Histoire des representations erotiques

Histoire des representations erotiques

Histoire des représentations érotiques

Lampe à pétrole romaine dépeignant la position de la levrette.

Les représentations érotiques sont les peintures, sculptures, photographies, œuvres musicales et littéraires qui montrent ou décrivent des scènes à caractère sexuel. On retrouve des représentations érotiques dactes sexuels dans presque chaque civilisation, quelle soit antique ou moderne. Les civilisations les plus anciennes ont souvent associé lacte sexuel à des forces surnaturelles, et les représentations de celui-ci et la spiritualité étaient souvent intimement liées. Dans les pays asiatiques tels que lInde, le Japon et la Chine, les représentations du sexe et lart érotique ont des significations spécifiques au sein des religions nées dans ces pays que sont lhindouisme, le bouddhisme, le shintoïsme et le taoïsme. Les Grecs et les Romains sont quant à eux à lorigine de nombreuses œuvres artistiques et décorations à caractère érotique, provenant également de leur croyance religieuse et culturelle particulièrement influente dans louest de lEurope[1],[2].

Plus récemment, les représentations érotiques ont évolué, allant de larticle de luxe à loutil de publicité, constituant pour certains un produit ou un mode de vie. Les technologies de communication ayant elles aussi évolué, chaque nouvelle technique, telle que limpression, la photographie, les films et les ordinateurs, ont été autant de supports nouveaux et moyens de diffusion de ces représentations[3].

Sommaire

Réactions face aux représentations érotiques à travers lhistoire

Peinture romaine typique de Pompéi.

Aux époques les plus anciennes, les représentations érotiques nétaient quun sous-ensemble de lart indigène ou religieux des diverses cultures et nétaient à ce titre pas traitées différemment ni marginalisées. Le concept de pornographie, dans son sens actuel, nest apparu quà partir du XIXe siècle, durant lépoque victorienne. Sa définition initiale naît dans les années 1860, en remplacement des écrits anciens sur les prostituées[4]. Le mot apparaît pour la première fois dans un dictionnaire médical anglais de 1857, et est défini comme la « description des prostituées ou de la prostitution, dans un but dhygiène publique ». Cinq ans plus tard cependant, une seconde définition, plus obscène, apparaît dans le Websters Dictionary : « Peinture ou littérature licencieuse ; en particulier, la peinture antique utilisée pour décorer les murs consacrée aux orgies bacchanaliennes ». Bien que certaines pratiques sexuelles furent contrôlées ou interdites, le fait de simplement regarder des objets et images dépeignant ses actes nétait réprimé ou interdit dans aucun pays jusquen 1857. Dans certains cas, la possession de certains ouvrages, gravures ou images était illégal, mais létablissement de lois restreignant ou interdisant de regarder des scènes sexuellement explicites date principalement de lépoque victorienne[3].

Lorsque de larges fouilles de Pompéi furent entreprises dans les années 1860, une grande partie de lart érotique romain fut découverte, choquant les victoriens qui se voyaient les héritiers intellectuels de lEmpire romain. Ne sachant que faire de ses représentations explicites de la sexualité, ils tentèrent de les cacher du public. Les objets furent enfermés dans le musée secret à Naples, en Italie, et ce qui nétait pas objet fut recouvert et protégé, afin de ne pas outrager les susceptibilités des femmes, des enfants et de la classe ouvrière. Peu après, les lois en Angleterre (et dans une partie du monde) criminalisant la pornographie furent décrétées, avec ladoption en Angleterre de l'Obscene Publications Act de 1857[3]. En dépit de leur répression occasionnelle, les descriptions des thèmes érotiques sont communes à travers lhistoire[5].

Les premières représentations

En Occident

Préhistoire

La Vénus de Willendorf, statuette préhistorique.

