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Guerre du Kippour
La guerre du Kippour (en hébreu : מלחמת יום הכיפורים), aussi appelée guerre du Ramadan dans le monde arabe ou encore guerre d'octobre (en arabe حرب تشرين) ou guerre israélo-arabe de 1973 opposa, du 6 octobre au 24 octobre 1973, Israël à une coalition menée par l’Égypte et la Syrie.
Le jour même du jeûne de Yom Kippour - Grand Pardon - par les juifs, les Égyptiens et les Syriens attaquèrent par surprise simultanément dans la péninsule du Sinaï et sur le plateau du Golan, territoires respectivement égyptien et syrien occupés par Israël depuis la guerre des Six Jours. Après 24 à 48 heures d’avancée des armées arabes, la tendance s’inversa en faveur de l’armée israélienne qui finit par repousser les Syriens hors du plateau du Golan au bout de 2 semaines et marcha au-delà du canal de Suez dans le territoire égyptien lorsque le cessez-le-feu demandé par les Nations unies fut appliqué. Ce spectaculaire renversement de situation fut notamment dû aux aides militaires américaines. Washington établit en fait un pont aérien d’acheminements d’armes à Israël le 14 octobre pour contrer le pont aérien et maritime soviétique en place le 9 octobre.
Le Conseil de sécurité des Nations unies en coopération avec les deux superpuissances par l'intermédiaire du Royaume-Uni demanda un cessez-le-feu pour laisser place aux négociations. Israël en profita pour se réarmer et prendre le dessus. L’incapacité des services secrets israéliens à détecter les signaux de la guerre et le recours israélien à la ruse eut pour conséquence un séisme politique et notamment la démission du premier ministre Golda Meir.
Cet épisode du conflit israélo-arabe fit mentir la réputation d’invincibilité d’Israël surtout que l’impact psychologique des premiers jours de la guerre à l’avantage des pays arabes a amené à la normalisation des relations entre Israël et l’Égypte et à l’ouverture des négociations de paix qui aboutirent aux accords de Camp David en 1978 et à la récupération par les Égyptiens de la péninsule du Sinaï, occupée par Israël après la guerre des Six jours de 1967. Une autre conséquence de cette guerre fut le choc pétrolier de 1973, quand l’OPEP décida de l’augmentation de 70 % du prix du baril de pétrole ainsi que de la réduction de sa production.
Sommaire
Contexte
Situation des belligérants avant la guerre
Plusieurs guerres avaient déjà eu lieu entre Israël et les pays arabes du Moyen-Orient depuis le plan de partage de la Palestine et la Déclaration d’Indépendance de l’État hébreu par David Ben Gourion en 1948. À l’issue de la guerre de 1967, Israël avait conquis des territoires importants à ses voisins et construit des fortifications sur le Golan et dans le Sinaï afin de se protéger militairement des attaques ponctuelles qui survenaient sur les nouvelles frontières. Notamment, 500 millions de dollars avaient été dépensés en 1971 dans la construction de la ligne Bar-Lev le long de la rive orientale du canal de Suez.
Cependant, après la mort du président égyptien Gamal Abdel Nasser en septembre 1970, son successeur Anouar el-Sadate, bien que plus modéré, décida de restaurer la souveraineté de l’Égypte sur l’ensemble de son territoire. Suite à la proposition de l’intermédiaire onusien Gunnar Jarring, Sadate se déclara « prêt à négocier un traité de paix avec Israël » contre un engagement israélien à appliquer la résolution 242 (1967) des Nations unies. Mais les dirigeants israéliens, méfiants, firent prévaloir la sécurité militaire que leur assurait le contrôle du Sinaï. Aussi, certains analystes expliquèrent qu’après 3 ans de pouvoir, la situation économique désastreuse de l’Égypte obligeait Sadate à prendre des mesures impopulaires et qu’une opération militaire victorieuse contre Israël, même mineure, s’imposait donc comme une bonne option pour lui rendre une certaine popularité auprès de son peuple miné par l’humiliation de 1967.
De son côté, Hafez el-Assad avait renforcé prioritairement son armée en vue de rendre à la Syrie son rang de puissance militaire au sein des pays arabes. Il se préparait à reprendre le Golan par la force puis obtenir de plus grandes concessions israéliennes plus tard en appuyant les nouvelles revendications palestiniennes formulées par la jeune OLP.
