- Tramways d'Eure et Loir
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Tramways d'Eure-et-Loir
Les Tramways d'Eure-et-Loir (TEL) sont un ensemble de lignes de chemin de fer à voie métrique exploitées entre 1899 et 1937. Ce réseau d'intérêt local devait permettre le désenclavement de certaines localités à l'écart des lignes à voie normale des compagnies de l'Ouest et de l'ETAT. Il ambitionnait aussi de fournir un service urbain dans l'agglomération chartraine. Concédé au groupe Verney dans un premier temps, le réseau sera confié en 1929 à la Société Générale des Tramways Départementaux (SGTD) avant de disparaître en 1937.
Sommaire
Situation du réseau
De par sa géographie, l'Eure-et-Loir est un département de passage traversé par de nombreux axes de communications. Juste avant 1900, six lignes à voies normale (dont trois radiales) le traversent et les routes nationales sont nombreuses. Le réseau des Tramways d'Eure-et-Loir va venir s'ajouter aux axes de communications existants afin de fournir des relations qui semblent manquer, mais sans véritable étude sur l'opportunité des réalisations, ce qui expliquera en partie la fin prématurée du réseau.
Le réseau a la spécificité de ne pas comporter, à ses débuts, de point commun aux lignes le constituant mais d'être éclaté dans le département. Ne voulant pas faire de concurrence aux grands réseaux, on prévoit donc de concentrer le trafic sur leurs gares. La seconde étape de construction agrandira le réseau en centrant les lignes sur Chartres, Brezolles et Châteauneuf-en-Thymerais.
Les différentes étapes de construction
Les lignes se sont construites en trois étapes, de plus en plus étalées dans le temps, dont la dernière n'aboutira jamais complètement. Chaque réseau aura ses caractéristiques propres au niveau architectural, matériel employé, armement de la voie...
Premier réseau
Ces trois lignes ont été étudiées dès 1894. Ce réseau a été mis en service à partir de 1899, suite à une déclaration d'utilité publique du 27 février 1897. La concession au groupe Verney suivait une convention du 11 mai 1896. Il est composé des lignes de:
- Dreux à Brezolles (23,8 km) ouverte le 8 janvier 1899 ;
- Saint-Sauveur à Châteauneuf-en-Thymerais (4,1 km) ouverte le 22 janvier 1899 ;
- Lèves à Bonneval (32,9 km) ouverte le 10 avril 1899.
Il était prévu un service adapté à chaque ligne, jusqu'à 3 allers-retour sur Dreux - Brezolles, 6 tous les jours sur Saint-Sauveur - Châteauneuf-en-Thymerais, dépendant fortement des recettes. Malheureusement, le manque de matériel, les déraillements, fit que le public hésita longtemps à utiliser le tramway. On s'aperçut de problèmes de gestion : la section de Saint-Sauveur à Châteauneuf-en-Thymerais et ses 4 km devait disposer d'un atelier quasiment aussi bien équipé que les deux autres...
La section urbaine, de Lèves à Luisant fut moins malchanceuse. Disposant de son propre matériel, effectuant 7 allers-retour quotidiens, cette ligne connut un certain succès.
Fin 1899, la ligne Dreux - Brezolles a rapporté 1630 FF, celle de Saint-Sauveur - Châteauneuf-en-Thymerais 3950 FF et celle de Lèves - Bonneval 3300 FF.
Les bâtiments destinés aux voyageurs étaient de petits édicules de brique polychrome ornés de frises de terre cuite. Il n'y avait pas de bâtiment destiné aux marchandises sauf aux terminus, qui ont également des bâtiments voyageurs spécifiques. A part la ligne de Châteauneuf-en-Thymerais, construite sur la plateforme initialement destinée à une ligne à voie normale, les voies TEL sont établies en accotement de route. Le rayon minimal est de 80 m[1]. La déclivité maximale est de 30 mm/m, à part aux traversées de Chartres (40 mm/m sur la butte des Charbonniers) et de Dreux.