Les représentations érotiques les plus anciennes que lon trouve sont des peintures et des gravures des grottes du Paléolithique. Les images les plus communes découvertes sont celles danimaux, de scènes de chasse et de description des organes génitaux humains (quon pense être des symboles de fertilité). Des êtres humains nus, avec certains caractères sexuels exagérés, sont dépeints dans certaines peintures et objets façonnés du Paléolithique (comme par exemple les Vénus paléolithiques). Des découvertes dans les grottes de Creswell en Angleterre, quon pense vieille de plus de 12 000 ans, contiennent quelques symboles qui pourraient être des représentations stylisées dorganes génitaux féminins. Toutefois, il ny a aucune information sur le caractère érotique de ceux-ci, et il est probable que ces objets étaient utilisés dans des rituels religieux[6]. Des archéologues en Allemagne ont rapporté en avril 2005 quils avaient trouvé ce quils croient être une scène vieille de 7200 ans dépeignant une silhouette masculine se pliant au-dessus dune silhouette féminine, simulant des rapports sexuels. La silhouette masculine fut baptisée Adonis von Zschernitz[7]. Cependant, on nest pas certain que le but de ces objets façonnés ait été une excitation sexuelle. Il est probable que ces images aient pu avoir eu une signification spirituelle et soient probablement reliées aux rituels de fertilité.

Antiquité

Article connexe : Art de la Grèce antique.
Scène de cour pédéraste traditionnelle sur une amphore athénienne du Ve siècle.

Les Grecs de lAntiquité ont souvent peint des scènes sexuelles sur leurs céramiques, bon nombre dentre elles étant notoires du fait quelles constituent les représentations homosexuelles et pédérastes les plus anciennes dont on dispose aujourdhui. Lart grec dépeint souvent les relations sexuelles, mais il est impossible de faire une distinction sur ce qui était illégal ou immoral puisque les Grecs antiques navaient pas de concept de pornographie. Leur art reflète simplement des scènes de la vie quotidienne, certaines plus sexuelles que dautres. Des phallus circoncis sont visibles dans des lieux de culte tels que le temple de Dionysos sur lîle de Délos, alors que le herma, petite statuette composée dune tête sur un socle rectangulaire d se dresse un phallus, constituait un objet courant et une amulette de protection. Lidéal masculin grec avait un petit pénis, une esthétique que les Romains adoptèrent plus tard[3],[8],[9].

Il y a de nombreuses peintures et sculptures sexuellement explicites dans les vestiges romains de Pompéi et Herculanum mais les significations originelles de ses représentations sont variables. Dune part, dans la « Villa des Mystères » à Pompéi, on peut observer une scène rituelle de flagellation qui est clairement associée à un culte religieux, image dont la signification peut être considérée comme plus religieuse que sexuelle. Dautre part, des peintures dans un bordel décrivant divers actes sexuels sont visibles dans les linteaux au-dessus de chaque porte. À Pompéi, des représentations de sexe, avec phallus et testicules, furent gravées sur les trottoirs, aussi bien pour guider les clients vers les zones de prostitution et de divertissement que comme décoration. Les Romains considéraient les représentations sexuelles comme des décorations de bon goût et un objet comme la coupe Warren tout au plus comme un « amorce-conversation », en effet, les images reflètent les us et pratiques sexuelles de leur culture. Des actes sexuels considérés comme tabous (comme ceux censés salir la pureté de la bouche) sont dépeints dans les salles de bain, dans un but comique. Des représentations de larges phallus étaient fréquentes à lentrée des habitations, car le phallus était signe de chance. Lun des premiers vestiges trouvé lorsque le complexe fut découvert fut une statue de marbre montrant le dieu Pan ayant un rapport sexuel avec une chèvre, une représentation explicite de zoophilie considérée comme si obscène quelle fut longtemps cachée au public et demeure au Musée secret de Naples[2],[3],[10]. Elle est actuellement librement exposée.

Le christianisme

Liconographie chrétienne sappuie (ou devrait s'appuyer) sur le deuxième des Dix Commandements: Tu ne feras pas dimage taillée. (Exode 20: 4). Dans son application radicale, cet interdit conduit à liconoclasme. En tout état de cause, dans le monde chrétien, la représentation érotique pâtit du lien qui est fait entre la sexualité et le péché originel et tend, sinon à disparaitre, à devenir tabou.

Les scènes érotiques sont courantes sur les enluminures médiévales, mais nétaient accessibles seulement quà ceux qui pouvaient se procurer des livres fabriqués à la main extrêmement chers. La plupart de ces enluminures figurent sur les livres dheures. Beaucoup de spécialistes de lépoque médiévale pensent que ces images ont satisfait des attentes à la fois érotiques et religieuses pour un livre. Dautres pensent que ces représentations étaient une forme dattention morale, mais la description de prêtres et autres fonctionnaires de haut rang dans des actes sexuels amènent à penser à des buts politiques[3].

