Guerres pubiennes

Guerres pubiennes

Les Guerres pubiennes, dites aussi Guerres « pubiques »[1], englobent les épisodes de la concurrence qui engagea les grands magazines masculins des années 1960-1970, aux premiers rangs desquels Playboy et Penthouse, dans une course à qui pousserait un peu plus loin que les autres le dévoilement du pubis féminin. Cet affrontement, tout en évitant en général de dépasser trop brusquement les limites de ce qui était acceptable, contribua au recul progressif de celles-ci[2].

L'expression anglaise originale, Pubic Wars, calembour sur Punic Wars, les Guerres puniques, est due à Hugh Hefner, fondateur et propriétaire de Playboy[3].

Sommaire

Le contexte initial

Dans les États-Unis des années 1950, il était généralement convenu de ne pas considérer les photographies de nu comme pornographiques tant qu'elles s'abstenaient de faire apparaître les poils pubiens et a fortiori les organes génitaux. Pour préserver ses apparences « artistiques », la photographie respectable pouvait s'approcher de cette limite mais devait veiller à ne pas la franchir. Certes, dans ses premières années Playboy offrit de temps en temps quelques aperçus de toisons pubiennes[4],[5]. Mais ces audaces ponctuelles, qui évitaient soigneusement le poster central, se firent plus timides au début des années 1960[6]. De fait, le pubis des playmates restait masqué le plus souvent par un linge[7], une jambe[8] ou un élément du décor[9].

Le face-à-face

En 1965 paraissait au Royaume-Uni le premier numéro de Penthouse. Dès ses débuts ou presque, le nouveau venu, s'appuyant sur une attitude plus tolérante en Europe à l'égard de la nudité[3], publia des images de femmes qui, même retouchées et floutées, marquaient une rupture avec les prétentions artistiques encore en usage. Chez Playboy, pourtant, la réaction fut lente à venir : sur le poster central un tout premier brin de poils apparut avec Melodye Prentiss[10], Miss July 1968, soit quelque quinze ans après le lancement du magazine.

L'année 1969 fut celle du « débarquement » du concurrent britannique aux États-Unis, avec la sortie de la version américaine de Penthouse. Pour préserver sa part de marché, le leader contesté se résolut, malgré les risques judiciaires[3], à prendre les devants. En août, Playboy publiait son premier nu de face intégral, bien qu'ombré, avec le portrait non d'une playmate mais de la danseuse et actrice afro-américaine Paula Kelly[11]. D'autres pilosités se firent jour dans ses pages[4] et même, quoiqu'à l'état de traces, jusque sur le poster de Gloria Root[12], en décembre 1969. Mais il fallut attendre les photographies de Liv Lindeland[13], en janvier 1971, pour obtenir enfin une vue claire de la toison pubienne, en l'occurrence blonde, d'une playmate. L'événement généra un fort courant d'attention dans les médias et le public.

En décembre 1971, seul le bocal d'un poisson rouge séparait encore Karen Christy[14] du premier nu de face intégral en poster central. La palme en revint le mois suivant et pour l'Histoire à Miss January 1972, Marilyn Cole[15]. Sur leur lancée, Liv Lindeland et elle furent toutes deux désignées « Playmates de l'année », en 1972 et 1973 respectivement. Mais la performance de Marylin devait rester inégalée pendant plus d'un an. Bien qu'en juillet et octobre 1972 Carol O'Neal[16] et Sharon Johansen[17] s'en soient approchées de très près, le poster central de Bonnie Large[18] en mars 1973 fut le premier à retrouver un tel niveau d'exposition, comparable à celui des modèles de Penthouse à la même époque[19].

Les développements ultérieurs

Ces avancées ouvrirent la porte aux tentatives de plus en plus poussées d'un nombre croissant de publications. Quant aux deux protagonistes initiaux, leurs contenus évoluèrent à partir de là dans des directions différentes. Penthouse se tourna à partir de 1974, année du lancement de Hustler, vers une présentation de plus en plus anatomique du sexe[20], donnant une vision détaillée de la vulve[21] souvent accompagnée de poses évoquant la masturbation[22] et montrant les petites lèvres ouvertes[23]. À la fin des années 1990 le magazine s'était spécialisé dans la pornographie « hard » et les photographies de femmes en train d'uriner, ce qui auparavant marquait aux États-Unis le franchissement de la frontière entre pornographie (légale) et obscénité (illégale). Depuis son changement de propriétaire en 2005, il a commencé de s'orienter vers un style plus « soft ».

