

Pour contrer l’impérialisme linguistique

Diverses voies ont été suivies pour contrer l'impérialisme linguistique, notamment la valorisation de la langue maternelle, le développement de l'intercompréhension, ou bien l’usage d’une langue construite, pour les motifs développés ci-dessous.

Entre les adeptes de l'uniformisation linguistique et culturelle perçue soit comme une conséquence inévitable de la mondialisation, soit comme un progrès et ceux qui prônent le multilinguisme et la diversité culturelle mais oublient les aspects pratiques qui font qu'un Français connaissant l'espagnol ne pourra pas communiquer avec un Suédois connaissant l'allemand, les points de vue semblent difficiles à réconcilier.

La valorisation de la langue maternelle

L’UNESCO encourage les approches bilingues ou multilingues dans l’enseignement basées sur l’utilisation de la langue maternelle, facteur important d’intégration dans l’enseignement et gage d’une éducation de qualité. L'UNESCO fournit des cadres normatifs pour l'enseignement multilingue basé sur l'usage de la langue maternelle[26].

L'UNESCO a ainsi instauré en 1999 une Journée internationale de la langue maternelle qui consacre la reconnaissance du Mouvement pour la Langue commémoré depuis 1952 au Bangladesh par la Journée du Mouvement pour la Langue, quand la police et l'armée de l'État pakistanais, qui occupait alors le Bangladesh, ouvrirent le feu sur la foule des locuteurs de Bengalî manifestant pour leurs droits linguistiques à Dhaka.

La Journée internationale de la langue maternelle a été célébrée pour la première fois le 21 février 2000. Dans un message lu au cours de la cérémonie de la première manifestation, le Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a apporté son soutien à cette journée, qui fait prendre conscience à tous les peuples de la valeur des langues. La Journée internationale de la langue maternelle a lieu le 21 février de chaque année.

Les langues construites

Le recours à une langue commune (une politique linguistique qui irait dans le sens de la généralisation de l'enseignement d'une langue véhiculaire construite dans le but de la communication internationale) est une idée défendue comme étant une solution aux problèmes posés[27].

De nombreux projets de telles langues ont vu le jour, visant tous à faciliter les relations entre personnes de langues maternelles différentes[28]. Toutes les langues construites n'ont pas cet objectif.

La plus répandue actuellement est l'espéranto, qui compte, selon une étude réalisée par le professeur Culbert de l'université de Washington, près de deux millions de locuteurs.

Le rapport Grin a étudié cette problématique et a évalué les diverses solutions possibles pour lutter contre l’impérialisme linguistique au sein de l'union européenne.

Notes et références

  1. UNESCO : Plus de 2 500 langues en danger dans le monde
  2. Extrait d'ELT Journal 1962
  3. a, b, c et d Histoire sociolinguistique des États-Unis La superpuissance et l'expansion de l'anglais
  4. Résolution sur la diversité linguistique dans l'Union européenne, de l'Assemblée nationale.
  5. Éric Denécé et Claude Revel, L'Autre Guerre des États-Unis, les secrets d'une machine de conquête, pages 159 à 172
  6. Article de Philippe Pons dans le journal Le Monde du 19/04/2002
  7. Alastair Pennycook, English and the Discourses of Colonialism
  8. Adrian Holliday, The Struggle to Teach English as an International Language
  9. Julian Edge, (Re-)Locating TESOL in an Age of Empire
  10. Suresh Canagarajah, Resisting Linguistic Imperialism in English Teaching
  11. Éric Denécé et Claude Revel, L’Autre Guerre des États-Unis, économie : les secrets d'une machine de conquête, pages 166 à 171
  12. Éric Denécé et Claude Revel, L'Autre Guerre des États-Unis, économie : les secrets d'une machine de conquête, pages 159 à 166
  13. David Rothkopf, directeur général du cabinet de consultants Kissinger Associates, dans son livre Praise of Cultural Imperialism (Éloge de l’impérialisme culturel), 1997. (Extrait du livre en anglais)
  14. Anglais ou norvégien ?
  15. (en)« Any look into the future must entertain the idea that soon the entire world will speak English. Many believe English will become the world language to the exclusion of all others. But this idea, which first took root in the 19th century, is past its sell-by date. English will indeed play a crucial role in shaping the new world linguistic order, but its major impact will be in creating new generations of bilingual and multilingual speakers across the world. »
  16. Discrimination linguistique à la Commission européenne (English mother tongue only)
  17. Article 2.1 de la déclaration universelle des droits de l’homme
  18. L’ordonnance de Villers-Cotterêts, cadre juridique de la politique linguistique des rois de France ?
  19. Depuis, la constitution française a été modifiée plusieurs fois, mais à aucun moment il n’a été question de la mettre en conformité avec la charte européenne
  20. À propos de la recrudescence du latin parlé, des organismes cités et des congrès : http://www.monumentaviaeque.eu, http://www.vivariumnovum.it/accademia, http://www.scholanova.be, http://web.me.com/fundatiomelissa/, http://yle.fi/radio1/tiede/nuntii_latini/
  21. Pierre Georges, Pour que latin ne meure, billet éditorial dans Le Monde
  22. a et b (es)Yvonne Griley Martínez, Perspectivas de la política lingüística en Cataluña, dans Georg Bossong et Francisco Báez de Aguilar González (dir.), Identidades lingüísticas en la España autonómica, Latinoamericana-Vervuert, col. « Lingüística iberoamericana », Madrid/Francfort-sur-le-Main, 2000, 189 p. (ISBN 84-95107-93-7) (ISBN 3-89354-784-3), p. 61-67.
  23. (ca)Joan Coromines, El que s'ha de saber de la llengua catalana, 2e édition, Moll, Palma de Majorque, 1965, p. 11.
  24. (es) Francesc Vallverdú (trad. José Fortes Fortes), Sociología y lengua en la literatura catalana [« L'escriptor català i el problema de la llengua »], Madrid, Edicusa, coll. « Cuardernos para el diálogo », 1971 (1re éd. 1968), 227 p., p. 51 
  25. La Journée internationale de la langue maternelle et l’impérialisme linguistique, la politique de la standardisation
  26. UNESCO, les langues dans l'éducation
  27. http://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Grin | Rapport Grin
  28. http://fr.wikipedia.org/wiki/Esperanto

Voir aussi

Bibliographie

  • (fr) Yves Person, Impérialisme linguistique et colonialisme, Les Temps modernes, 1973
  • (fr) Louis-Jean Calvet, Linguistique et colonialisme, Payot 1974
  • (fr) Henri Gobard, L'Aliénation linguistique, Flammarion, 1976
  • (fr) Charles Xavier Durand, La Manipulation mentale par la destruction des langues, Éditions François-Xavier de Guibert, Paris, mai 2002, ISBN : 2868397719
  • (en) Robert Phillipson, Linguistic imperialism
  • (en) David Crystal, English as a global language
  • (en) David Crystal, Language Death, Cambridge University Press
  • (es) Rafael Ninyoles, Idioma y Poder Social, Madrid, Editorial Tecnos, coll. « Ciencias Sociales / Sociología », 1972 
  • (en) David Rothkopf, Praise of Imperialism
  • (en) Tove Skutbabb-Kangas, Linguistic Genocide in Education ..or worldwide diversity and human rights, L.E.A. Mahwah, New Jersey and London
  • (en) Suresh Canagarajah, Resisting Linguistic Imperialism in English Teaching, Oxford University Press

Articles connexes

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