- Sodomie
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La sodomie est un rapport sexuel qui consiste en une pénétration de l'anus du ou de la partenaire, généralement avec le pénis ou à l'aide d'un objet servant de phallus.
Sommaire
Étymologie
Le terme de sodomie vient du nom de la ville de Sodome qui, selon la Bible, fut détruite par Dieu après que ses habitants eurent tenté de violer des anges de Dieu réfugiés chez Loth, le neveu d'Abraham.(cf. l’épisode de Sodome et Gomorrhe). Dans cet épisode, il n'est pas explicitement fait mention de la sodomie telle qu’on la définit actuellement : les autres références au péché de Sodome dans la bible évoquent plutôt le manque au devoir d'hospitalité très important dans le Proche-Orient ancien (Ez. 16,49 ; Jr. 23,14 ; Sir. 16,8 ; Lc 10,10-12). L'interprétation en termes de sodomie ou d'homosexualité commencerait à apparaître avec les apocalyptiques juives tardives et chez les juifs hellénisés au début du IIe siècle. Origène (185-253) et Saint Ambroise de Milan (340-397), pourtant grands ennemis du péché de chair, évoquent le manquement à l'hospitalité. Sans doute en référence aux alliances interdites entre les fils de Dieu et les filles d'humains qui provoquent la colère de Dieu en Gen. 6,1-4, les commentaires juifs attribuaient des relations interdites entre les femmes de Sodome et les anges. Ainsi, jusqu'au XVIIe siècle, le terme sodomie recouvrait un ensemble de relations sexuelles réprouvées, pas seulement anales ou homosexuelles[1]. Dans certains contextes, notamment les classifications légales de certains États fédérés des États-Unis d'Amérique, le terme anglais sodomy inclut d’autres pratiques sexuelles jugées déviantes par certains, notamment le cunnilingus et la fellation (contact entre la bouche et le sexe). En allemand (Sodomie) le terme ne fait aucunement référence à la pénétration anale mais désigne la zoophilie.
D’une manière similaire, le terme « bougre » (du latin Bulgarus, qui donne l’ancien français bogre) désignait à l’origine les bogomiles (« amis de Dieu » du bulgare Bog « dieu » et mile « ami »), membres d’une secte bulgare hétérodoxe proche des mouvements cathares. On avait accusé ces bogomiles du péché de sodomie afin — entre autres — de les tourner en dérision. « Bougre » en est donc venu à ne plus désigner les seuls Bulgares bogomiles, mais aussi de manière injurieuse les sodomites. Par affadissement, le terme a désigné un « gaillard » et enfin un « individu ». Le cognat anglais bugger a gardé le sens original de sodomite.
Expressions populaires
La sodomie est également appelée « pédication » dans un registre plus soutenu. Il existe un bon nombre de surnoms populaires pour désigner le « coït anal » (pénétration rectale) : « culbutation », « tassement de crotte », « pousser le plat de la veille », ou « boxe du ver solitaire ». De manière extrêmement vulgaire, on utilise les termes « péter la rondelle », « prendre le cul », « casser le cul », « prendre par derrière », « baisage de boule » ou de « fion » et « enculade ». Ce dernier, « se faire enculer » et enfin « casser les pattes arrière », est aussi utilisé pour désigner le fait d'être victime d'une escroquerie ou d'être le perdant d'une bagarre. Dans le canular dit catalogue des prix de l'amour de Marcelle Lapompe (1910 env.) le terme utilisé est « voyage en terre jaune ». Un manuel taoïste érotique du XIIe siècle nomme le fait de sodomiser jouer avec la fleur du jardin de derrière[2].
Aspects historiques
Article détaillé : Pédérastie.La sodomie entre hommes, si elle ne fut pas la position sexuelle privilégiée, fut pratiquée dans la Grèce antique, ainsi qu’à Rome, dans le cadre d'une relation entre un homme plus âgé, le maître, actif, et son élève, passif, plus jeune. C'était donc considéré comme une façon de transmettre le savoir.