Par ailleurs, le roi Hussein de Jordanie craignait d’entrer dans un éventuel nouveau conflit et surtout de nouvelles pertes pour son royaume (la Cisjordanie avait été perdue en 1967), d’autant que la crise du Septembre noir de 1970 et la tentative de coup d’État de l’OLP de Yasser Arafat en Jordanie avait créé un froid entre Hussein et les positions syriennes et palestiniennes. L’Irak refusa également de combattre au côté de la Syrie avec laquelle les relations étaient tendues. Les armées libanaises quant à elles étaient trop faibles pour prendre part aux combats.Au cours des mois précédant le déclenchement de la guerre, Sadate tenta une offensive diplomatique pour obtenir le soutien des pays de la Ligue arabe, du Mouvement des non-alignés et de l’Organisation de l'unité africaine. Il obtint également les aides britannique et française au Conseil de sécurité de l’ONU ainsi que l’approvisionnement en matériel par la RFA avant la guerre.
L’escalade vers la guerre
À partir de 1972, Sadate annonce ouvertement que son pays est prêt à partir en guerre contre Israël, quitte à « sacrifier un million de soldats »[1]. Son armée est renforcée par l’apport soviétique de Mig-23, missiles sol-air SA-6, roquettes antichars RPG-7 et de missiles guidés anti-tanks AT-3 Sagger. Sur le plan stratégique, les généraux vaincus lors de la déroute de 1967 sont remplacés. Les leçons de la précédente guerre sur le plan de l’armement amenèrent Sadate à menacer l’URSS de se tourner vers les américains si l’Égypte ne reçoit pas d’armes à la pointe de la technologie. Les Soviétiques sont donc contraints d’équiper l’Égypte pour la rendre capable de concurrencer Israël, elle-même équipée par l’industrie militaire américaine.
L’Union soviétique cherche pourtant à éviter une nouvelle confrontation arabo-israélienne pour ne pas se trouver en conflit ouvert avec les États-Unis, alors que la Détente est enclenchée et qu’ils ont peu d’intérêt à voir une déstabilisation du Proche-Orient. Les deux super-puissances se rencontrent à Oslo et s’accordent à rechercher un statu quo. En apprenant cette information, les Égyptiens, qui se préparent à passer le Canal de Suez, décident d’expulser les Russes. En juillet 1972, 20 000 conseillers militaires soviétiques sont renvoyés d’Égypte et la politique extérieure égyptienne devient plus favorable aux Américains. Les Soviétiques estiment que les chances d’une victoire égyptienne sont faibles et qu’un assaut contre les fortifications de Suez pourrait être coûteux en pertes humaines. À plusieurs reprises, le président Brejnev tente d’éviter l’affrontement en recommandant à Israël de revenir aux frontières d’avant-1967.
Mais l’Égypte continue à menacer Israël et Sadate se dit prêt, le 24 octobre 1972, à entrer en guerre même sans le soutien de l’URSS. Des exercices militaires à grande échelle y compris chez ses voisins arabes maintiennent le niveau d’alerte maximum en Israël. Les commandements des armées arabes ont secrètement coordonné leur plan d’attaque. Le nom de code de l’opération conjointe entre la Syrie et l’Égypte fut baptisée opération Badr, qui signifie Pleine Lune en arabe (en référence à la bataille de Badr, l’une des premières victoires militaires de Mahomet contre les habitants de La Mecque pourtant supérieurs en nombre).
Attaque surprise
Les services secrets israéliens, dans leur évaluation des risques d’une attaque, s’appuyaient sur plusieurs hypothèses de départ " La Conception":
- La Syrie n’aurait pas pu entrer en guerre sans l’Égypte.
- Un informateur égyptien, connu sous le nom de « La Source » (des rumeurs se portent sur le gendre de Nasser, Achraf Marwan), précisa que l’Égypte souhaitait reconquérir l’ensemble du Sinaï mais que l’armée égyptienne attendait l’apport soviétique de chasseurs-bombardiers pour neutraliser les forces aériennes israéliennes et de missiles Scud dirigés vers les villes israéliennes pour dissuader d’éventuelles attaques contre les infrastructures égyptiennes.
- Les chasseurs-bombardiers devaient arriver à la fin du mois d’août et nécessiter 4 mois de formation des militaires égyptiens. De plus, les observateurs signalaient que l’expulsion des conseillers soviétiques par les Égyptiens devait affaiblir l’armée égyptienne.
Ce sont ces hypothèses qui ont prévalu contre toutes les alertes signalées aux services israéliens. Les Égyptiens ont continuellement noyé les observateurs militaires de fausses informations sur des problèmes imaginaires de maintenance ou de manque de personnel formé sur les équipements avancés. En mai et août 1973, les exercices militaires effectués par les troupes égyptiennes à la frontière avaient mobilisé l’armée israélienne avec un coût de 10 millions de dollars par deux fois.
