- Fonction zêta de Riemann
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La fonction zêta de Riemann ζ(s) dans le plan complexe. La couleur d'un point s code la valeur de ζ(s) : des couleurs vives indiquent des valeurs proches de 0 et la nuance indique l'argument de la valeur. Le point blanc pour s = 1 est le pôle ; les points noirs sur l'axe réel négatif (demi-droite horizontale) et sur la droite critique Re(s) =
(droite verticale) sont les zéros.
En mathématiques, la fonction
de Riemann est une fonction analytique complexe qui est apparue essentiellement dans la théorie des nombres premiers. La position de ses zéros complexes est liée à la répartition des nombres premiers. Elle est aussi importante comme fonction modèle dans la théorie des séries de Dirichlet et se trouve au carrefour d'un grand nombre d'autres théories. Les questions qu'elle soulève sont loin d'être résolues et elle sert aussi de motivation et de fil conducteur à de nouvelles études, à l'instar du rôle joué par le grand théorème de Fermat.
Prologue
La théorie de la fonction
de Riemann est presque tout entière dominée par la question de la répartition de ses zéros. Comme l'explique la théorie générale des fonctions analytiques, toute fonction méromorphe s'écrit comme le produit de facteurs faisant apparaître les pôles et les zéros de cette fonction. L'hypothèse de Riemann selon laquelle tous les zéros non triviaux de la fonction
de Riemann sont de partie réelle égale à
renforce encore l'intérêt pour ces zéros. Aussi la théorie s'est développée dans plusieurs directions. La première est celle de l'étude des zéros eux-mêmes. On a cherché à démontrer l'hypothèse de Riemann elle-même avant de se rendre compte des difficultés. L'objectif est alors devenu plus modeste : démontrer une partie de l'hypothèse de Riemann. D'un autre côté, la communauté mathématique croit en l'hypothèse de Riemann, aussi a-t-on cherché les conséquences de l'hypothèse de Riemann en prévision de sa démonstration. Cependant chaque nouvelle conséquence de l'hypothèse de Riemann est aussi une voie nouvelle pour l'infirmer.
Par exemple, on démontre que l'on a, sous l'hypothèse de Riemann,
Si l'on démontrait que l'on a, sur une suite de t tendant vers l'infini,
C\ln \ln t,\;" border="0">
il en serait fini de l'hypothèse de Riemann.
Les conséquences de l'hypothèse de Riemann sont nombreuses. On a ainsi cherché à les démontrer indépendamment de cette hypothèse, ce qui s'avéra parfois possible. Et chacune de ces conséquences est devenu un objectif en lui-même. Devant la difficulté posée par la démonstration de l'hypothèse de Riemann, on a aussi énoncé des hypothèses plus faibles qu'on a également tenté de démontrer, sans beaucoup plus de succès.
Le présent article commence par la définition de la fonction à partir de la série de Dirichlet puis cette définition est étendue au plan complexe privé de 1. On examine ensuite ce qui se passe en 1. La théorie de la fonction
de Riemann définit trois régions dans le plan complexe, la région de convergence
1" border="0">, la bande critique
, et la région
. À partir de la relation fonctionnelle, le module de la fonction est estimé dans chacune de ces régions. Cela nécessite des formules permettant d'estimer la fonction ou d'autres fonctions qui lui sont liées. Puis on étudie les zéros. La relation fonctionnelle fournit les zéros réels et également l'ordre de ces zéros : ils sont simples. Dans la bande critique, il en existe une infinité. On estime donc ce nombre N(T) dans un rectangle de hauteur T. Le théorème de Hardy en place une infinité sur l'axe
. On estime, avec beaucoup de difficulté, le nombre No(T) des zéros dont la partie imaginaire est comprise entre 0 et T et dont la partie réelle est
. Pour étudier la répartition des zéros, différentes quantités les faisant intervenir sont estimées. Enfin, les hypothèses classiques sont examinées: définitions, conséquences, critères équivalents.
Les recherches sur la fonction zêta constituent un domaine très technique. La plupart des preuves, nécessitant une formation spécialisée en théorie analytique des nombres, sont omises ici.
Définition par la série de Dirichlet
La fonction
de Riemann est une fonction analytique complexe méromorphe définie, pour tout nombre complexe s tel que
1" border="0">, par la série de Dirichlet :
.
La série ne converge pas en s = 1 car on a
qui tend vers l'infini avec m (voir l'article détaillé série harmonique pour d'autres démonstrations de ce résultat, et une estimation plus précise de la valeur des sommes partielles). La valeur s = 1 est donc une singularité de la fonction.
Liens avec les fonctions arithmétiques
À partir de la série de Dirichlet de
on démontre les formules suivantes :
où
est la fonction de Möbius,
où
est l'indicatrice d'Euler,
où
est la fonction tau de Ramanujan ; et
où σa est la fonction diviseur à la puissance a :
Valeurs de la fonction zêta pour s entier supérieur à 1
Euler a calculé (dans le cadre de sa solution au problème de Bâle) la valeur de la fonction
pour les entiers positifs pairs en utilisant l'expression de
sous forme de produit infini ; il en a déduit la formule :
valable pour tout entier positif k, où les B2k sont les nombres de Bernoulli. De là, nous obtenons des séries infinies[1] correspondant aux puissances paires de π :
Pour les entiers impairs, le calcul n'est pas si simple. Ramanujan a beaucoup travaillé sur ces séries et Apéry a démontré en 1979 que ζ(3), qui vaut environ 1,2020569... est irrationnel (voir constante d'Apéry). En 2000, Tanguy Rivoal a démontré qu'il existe une infinité de nombres irrationnels parmi les valeurs aux entiers impairs. On conjecture que toutes les valeurs aux entiers impairs sont irrationnelles et même transcendantes.