Dans les autres civilisations

Shunga (Japon)

Les Moches du Pérou sont un autre peuple antique qui représenta des scènes sexuelles explicites dans leur poterie. Leur but, cependant, était bien différent des autres cultures antiques. Les Moches croyaient que le monde des morts était lopposé exact du monde de la vie. Ainsi, en tant quoffrandes funéraires, ils réalisèrent des navires montrant des actes sexuels tels que la masturbation, le fellation et la sodomie, actes sexuels nayant pas pour but la reproduction. Leur espoir était que, dans le monde des morts, ils prendraient la signification opposée de la fertilité[3].

Un prince et sa partenaire sur une terrasse la nuit (Inde)

Il existe une longue tradition de peinture érotique en Asie. Le Japon, la Chine, lInde, la Perse et dautres pays ont produit de grandes quantités dart célébrant lacte humain de lamour. Les œuvres dépeignent aussi bien lamour entre les hommes et les femmes que celui entre personne du même sexe. Au Japon, lart érotique a trouvé son plus grand développement dans les travaux de gravures japonaises. Ce style est connu sous le nom de Shunga et certains de ses représentants classiques (comme Harunobu, Utamaro) ont produit un grand nombre dœuvres. Les rouleaux de papier peints à la main étaient également très populaires. Le Shunga est apparu au XIIIe siècle et a continué à se développer de manière extrêmement populaire jusquau XIXe siècle, époque la photographie a été inventée. [1][11] La tradition chinoise de lérotisme était également très importante, avec des œuvres artistiques érotiques remontant à la dynastie Yuan (1271-1368). Lart érotique de la Chine a atteint son apogée durant la fin de la dynastie Ming (1368-1644)[1],[12].

Diffusion de masse

Ce nest que lors de linvention de limprimerie par Johannes Gutenberg que les images sexuelles explicites ont été diffusées à grande échelle dans le monde occidental. Avant cette époque, la diffusion des images érotiques, fabriquées à la main et chères, était limitée aux hommes des classes aristocratiques qui les ont délibérément tenu à lécart de la classe laborieuse, craignant leffet que produiraient de telles choses sur la convoitise animale des non-instruits. Même le British Museum possède une pièce interdite au public renfermant une collection dimages érotiques antiques donnée par le docteur et aristocrate George Witt en 1865. Les restes de la collection, y compris ses albums, résident toujours dans le compartiment 55, bien que la majorité de cette collection fut récemment intégrée avec dautres collections du musée[13].

Gravure érotique supposée de Agostino Carracci (15571602).

Littérature

Au XVIe siècle, une tentative dimpression de matériel érotique causa un scandale quand les Italiens Pietro Aretino (Pierre l'Arétin) et Marcantonio Raimondi ont produit lI Modi en 1524, un livre illustré de 16 « poses » ou positions sexuelles. Raimondi avait déjà édité lI Modi une fois par le passé, et fut emprisonné par le pape Clément VII, et toutes les copies des illustrations furent détruites. Raimondi a basé ses gravures sur une série de peintures érotiques que Giulio Romano faisait comme commande pour le Palais du Te à Mantoue. Bien que les deux œuvres aient été très semblables, seul Raimondi fut poursuivi parce que ses gravures pouvaient être vues par le public. Romano na pas su pour les gravures jusquà ce quAretino visite Romano afin de voir les peintures originales sur lesquelles Romano travaillait toujours. Aretino a alors composé 16 sonnets aux paroles explicites pour être assorti aux peintures et assurer la libération de Raimondi. LI Modi fut alors édité une deuxième fois, avec les poésies et les images, constituant ainsi la première combinaison érotique de texte et dimages, bien que la papauté saisit une fois de plus toutes les copies quil pourrait trouver. Raimondi échappa cette fois à la prison, mais la censure était si importante quaucune copie originale na jamais été retrouvée. Le texte existant aujourdhui nest quune copie dune copie découverte 400 ans plus tard[3],[14].