Tout au long de la semaine précédant le Yom Kippour, les exercices égyptiens se multipliaient près du canal de Suez et des mouvements étaient observés à la frontière syrienne mais l’Intelligence israélienne ne jugea pas plausible une attaque sans l’armement soviétique.
Malgré le refus du roi Hussein de Jordanie de se joindre aux troupes syriennes et égyptiennes, il avait très probablement (d’après Rabinovich) été informé de l’attaque à venir en des termes imprécis lors de la préparation entre les dirigeants arabes. Dans la nuit du 25 septembre, le roi Hussein prit secrètement l’avion pour prévenir le Premier ministre israélien Golda Meir à Tel Aviv de l’imminence d’une attaque syrienne[réf. nécessaire].
De façon assez surprenante, l’avertissement ne fut pas pris en compte. D’après les rapports israéliens, malgré des dizaines de signes alertants, le Mossad continuait à estimer improbable l’option d’une guerre déclenchée par les pays arabes. Ce fut la rencontre du chef du Mossad, Zvi Zamir, avec « Babel » en Europe qui finit par faire réagir le haut commandement de Forces de défense d'Israël à quelques heures de l’attaque. Des réservistes furent partiellement mobilisés. La mobilisation fut ironiquement facilitée par le fait que les troupes étaient généralement à la synagogue ou chez eux pour le jour du Yom Kippour.
Contrairement aux guerres précédentes, le facteur surprise a cette fois-ci été utilisé contre les Israéliens.
Absence d’attaque préventive israélienne
La stratégie israélienne était de prévoir une attaque préventive si la guerre était imminente. Il était prévu que les services secrets donnent un préavis de 48 heures.
Pourtant, Golda Meir, Moshe Dayan et le général David Elazar s’étaient rencontrés le matin du Yom Kippour, 6 heures avant l’attaque. Dayan doutait toujours de l’imminence de la guerre tandis que Elazar pensait à une attaque planifiée en Syrie contre ses forces aériennes, puis ses missiles et ses forces au sol.
Mais l’argument qui joua fut le risque qu’Israël puisse avoir besoin d’aide par la suite. Or une aide européenne allait être bloquée par des menaces arabes d’embargo sur le pétrole comme cela s’était déjà produit concernant des munitions. Israël ne pouvait donc compter que sur l’aide américaine qui était conditionnée par la première attaque. Si Israël avait attaqué en premier (même de façon préventive), aucune aide ne serait venue des États-Unis. Cela fut confirmé par Henry Kissinger plus tard.
Déroulement de la guerre
Dans le Sinaï
Contrairement à 1967, les unités égyptiennes choisirent de ne pas avancer au-delà de la couverture qu’assuraient leurs batteries de missiles SAM qu’ils avaient installées pour protéger les lignes de cessez-le-feu de 1967. Les forces aériennes sur lesquelles Israël avait misé l’essentiel de ses investissements militaires ne pouvaient ainsi rien tenter contre elles.
Les Égyptiens entamèrent des vastes bombardements aériens contre des radars, des batteries et trois aéroports israéliens. Durant ces bombardements, les Égyptiens perdirent onze avions dont celui piloté par le frère du président égyptien, Atif Sadate. Durant leur traversée du canal de Suez, les Égyptiens perdirent 250[2] soldats sur les 8 000 qui constituaient la première vague.
Anticipant une rapide contre-attaque de l’armée israélienne, les égyptiens répliquèrent avec des armes capables de détruire des tanks et avec les missiles antichar Sagger. Un soldat égyptien sur trois était armé contre les blindés. Les positions égyptiennes sur le canal de Suez avaient été surélevées de façon à obtenir un avantage certain pour tirer sur les tanks israéliens.
L’armée égyptienne surprit par son aisance à créer une brèche dans les défenses israéliennes et par sa capacité à traverser le canal malgré les forts Bar-Lev. Avec méthode, les forces égyptiennes pénétrèrent sur 15 kilomètres dans le désert du Sinaï grâce aux efforts combinés de deux brigades. L’avantage des positions défensives des Israéliens, construites sur des replats sablonneux, fut réduit par d’ingénieuses attaques égyptiennes au canon à eau qui facilitèrent les frappes contre ces postes exposés.