Il y a peu d’éléments directs parlant de la sodomie chez les Celtes et en particulier chez les Gaulois . Cependant, il y a quelques citations d’auteurs classiques déclarant que l'activité homosexuelle était acceptée et quelques productions culturelles en la matière. Par exemple Athenaeus, le rhétoricien grec et le grammairien, répétant des affirmations faites par Diodorus, a écrit que : « Les Celtes, bien qu’ils aient les femmes très belles, apprécient de jeunes garçons davantage : de sorte que certains d'entre eux aient souvent deux amoureux à dormir avec eux sur leurs lits à peau de bête[3],[4],[5]. » Selon Aristote encore, les Celtes sont ouverts et approuvent les jeux amoureux masculins in « la politique II 1269b ». Cependant, selon la loi dite du brehon, si l’homme est marié la femme peut alors disposer librement d’elle-même[6].
Sous l’Inquisition espagnole des XVIe et XVIIe siècles[7], la sodomie, à l’instar de la bestialité, était considérée comme un péché abominable. La sodomie était qualifiée de parfaite si elle était le fait de deux hommes et imparfaite (donc moins grave) si elle était le fait d’un homme et d’une femme. Le terme incluait secondairement d’autres pratiques sexuelles, telles que fellation, cunnilingus, onanisme, etc. La torture était fréquemment pratiquée : y résister était une preuve de bonne foi.
La sodomie pouvait valoir à ses auteurs le bûcher, les galères, la prison à vie ou pour plusieurs années, le bannissement, des pénitences diverses ou simplement d’être fouetté en public, selon la gravité de l’acte soigneusement pesée par les inquisiteurs. Cependant, dans ce domaine, la justice civile était encore plus sévère et plus expéditive.
En France comme dans de nombreux pays, la sodomie fut longtemps interdite. Une des premières lois la réprimant fut la loi de 1533 de Buggery en Angleterre. En 1726, un lieutenant de police est brûlé vif en raison de « crimes de sodomie », le jour même de son accusation. D’après Michel Foucault « ce fut, en France, une des dernières condamnations radicales pour fait de sodomie » (Histoire de la folie à l'âge classique [réf. incomplète] ). La sodomie disparaît du Code pénal révolutionnaire en 1791.
Au Canada, la loi anti-sodomie est révoquée en 1969 par Pierre Elliott Trudeau, elle demeure néanmoins régie par le Code Criminel (article 159) où il est stipulé que la sodomie est interdite entre personnes âgées de moins de 18 ans et que sa pratique doit avoir lieu dans l’intimité.
Plusieurs États des États-Unis ont des lois prohibant la sodomie, tandis qu'en Inde elle est réprimée par la section 377 du Code pénal de 1860.
Origine de la sodomie
En Occident, pour la plupart des médecins et des sexologues du XVIIIe au début du XXe siècle, il existe un instinct de la reproduction. Pour cette raison, comme la sodomie ne permet pas la fécondation, c'est une activité contre-nature, provenant forcément d'un vice moral ou d'un dérèglement de l'instinct sexuel[8].
Dans les années 2000, les recherches en neurosciences ont montré que les êtres humains stimulent leurs zones érogènes car cela procure des récompenses/renforcements dans le cerveau[9]. Ces récompenses, en particulier l'orgasme, sont perçues au niveau de la conscience comme des sensations de plaisirs érotiques et de jouissances. En simplifiant, l'être humain recherche les activités sexuelles, comme la sodomie, car elles procurent des plaisirs érotiques intenses.
Chez l'être humain (et le chimpanzé, le bonobo, l'orang-outan, etc.), le comportement sexuel n'est plus un comportement de reproduction, mais devient un comportement érotique[10]. Au cours de l'évolution, l'importance et l'influence des hormones[11] et des phéromones[12],[13] sur le comportement sexuel a diminué. Au contraire, l'importance des récompenses est devenue majeure[9]. Chez l'être humain, le but du comportement sexuel n'est plus le coït vaginal mais la recherche des plaisirs érotiques, procurés par la stimulation du corps et des zones érogènes[14].
Article principal : Comportement érotique.Pour ces raisons, la sodomie considérée par certains comme « biologiquement normale[15] » et ne peut être considérée comme un acte « contre-nature », une maladie ou un trouble psychologique. Chez l'être humain, le but du comportement érotique est la recherche des plaisirs sexuels, nouveaux, variés et intenses[16].