Au XVIIe siècle, un grand nombre dœuvres littéraires pornographique ou érotique commencent à circuler, la plupart du temps imprimé à Amsterdam, et diffusé illégalement dans divers états européens. Parmi ceux-ci figure Lécole des Filles, une œuvre française imprimée en 1655 et considérée comme les débuts de la pornographie en France. Il se compose dun dialogue illustré entre deux femmes, une fille de 16 ans et sa cousine plus mondaine, fait de discussions sexuelles explicites. Lauteur reste inconnu à ce jour, bien que quelques auteurs furent condamnés à de courtes peines de prisons pour avoir été lauteur supposé de lœuvre[15]. Dans son célèbre journal intime, Samuel Pepys confie quil acheta une copie de lÉcole des filles pour une lecture solitaire et le brûla ensuite afin quelle ne soit pas découverte par son épouse[16].

Illustration dans LHistoire de Juliette du Marquis de Sade.

Durant le Siècle des Lumières, plusieurs des libres-penseurs français ont commencé à exploiter la pornographie à des fins de critique et de satire sociale. La pornographie libertine, constituant une tribune social subversive, a souvent visé lÉglise catholique et les attitudes en matière de répression sexuelle. Un marché de brochures explicites, peu coûteuses et produites en série, émergea du fait de la bourgeoisie, créant des inquiétudes dans les classes aristocratiques, qui craignaient que la morale de la classe laborieuse fut corrompue, femmes, esclaves et non-instruits étant considérés comme particulièrement vulnérables à cette époque. Les histoires et les illustrations (vendues dans les galeries du Palais-Royal, avec les services de prostituées) étaient souvent anticléricales et remplies de prêtres, moines et autres nonnes se conduisant mal, une tradition qui subsista dans la pornographie française jusquau XXe siècle. Dans la période précédant la Révolution française, la pornographie fut également utilisée à des fins politiques ; Marie-Antoinette était souvent visé et les fantasmes relatifs à ces activités regroupaient des orgies, des activités lesbiennes, la paternité de ses enfants, et des rumeurs au sujet des insuffisances sexuelles supposées de Louis XVI[15],[17]. Pendant et après la révolution, les célèbres travaux du Marquis de Sade furent publiés. Ils ont souvent été accompagnés dillustrations et ont constitué un support politique[18].

En Angleterre, un phénomène similaire apparaît avec la publication de Memoirs of a Woman of Pleasure (Mémoires dune fille de joie), retitré ensuite sous le nom de Fanny Hill, écrit en 1748 par John Cleland. Alors que ce roman se moquait des conventions littéraires et des styles de son époque, le scandale se porta principalement sur le fait quil décrivait une femme, narratrice, qui prenait plaisir dans des actes sexuels dénués de morale. Le texte était fortement explicite dautant que Cleland usait de nombreux euphémismes pour décrire les actes sexuels et les parties du corps, allant jusquà utiliser cinquante termes différents pour nommer le pénis. LÉglise dAngleterre demanda aux autorités dinterdire le livre et lauteur fut arrêté et inculpé, bien que des exemplaires du livre continuèrent à se vendre sous le manteau et il fut lun des livres les plus réimprimés en anglais. Ce livre fut cependant interdit aux États-Unis jusquen 1963 et au Royaume-Uni jusquen 1970[19].

Photographie

Photographie de nu du XIXe siècle.

En 1839, Jacques Daguerre présenta le premier procédé de photographie à lAcadémie des sciences française[20]. À la différence des procédés photographiques précédents, ses daguerréotypes permettaient une qualité et des détails jusqualors jamais atteints, et ne se dégradaient pas avec le temps. La nouvelle technologie ne passa pas inaperçue des artistes désireux de dépeindre dune manière nouvelle le corps féminin. Traditionnellement, une académie était un exercice de nu fait par un peintre pour maîtriser le corps masculin ou féminin. Chacun de ses travaux devait être enregistré auprès du gouvernement français et approuvé par celui ci sil voulait pouvoir être vendu. Bientôt, des photographies de nu furent enregistrées en tant quacadémie, et lancés sur le marché comme support et aide aux peintres. Cependant, le réalisme de la photographie au regard de celui de la peinture rendit les photographies intrinsèquement plus érotiques. Dans Nude photography, 18401920, Peter Marshall affirmait alors que « dans le climat moral régnant à lheure de linvention de la photographie, les seules photographies du corps officiellement autorisées étaient celle servant de support pour la production des études de lartiste. Plusieurs des exemples de daguerréotypes ne sont clairement pas de ce style et possèdent une sensualité qui les classe clairement en tant quimages érotiques ou pornographiques. »[3],[21].

