Coiffe juive

Coiffe juive

Chapeau juif

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Détail d'un calendrier juif

Le chapeau juif, connu aussi sous les noms de coiffe juive, Judenhut en allemand et de pileus cornutus (calotte à cornes) en latin, était un chapeau pointu en forme de cône, blanc ou jaune, porté par les Juifs dans l'Europe médiévale et parfois dans le monde islamique. D'abord porté traditionnellement et volontairement[1], il fut imposé par le concile de Latran en 1215, aux hommes juifs adultes qui voyageaient hors du ghetto, afin de pouvoir les distinguer des autres personnes. Le chapeau peut avoir pour origine, comme le bonnet phrygien auquel il ressemble parfois, la Perse, où un chapeau similaire était porté par les Juifs babyloniens[2].

Sommaire

Europe

Le poète juif Süßkind von Trimberg portant un chapeau juif (Codex Manesse, XIVe siècle)

En Europe, le chapeau juif apparaît en France à partir du XIe siècle, et en Italie à partir du XIIe siècle, probablement importé du monde islamique. D'après la loi juive, les Juifs observants doivent garder leur tête couverte quasiment tout le temps[3]. A la différence de la rouelle, le chapeau juif est souvent représenté dans les manuscrits hébreux illustrés, et a été incorporé par des Juifs allemands dans leurs sceaux et leurs blasons, ce qui signifie, qu'au moins à l'origine, il était considéré par les Juifs européens comme « un élément du costume traditionnel, plutôt que comme un élément discriminatoire »[4]. Le chapeau est aussi porté dans des images chrétiennes par des personnages tels que Saint-Joseph et quelque fois par le Christ lui-même. Cependant, dès que celui-ci « fut rendu obligatoire, le chapeau, jusqu’ici délibérément différent des chapeaux portés par les chrétiens, a été vu par les Juifs de façon négative »[5]. Une loi à Breslau (maintenant Wrocław) datant de 1267 dit que puisque les Juifs ont arrêté de porter leur chapeau pointu qu’ils avaient l'habitude de porter, son port devient maintenant obligatoire[6].

Le IVe concile du Latran de 1215 décide que les Juifs et les Musulmans doivent être distinguables par leurs vêtements (Latin "habitus"), la justification donnée est que: « dans certaines provinces, les habits des Juifs et des Sarrasins se distinguent de ceux des Chrétiens, mais que dans d’autres, un degré de confusion se produit, de sorte qu’ils ne peuvent pas être reconnus par aucune marque distinctive. Comme résultat, par erreur, des Chrétiens ont des rapports sexuels avec des femmes juives ou sarrasines. De façon que le crime d’un tel mélange maudit ne puisse plus avoir d’excuse dans le futur, nous décidons que les Juifs et les Sarrasins des deux sexes, dans toutes les terres chrétiennes, se distinguent eux-mêmes publiquement des autres peuples par leurs habits. Conformément au témoignage des Écritures, un tel précepte avait déjà été donné par Moïse (Lévitique 19.19 Lévitique 19; Deutéronome 22.5.11 Deutéronome 22) »[7]..

Des règles plus détaillées ont été décrétées localement par des souverains. La décision du concile a été confirmée par le Concile de Vienne de 1311-1312. En 1267, le chapeau est rendu obligatoire à Vienne. Un docteur reçut une dispense temporaire de le porter à Venise en 1528, à la demande de plusieurs de ses patients renommés[8]. Le pape Paul IV ordonne en 1555 que dans les États pontificaux, ce soit un chapeau pointu jaune, et à partir de 1567, et pendant vingt ans, il a été rendu obligatoire en Lituanie. Mais déjà à cette période, il n’est plus couramment vu dans la plus grande partie de l’Europe[9]. Avec l'émancipation des Juifs d'Europe, l'obligation du port du chapeau est formellement abandonnée, bien que cette obligation ne soit plus strictement appliquée depuis déjà assez longtemps. Depuis les années 1500, on ne rencontrait plus de Juifs portant ce chapeau sauf dans quelques rares pays. Le port de la rouelle dura plus longtemps sous différentes formes[10]. C'était une autre forme de marque distinctive, qui n'apparut qu'après 1215 en Europe et qui sera réintroduit sous la forme d'une étoile jaune par les nazis. Dans certaines images du Moyen Âge, des rabbins et d'autres responsables juifs portent le chapeau juif, tandis que les autres juifs ne le portent pas, ce qui pourrait refléter la réalité[11].