Face au nombre, les forts de la ligne Bar-Lev cédèrent tous sauf un (le plus au nord) aux égyptiens qui consolidèrent leurs positions initiales. Le 8 octobre, Shmuel Gonen (en) (qui avait remplacé Ariel Sharon en tant que commandant du front sud seulement trois mois auparavant) ordonna une contre-attaque à Hizayon alors que les tanks israéliens y étaient particulièrement exposés aux tirs de Saggers. Le désastre et la contre-attaque nocturne des Égyptiens qui s’ensuivirent ne furent stoppés que par la division d’Ariel Sharon qui imposa une accalmie relative. Les deux armées se postèrent alors dans une position défensive. Des remaniements dans le commandement des troupes israéliennes se firent alors : Gonen, remplacé à la tête par Elazar et Bar-Lev, de retour de sa retraite. Le 9 octobre, Golda Meir lance un appel « sauvez Israël » et les États-Unis répondent à cet appel en envoyant des armes à Israël.
Après plusieurs jours d’attente, Sadate ordonna à nouveau l’offensive afin de faciliter les pressions syriennes au nord d’Israël. Ces nouvelles attaques furent lancées le 14 octobre et furent un échec. En effet, les attaques de front successives buttèrent sur les troupes israéliennes repliées. Les pertes quotidiennes s’élevaient entre 150 et 250 chars par jour d’après une source israélienne.
À partir du 15 octobre, les Israéliens changèrent de tactique et attaquèrent grâce à leur infanterie qui s’infiltra à pied jusqu’aux batteries de missiles sol-air et antichars.Une division commandée par le major général Ariel Sharon attaqua la ligne égyptienne à son point le plus faible, à la limite entre les positions défendues par la Deuxième Armée égyptienne au nord et la Troisième Armée au Sud. Elle ouvrit une faille dans la ligne égyptienne et atteignit le canal de Suez. Une plus petite troupe passa le canal et constitua un pont pour rallier d’autres troupes grâce à des canots pneumatiques sur le canal. Une fois les missiles anti-aériens et anti-tanks neutralisés grâce aux missiles américains M72, l’infanterie put à nouveau compter sur le support de ces corps de l’armée. Grâce au ravitaillement américain en armes les plus modernes, la division de Avraham « Bren » Adan put mettre en place un pont flottant dans la nuit du 16 au 17 octobre et le traverser vers le sud afin de couper la route à la Troisième Armée égyptienne qui tentait de se replier à l’ouest. En même temps, les batteries de missiles SAM à l’est furent détruites.
Avant que la guerre ne s’arrête, une division israélienne était arrivée à 101 kilomètres de la capitale égyptienne Le Caire.
Sur le plateau du Golan
Sur le plateau du Golan en altitude, les Syriens attaquèrent les Israéliens. Ils envoyèrent cinq divisions et 188 batteries d’artillerie contre les deux brigades et les onze batteries de défense des Israéliens. Au moment de l’assaut, seulement 180 chars d’assaut firent face aux quelques 1 400 tanks syriens équipés pour les combats nocturnes. Des commandos syriens parachutés par hélicoptère prirent immédiatement le plus important bastion de surveillance israélien sur le mont Hermon.
Les affrontements sur le plateau du Golan devinrent très vite la priorité des Forces de défense d'Israël qui y envoyèrent le plus rapidement possible des réservistes mobilisés car la chute du Golan aurait permis aux Syriens de s’infiltrer facilement plus en avant dans le territoire israélien. Les réservistes furent envoyés directement dans des chars sur le front sans attendre même le calibrage des canons.
Comme les Égyptiens dans le Sinaï, les Syriens utilisèrent les armes anti-chars fournies par les Soviétiques et restèrent sous la protection de leurs batteries de missiles SAM. Toutefois, les tirs contre les chars furent moins efficaces sur ce terrain que dans le désert.
Contrairement aux prévisions syriennes qui avaient estimé que les réservistes israéliens n’arriveraient sur le front qu’au bout d’une journée, Israël parvient à mobiliser ses unités et à les envoyer au front après seulement 15 heures de combats.
À l’issue du premier jour, les Syriens, pourtant beaucoup moins armés que leurs vis-à-vis israéliens, obtinrent une victoire. Ils furent sur le point de contrôler l’importante jonction de Nafekh (qui était aussi le quartier général israélien du plateau). Puis, pendant quatre jours, la septième brigade israélienne commandée par Yanush Ben Gal résista pour conserver le flanc Nord du quartier général de Nafekh. Au Sud, la brigade « Barak », non protégée par des obstacles naturels, essuya de lourdes pertes. Le Commandant Colonel Shoham mourut dans les premiers jours de combats alors que les Syriens tentaient désespérément d’avancer pour atteindre le lac de Tibériade.
Le vent tourna à partir du 8 octobre, à l’arrivée des nouveaux réservistes israéliens et de nouvelles armes américaines qui parvinrent à bloquer l’offensive syrienne puis, le 10 octobre, à la repousser au-delà de la Purple Line, la frontière d’avant la guerre.