Le plaisir est clairement à l'origine de la sodomie pour l'homme qui réalise la pénétration. L'orifice anal est entouré par des muscles sphincters qui procurent des pressions intenses sur le pénis, ce qui augmente les sensations érotiques. Cette caractéristique anatomique, avec l'ajout d'un lubrifiant, explique que certains hommes préfèrent le coït anal au coït vaginal.
Pour la personne qui est pénétrée durant la sodomie, les motivations sont en partie différentes. L'anus n'est pas aussi spontanément érogène que les organes génitaux, et il faut parfois répéter régulièrement les stimulations pour éveiller la sensibilité érogène de la région anale. Être sodomisé n'est pas une activité préférée pour la majorité des personnes. Néanmoins, environ un tiers des personnes qui pratiquent régulièrement cette activité indiquent ressentir un plaisir érotique intense et éprouver des orgasmes[14].
Pour les personnes qui pratiquent régulièrement la sodomie, c'est une préférence sexuelle, qui se forme au cours de la vie de la même manière que les préférences alimentaires, olfactives ou musicales.
Pratique
Contrairement à la vulve et au vagin, l’anus et le rectum ne sécrètent pas de lubrification naturelle facilitant le rapport sexuel. Cependant, l'anus est une zone érogène. Ainsi, la sodomie pourrait être une source d'un plaisir pour le receveur. La sensation de va-et-vient chez la femme et la prostate chez l'homme peuvent conduire à l'orgasme pour le partenaire passif[17]. La salive est suffisante comme lubrifiant et le risque de lésions des fragiles muqueuses anales est mineur mais il est préférable d'utiliser un lubrifiant artificiel ou un préservatif lubrifié. Toutefois, même ce dernier requiert l'ajout d'un lubrifiant si les mouvements se prolongent. Autrefois, la vaseline était généralement utilisée, mais étant à base de corps gras elle est à proscrire car elle rend les préservatifs poreux tout en étant plus difficilement lavable. De nos jours, sont donc plutôt utilisés des lubrifiants intimes à base d’eau ou de silicone.
Le rectum pouvant contenir des restes de matière fécale, certains pratiquent un lavement préalablement à une sodomie. Néanmoins, trop souvent répétée, cette pratique peut fragiliser le rectum. En outre, le rectum est normalement vide si l'individu a déféqué complètement quelques heures avant le rapport.
Risques médicaux de la sodomie
Une pénétration trop brutale peut provoquer micro-coupures ou saignements. La sodomie peut provoquer des fissures anales.
Le sphincter anal est un muscle circulaire qui contrôle l'ouverture du canal au moment de la défécation. La sodomie avec un objet d'un certain diamètre sera vécue comme douloureuse à cause de la distension de ce muscle et à cause des fissures qui peuvent être induites par la sodomie. Toutefois, la pratique d'exercices d'assouplissement permet de modifier la dilatation[18]. Il existe une pratique qui consiste à obtenir une très grande souplesse de ce sphincter par des exercices répétés d'insertion d'objet de diamètre de plus en plus grand.
D'autre part, la muqueuse rectale est fragile et poreuse aux virus et bactéries. Elle a la propriété (dont tirent parti les suppositoires) d’absorber les substances déposées dans le rectum. En conséquence, elle est un terrain propice aux échanges de maladies sexuellement transmissibles, notamment du SIDA[18]. C’est la raison pour laquelle il est fortement déconseillé d’avoir un rapport anal sans préservatif avec une personne dont on ne sait pas si elle est infectée par de telles maladies; et même avec un préservatif il est recommandé d'utiliser un gel lubrifiant adapté afin de faciliter la pénétration et, ainsi, d'éviter une rupture du préservatif.