Second réseau
A peine le premier réseau mis en service, les conseillers généraux votaient la construction d'un agrandissement, mis en service à partir de 1907, plus cohérent, centré sur Chartres. Ils commandent également plus de matériel afin d'éviter les soucis d'exploitation rencontrés par le premier réseau.
Les lignes suivantes seront construites :
- Brezolles à Senonches (17 km) ouverte le 15 août 1907 ;
- Chartres à Angerville (45,8 km) ouverte le 7 mai 1908 ;
- Sours à Prunay-le-Gillon (5,5 km) ouverte avec la précédente, car formant en fait un embranchement ;
- Brou à Nogent-le-Rotrou (35,9 km) ouverte le 10 juillet 1908 ;
- Bonneval à Brou (25,5 km) ouverte le 13 août 1908.
Il était prévu au dernier moment d'y ajouter deux lignes, avec l'objectif de relier les différentes sections de réseau et d'y ajouter une certaine cohérence :
- Châteauneuf-en-Thymerais à Senonches (18,6 km) ;
- Digny à La Loupe (13,1 km).
Malheureusement, faute de crédits, ces deux lignes ne seront pas achevées. Seules les sections de Châteauneuf-en-Thymerais à Digny (8,8 km) et Digny à La Loupe (12,5 km finalement) seront construites, bien après les autres : 1928 et 1931.
Ce second réseau apporte une correspondance à Angerville avec le Tramway de Pithiviers à Toury (TPT) Tout comme pour le premier, la voie est construite en accotement de route, à part pour Brou - Nogent-le-Rotrou, dont la majeure partie était en site propre.
Les gares intègrent maintenant une partie halle aux marchandises, en plus du guichet et de la salle d'attente. Ces bâtiments sont construits à l'économie, ne devant pas dépasser les coûts de construction d'un bâtiment du premier réseau[2].
Une gare centrale des Tramways est construite à Chartres.
L'ensemble constitué se révèlera assez efficace jusqu'au 16 août 1914, date à partir de laquelle un certain nombre de matériels sont réquisitionnés. L'entretien de la voie sera suspendu sur l'ensemble du réseau.
Dans l'après guerre, l'exploitant à beaucoup de mal à remettre le réseau en service : le matériel est usé et la voie à beaucoup souffert du manque d'entretien.
Troisième réseau
En séance du 3 octobre 1912, le conseil général demandait que des études soient faites pour compléter encore le réseau existant et répondre aux demandes de certaines communes. Interrompues par la Première Guerre mondiale, ces études ne débouchèrent pas sur une réalisation concrète, mais il était envisagé d'établir (au moins)[3] trois nouvelles lignes :
- Anet à Lèves, passant par Nogent-le-Roi ;
- Nogent-le-Roi à Saint-Sauveur ;
- Chartres à Patay.
Le réseau aurait alors comporté 593 km de voies, développement hors du commun pour l'économie du département. Ces lignes furent finalement concédées à la SGDT et exploitées par autocar.
Le matériel
Acheté au fil des mises en service de lignes, le matériel des TEL est, à ses débuts, assez simple. Par la suite, du fait de la proximité de Paris et de la faible utilisation des lignes, on en fit un terrain d'expérimentation pour les premiers autorails. Tout le matériel comportait un attelage à tampon central et maille. Des essais d'attelage automatique Boirault furent effectués.
Tous les engins moteurs étaient équipés du frein à vide système Soulerin. Toutes les voitures et fourgons étaient équipés de cylindres de frein ainsi que du frein à vis. Un tiers environ du parc marchandises était également freiné, le reste disposant d'une conduite blanche.