Rabinovich raconte que le débat fut alors intense sur la question de continuer la contre-attaque à l’intérieur des frontières syriennes. La défaite de Shmuel Gonen dans le Sinaï s’était passée deux jours plus tôt et marquait encore les esprits. Certains considéraient sage de rester sur la défensive sur le plateau du Golan plutôt que de s’engager sur les plaines syriennes mais, quatre jours auraient été nécessaires pour envoyer les troupes du Golan dans le Sinaï et le bilan global israélien était alors négatif : perte de terrain dans le Sinaï et statu quo dans le nord. La décision fut donc prise de passer la Purple Line dès le 11 octobre.
Du 11 au 14 octobre, la poussée israélienne les amena à 40 km des banlieues de Damas qui étaient à la portée de l’artillerie. Le roi Hussein de Jordanie décida alors que la situation exigeait l’intervention de son armée. Certaines sources rapportent ainsi qu’il fit le nécessaire pour envoyer des troupes jordaniennes en soutien aux Syriens tout en évitant d’être attaqué par les Israéliens à ses propres frontières. Ces derniers ne souhaitaient pas non plus ouvrir un troisième front. Par ailleurs, l’Irak expédia quelque 30 000 hommes, 500 chars d’assaut et 700 APC. Les efforts combinés des armées arabes empêchèrent Israël d’avancer davantage.
Le 22 octobre, les brigades israéliennes récupérèrent la position du mont Hermon malgré de lourdes pertes dues aux franc-tireurs syriens. Les pertes des attaques contre cette position furent lourdes mais le sommet du mont fut occupé par une brigade parachutiste israélienne suite à une brèche percée par un bulldozer D9 de l’infanterie.
En mer
La bataille navale de Latakia entre Syriens et Israéliens s'est déroulée le 7 octobre, second jour du conflit. Ce fut une victoire israélienne retentissante qui démontra notamment l’efficacité des navires militaires équipés des moyens d’auto-défense ECM. La marine israélienne devait acquérir définitivement la supériorité navale en Méditerranée avec une seconde victoire, remportée le 9 octobre à Damiette sur la marine égyptienne.
Par ailleurs, tant la marine israélienne que son homologue égyptienne montèrent plusieurs attaques et opérations commando (menées par des nageurs de combat) contre les bases navales adverses.
À l’issue du conflit, le bilan de la guerre navale fut très favorable à Israël qui s’imposa très nettement face à ses adversaires, leur coulant ou endommageant gravement quinze bâtiments pour la perte de deux patrouilleurs légers (en mer Rouge, face aux Égyptiens).
Contribution d'autres pays
Les apports des autres pays du front anti-israélien sont peu précis. L’Arabie saoudite et le Koweït ont surtout fourni une aide financière et, de façon symbolique, quelques militaires sur le front. Le Maroc a envoyé des troupes (environ 5 450 hommes qui ont réalisé une percée au cours du conflit et ont pu stopper les troupes israéliennes au-delà de Sassa) et un escadron de 12 mig 17 et 40 f-5 freedom fighter, le Pakistan a envoyé seize pilotes et des troupes palestiniennes se joignirent aussi aux armées arabes. De 1971 à 1973, la Libye a envoyé des Mirages et 1 milliard de dollars pour aider l’effort d’armement égyptien. L’Algérie a envoyé également des chasseurs, des bombardiers et des chars. Elle fut la deuxième puissance militaire sur le front égyptien et sa force était composée d’un escadron de bombardiers tactiques Su-7 escorté par un escadron de chasse MiG-21. Un troisième escadron équipé de MiG-17 fut envoyé pour des missions de soutien. Les pilotes algériens étaient cette fois plus préparés et mieux aguerris grâce à la guerre d’usure. Elle fut la seule force aérienne arabe à ne pas avoir perdu d’appareils au combat, seul un MiG-17 fut touché par un Phantom israélien. Malgré la gravité du coup le pilote algérien réussit à faire écraser le MiG près de sa base d’attache tout en s’éjectant et en évitant de se faire capturer. Les avions algériens avaient accompli toutes leurs missions qui consistaient à attaquer les israéliens dans le Sinaï et à protéger le Caire de toute contre-offensive israélienne; des chasseurs algériens ont même atteint des cibles a Tel Aviv. La Tunisie a envoyé un contingent de 1 000 soldats auprès des forces égyptiennes dans le delta du Nil. Le Soudan a envoyé 3 500 soldats. Des pilotes de la Corée du Nord et de l'Allemagne de l'Est ont participé également au conflit[3] et la radio ougandaise a fait également mention de combattants ougandais.