Popularité
Le principal déterminant qui influence la pratique de la sodomie est la « précocité » sexuelle : Dans l'enquête ACSF, pour une tranche d'âge donnée, on trouvait beaucoup plus de pratiquants parmi les 25 % du groupe ayant leur premier rapport le plus tôt (« précoces ») que parmi les 25 % ayant leur premier rapport sexuel le plus tard (« tardifs »). « Par exemple, parmi les femmes de 25 à 34 ans, 44 % des précoces ont expérimenté cette pratique, contre 25 % des tardives. »[19] Dans l'enquête américaine NHSLS, parmi les 18-44 ans, 5 % des femmes trouvaient la sodomie (passive) attractive. Chez les hommes, 14 % étaient attirés par la sodomie active et 11 % par la sodomie passive. Toujours chez les 18-44 ans, 18 % des femmes (22 % des hommes) trouvaient attirant le fait d'avoir leur anus stimulé par le doigt de leur partenaire, cependant que 13 % des femmes et 26 % des hommes étaient attirés par le fait de stimuler l'anus de leur partenaire[20].
Statistiques
Quinze ans après la deuxième enquête nationale sur le comportement sexuel des Français (ACSF, 1992), l'INSERM, l'ANRS et l'INED ont réalisé une nouvelle enquête « Contexte de la Sexualité en France » (CSF) auprès des 18-69 ans. Selon cette enquête, 37 % des femmes et 45 % des hommes en ont déjà fait l'expérience (contre respectivement 24 % et 30 % en 1992). Toutefois, la pratique reste marginale puisque 12 % des femmes de 25-49 ans disent la pratiquer souvent ou parfois[21]. L'analyse détaillée de l'enquête ACSF montrait que la sodomie n'était pratiquée qu'avec une fréquence de 1 à 3 % au cours d'un rapport sexuel[22].
Aux États-Unis, la sodomie n'est pas non plus entrée dans les pratiques régulières des Américains : 9 % des personnes interrogées lors de la grande enquête nationale NHSLS (National Health and Social Life Survey, conduite en 1992) disaient avoir eu un rapport anal au cours de l'année écoulée et seulement 2 % des hommes et 1 % des femmes, lors de leur dernier rapport sexuel[23]. Des chiffres tout à fait similaires à ceux de l'étude nationale australienne ASHR conduite en 2001-2002 : 0,9 % des hommes et 0,7 % des femmes âgés de 16 à 59 ans avait pratiqué la sodomie lors de leur dernier rapport sexuel[24].
Il semble que la sodomie soit expérimentée assez tôt dans la vie sexuelle (sans que cela préjuge l'intégration dans le répertoire sexuel habituel). En 2000, Baldwin et Baldwin ont publié une étude détaillée sur les rapports anaux dans une population d'étudiants américains hétérosexuels (âge moyen : 20 ans 1⁄2, 63 % des réponses venaient de femmes) : 78 % avaient déjà eu un rapport vaginal et 18 % un rapport anal. Parmi les non-vierges, 22,9 % avaient également déjà pratiqué la sodomie (en moyenne à 18 ans 1⁄2, alors que l'âge moyen du premier rapport vaginal était de 16 ans 1⁄2). Il s'agissait plus souvent de garçons (28 % des hommes non vierges de l'étude) que de filles (19 % des non-vierges) mais les auteurs voient cette différence s'estomper une fois les autres variables (influençant le fait d'avoir un rapport anal) prises en compte[25].
Contrairement à une idée reçue, la sodomie n'est pas une pratique banale ou systématique au sein de la population homosexuelle. Selon une étude de 2011, menée par l'Université de l'Indiana et la George Mason University, seulement 35% des personnes homosexuelles interrogées ont affirmé avoir pratiqué la sodomie au cours de leur dernier rapport sexuel. La fellation (pratiquée à 72,7%) et la masturbation mutuelle (pratiquée à 68,4%) seraient des pratiques nettement plus courantes[26].
Sodomie et virginité
Dans certains milieux sociaux ou religieux, la sodomie peut également être une alternative à la pénétration vaginale pour ne pas rompre l’hymen de la femme avant le mariage ou éviter la fécondation, où elle a longtemps été fortement recommandée comme un moyen de contrôler les naissances, notamment par l'intermédiaire de codes rédigés à cette intention par les chefs religieux.[réf. nécessaire]
Répression
Sodomie contre reproduction
Pratique considérée comme déviante puisque ne menant pas à la reproduction, entourée des tabous liés aux fonctions excrétrices (l’anus étant concerné), surtout dans les civilisations où ces fonctions naturelles sont jugées honteuses, la sodomie est perçue de manière très diverse selon les sociétés et les religions. De nos jours, certains pays criminalisent toujours la sodomie entre adultes consentants, allant même jusqu’à requérir la peine de mort[27],[28],[29] (Un peu moins d'une dizaine de pays encore à ce jour[27], c'était encore le cas dans certains États des États-Unis jusque dans les années 1950-60, comme le Nevada). D'autres part, ces condamnations restent souvent liées à l'homosexualité[27].
