- Zoroastre
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Zoroastre, Zarathushtra ou Zarathoustra (Zaraθuštra en avestique, Ζωροάστρης en grec), est un prophète du VIIe siècle av. J.-C.[1], fondateur du zoroastrisme, ancienne religion de la Perse. Il est difficile, étant donné l'époque et l'importance du personnage, sources de nombreuses affabulations, de donner des dates et des lieux précis à son sujet. On suppose qu'il est né au nord de l'Iran, mais certaines traditions le font naître à Balkh dans le nord de l'Afghanistan actuel.
On connaît quelques bribes de sa vie, à travers les hymnes gathiques de l'Avesta, rédigés dans une langue indo-iranienne archaïque, vieille d'entre 2500 et 3000 ans, l'avestique. Celle-ci se montre très proche des textes védiques indiens du Rig Veda, où l'on retrouve le même type de grammaire que dans le livre saint de Zoroastre. On le connaît aussi à travers la tradition qui rapporte un récit épique de la vie de Zoroastre, tel un scénario exemplaire empli d'événements surnaturels et de miracles. On considère généralement Zoroastre en tant que personnage historique, mais les dates à son sujet sont très discutées.
Sommaire
Le nom de Zoroastre
Le nom zaraθ-uštra est un composé Bahuvrihi en avestique de zarəta- « ancien, faible » et de uštra « chameau », qui se traduit par « celui qui a de vieux chameaux ».
Une ancienne traduction erronée rapprochait zarəta- de zaray (or ou jaune) qui donnait « celui qui possède les chameaux jaunes » - traduction certes plus romantique, qui a, par cumul d'erreurs, amené des traductions encore plus fantaisistes : « le porteur de l'aurore dorée » (zaray ushas).
D'autre part uštra devenu ashtar en persan ancien, puis shotor en persan actuel (chameau), pourrait signifier en même temps l'astre (en français), star en anglais et sétaré en persan actuel et το αστέρι (to astéri), en grec.
La relation pouvait venir du voyage de l'astre dans le ciel, en comparaison de celui du chameau sur la terre comme seul moyen de déplacement et de voyage de cette époque. Ainsi, la composition zaraθ = or et uštra = astre, pouvait donner l'astre doré, et en même temps le chameau doré.
Bien que ces dernières fantaisies n'aient pas été très correctes, elles semblent démontrer un certain désir de grandeur, au-delà de « celui qui a de vieux chameaux ».
Une autre traduction propose « le conducteur de chameaux ».
En persan moderne, le nom de Zoroastre prend la forme Zartošt ou Zardošt (زرتشت) ;
En kurde moderne, le nom de Zorastre prend la forme de Zerduşt ou Zerdeşt. De là pourrait découler d'autres significations. zer (jaune en kurde) découle du mot zêr qui signifie « or » ; deşt signifie « plaine » mais il a peut-être évolué et originellement le terme était peut-être dest qui signifie « main ». Ainsi, Zerdest pourrait être « Celui à la main d'or » en raison des miracles qu'ils auraient accomplis. Ou bien, Zerdeşt pourrait être l'homme des « plaines dorées ».
Les débuts du zoroastrisme
Zoroastre, fils de Pouruchaspa [2], aurait commencé sa vie comme prêtre de la religion alors régnante en Perse, le Mazdéisme, qui comportait entre autres de nombreux rites sacrificiels, en particulier d'animaux. Il eut une série de visions, dans lesquelles il vit Ahura Mazda, divinité suprême, et commença alors une prédication passionnée, prêchant :
- la venue du Royaume de Justice, la coopération à l'œuvre de Dieu (Ahura Mazda), sous peine de châtiment total ;
- le dieu Ahura Mazda, élevé au rang de dieu suprême, reléguant les autres divinités de la religion à un rang secondaire ;
- la critique des pratiques de la religion traditionnelle notamment le culte de Mithra – ce qui lui attire les foudres des prêtres –, car ses sacrifices d'animaux étaient particulièrement cruels (du fait de sa conviction qu'eux aussi possédaient une âme)[3] et qu'il constituait une source de revenus pour les dirigeants religieux ;
- la condamnation de la consommation de boissons enivrantes, haoma (cf. le soma, voir: sanskrit), qui empêche l'homme de réfléchir avec clarté et qui avait cours dans le mithraïsme.
L'ancienne religion perse était soutenue essentiellement par les familles aristocratiques guerrières. Or les arguments de justice et de conscience personnelle heurtèrent profondément les coutumes et les mentalités de ces mêmes vieilles familles. Non seulement ses idées ne plurent pas, mais surtout elles remettaient en cause le pouvoir établi. Pourchassé par le peuple, il dut s'enfuir pour sauver sa vie.
Après plusieurs années d'exil au cours desquelles il aurait eu des entretiens mystiques avec Ahura Mazda, il finit par trouver à Bactres un protecteur puissant, Hystaspès, le père de Darios Ier. Hystaspès suivra son enseignement à travers un parcours initiatique.