Locomotives à vapeur
Les locomotives à vapeur sont issues du catalogue Corpet-Louvet. Pour le premier réseau, 6 machines de 13 t[4] à trois essieux et deux machines de 7 t[5] à chaudière verticale sont commandées. Les deux machines à chaudière verticale ne se révèleront pas adaptée et le manque de matériel sur la branche de Bonneval provoquera en décembre 1900 une commande de trois machines supplémentaires: des 030T de 17 t[6], toujours chez Corpet-Louvet.
Pour le second réseau, la compagnie choisit des encore une fois des machines Corpet-Louvet à trois essieux, de 17 t. Douze locomotives seront commandées et livrées entre 1906 et 1908, au fil des mises en service.
Pour l'exploitation de la ligne Châteauneuf-en-Thymerais à La Loupe, trois nouvelles machines seront commandées, du même type que celles du second réseau.
Enfin, après le changement d'exploitant, deux machines des Tramways de l'Aude (ex-n°6 et 23) d'un type très similaire à celles du second réseau furent envoyées sur les TEL.
Autorails
L'exploitation des TEL s'est toujours révélée déficitaire, aussi la compagnie a essayé dès 1920 d'utiliser des autorails, nécessitant moins de personnel et d'un entretien peu onéreux.
Le premier véhicule, l'auto-sur-rail, Luc Court n'était qu'une camionnette montée sur châssis ferroviaire. Cet engin à 12 places fut en service tout l'été 1922 sur le service urbain mais arrêté dès l'hiver: une simple bâche protégeait les voyageurs des intempéries. Il fut muni début 1924[7] d'une caisse en bois tôlé et envoyé presque aussitôt sur le chemin de fer d'intérêt local du territoire de Belfort.
Fin 1922, les administrateurs du réseau essayaient un autorail de leur conception, issu de caisses de GMC. Deux exemplaires furent construits et assurèrent le service urbain en remplacement du prototype Luc Court. Ils furent achetés en l'échange de la vente de deux locomotives du premier réseau.
Suite à ces différents essais, le département décida de reprendre les choses en main et de consulter les fournisseurs de l'époque. Berliet, Crochat, De Dion-Bouton et Renault proposèrent leurs solution et, après démonstrations, Crochat reçut la commande d'un exemplaire similaire à l'AT1, récemment mis en service sur le Tramway de Pithiviers à Toury. Cet engin fut remotorisé par le réseau et assurera différents services. Il terminera sa carrière sur la ligne Chartres - Angerville.
Après le changement d'exploitant, deux autorails Renault-Scémia LY arrivèrent du réseau des Chemins de fer de la Banlieue de Reims, également exploité par la SGDT. Ceux ci donnant satisfaction, un troisième autorail Renault du type NX fut commandé et reçu en 1931. Cet autorail fut vendu aux Chemins de fer des Côtes-du-Nord à la fin de l'exploitation, tous les autres furent ferraillés.
Matériel remorqué
Commandé en même temps que les locomotives aux sociétés Blanc-Misseron et Verney, les quantités de matériels furent aussi limitées, ce qui engendra de nombreux soucis d'exploitation. Le morcèlement du réseau entrainera des transfers réguliers de matériel d'une ligne à l'autre.[8].
Après l'ouverture du premier réseau, on dénombrera ainsi 23 voitures[9] et 5 fourgons. Les wagons n'étaient pas plus nombreux : 45 en tout[10]. Ces wagons chargent de 5 à 10 t, selon le fabriquant.
Pour le second réseau, on dimensionne un peu plus largement les besoins en matériel. Une voiture salon, 8 mixtes première/seconde, 34 de seconde classe et dix fourgons sont commandés. 108 wagons de divers types y furent ajoutés.
En 1930, du matériel racheté aux Tramways de l'Aude et au chemin de fer Pau Oloron Mauléon vint renforcer le parc marchandises.
Beaucoup plus curieux, trois paires de trucks porteurs furent construits en 1930 et utilisés sur la ligne Saint-Sauveur - Châteauneuf-en-Thymerais pour le transport de wagons "grands réseaux" à voie normale.
