- Gaulois (langue)
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† Gaulois Période jusqu'au Ve siècle Extinction Ve siècle Région Gaule Typologie supposée SVO Classification par famille Codes de langue ISO 639-2 cel[N 1] ISO 639-3 (en) xcg
- gaulois cisalpin(en) xtg
- gaulois transalpinIETF cel-gaulish modifier Le gaulois (autrefois aussi appelé gallique[1]) est une langue celtique, du groupe celtique continental, qui a été utilisée en Gaule et parlée par les peuples gaulois jusqu'au Ve siècle[2],[3] avant de donner naissance au gallo-roman en compagnie du latin vulgaire.
Les connaissances liées à cette langue sont lacunaires car les Celtes ont privilégié l’oralité et la mémoire pour la transmission des connaissances. Outre le fait que la « parole écrite est morte », Jules César note dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules que les vers appris auprès des druides ne doivent pas être écrits[4].
Bien que le gaulois soit considéré comme éteint depuis le Ve siècle de nombreux mots subsistent dans certaines langues d'Europe[5] et surtout dans la toponymie.
Sommaire
Généralités
On ne connaît encore que peu de choses de la langue gauloise, dont les attestations sont très parcellaires, et généralement recueillies sur des objets votifs, à l'exception de trois pièces majeures : les plombs du Larzac, de Chamalières et de Lezoux. On a aussi retrouvé un grand calendrier à Coligny, dans l'Ain, comportant de nombreux mots gaulois.
Article détaillé : Calendrier de Coligny.Les Gaulois, de tradition orale, n'utilisaient pas un alphabet propre, mais ont emprunté celui des Grecs, des Étrusques ou des Romains. La rareté des attestations écrites serait due à une particularité religieuse[6]. Une remarque de saint Jérôme dans un commentaire sur l'Épître aux Galates de saint Paul évoque le fait que les Trévires parlaient presque la même langue que les Galates[7].
Les Gaulois parlaient plusieurs dialectes d'une langue celtique; ceux-ci ont certainement côtoyé un substrat préceltique hétérogène dont, à l'exception du basque — l'extension était à l'époque plus importante qu'aujourd'hui —, il ne reste de traces que dans la toponymie ou l'hydronymie (pour le « ligure », par exemple, les noms en -asc/osc : Manosque, etc. Seine < Sequana serait également d'origine pré-celtique). Il paraît impossible de connaître l'influence de ces substrats sur la dialectalisation et l'évolution du gaulois (à ce sujet, on pourra consulter l'article sur la toponymie française).
Le gaulois fait partie du groupe celtique continental (appartenant à la famille indo-européenne) : toutes ces langues sont aujourd'hui éteintes, même si quelques mots subsistent dans certaines langues d'Europe et surtout dans la toponymie (noms de villes en -euil, -jouls, etc.). À une époque, on a tenté d'expliquer certaines particularités du dialecte vannetais du breton par l'influence d'un substrat gaulois. Aujourd'hui, la plupart des linguistes ont rejeté cette hypothèse et expliquent, a contrario certaines de ces particularités dialectales par l'existence d'un substrat gallo-romain plus important dans la région de Vannes (c.f. les explications dans l'article sur la langue bretonne), mais pouvant aussi relever du dialecte des Vénètes.
L'une des langues les plus proches du gaulois était le galate, dont il ne reste que peu de traces ; les Galates étaient en effet de proches cousins des peuples gaulois.
Leur langue, morte également, est classée dans le même groupe celtique continental.
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Moulage d'une plaque écrite en gaulois (Rodez, Musée Fenaille. Époque gallo-romaine. Site de Flavin, dans l'Aveyron).
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Inscription RIG G-172.
ϹΕΓΟΜΑΡΟϹ ΟΥΙΛΛΟΝΕΟϹ ΤΟΟΥΤΙΟΥϹ ΝΑΜΑΥϹΑΤΙϹ ΕΙωΡΟΥ ΒΗΛΗ ϹΑΜΙ ϹΟϹΙΝ ΝΕΜΗΤΟΝ
Segomaros, fils de Uillo, toutious (chef de tribu) de Namausos, dédie ce sanctuaire à Belesama.
Grammaire
Morphologie
La faiblesse des pièces écrites explique qu'il soit très difficile de reconstituer la morphologie de la langue gauloise.
Déclinaisons
Il paraît à peu près certain qu'il existait au moins cinq cas : nominatif, accusatif, génitif, datif et instrumental/sociatif ; l'existence d'un locatif est supposée pour la déclinaison des thèmes en -o ; le vocatif n'est pas assuré.