Cessez-le-feu et lendemain de guerre
Le Conseil de sécurité des Nations unies adopte le 22 octobre 1973 la Résolution 338 (1973), négociée par les États-Unis et l’Union soviétique, qui réaffirme la validité de la résolution 242 (1967), adoptée pendant la guerre des Six Jours et appelle toutes les parties au conflit (l’Égypte, la Syrie, Israël, la Jordanie) à un cessez-le-feu immédiat et à des négociations en vue « d’instaurer une paix juste et durable au Moyen-Orient ». Le cessez-le-feu devient effectif douze heures plus tard à 19 heures sur le terrain, à la tombée de la nuit.
Situation de la troisième armée égyptienne encerclée
À cet instant, les forces israéliennes étaient à quelques centaines de mètres de la route du Caire. Elazar et Dayan s’accordèrent pour prendre la route qui part vers le sud et encerclèrent ainsi la Troisième Armée égyptienne à l’ouest du canal de Suez. Au matin, les vols de reconnaissance soviétiques observèrent l’avancée que l’armée israélienne avait effectué pendant la nuit et l’URSS accusa Israël de traîtrise. Surtout, cette situation offrit aux États-Unis une opportunité stratégique : obtenir de l’Égypte qu’elle sorte définitivement de l’influence soviétique en échange de la Troisième Armée qui était encerclée sans ravitaillement par les troupes israéliennes cependant beaucoup moins nombreuses. L’issue de cette bataille était donc incertaine.
Menace nucléaire soviético-américaine
Brejnev envoya une lettre à Nixon dans la nuit du 23 au 24 octobre afin qu’Américains et Soviétiques assurassent le respect du cessez-le-feu sur le terrain. Il menaça même les États-Unis d’intervenir aux côtés de l’Égypte comme l’avaient fait les États-Unis s’ils n’agissaient pas dans ce sens. Nixon, affaibli par le scandale du Watergate ne fut pas consulté par ses conseillers qui prirent des mesures d’apaisement pour mettre un terme à la crise avec l’URSS. Nikolai Podgorny confia plus tard qu’il avait été surpris par la peur des Américains. Les Soviétiques n’auraient probablement pas déclenché la Troisième Guerre mondiale à cause de cette guerre au Proche-Orient. La réponse des États-Unis fut de baisser le niveau d’alerte du DEFCON et de suggérer à Sadate d’abandonner sa demande d’assistance aux Soviétiques, ce qu’il accepta le lendemain matin.
Accalmie sur le front nord
Sur le front Nord, les Syriens avaient planifié une contre-attaque massive pour le 23 octobre. Les cinq bataillons syriens furent aidés par deux bataillons irakiens et quelques troupes des autres pays arabes dont la Jordanie. Les Soviétiques avaient remplacé tous les tanks perdus par les syriens dans les premières semaines de combat.
Toutefois, la veille de l’attaque prévue, les Nations unies imposèrent le cessez-le-feu qui avait déjà été accepté par l’Égypte et Israël sur le front sud. Hafez el-Assad décida d’abandonner l’offensive et accepta le cessez-le-feu le 23 octobre. L’Irak rappela ses troupes.
Rabinovich raconte que la Syrie aurait pu continuer le combat sans l’Égypte et que certains généraux syriens y étaient favorables mais cela aurait pu signifier la destruction de la Troisième Armée égyptienne et la Syrie n’aurait plus pu compter sur une éventuelle aide égyptienne si Israël avait fini par menacer Damas.
Négociations d’après-guerre
Les combats organisés prirent fin sur tous les fronts aux alentours du 26 octobre. Cela n’empêcha pas des tirs sporadiques ni ne dissipa les tensions militaires liées à la Troisième Armée égyptienne toujours prisonnière et isolée sans ravitaillement.
Israël reçut la menace de Kissinger de soutenir un retrait auprès de l’ONU, mais une proposition de Sadate auprès des États-Unis de négocier directement avec Israël le ravitaillement du contingent encerclé aboutit plus vite au cessez-le-feu définitif.
Les discussions eurent lieu le 28 octobre entre les majors généraux Aharon Yariv (israélien) et Muhammad al-Ghani al-Gamasy (égyptien). Ils s’accordèrent sur l’échange des prisonniers de guerre et les checkpoints israéliens ; un accord de paix fut trouvé au sommet qui suivit à Genève. Le 18 janvier, Israël signa un accord de retrait de la partie ouest du canal de Suez et retira ses troupes le 5 mars.