Cette première victoire de Zoroastre va en engager d'autres : Hystaspès contraint ses sujets, puis les sujets qu'il a vaincus à la guerre, à se convertir au zoroastrisme. La religion s'étendit, surtout en Perse et chez les Parthes qui en firent une religion officielle, et la dotèrent d'une véritable institution ecclésiastique – la caste des Mobads – qui eut une grande influence dans les affaires de l'État.
Zoroastre dans l'Histoire
Encore une fois, les dates de naissance et de mort de Zoroastre sont des données imprécises et discutées, qui varient grandement selon les sources.
- Dans la mythologie perse, notamment le Šahnāma, mais également dans ce que l'on peut entendre de la tradition orale, Zoroastre aurait vécu entre l'an -1000 et l'an -400.
- Zoroastre était célèbre durant l'Antiquité pour avoir fondé la religion des Mages. Son nom est cité par Xanthus, Platon, Plutarque, Pline l'Ancien et Diogène – citations révélatrices d'une certaine influence philosophique. Les estimations grecques, influencées par la mythologie perse, prétendent que Zoroastre a vécu au cours du VIIe siècle av. J.‑C. C'est également une datation reconnue par les Pârsî[4].
- Les preuves archéologiques remettent en cause les théories religieuses : Asgarov (1984) démontre à partir d'excavations en Ouzbékistan que Zoroastre aurait vécu après -2000.
- L'analyse linguistique du Gāthās, seuls textes directement liés à Zoroastre, et la comparaison avec les langues actuelles et passées de l'Iran, notamment le sanskrit, donnent une estimation globale autour du premier millénaire avant J.-C. ; entre -1400 et -1000 (Mary Boyce, A History of Zoroastrianism, 1989).
- L'approche historique compare les coutumes sociales décrites dans le Gāthās à celles connues par l'étude historique – mais à cause du caractère ésotérique du Gāthās, qui est donc sujet à l'interprétation libre, l'estimation est plus difficile. Les estimations actuelles situent l'époque de Zoroastre autour de -1000 (Gherardo Gnoli).
- Le Būndahišn (Création), un texte important du zoroastrisme, indique que Zoroastre vivait 258 ans avant la conquête de la Perse par Alexandre le Grand (en -330), c'est-à-dire en -588.
- Certains chercheurs ont postulé des dates plus tardives, aujourd'hui contestées : l'estimation à l'an -100 (Darmesteter) est rejetée depuis 1938.
- Pourtant, sachant qu'il a fréquenté Hystaspès, dont le fils Darius Ier est né vers -550, il est plus probable qu'il ai vécu au cours des VIe et VIIe siècles avant J.-C.
La vie de Zoroastre
Ce que l'on sait de la vie de Zoroastre nous vient principalement de l'Avesta, dont les Gathas sont la partie la plus ancienne, des textes grecs, de la tradition orale, et des preuves archéologiques.
Le Spena Nask, 13e section de l'Avesta, décrit la vie de Zoroastre. Ce chapitre, transmis oralement, n'a plus aucune cohérence. Les biographies dans les sept livres du Dēnkard (IXe siècle) et le Šahnāma ont été démontrées comme fausses.
Il est aisé cependant d'affirmer que Zoroastre a vécu au nord-est de l'Iran actuel. Les Grecs s'y réfèrent en l'appelant le Bactrien (un habitant de la Bactriane, l'actuel Afghanistan du nord, un Mède ou un Perse d'il y a 5000 ans). Sa femme est dénommée Hvōvi. Ils ont trois filles : Freni, Friti et Pourucista, ainsi que trois fils : Isat Vastar, Uruvat-Nara et Hvare Ciθra. Sa mère s'appelait Dughdova ; son père était Pourushaspa Spitāma. Son grand-père s'appelait Haecadaspa Spitāma.
Zoroastre aurait eu une illumination concernant le dieu Ahura Mazda, à l'âge de 30 ans. Il créa les bases de sa religion et y convertit sa femme, ses enfants et son cousin Maidhyoimangha.
Les Grecs ont beaucoup fabulé sur sa vie et notamment son enfance. D'après Pline, Zoroastre aurait ri le jour de sa naissance et vécu dans la sauvagerie. Plutarque le compare à Lycurgue et Numa Pompilius (Numa, 4). Dion Chrysostome compare l'Ahura Mazdā de Zoroastre à Zeus. Plutarque, en s'inspirant de Théopompe, compare le zoroastrisme et l'histoire d’Isis et Osiris.
Les Gathas sont un recueil de prophéties et d'admonitions sous forme poétique, qui relatent un dialogue entre le Dieu et les Aməa Spəntas « Immortels » (en pahlavi Amahraspandān). Cependant, ces textes contiennent des allusions personnelles — sa difficulté à transmettre la religion, les insultes de l'entourage…
Il est important de reconnaître deux personnages différents, ou plutôt deux différentes visions du personnage : le Zoroastre tel que décrit dans l'Avesta et le Zoroastre des Gathas. Dans l'Avesta, on le décrit se battant avec les Daēva (démons immortels, en pahlavi Dēwān), et, dans le Nouveau Testament, il est tenté par Ahriman qui lui demande de renoncer à sa foi (Yasht, 17,19).