La déclinaison, pour ce que l'on en connaît, rappelle fortement celles du grec et du latin.
Thème en -o
Le thème en -o est le mieux attesté (qui équivaut à la seconde déclinaison latine et grecque). Comme dans les langues romanes modernes, les langues celtiques modernes n'ont plus de genre neutre d'où la difficulté de définir le genre de bon nombre de termes gaulois.
Ce thème se décline ainsi (exemples viros : « homme » (masc.) et nemeton : « sanctuaire » (neutre)) :
viros : « homme » (masc.) nemeton : « sanctuaire » (neutre) singulier pluriel singulier pluriel nominatif vir-os vir-oi > -i nemet-on nemet-a accusatif vir-on, -om vir-us nemet-on nemet-a génitif vir-i vir-on nemet-i nemet-on datif vir-ui > -u vir-obo nemet-ui nemet-obo instr./sociatif vir-u vir-obi[A 1] nemet-u nemet-obi[A 1] - La déclinaison de l'instrumental pluriel est incertaine.
Le génitif en -i paraît être une innovation commune aux langues indo-européennes occidentales (latin, celte). L'instrumental pluriel attendu est en -us mais des formes en -obi sont attestées (messamobi, gandobi) et il y a peut-être eu réfection sur les autres termes comme en vieil irlandais.
Thème en -a
Le thème en -a, qui équivaut à la première déclinaison latine et grecque. Il se double de thèmes en -i/-ia que l'on retrouve en sanskrit. En gaulois tardif, les deux thèmes tendent à fusionner. Ces thèmes se déclinent ainsi : touta : « peuple » et riganîa : « reine ».
touta : « peuple » riganîa : « reine » singulier pluriel singulier pluriel nominatif tout-a tout-as rigan-ia rigan-ias accusatif tout-an, -en tout-as rigan-im rigan-ias génitif tout-as, -ias tout-anon rigan-ias rigan-ianon datif tout-ai > e > i tout-abo rigan-i rigan-iabo instr./sociatif tout-ia tout-abi rigan-ia rigan-iabi Autres thèmes
Les autres thèmes vocaliques sont peu attestés mais on peut les reconstituer (notés * dans les exemples). Il existe des thèmes athématiques consonantiques à semi-voyelles, dont la déclinaison est très proche de la troisième déclinaison latine :
- Semi-voyelle i/u (exemples de vatis : « devin » et mori : « mer ») :
vatis : « devin » mori : « mer » singulier pluriel singulier pluriel nominatif vat-is vat-is < -eis mor-i mor-ia accusatif vat-in, -im vat-îs mor-i mor-ia génitif vat-es < -eos vat-ion mor-es mor-ion datif vat-e vat-ibo* > ebo mor-e mor-ibo* instr. / sociatif vat-î* vat-ibi* > ebi mor-î* mor-ibi* - magus (m.) : « garçon, valet » et medu : (n.) « hydromel » :
magus (m.) « garçon, valet » medu (n.) « hydromel » singulier pluriel singulier pluriel nominatif mag-us mag-oues med-u med-ua* accusatif mag-un mag-us* med-u med-ua* génitif mag-os < ous mag-uon med-os med-uon datif mag-ou mag-uebo med-ou med-uebo instr./sociatif mag-u mag-uebi* med-u med-uebi* Conjugaisons
La conjugaison des verbes gaulois est encore plus mal connue. Il semble que le gaulois, à l'instar du grec ancien, ait conservé de l'indo-européen commun des verbes en -mi (athématiques) et en -o (thématiques). Le gaulois posséderait, comme le grec ancien, cinq modes : un indicatif, un subjonctif, un optatif, un impératif et un infinitif (sous la forme d'un nom verbal) et au moins trois temps : présent, futur, prétérit.
L'infinitif
En celtique moderne :
- le breton, le gallois et le mannois ont conservé une forme infinitive ;
- l'irlandais l'a perdue[N 2].
Il est possible que le gaulois ait eu une forme infinitive en -AN similaire au germanique. Le breton moderne possède des infinitifs sous cette forme.
Syntaxe
La syntaxe du gaulois est encore quasiment inconnue. On a reconnu quelques coordinations, peut-être quelques pronoms relatifs, anaphoriques et démonstratifs. L'ordre de la phrase paraît être sujet-verbe-compléments.