Playboy de son côté se repositionna comme un magazine « à lire pour les articles », d'un érotisme moins explicite. Dans ce registre « soft », le buisson pubien, d'ancien tabou, passa d'abord au rôle d'ultime obstacle dans le dévoilement du sexe féminin. Malgré la diversité des angles de prise de vue[24], les posters centraux du magazine ne montrèrent longtemps guère plus que l'esquisse, plus[25] ou moins[26] marquée, du tracé de la fente pudendale, jusqu'à ce que l'extension des pratiques épilatoires permît un renouvellement du genre. En effet les années 1980 et 1990 virent la formation d'une véritable « mode pubienne » (below-the-waist hairstyles), dont le site de Playboy retrace l'historique[27]. L'extension de l'épilation atteignit son terme dès septembre 2001 avec Dalene Kurtis[28], qui dut peut-être à cette performance, un an plus tard, le titre de « Playmate de l'année ». La raréfaction du poil facilita des aperçus plus précis sur le dessin des grandes lèvres[29] ou du capuchon clitoridien[30]. Paradoxalement son élimination complète put donner lieu aussi bien à un effacement total du sexe[31], digne des pubis lisses de l'art antique, qu'à sa mise en relief exacerbée[32].

Notes et références

  1. Philippe Romon, « La grande fatigue du play-boy ».
  2. Anthony Haden-Guest, « The Porn King in Winter ».
  3. a, b et c Gene N. Landrum, Entrepreneurial Genius: The Power of Passion, p. 156.
  4. a et b Liste des playmates « à poils » sur Les Playmates se mettent nues pour nous.
  5. Il faut toutefois se défier de l'apparente précocité de certaines photos d'alors, aujourd'hui reprises sur le site de Playboy mais qui n'ont pas été publiées dans le magazine : c'est notamment le cas de cette image sous l'eau de Marguerite Empey, Miss February 1956.
  6. « Nues comment ? » sur Les Playmates se mettent nues pour nous.
  7. Voir par exemple Miss December 1965, Dinah Willis, en poster.
  8. Voir par exemple Miss February 1967, Kim Farber, en poster.
  9. Voir par exemple Miss October 1967, Reagan Wilson, en poster.
  10. Voir Miss July 1968, Melodye Prentiss, en poster et un peu plus exposée.
  11. Voir Paula Kelly photographiée par Lawrence Schiller.
  12. Voir Miss December 1969, Gloria Root, en poster.
  13. Voir Miss January 1971, Liv Lindeland, en poster et de face.
  14. Voir Miss December 1971, Karen Christy, en poster.
  15. Voir Miss January 1972, Marilyn Cole, en poster.
  16. Voir Miss July 1972, Carol O'Neal, en poster.
  17. Voir Miss October 1972, Sharon Johansen, en poster.
  18. Voir Miss March 1973, Bonnie Large, en poster.
  19. Voir par exemple Leslie Leah Burrow, Pet of the Month April 1973.
  20. Terry Kirby, « From 'Penthouse' to penury? ».
  21. Voir par exemple Jane Hargrave, Pet of the Month July 1975.
  22. Voir par exemple Bonnie Dee Wilson, Pet of the Month November 1975.
  23. Voir par exemple Laure Favie, Pet of the Month January 1976.
  24. Voir par exemple Miss July 1978, Karen Morton, en poster.
  25. Voir par exemple Miss September 1982, Connie Brighton, en poster.
  26. Voir par exemple Miss December 1983, Terry Nihen, en poster.
  27. « Waxing Nostalgic » sur Playboy.com.
  28. Voir Miss September 2001, Dalene Kurtis, en poster.
  29. Voir par exemple Miss November 2001, Lindsey Vuolo, en poster.
  30. Voir par exemple Miss April 2005, Courtney Rachel Culkin, en poster.
  31. Voir par exemple Miss July 2005, Qiana Chase, en poster.
  32. Voir par exemple Miss September 2005, Vanessa Hoelsher, en poster.

Sources

Bibliographie

  • (en) Russell Miller, Bunny: The Real Story of Playboy, Henry Holt & Co, 1985, ISBN 9780030637483.

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