Sodomie et puissance masculine
Dans la Rome antique, un homme libre qui sodomisait ses esclaves manifestait sa puissance. En revanche, un homme libre sodomisé se ravalait à un rang inférieur, et cette passivité était considérée comme honteuse[30].
Aspects juridiques
En anglais, sodomy ne désigne pas seulement la pénétration anale. Dans les expressions comme sodomy law, loi qui régissait les pratiques acceptées ou interdites dans tel ou tel État américain, il fallait comprendre sodomy comme pratique sexuelle jugée déviante, parmi lesquelles, outre la sodomie pouvaient être comptés la fellation et le cunnilingus. Ces lois, le plus souvent, étaient des manières d’interdire l’homosexualité. Elles s’appuyaient sur un cliché faisant des homosexuels mâles des sodomites, alors que cette pratique n’est pas acceptée par tous les homosexuels et que des hétérosexuels la pratiquent aussi.
La section 377 du Code Pénal indien, intitulé « Des délits contre-nature » punit « les relations charnelles contraires à l’ordre de la nature » d’une peine pouvant atteindre 10 ans d’emprisonnement.
En 2003, la Cour suprême des États-Unis a déclaré anticonstitutionnelles les lois de certains États fédérés contre la sodomie. Elles violent le XIVe amendement de la constitution dont l'interprétation protège la vie privée et la liberté des citoyens américains. Treize États fédérés, situés surtout dans le sud du pays, pratiquaient jusqu’alors des lois contre la sodomie entre adultes consentants, dont quatre condamnaient aussi les fellations : le Texas, le Kansas, l’Oklahoma et le Missouri.
Le 1er juillet 2006, apparaît au Zimbabwe l'article 73 de la criminal law, menaçant celui pratiquant la sodomie de deux ans de prison[31] bien que cette loi, mentionnant explicitement la sodomie, semble plutôt viser l'homosexualité.
En Arabie saoudite, tout acte de sodomie commis par un non-musulman avec un musulman est passible de la lapidation[32],[33].
Sodomie, religion, mythologie
Point de vue catholique
L’Église catholique romaine condamne la sodomie en tant que pratique homosexuelle. Dans La Clé d'or, Antoine-Marie Claret, qui fut confesseur de la reine Isabelle II d’Espagne et devait être canonisé par Pie XII, rapportait une légende très répandue en écrivant : « Certains auteurs assurent que Notre Seigneur Jésus-Christ a une telle horreur de ce péché que, dans la nuit où il naquit, à Bethléem, il tua tous les sodomites. » Certains[Qui ?] considèrent qu’il y aurait là une mauvaise interprétation de la Bible, et que celle-ci, du moins dans l’épisode de Sodome et Gomorrhe, ne serait pas expressément mentionnée. (Cf. Vision chrétienne de l'homosexualité pour une étude plus approfondie). Les plus graves théologiens ont savamment discuté sur la nature de la sodomie ; on en trouvera un excellent résumé, dans le Compendium Theologiae Moralis Sancti Alphonsi Mariae de Liguori du chanoine Neyraguet, plusieurs fois réédité au XIXe siècle.
« Les uns, dit-il, estiment que la sodomie consiste dans le commerce charnel dans le vase indu, et d’autres dans le commerce charnel avec le sexe indu ». Mais la seconde opinion étant plus probable, il peut donc y avoir sodomie entre femmes, même si nos théologiens se demandent comment elles s’y prendraient, mais non entre un homme et une femme ; le coït du mâle dans le vase postérieur de la femelle n’étant qu’une sodomie imparfaite, distincte dans son essence de la sodomie parfaite. En revanche la fellation par un homme peut être qualifiée de sodomie, au contraire de celle que pratique une femme : « si vir polluitur in ore fæminæ, erit copula inchoata […] si vero in ore maris, erit sodomia ».