Lexique
Conjonctions & adverbes de coordination
- AC : conjonction de coordination + emploi instrumental-sociatif « avec » ; (cf bret hag, anc gall ac, gall a, irl ag « et »)
- -C : « et », suffixe de coordination entre 2 syntagmes de même nature (verbes, noms) (cf anc irl -ch) ;
- ETI (adv.) : « de même, encore » (cf. latin etiam) - préposition (cf. latin idem ou item) ;
- ETIC : « et encore », introduit une relative à l’instrumental ou un dernier élément de liste ;
- EXTOS, EXTER* : « mais » (cf gall eithr « sauf », anc irl echtar) ;
- COETIC : « et aussi », v. etic ;
- NEUE* : « ou » ; (cf gall neu, écos neo)
- NU : « maintenant, actuellement » (cf irl & gall nu) ;
- TONI (adv) : « alors ; ensuite, puis ; de plus, en outre » (cf angl then, all & néerl dann, lat tum) ;
- -UE : « ou », suffixe de coordination ;
Adverbes
- AIUSAS : « pour toujours » (cf gall eisoes)
- DESI : hier ; (cf gall ddoe, doe, br dec'h, anc irl indé, écos an-de, mann jei)
- ETI : encore ; (cf bret eta « donc », gall eto « de nouveau », irl eadh « ainsi »)
- MOXSOU* : bientôt, tôt ; (cf gall moch, irl moch, lat mox)
- NU : maintenant ; (cf irl nu)
- SINDIU : aujourd’hui ; (cf bret hiziv, gall heddiw, irl andiu, écos an-diu, mann jiu)
- Sinnoxti* : cette nuit ; (cf bret henozh, gall heno, anc irl anocht).
- TONI : alors, puis ;
- INTE + adj. D Masc. ou N : adverbe de manière en « -ment » - ex. inte marou (cf gall yn fawr, mann dy vooar, br ent-) = grandement (cf gall yn, mann dy)
Prépositions et préfixes
- AD : « vers, à » ; prép. + accusatif (cf anc irl ad- préverbe, anc gall ad « à ») adomi
- AMBI : « autour, près de ; au sujet de » ; réfléchi (cf bret em, gall am, irl im)
- ANDE : « sous » ; (cf bret dan, irl ann)
- APO : « avec » ; (cf bret a, gall â)
- ARE : « devant, auprès » ; prép. + dat. (cf gall bret er, irl air « sur »)
- ATE : « de nouveau » ; (cf gall bret ad-, anc irl ath-, aith- « re- »)
- AU : « de, en provenance de » ; prép. + génitif / datif (cf gall o « de », irl ó, breton de Vannes a)
- CANTA : « avec » ; prép. → Kantimi (avec moi) (cf. gall bret gant « avec », irl gan « sans »)
- COM, CON : « avec, en entier » ; préfixe (cf. bret ken, kem, kev, gall cyf-, irl comh)
- DÎ : (1) « de, venant de (éloignement, séparation) » ; (2) « de (partitif) » ; (3) « sans », préfixe négatif ou intensif ; préposition + dat. (cf bret di, gall y, irl dí)
- ENTER, ENTAR : « entre » ; prép + acc. (cf. bret etre, gall ithr, irl eidir)
- ERI : (1) « par, au nom de, pour » ; (2) « autour de » (cf bret er « car », gall er « pour », irl air « car »)
- ES : « hors de, sortant de » ; prép. + dat. (cf. bret eus, gall ech, irl as)
- IN, ENI : « dans » ; préf. et prép. + dat. & acc. ; → Enimi (en moi) (cf. bret en, gall yn, irl a n-)
- ISSOU : « dessous, au pied de, au-dessous de » ; préf. et prép. + dat. (cf bret is « bas, inférieur », gall is, irl is)
- MEDIO : « au milieu de, au sein de » ; (cf. bret mez, anc irl mide)
- RACO : « devant, avant » (cf bret araok « avant », rak, dirak « devant », gall rhag)
- SEPOS (acc) : « excepté, au-delà, outre » > « sans » ; (cf bret hep « sans », gall heb « sans », irl seach « par le passé »)
- TO : « à, pour », prép.+ datif (to, zu germ.) → Tâmii (pour moi) (cf. br da, irl do « à »)
- TRE, TRI : « par, à travers » ; préf. et prép. + acc. (cf gall bret tre, irl tri)
- UXSE : « au-dessus de, en haut de » ; (cf. bret us, uc'h, gall uwch « plus haut », irl ós)
- VER : « sur, dessus »; préf. et prép. + dat. & acc. (cf bret war, gall ar, gor, irl for)
- VERTO : (1) « contre, vers, près de » ; (2) « en vue de, pour, envers » (cf bret ouzh, gall gwrth, anc irl fri, irl re)
- VO : « sous »; préf. et prép. + dat. & acc. (cf gall go, bret gou-,irl fo)
Inscriptions
Plusieurs inscriptions ont été retrouvées qui attestent de l'existence d'une écriture chez les Gaulois. Elles sont en majorité rédigées avec des caractères issus de l'alphabet grec.