Les daguerréotypes nétaient cependant pas dénués dinconvénients. Le principal problème résidait dans le fait que chaque image était un original, et que tout le processus nutilisait pas encore de négatifs. En outre, les premiers daguerréotypes demandaient des temps de pose de lordre de trois à quinze minutes, les rendant impraticables pour la photographie de scènes. À la différence de lart pictural dantan, laction était impossible à montrer. Les poses demandées aux modèles devaient être tenues pendant une longue période. Cest pour cette raison que limage pornographique standard nincluait pas plusieurs personnes dans des scènes sexuelles, mais se résumait à la photographie de femmes seules exposant leurs parties génitales. Ces photographies étant extrêmement coûteuses, leur coût pouvant atteindre léquivalent du salaire dune semaine, le public de ces nus était pour la plupart composé dartistes et de personnes des classes supérieures de la société. Il était dailleurs de meilleur marché de louer les services dune prostituée que de posséder une image de nu dans les années 1840[3]. Le stéréoscope, inventé en 1838, devint extrêmement populaire pour visionner des daguerréotypes, et notamment les images érotiques. Cette technologie produisait un type de vue tridimensionnelle parfaitement adapté à la vue dimages érotiques[22]. Bien que des milliers de daguerréotypes à caractère érotique furent produits, seulement 800 sont aujourdhui visibles ; Cependant, leur unicité et leur valeur traduisent le fait quelles étaient par le passé les jouets dhommes riches. En raison de leur rareté, certains travaux peuvent se vendre pour plus de 10 000 GBP[3].

En 1841, William Henry Fox Talbot fit breveter le procédé de calotype, premier procédé permettant dobtenir un négatif papier et donc la possibilité de reproduire des images par simple tirage[20]. Cette invention permit la production dun nombre de tirages illimité, à partir dun simple négatif. En outre, la réduction du temps dexposition permit lémergence dun véritable marché grand public pour les photographies à caractère pornographique. Cette technologie fut immédiatement utilisée pour reproduire des portraits nus, et Paris devient bientôt le centre de ce commerce. En 1848, seulement treize studios de photographies existaient à Paris; en 1860, on en dénombrait plus de 400. La plupart dentre eux en profitèrent pour vendre illicitement de la pornographie aux masses qui avait alors les moyens de se la procurer. Les images étaient également vendues près des gares, par des représentants de commerce et des femmes dans les rues qui les cachaient sous leur robe. Elles furent souvent produites en série de quatre, de huit ou de douze exemplaires, et exportées principalement vers lAngleterre et les États-Unis. Les modèles ainsi que les photographes étaient généralement de la classe ouvrière, et il fut de plus en plus difficile dutiliser largument artistique pour poser. À partir de 1855, plus aucune photographie de nu nétait enregistrée comme académie, et le commerce de ces photographie restait clandestin pour échapper à toute poursuite[3].

Photographie de Eadweard Muybridge: femme marchant nue.

La tradition pornographique victorienne en Grande-Bretagne repose sur trois éléments principaux : les photographies françaises, les publications érotiques (vendues dans les magasins de la rue de Holywell Street, une longue avenue de Londres aujourdhui disparue, remplacée par Aldwych), et la littérature imprimée. La possibilité de reproduire des photographies en masse a contribué à la montée dun nouveau type de marché, le marché de la pornographie. Plusieurs de ces revendeurs ont tiré profit du système postal en envoyant à leurs abonnés des cartes photographiques dans des emballages opaques. Ainsi, le développement dun système postal international fiable a facilité les débuts du commerce de pornographie.

Presse et magazine

En 1880, linvention de limpression par point de trame, utilisée aujourdhui dans la presse magazine, permis la reproduction à grande échelle de photographies[20]. Cette invention permis à la pornographie et à lérotisme de prendre des directions nouvelles à laube du XXe siècle. Les nouvelles méthodes dimpression permettaient donc une reproduction facile dimages photographiques en noir et blanc, alors que les imprimeurs étaient auparavant limités à la gravure, à lestampe ou au dessin pour lillustration[23]. Grâce à ce procédé dimpression et de reproduction, la pornographie passe pour la première fois au stade du marché grand public, accessible quantitativement et financièrement plus que jamais elle ne lavait été auparavant[3].