Les compagnies exploitantes
Le groupe Verney se vit confier la concession du réseau le 11 mai 1896. Mais malgré l'expérience de ce groupe, le déficit d'exploitation devint tel à partir de 1925 que le département envisagea de racheter la concession pour enrayer une hausse exponentielle des tarifs. Le 22 juillet 1929, le conseil général décide en assemblée exceptionnelle de retirer la concession et recherche un nouvel exploitant.
La Société générale des transports départementaux (SGTD), qui venait de sortir le réseau des Chemins de fer de la Banlieue de Reims (CBR) d'une situation critique et avait remporté, en 1925, le marché portant sur l'exploitation par autocars des lignes du troisième réseau, fut choisie. Un plan de choc est proposé au département et commence à se mettre en place. Malheureusement, faute de suivi de la part des pouvoirs publics, ce programme ne sera respecté qu'en partie.
La fin
Dès 1931 le conseil général constate la désaffection de certaines lignes. La première supprimée sera Châteauneuf-en-Thymerais - La Loupe, fermée le 1er juillet 1932 : un an, seulement, après son ouverture. Un service d'autocars et de camions remplace le train.
En 1932, la quasi intégralité des trains de voyageurs est transférée en service par autocar, à l'exception notable de Saint-Sauveur - Châteauneuf-en-Thymerais, exploité avec une automotrice. Les trains à vapeur ne circulent plus que pour les marchandises et en pointe (jours de marché, saison des blés et des betteraves).
En 1933, les tarifs marchandises des TEL ont fortement augmenté et le volume transporté diminue de 30% par rapport à 1932 ce qui pousse l'exploitant à demander que des mesures soient prises: plus aucun train de voyageurs, exploitation ferroviaire limitée à Chartres - Angerville et Châteauneuf-en-Thymerais - Saint-Sauveur. De 212 km le réseau passe à 54.
L'année 1935 voit la suppression des dernières lignes. Après la saison betteravière, la ligne d'Angerville est déposée. La ligne de Saint-Sauveur est officiellement fermée, mais continue à être exploitée jusque fin 1936. L'ensemble des lignes sont déferrées en 1937.
En 2007
Après plus de 70 ans, les vestiges des Tramways d'Eure-et-Loir s'estompent. Le plus méconnu, mais le plus visible, reste le réseaux d'autocar départementaux qui continue de suivre la plupart des lignes du tramway. Certains bâtiments sont aussi toujours en place, la quasi totalité sur les lignes Chartres - Bonneval et Chartres - Angerville.
A Châteauneuf-en-Thymerais, la remise des TEL a été convertie en terrain de pétanque abrité et rénovée.
La gare de Brou est utilisée par la DDE, une remise pour la voie normale ayant remplacé celle à voie métrique.
La remise double de Brezolles est un restaurant.
À Chartres les ateliers centraux des TEL ont été remplacés par la cité administrative.
Voir aussi
Articles connexes
Sites Internet
- Les Tramways de l'Eure et Loir sur le site de la FACS
- Carte des chemins de fer d'Eure et Loir
- Le Tramway à Prunay-le-Guillon
Bibliographie
Notes et références
- ↑ Jusqu'à 40 m en station ou dans certaines localités
- ↑ D'après une note des archives du réseau, archives départementales d'Eure et Loir
- ↑ De 3 à 5 lignes, selon les sources et le stade d'étude
- ↑ 13 t à vide, 16 t en charge
- ↑ 7 t à vide, 8,43 t en charge
- ↑ 17 t à vide, 21 en charge
- ↑ d'après les archives départementales
- ↑ Ce qui fera le bonheur de la compagnie des chemins de fer de l'Ouest...
- ↑ dont 5 mixtes première et seconde classe et 18 de seconde classe
- ↑ 30 couverts, 9 tombereaux, 6 plateformes
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