Inscriptions gallo-étrusques ou gauloises de Cisalpine (VIe siècle av. J.‑C. - IIe siècle av. J.‑C.)
- Le lépontique fut utilisé en Gaule cisalpine, aujourd'hui au nord de l'Italie, pour les inscriptions gauloises sur la perle de Münsingen-Rain, le vase de Ptuj, la stèle de San-Bernardino-de-Brion, la pierre de Todi, la borne de Vercelli.
Inscriptions gallo-grecques (IIIe siècle av. J.‑C. - Ier siècle ap. J.-C.)
- Les nombreuses inscriptions gallo-grecques, c'est-à-dire en langue gauloise écrites à partir de alphabet grec, sont principalement des dédicaces, des inscriptions funéraires (cippes, stèles... ) ou des graffites : inscription de Lapipe-Sené à Alise-Sainte-Reine, Inscription rupestre de l'oppidum du Castellan, cippe de Notre-Dame du Groseau (Malaucène), Pierre de Montmirat, etc.[8].
Inscriptions gallo-latines (Ier siècle av. J.‑C. - IVe siècle ap. J.-C.)
- Telles les tuiles de Châteaubleau, découvertes en 1997 et gravées en cursive latine[9].
Notes
- Code générique.
- bulgare, grec moderne, roumain). De même que certaines langues indo-européennes modernes dans d'autres groupes (
Sources
Références
- gallique » qui renvoie à « gallican ». Cf. «
- Chadwick et al. 2001, p. 420
- Lambert 2003, p. 10
- César 1950
- Delamarre 2003
- Druide. Voir l'article
- « Trévires », histoiredumonde.net.
- Lejeune 1985
- Transcription du texte de Châteaubleau (lecture de P.-Y. Lambert).
Bibliographie
- Jules César (trad. L.-A. Constans), Commentaires sur la Guerre des Gaules, 1950 (ISBN 9-782070-373154), « Livre VI, 14 »
- Michel Lejeune, Recueil des inscriptions gauloises : Textes gallo-grecs, t. I, Paris, CNRS, 1985 (ISBN 2222034604)
- Source du lexique
- Nora Kershaw Chadwick, Myles Dillon, Christian-Joseph Guyonvarc'h et Françoise Le Roux, Les Royaumes celtiques, Armeline, 2001, livre relié - 24 x 18,5, 509 p. (ISBN 2-910878-13-9)
- Pierre Hollocou et Jean-Yves Plourin, De Quimperlé aux Montagnes Noires, les noms de lieux et leur histoire, Emgleo Breiz, 2006, Réf : 702267
- Albert Deshayes, Dictionnaire étymologique du breton, Chasse-Maree Estran, octobre 2003, (ISBN 2-914208-25-1)
- Francis Favereau, Addenda au Dictionnaire du Breton Contemporain
- Pierre-Yves Lambert, La langue gauloise, Description linguistique, commentaire d'inscriptions choisies, Errance, 2003 (ISBN 2-87772-224-4)
- Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Une approche linguistique du vieux-celtique continental, Errance, coll. « Hespérides », 2003 (ISBN 2-87772-237-6)
- Jean-Paul Savignac, Merde à César, Edition de la Différence, 2000 (ISBN 2-7291-1323-1)
- Jean-Paul Savignac, Dictionnaire français-gaulois , Edition de la Différence, 2004 (ISBN 2-7291-1529-3 )
- Albert Dauzat, "Noms prélatins de l'eau en hydronymie", "Toponymie gauloise et galloromaine de l'Auvergne et du Velay", in La Toponymie française, Paris, Payot, 1971
- Auguste Vincent (archiviste-paléographe), "Antiquité, Gaulois", in Toponymie de la France, Brionne, Gérard Montfort, 1980
Compléments
Articles connexes
Liens externes
- Pierre-Yves Lambert, Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 1998, sur Les Bolards et Châteaubleau.
- Mots français d'origine gauloise
- PDF-Institut pour la linguistique de l'université de Vienne (Autriche). Documentation concernant le lépontique, le celtibère et le gaulois cisalpin - Tableaux sur l'histoire des langues celtiques (en allemand)
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