Philippe IV de France usa d'une accusation de sodomie pour discréditer et faire condamner les templiers (et usurper leur richesses).
Cependant, les origines de l'interdit dans la religion catholique seraient plutôt héritées de l'Empire romain. En effet, après avoir largement toléré des conduites et pratiques sexuelles très libres au premier siècle avant J.-C., l'Empire romain revient à une plus grande rigueur au IVe siècle après J.-C. : relations homosexuelles et libertinages interdits, caresses buccales et pratiques anales fortement condamnées, etc. En 533, l'empereur Justinien inclut la sodomie comme un acte contre nature, et un vice indicible et blasphématoire. Ainsi, le catholicisme naissant se serait mélangé avec la culture ambiante romaine et aurait affirmé la sodomie comme une mauvaise pratique sans que celle-ci ne soit explicitement condamnée dans les textes de référence.
Au XIe siècle, Pierre Damien, moine à l'abbaye de Fonte Avallana, rédige plusieurs livres illustrant une conduite ascétique et pieuse, qu'il suit d'ailleurs assidûment à l'opposé de bon nombre de ses contemporains. L'un de ces livres, Liber Gomorratus, est envoyé au Pape Léon IX, mais les problèmes soulevés n'ont pas entraînés de mesures immédiates. Les faits soulevés par Pierre Damien lui sont inspirés par les ecclésiastiques, évêques ou curés qui pratiquent ces « péchés » avec leurs disciples. Il considère que ces pratiques ont un caractère diabolique, et pour lui, leurs présences au sein des monastères s'expliquent par le fait que le diable tente de corrompre les plus fidèles serviteurs de Dieu : non-respect du vœu de chasteté, cession à la tentation, et le pire : en se confessant les uns aux autres les sodomites maintiennent le secret!
Le pape Léon IX trouvait très condamnable la sodomie (à l'époque ce terme recouvrait l'ensemble des pratiques hérétiques conduisant à la perte de sperme), mais considérait que Pierre Damien allait trop loin. Peu à peu, la sodomie va passer de péché mortel à un crime, comme le montre le Concile de Latran III, en 1179, qui adopte des mesures pour réprimer cette pratique. Les peines sont variées selon l'âge au moment des faits et le rôle tenu pendant l'acte : mutilation, flagellation, saisie des biens, amendes, bûcher. Le passif avait alors des sanctions plus lourdes. Pourtant, ce nouvel acte a permis à l'Inquisition de détenir une nouvelle arme incriminante : ainsi, tous les hérétiques étaient considérés comme des sodomites et réciproquement. Enfin, c'est également pendant cette époque que voit jour une revalorisation de la nature, devenant la référence ultime. La Nature et Dieu étant liés, pratiquer un acte contre-nature était aller contre Dieu lui-même : un sacrilège ! Et par là même, les sodomites, après être accusés de troubler le divin, sont accusés de troubler la souveraineté, l'ordre social et politique : dès lors, les sodomites sont perçus comme étant des ennemis du Royaume, de la chrétienté, du souverain[34].
Point de vue du judaïsme
Article détaillé : Homosexualité dans le judaïsme.Dans le judaïsme, la sodomie est formellement interdite.
Point de vue de l'islam
Dans l'Islam, le sunnisme condamne la sodomie aussi bien hétérosexuelle qu'homosexuelle, contrairement à certains avis chiites ne reconnaissant que l'interdiction du deuxième cas. Les savants sunnites avancent un hadith de Mahomet selon Abou Horaira qui interdit la sodomie en disant : « Maudit soit celui qui pénètre l'anus d'une femme[35] ».
Au IXe et jusqu'au XIe siècle, la sodomie est interdite par les juristes, mais la question ne soulève pas de grands débats. La sexualité, tant qu'elle ne déborde pas sur la scène publique, n'est pas un vrai sujet de réflexion. Selon Mohammed Mezziane, l'anus et le vagin sont alors pensés comme des organes "convoitables" en raison de leurs qualités physiologiques. L'interdiction de la sodomie ne répond donc d'un impératif moral mais par la nécessité d'avoir des pratiques sexuelles procréatives. Le rôle des éphèbes au Paradis, mentionné dans le Coran, fait question : faut-il les considérer pour leur rôle de domestiques, ou - également - pour leur usage sexuel ? En outre, la masculinité est pensée, pendant la période médiévale, comme un attribut de naissance qu'aucun acte sexuel (et à fortiori la sodomie passive) ne saurait remettre en cause. Ce n'est que des siècles plus tard que les genres - la masculinité et la féminité - sont pensées selon le type d'acte sexuel pratiqué et du rôle sexuel tenu par les personnes.