Les premiers magazines sont apparus en France et comportaient des photographies de femmes nues (souvent, des actrices burlesques étaient utilisées comme modèles) ou à demi-dénudées, tant à lintérieur que sur la couvertures de ceux-ci. Alors que ces photographies pourraient être qualifiées dérotiques « soft » aujourdhui, elles étaient tout à fait choquantes pour lépoque. Bientôt, les magazines érotiques prirent la forme de magazines artistiques, ou de magazines célébrant le culte du naturisme, avec des titres tels que Photo Bits, Body in Art, Figure Photography, Nude Living et Modern Art for Men[3]. Health and Efficiency, débuté en 1900, était un magazine typiquement naturiste au Royaume-Uni[24].

La pornographie sur papier prit aussi la forme de bande dessinée, dans des ouvrages comiques connus sous le nom de Tijuana bibles, ou Dirty Comics, produits aux États-Unis à partir des années 1920 et ce jusquà l'apparition des magazines sur papier glacé. Ces petits livres, souvent très mal réalisés, détournaient des séries populaires telles que Jikes (La Famille Illico), Little Orphan Annie, Popeye, ou encore Mickey Mouse[25].

Dans les années 1940, le mot « pin-up » fut inventé pour décrire les images tirées des magazines ou calendriers masculins et accrochées au mur par les soldats américains durant la Seconde Guerre mondiale. Alors que les photos des années 1940 se concentraient plus particulièrement sur les jambes, la poitrine féminine prit dans les photographies érotiques de plus en plus dimportance dans les années 1950. Betty Grable et Marilyn Monroe furent deux des pin-up les plus populaires de leur époque. Durant la seconde moitié du XXe siècle, lérotisme et la pornographie ont évolué au sein de magazines tels que Playboy, ou Modern Man dans les années 1950.

Cinématographie

Article détaillé : Film pornographique.
Images tirées dun film érotique autrichien.

Lautre progrès technologique qui a profondément modifié la perception et la représentation de lérotisme est lapparition du cinéma. William Laurie Dickson, employé de Thomas Alva Edison, a inventé la première pellicule à celluloïd et en fixa sa taille de 35mm, une norme toujours utilisée aujourdhui. Il a travailla ensuite sur le kinétoscope, ou « peep show », dont il est linventeur sur une idée de Edison, premier appareil de prise de vues de lhistoire du cinéma dans lequel pouvait défiler en boucle un film. Cet appareil fut lancêtre du projecteur de cinéma[26].

Dickson quitta Edison et créa sa propre société qui produisit le « mutoscope », une forme de projecteur avec manivelle. Ces machines pouvaient produire de petites animations grâce à un système de rotation cylindrique dimages, tirées de morceaux réels de pellicule. Ces machines se trouvaient souvent en bord de mer, et montraient (habituellement) de petites séquences de déshabillage de femme ou des scènes ou celle-ci jouaient le modèle dun artiste. En Grande-Bretagne, elles se firent connaître sous le nom de « What the butler saw » (Ce que le maître dhôtel a vu), tirant son nom du titre dun des tout premiers et lun des plus célèbres films pornographiques de cette époque[27],[28].

Lidée de projeter un film sur un écran devant un public fut une invention européenne. En 1895, Robert W. Paul et Auguste et Louis Lumière effectuèrent les premières démonstrations publiques de leur projecteur cinématographique[29]. Des films pornographiques ont été produits presque immédiatement après que le support fut inventé. Deux des pionniers du film pornographique furent alors Eugène Pirou et Albert Kirchner, qui réalisèrent pour Pirou le premier film encore disponible aujourdhui sous le nom de « Léar ». Le film de 1896 Le Coucher de la Marie montre Mlle. Louise Willy effectuant un striptease. Assez curieusement, les historiens se rappellent principalement dAlbert Kirchner comme du premier homme à avoir réalisé un film sur la vie du Christ (La Passion du Christ). Le film de Pirou inspira un courant cinématographique français de films ne montrant que des femmes se dévêtant (scènes grivoises à caractère piquant), quand dautres réalisateurs réalisèrent quels bénéfices ils pourraient tirer de tels films[30],[31].