Un va-et-vient diplomatique de Henry Kissinger aboutit à un accord de désengagement le 31 mai 1974, basé sur l’échange de prisonniers, le retrait israélien jusqu’à la Purple Line et l’établissement d’une zone tampon contrôlée par l’ONU. Une troupe d’observateurs des Nations unies fut aussi établie dans le Golan pour garantir la paix.
Bilan de la guerre
Bilan humain
Côté israélien :
- 3 020 morts
- 8 135 blessés
Côté coalition arabe (Égypte, Syrie, Jordanie, Irak) :
- 9 500 morts
- 19 850 blessés
Source : www.net4war.com/e-revue/dossiers/kippour73/kippour16.htm
Conséquences à long terme de la guerre
Les discussions de paix qui se déroulèrent à la fin de la Guerre du Kippour furent les premières menées directement entre des dirigeants arabes et israéliens.
Pour les Arabes (Égyptiens en particulier), le traumatisme de la défaite de la guerre des Six Jours fut guéri et cela leur permit d’une certaine façon de négocier avec les Israéliens sur un pied d’égalité. Toutefois, si le plan arabe pendant la guerre avait commencé exactement comme prévu, il avait finalement abouti à démontrer qu’Israël ne pouvait être vaincu militairement. La conviction largement partagée fut alors que des négociations de paix pourraient permettre d’obtenir ce qui n’avait pas pu être gagné sur le terrain.
La population israélienne, quant à elle, avait été choquée par le début difficile de la guerre et le manque de vigilance de ses militaires trop sûrs d’eux.
En réaction au soutien américain à Israël, les pays arabes décidèrent, le 17 octobre 1973, d’un embargo sur le pétrole à destination des États occidentaux. Cela amena le choc pétrolier de 1973.
Crise politique en Israël
En Israël, cette guerre a constitué un véritable électrochoc. De nombreux mythes de la société israélienne se sont effondrés : invincibilité de l’armée, infaillibilité des services de renseignement. La population israélienne n’avait jamais connu jusqu’alors de crise morale aussi grave. Il fallut attendre le miasme du conflit libanais, l’Intifada puis l’assassinat du Premier ministre Ytzhak Rabin pour assister à une remise en cause d’une telle importance. L’image de marque d’Israël s’est en outre dégradée à travers le monde, renforçant un peu plus l’isolement diplomatique de l’État hébreu. Ses relations privilégiées avec l’allié américain ont connu de réels soubresauts
Quatre mois après la fin de la guerre, des protestations de colère ont commencé à s’élever contre le gouvernement israélien et contre Dayan en particulier. Une enquête sur les événements des premiers jours de la guerre et ceux l’ayant précédée fut demandée : la commission Shimon Agranat.
Les résultats furent publiés le 2 avril 1974 et désignèrent six personnes ayant des responsabilités dans les erreurs ayant fragilisé Israël.
- Le général David Elazar fut poussé à la démission par rapport aux hypothèses erronées de la situation et la préparation de la guerre.
- Eli Zeira du Renseignement et le député Aryeh Shalev furent également poussés à la démission.
- Les lieutenants-colonels Bandman et Gedelia quittèrent les services secrets.
- Le commandant du front sud, Shmuel Gonen, fut démis de ses fonctions dans l’Armée pour avoir mis des troupes dans une situation dangereuse ayant amené leur capture, après le rapport final de la commission, remis le 30 janvier 1975.
Les responsabilités de Dayan et Meir ne furent pas reconnues, ce qui continua à mécontenter l’opinion publique israélienne qui réclamait leur démission (surtout celle de Moshe Dayan).
Finalement, Golda Meir démissionna le 11 avril 1974, entraînant la fin de son gouvernement. Meir avait auparavant refusé la démission de Dayan par deux fois. Yitzhak Rabin, qui avait été le conseiller de Elazar, prit la tête du nouveau gouvernement en juin.
Option nucléaire israélienne ?
Selon certains, le gouvernement Israélien aurait menacé d’utiliser l’arme nucléaire quand il se trouva en difficulté face à l’attaque égypto-syrienne. La décision aurait était prise secrètement le 8 octobre par le Premier ministre Golda Meir et par le ministre de la défense Moshe Dayan : 13 têtes nucléaires de 20 kilotonnes furent déployées pour être lancées sur l’Égypte et la Syrie par des missiles Jericho 1 (construits par Israël sur projet français) et par des chasseurs-bombardiers fournis par les États-Unis [réf. nécessaire].
Un conflit riche en enseignements militaires
La guerre du Kippour apparaît en définitive comme un conflit plus équilibré et plus disputé que l’image qui en a souvent été présentée. Le rapport des forces en présence s’est avéré moins déséquilibré que ce que les autorités arabes et israéliennes ont longtemps laissé entendre. L’impact réel de l’aide matérielle fournie par les deux grandes puissances à leurs alliés respectifs ne fut pas aussi décisif que ce que les Américains et les Soviétiques ont longtemps prétendu.