La forme du chapeau est variable. Quelquefois, spécialement dans le courant du XIIIe siècle, il ressemble à un bonnet phrygien mou, mais plus couramment, surtout au début, c'est un chapeau conique se terminant en pointe, avec à sa base un bord circulaire rond, apparemment rigide[12]. On trouve aussi des versions plus petites, se fixant sur le sommet de la tête. Quelquefois, un anneau encercle le chapeau quelques centimètres au dessus de la tête. Au XIVe siècle, une balle ou un pompon est fixé au sommet du chapeau, et le bout effilé devient alors une queue de diamètre constant[13]. Le sommet du chapeau devient plus plat ou rond (comme dans l'image du Codex Manesse).

A la fin du Moyen Âge, le chapeau est progressivement remplacé par une large variété de couvre-chefs, y compris des chapeaux évasés exotiques de style oriental, des turbans et à partir du XVe siècle de larges chapeaux plats et de larges bérets. Une des principales sources d'informations provient des manuscrits et de leurs enluminures. Dans les images de scènes bibliques, les artistes représentent souvent les personnages avec des habits de leur époque, ce qui permet de les étudier comme des scènes européennes contemporaines.

Quand un chapeau juif pointu distinctif est représenté, il a une forme de moins en moins définie et est généralement bouffant. Des turbans lâches, de larges chapeaux plats, des bérets, ainsi que les nouveaux chapeaux à fourrure apparus dans la zone de résidence en Russie, restent associés aux Juifs jusqu'au XVIIIe siècle et même au-delà.

Le monde islamique

Pour que les dhimmis (non-Musulmans) soient facilement distinguables des Musulmans en public, les souverains musulmans ont souvent interdits aux dhimmis de porter certains types d'habits, et les ont obligés à mettre des vêtements reconnaissables, généralement de couleur vive. Les historiens citent le Pacte d'Umar II dans lequel les dhimmis et plus particulièrement les Chrétiens sont supposés accepter une obligation de « toujours s'habiller de la même façon quel que soit l'endroit où ils se trouvent, et … de nouer le zunar (large ceinture) autour de leur taille ». Al-Nawawi impose aux dhimmis le port d'un habit jaune et d'une ceinture, ainsi que d'un anneau métallique à l'intérieur des bains publics[14].

Les lois sur l'habillement des dhimmis ont varié fréquemment pour obéir aux caprices des souverains. Bien que l'origine de telles lois soit généralement attribuée à Umar Ier, l'évidence historique suggère que ce soit les califes abbassides qui ont inauguré cette pratique. En 850, le calife Jafar al-Mutawakkil impose aux Chrétiens et aux Juifs de porter une ceinture en tissu appelée zunnah et une sorte de châle ou de foulard appelé taylasin (les Chrétiens étaient déjà obligés de porter la ceinture)[15]. Il impose aussi qu'ils portent une petite clochette dans les bains publics. Au XIe siècle, le calife fatimide Al-Hakim bi-Amr Allah exige que les Chrétiens portent une croix en bois d'un demi mètre de long autour du cou et que les Juifs portent un agneau en bois. À la fin du XIIe siècle, le calife Almohades, Abu Yusuf Yaqub al-Mansur impose au Juifs du Maghreb de porter des vêtements bleus foncés avec de longues manches et un chapeau en forme de selle. Son petit-fils Abu Muhammad al-Adil, après de nombreuses réclamations des Juifs, desserre les contraintes et accepte les vêtements et les turbans jaunes. Au XVIe siècle, les Juifs du Maghreb ne sont autorisés qu'à porter des sandales faites en jonc et des turbans ou chapeaux noirs avec un petit morceau de tissu rouge[16].

Les sultans de l'Empire ottoman continuent à réglementer les habits de leurs sujets non-Musulmans. En 1577, Murad III publie un firman interdisant aux Juifs et aux Chrétiens de porter des habits, des turbans et des sandales. En 1580, il change d'idée et restreint l'interdiction précédente aux turbans et impose aux dhimmis de porter des chaussures noires. Aussi, les Juifs doivent porter des chapeaux rouges et les Chrétiens des noirs. Constatant en 1730 que certains Musulmans prenaient l'habitude de porter des chapeaux identiques à ceux des Juifs, Mahmud Ier ordonne que l'on pende les contrevenants. Mustafa III aide personnellement à l'application de ses décrets concernant l'habillement. En 1758, il se promène incognito à Istanbul et ordonne la décapitation d'un Juif et d'un Arménien habillés avec des vêtements interdits. Le dernier décret ottoman ordonnant des habits différents pour les dhimmis a été promulgué en 1837 par Mahmud II. Le port d'habits discriminatoires n'étaient pas appliqué dans les provinces ottomanes à majorité chrétienne, telles que la Grèce et les Balkans[16].