Le sujet est davantage abordé les siècles suivants. Au XVe siècle, l'Egyptien Suyûtî se penche sur le sujet. Le XVIIIe siècle - qu'accompagne la renaissance de mouvements religieux (dont le wahhabisme) - cherche à enrayer la dissolution des mœurs que l'on désigne alors comme étant responsable de la décadence des sociétés musulmanes. Cette évolution s'accroît au XIXe siècle et au XXe siècle, à partir desquels le discours sur la sodomie reste fortement attaché à l'idée de maladie et, par voie de conséquence, à la mort[36].
La condamnation de la sodomie par les juristes se seront donc accrue progressivement au fil des siècles - malgré la tolérance de quelques imams contemporains, dits progressistes (et minoritaires sur la question)[37].
Règne animal
- On a relevé l'existence de la sodomie chez certains animaux, notamment chez des primates comme les chimpanzés ou les bonobos, les chiens et les taurillons élevés en stabulation, l'homosexualité étant relativement courante dans le règne animal (elle a été observée chez 450 espèces[38], sur environ 1 750 000 connues actuellement[39]), la sodomie y est donc elle aussi courante, bien que ne concernant que les rapports homosexuels. Il ne semble toutefois pas exister de comportement exclusivement sodomites[40].
Notes et références
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- La sodomie, le Diable et la contre nature par Véronique Martel
- (ar) http://www.islamlight.net/files/zafaf/1%20lylah.htm
- Un peu d'histoire : islam et sodomie sont-ils incompatibles ?, entretien avec Mohammed Mezziane, sur rue89.com du 3 septembre 2009
- Les homos musulmans et deux imams gays rassemblés à Paris par Cédric Douzant, sur tetu du 11 octobre 2010
- Bruce Bagemihl, "Biological Exuberance: animal homosexuality", Stonewall Inn Editions, 2005
- Antoine Morin, « Animaux : Structures et fonctions [archive] », Université d'Ottawa
- terre sauvage, numéro d'avril 2010
Voir aussi
Bibliographie
- Bernard Guérin, Anthologie de la sodomie, La Musardine, 2009.
- Coralie Trinh Thi, Osez la sodomie, La Musardine, 2008.
- Mark D. Jordan, The Invention of Sodomy in Christian Theology, University of Chicago Press, 1998. Traduction : L'Invention de la sodomie dans la théologie médiévale, EPEL, 2007.
- Charlotte Webb, MasterClass: Anal Sex, The Erotic Print Society, 2006.
- Tristan Taormino, Tout savoir sur le plaisir anal (pour elle), Tabou, 2005.
- Bill Brent, Tout savoir sur le plaisir anal (pour lui), Tabou, 2005.
- Leo Bersani, Homos : repenser l'identité, Odile Jacob, 1998 ; Le Rectum est-il une tombe ?, L'Unebévue, 1998.
- Claude Guillon, Le Siège de l'âme : Éloge de la sodomie. Fantaisie littéraire, érosophique et antithéiste, Zulma « Grain d'orage », 1999.
- Christian Gury, L'Honneur perdu d'un politicien homosexuel, Kimé « le sens de l'histoire », 1999.
- Guy Bechdel, La Chair, le diable et le confesseur (1994), Hachette Pluriel « histoire », 2006.
- Les Enfans de Sodome à l’Assemblée Nationale [1790], recueil de pamphlets anonymes parus au début de la Révolution française, notes et préface de Patrick Cardon, Lille, QuestionDeGenre/GKC, 2004.
Articles connexes
Liens externes
- FAQ Proctologie et sexualité
- (en) Décision de la Cour Suprême américaine à propos de la législation de certains États concernant la sodomie
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Catégories :- Pratique sexuelle
- Homosexualité dans l'histoire
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