Cette guerre a constitué le premier conflit mécanisé de haute intensité depuis la fin de la Seconde guerre Mondiale. Elle a démontré l’importance du renseignement pour contrer l’effet de surprise. Elle a permis de valider, de nuancer ou de rejeter certains concepts opérationnels. Elle a servi de banc d’essai à de nombreuses armes récentes qui n’avaient pas eu l’occasion de subir l’épreuve réelle du feu. Elle a démontré une nouvelle fois que le facteur humain jouait toujours un rôle essentiel dans la conduite de la bataille.
La haute technologie a eu un impact considérable sur le déroulement des combats. La notion de C3I s’est imposée comme une donnée fondamentale du combat moderne. L’efficacité des missiles, bien que réelle, a cependant été exagérée. Le char et l’avion ont démontré qu’ils restaient les vecteurs essentiels du combat mécanisé à condition de s’intégrer dans un environnement interarmes leur assurant soutien et protection. Si l’aviation militaire a joué un rôle important pendant le conflit, celui-ci n’a pas été aussi décisif qu’en juin 1967. À l’inverse de la guerre des Six Jours, ce sont en effet les chars qui ont cette fois-ci ouvert la voie aux avions. La puissance et l’efficacité de l’arme aérienne ont donc été surestimées, comme peu de temps auparavant lors de la guerre du Vietnam, puis dix-huit ans plus tard lors de la guerre du Golfe[réf. nécessaire]. Une fois de plus, les événements ont démontré que la guerre se perdait ou se gagnait au sol. De manière plus globale, la nécessité d’une approche interarmées voire interalliée s’est imposée comme l’un des enjeux majeurs pour la conduite efficace d’un conflit d’envergure.
Accords de Camp David
Article détaillé : Accords de Camp David.Le gouvernement Rabin, mis en difficulté par des scandales, fut obligé de provoquer des élections anticipées en 1977. Le parti du Likoud remporta alors ces élections et forma un gouvernement avec pour premier ministre Menahem Begin.
Sadate, qui était entré en guerre pour récupérer le Sinaï, était contrarié par le rythme lent des négociations de paix. En novembre 1977, il fit un pas inattendu en faisant un voyage officiel en Israël, devenant ainsi le premier leader arabe à reconnaître de facto l’existence d’Israël.
Ce geste eut l’effet d’accélérer le processus de paix. Le président américain Jimmy Carter invita alors ensemble Sadate et Begin à un sommet à Camp David pour négocier une paix définitive. Les discussions se déroulèrent du 5 au 17 septembre 1978 et aboutirent au traité de paix israélo-égyptien de 1979. Israël retira ses troupes et ses implantations de toute la péninsule du Sinaï en échange de relations normales avec l’Égypte et d’une paix durable.
Beaucoup dans la communauté arabe furent scandalisés par ce traité de paix signé par l’Égypte avec Israël. L’Égypte fut exclue de la Ligue arabe. Deux ans plus tard, Sadate fut assassiné le 6 octobre 1981 alors qu’il assistait à un défilé commémorant le huitième anniversaire du début de la guerre. Ses assassins étaient des éléments de l’Armée qui désapprouvaient les négociations qu’il avait osé mener avec Israël.
Références
- ↑ Righteous victims : a history of the Zionist-Arab conflict, 1881-1999, Benny Morris, Agnès Dufour http://books.google.fr/books?id=6d26-u2goHkC&printsec=frontcover#PPA426,M1
- ↑ Mémoires du général Saad Eddine Chadli
- ↑ Le fanatique de l'aviation, no 447, janvier 2007
Sources
- Sur l’aspect naval du conflit
- magazine Guerres et conflit d’aujourd’hui, no 2 : Israël-Syrie-Égypte, 1984
- Pierre Razoux, la marine écartelée entre projection et dissuasion, magazine Raid, hors-série 24, juillet 2007
- Pierre Razoux, la marine israélienne d’hier à aujourd’hui, magazine Marines et Forces navales, numéro 105, octobre-novembre 2006
- Frédéric Stahl, la marine israélienne 1948-2006, magazine Navires et Histoire numéro 38, octobre-novembre 2006
- Mémoires du général Saad Eddine Chadli, « Guerre d'octobre 73 » tome 1.
Roman inspiré de la Guerre du Kippour
- Robert Chavanac, Kippour au canal, édité par Fleuve noir collection Feu - Paru en 1975
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