Enfin le Vendidad relate les dialogues entre Ahura Mazda et Zoroastre. Ce sont les dernières traces de son discours au sujet de sa doctrine exposée à la cour du Roi Vištaspa ; bien que son authenticité soit à de très nombreuses reprises remise en cause, y compris par certains spécialistes du zoroastrisme, telle que modifier] Zoroastre dans la culture européenne
Zoroastre est plus connu comme un sage, un magicien, dans la culture moderne, bien qu'on ne découvrit ses idées qu'à la fin du XVIIIe siècle. On l'associait alors avec les francs-maçons et autres groupes prétendant que Zoroastre avait atteint un « savoir ». Un personnage nommé Sarastro apparaît dans l'opéra La Flûte enchantée de Mozart, et représente l'ordre et la morale – par opposition à la Reine de la Nuit.
Les écrivains et philosophes des Lumières, dont Voltaire, engagèrent des travaux sur le zoroastrisme, y voyant une forme de déisme éclairé, préférable au christianisme dogmatique. Avec la transcription de l'Avesta par Abraham Anquetil-Duperron, l'étude du zoroastrisme put réellement débuter. Au XIXe siècle, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche utilisa, de façon parodique, le nom de Zoroastre dans son livre Ainsi parlait Zarathoustra. Nietzsche en fait un personnage dramatique et critique envers ses œuvres et prétentions philosophiques, développe la mort de Dieu. Poète-prophète, Zarathoustra se retire dans la montagne et revient parmi les hommes pour leur parler : des vertus, du Surhomme, de l'éternel retour, des prédicateurs de la mort, des faibles et des forts, des nobles et des esclaves...
Nietzsche parodie le personnage de Zoroastre, l'associant au manichéisme. Il aurait, selon lui, inventé le dualisme moral, sous la forme de la Daeva (les forces naturelles) et de l'Ahuras (la raison, le "bien" et le "mal", la morale). C'est ce dualisme que Nietzsche proposa d'abolir.
Richard Strauss, inspiré par Nietzsche, écrivit l'Opus 30, nommé également Also sprach Zarathustra. La séquence d'ouverture est restée célèbre pour avoir mis en musique le film de Stanley Kubrick, 2001, l'Odyssée de l'espace.
Zoroastre dans les arts
- Zoroastre est le titre d'une tragédie lyrique de Jean-Philippe Rameau ;
- Ainsi parlait Zarathoustra est une œuvre philosophique de Friedrich Nietzsche (1885) ;
- Ainsi parlait Zarathoustra est une œuvre musicale de Richard Strauss ;
- Ainsi dansait Zarathoustra est un Beau Livre traitant de l'œuvre chorégraphique de Maurice Béjart en rapport avec l'influence qu'ont eu Zoroastre et Nietzsche sur son travail ;
- Sarastro est un personnage de la Flûte enchantée de Mozart ;
- Brian May (guitariste du groupe Queen) s'est inspiré des textes de Zoroastre pour écrire The Prophet's Song (1975) ;
- Zoroastre figure, probablement, sur la fresque du peintre italien Raphaël : L'École d'Athènes. Observable au Musées du Vatican
Annexes
Notes
- 630 av. J.-C. et mort en 550 av JC. on estime qu'il est né en
- Alcibiade majeur(122a)
- dans l'Encyclopédie des religions de Gerhard J. Bellinger
- Noorbakhsh Rahimzadeh, « The first monotheist prophet », dans Vahooman, n°nbsp;14 (May 23, 1998). lire en ligne
Bibliographie
- du Breuil, Paul, Zarathoustra (Zoroastre) et la transfiguration du monde, Payot, Paris, 1978.
- Duchesne-Guillemin, Jacques, Zoroastre, étude critique avec une traduction commentée des gatha, Robert Laffont, Paris, 1975 [1948].
- Foltz, Richard, L’Iran, creuset de religions : de la préhistoire à la Révolution islamique, Québec : Les Presses de l’Université Laval, 2007
- Gnoli, Gherardo, De Zoroastre à Mani : quatre leçons au Collège de France, Paris, 2000.
- Kellens, Jean, La quatrième naissance de Zarathushtra, Paris, Seuil, 2006.
- Khazai Pardis, Khosro, Les Gathas, Le livre sublime de Zarathoustra, Albin Michel, Paris, 2011.
- Molé, Marijan, Culte, mythe et cosmologie dans l’Iran ancien, Presses universitaires de France, Paris, 1963.
- Prieur, Jean, Zarathoustra, homme de lumière, Robert Laffont, Paris, 1982.
- Widengren, Geo, Les Religions de l’Iran, Payot, Paris, 1968.
Articles connexes
- Calendrier persan
- Pârsî
- Zoroastrisme
- Yézidisme
- Yâzdânisme
- Yarsanisme
- Gathas
- Avesta
Liens externes
- (fr) L'Avesta, Zoroastre et les sources des religions indo-iraniennes par Jean Kellens, Professeur au Collège de France.
- (fr) Images et symboles du zoroastrisme
- (en) Zoroastre et le zoroastrisme
- (en) Harry Thurston Peck : Zoroastre (1898)
- (en) Le Gāthās de Zaraθuštra
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