Le chapeau juif dans l'art

Nativité de Marie, mère du Christ- Allemagne, XIIe siècle: Saint Joachim porte le chapeau juif

Le chapeau juif est fréquemment utilisé dans l'art médiéval pour représenter les Juifs de la période biblique. Souvent les Juifs représentés ainsi, sont ceux qui sont présentés de façon plutôt négative dans l'histoire, tels les marchands expulsés du temple par le Christ, (Matthieu 21.12-17 Évangile selon Matthieu#Matthieu 21), mais ce n'est pas toujours le cas. Le mari de Marie, Joseph, est souvent peint portant un chapeau juif, et le Christ lui-même peut être présenté avec ce chapeau, plus particulièrement dans la scène de la rencontre à Emmaüs, où ses disciples ne l'ont pas reconnu immédiatement (Luc.24.13-32 Évangile selon Luc#Luc 24)[17]. Parfois, le chapeau est utilisé afin de distinguer les Juifs d'un autre peuple comme les Égyptiens ou les Philistins.

A la différence notable de la rouelle, le chapeau juif est souvent présent dans les enluminures des manuscrits hébraïques, tels que les Haggadot rédigées dans l'Europe médiévale. Dans la Haggada à têtes d'oiseau (Allemagne, vers 1300; actuellement à Jérusalem), les personnages (avec des têtes d'oiseau) portent le chapeau juif alors qu'ils sont assis pour manger le Seder de la Pâques juive, Pessa'h[18].

Voir aussi

Références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Jewish hat ».
  • (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Judenhut ».
  1. (en): « an element of traditional garb, rather than an imposed discrimination » Françoise Piponnier and Perrine Mane, Dress in the Middle Ages p. 138, Yale UP, 1997; ISBN 0300069065, cité par http://en.wikipedia.org/wiki/Jewish_hat
  2. (en): Histoire juive médiévale: une encyclopédie éditée par Norman Roth, Routledge Le chapeau porté par les prêtres zoroastriens dans les peintures à Doura Europos (mais par aucun des personnages dans la synagogue) semble très semblable à certains des premiers exemples européens, comme ceux portés par les personnages de l'Ancien Testament sur les bas-reliefs des portes de la basilique San Zeno de Vérone
  3. Bien que ceci ne devait pas avoir encore acquis force de loi à cette période. Voir Roth op cit.
  4. (en): Françoise Piponnier et Perrine Mane; Dress in the Middle Ages; p. 138, Yale UP, 1997; ISBN 0300069065. Sceaux de Norman Roth, op cit. Aussi Schreckenburg p. 15 & passim.
  5. (en): Piponnier & Mane, op & page cit.
  6. (en): Histoire juive médiévale: une encyclopédie éditée par Norman Roth, Routledge
  7. (en): Schreckenburg, Heinz, The Jews in Christian Art, p.15, 1996, Continuum, New York, ISBN 0826409369
  8. (en): Jewish Encyclopedia
  9. Pape:dans la Bulle Cum nimis absurdum. Lituanie, JE:"Yellow badge".
  10. (en): Schreckenburg:288-296
  11. Par exemple dans les illustrations énigmatiques de la "Haggada d'Or" de Darmstadt, qui date des environs de 1300.
  12. Par exemple, comme ceux portés par les personnage de l'Ancien Testament sur l'autel de l'abbaye de Klosterneuburg de 1181
  13. Occasionnellement de petits "pompons" droits ont été ajoutés comme dans Schreckenburg:77, illus 4, of c.1170
  14. (en): Al-Nawawi, Minhadj, cité dans Islam and Dhimmitude. Where Civilizations Collide de Bat Ye'or; éditeur: Fairleigh Dickinson University Press; Associated University Presses; Madison; Teaneck, NJ; 2002; ISBN 0-8386-3943-7; p. 91
  15. (en): Histoire juive médiévale: une encyclopédie éditée par Norman Roth, Routledge
  16. a  et b (en): Bat Ye’or (2002), pp. 91–96
  17. (en): Schreckenburg:125-196
  18. (en): Meyer Schapiro, Selected Papers, volume 3, Late Antique, Early Christian and Mediaeval Art, pp. 380-86, 1980, Chatto & Windus, London, ISBN 0701125144

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