Étant donné que Pirou est quasiment inconnu en tant que réalisateur de films pornographiques, cest souvent dautres films quon qualifie de premiers films pornographiques. Selon louvrage de Patrick Robertson Film Facts, « le film pornographique le plus ancien est probablement Lécu dOr ou la bonne auberge » réalisé en France en 1908 ; le film raconte lhistoire dun soldat las qui a une aventure avec la domestique dune auberge. Le film argentin El Satario pourrait être encore plus ancien; on estime sa date de réalisation entre 1907 et 1912. Patrick Robertson écrit également que « les films pornographiques les plus anciens encore visible aujourdhui sont contenus dans la collection américaine de Kinsey. Un film démontre comment les premières conventions pornographiques furent établies. Le film allemand Am Abend (1910) est « un film de dix minutes débutant sur une femme seule se masturbant dans sa chambre, et évoluant vers des scènes dans lesquelles elle sadonne avec un homme à la fellation et la pénétration anale »[32].

Bientôt illégaux, ces films étaient, à partir des années 1940 et pendant de nombreuses années, produits clandestinement par des amateurs. Le traitement du film nécessitait un temps et des ressources considérables, avec par exemple des personnes utilisant leur baignoire pour le traitement des pellicules. Les films étaient alors distribués en privé ou par lintermédiaire de représentants de commerce bien que la possession ou la visualisation de tels films étaient passibles de prison[3],[33].

Lépoque daprès-guerre a vu le développement stimuler la croissance dun marché grand public. Lévolution des techniques de développements, avec en particulier lapparition des formats de film 8mm et super 8 ont engendré une utilisation répandue de la film amateur.

Vidéo et support numérique

Image numérique érotique retravaillée

À partir de 1982, la plupart des films pornographiques furent tirés sur le support de meilleur marché et plus commode que constitue la cassette vidéo. Beaucoup de réalisateurs ont au début résisté à cette tendance, principalement en raison de la qualité différente dimage que la cassette vidéo produisait; toutefois, ceux qui adoptaient cette technologie gagnaient la plupart du marché car le nouveau format vidéo cassette était plébiscité par le public. Ce changement de technologie sest rapidement effectué, de manière totale, jusquà ce que les réalisateurs se rendent compte que continuer à tourner sur pellicule nétait plus viable économiquement. Ce changement eut comme conséquence une possibilité de visualisation des films pornographiques dans les foyers et hors des salles de cinéma, et sonna la fin de lâge des productions pornographiques à gros budget. La pornographie retourna à ses racines premières et sétendit jusquà couvrir tous les fétichismes possibles, le tournage étant devenu très peu coûteux. Au lieu dune production passée se chiffrant en centaines de films pornographiques annuels, des milliers de films étaient maintenant produits chaque année, incluant aussi les compilations de scènes sexuelles de vidéos existantes[3],[33].

Les cédérom érotiques furent populaires vers la fin des années 1980 et au début des années 1990 parce quils apportèrent un élément dinteractivité jusqualors inconnu. Cependant, leur qualité inférieure était un inconvénient et la baisse de leur vente arriva avec le développement dInternet. À limage de la révolution opérée par la cassette vidéo, lInternet devient très vite la source de pornographie préférée pour nombre de gens, offrant lintimité, lanonymat, et la possibilité dinteragir et de correspondre avec dautres personnes. La récente explosion des nouvelles technologies numériques telle que les appareils photo numériques, et leur accessibilité, ont contribué à brouiller la frontière entre films, photographies et productions érotiques amateurs et professionnelles. Les nouvelles technologies permirent lémergence et laccessibilité à un équipement permettant facilement de produire et de réaliser des films. Une grande partie de la pornographie daujourdhui est produite par des amateurs. Les médias numériques furent révolutionnaires dans le fait quils permirent à des photographes ou des réalisateurs de manipuler des images telle que ça navait jamais été possible[3].

Notes et références

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  33. a et b Corliss, Richard (29 mars 2005). That Old Feeling: When Porno Was Chic. Time magazine.

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