Liens avec les nombres premiers
Le lien entre la fonction
et les nombres premiers avait déjà été établi par Leonhard Euler avec la formule, valable pour
1" border="0"> :
où le produit infini est étendu à l'ensemble
des nombres premiers. Cette relation est une conséquence de la formule pour les suites géométriques et du théorème fondamental de l'arithmétique. On appelle parfois cette formule produit eulérien.
Un autre lien existe avec cette fois la fonction π(x) qui compte le nombre de nombres premiers inférieurs ou égaux à x. La fonction de comptage des nombres premiers est définie par
On a en effet
relation valable si
1" border="0">.
En fait, la position des zéros de la fonction
de Riemann fournit la position des nombres premiers. On peut même trouver une formule exprimant chaque nombre premier en fonction des zéros de la fonction
de Riemann.
Dérivées de la fonction zêta
Une expression de la dérivée de la fonction ζ est donnée par la série de Dirichlet, convergente si
1" border="0"> :
Les dérivées suivantes sont données par :
Extension à ℂ-{1}
La fonction
admet un prolongement analytique à tout le plan complexe, sauf 1. Il existe plusieurs démonstrations, faisant appel à différentes représentations de la fonction
.
Par la formule d'Euler-Mac Laurin
La formule d'Euler-MacLaurin[2], appliquée à la fonction
sur l'intervalle [1 ; N], donne pour tout entier n :
où les coefficients Bk sont les nombres de Bernoulli,
où les Bn(x) sont les polynômes de Bernoulli et où [x] désigne la partie entière de x.
En faisant tendre N vers l'infini et en restant dans le demi-plan
1" border="0">, on en déduit pour tout entier
que
Les fonctions
étant périodiques restent bornées sur l'intervalle d'intégration, donc l'intégrale à droite converge si
1-n." border="0"> Donc le membre de droite définit une fonction,
sur
1-n" border="0">, holomorphe en dehors de 1, qui prolonge
. L'unicité du prolongement analytique montre que les fonctions
et sur
sont identiques sur
1-n." border="0"> Ces identités permettent donc de définir une unique fonction méromorphe sur tout le plan complexe (avec un seul pôle en 1), coïncidant avec la fonction
déjà définie pour
1" border="0"> et qu'on appelle encore
.
Par une intégrale de contour
La fonction ζ(s) se prolonge aussi analytiquement par l'intégrale
C désigne un lacet longeant l'axe réel et englobant 0 parcouru de +∞ à +∞ dans le sens trigonométrique.
Une fois cette formule démontrée initialement pour
1" border="0">, l'expression à droite restant valable pour tout valeur bornée de s définit donc une fonction analytique. D'après le théorème du prolongement analytique, elle représente le prolongement (sauf en s = 1) de la fonction
.
DémonstrationIl est facile de démontrer que si
1" border="0"> alors :
En effet :
On pose u = nt. Alors :
et d'après le théorème de convergence monotone si s est réel, puis dominée sinon, on peut intervertir somme-intégrale et on obtient :
enfin pour tout complexe s tel que
1" border="0"> on a :
D'une autre part, on considère la fonction h sur l'ensemble
1 \} " border="0"> par :
avec
le lacet décrit ainsi :
C1,ν : demi-droite dont les points d'argument 0 décrite de +∞ à 0.
C2,ν : cercle de rayon ν et de centre 0, dont ces points croit de 0 à 2π.
C3,ν : demi-droite dont les points ont d'arguments 2π, décrite de ν à +∞.
alors pour que h soit holomorphe sur tout le plan complexe on prend 0 < ν < 2π (voir que eu − 1 ne s'annule pas si ν est défini ainsi) donc :
d'une part il est clair que :
alors :
et que :
ce qui entraine le fait que :
et enfin que :
et puisque la fonction h est indépendante de ν alors :
En utilisant les formules d'Euler on trouve que :
alors en substituant l'expression on aura :
et d'une autre côté, d'après la formule des compléments de la fonction gamma, on a pour tout s tel que
d'où :
finalement :
et puisque h est holomorphe sur tout le plan ce qui implique le prolongement de la fonction ζ en fonction méromorphe dans ℂ.
Par la formule sommatoire d'Abel
Utilisant la formule sommatoire d'Abel, on trouve
La partie entière [u] se décompose en u − {u}. On a alors :
où {u} désigne la partie fractionnaire de u. Comme {u} est toujours compris entre 0 et 1, l'intégrale est convergente pour
0" border="0">. À partir du prolongement pour
0" border="0"> et en appliquant la relation fonctionnelle (valide pour
, voir plus loin), on obtient le prolongement pour
(sauf en s = 0).
Par la fonction êta de Dirichlet
On peut encore étendre la fonction
sur
0" border="0"> à partir de la définition de la série alternée (appelée fonction êta de Dirichlet)
Cette série est convergente pour s réel strictement positif, par application du critère des séries alternées ; il en est en fait de même pour
0" border="0">, ce qui se démontre en utilisant le lemme d'Abel (on peut aussi montrer plus simplement la convergence absolue de la série
).
Comme
cela réalise ainsi le prolongement de la fonction
sur
0" border="0">, sauf pour
qui sont les zéros de
. Le pôle en 1 de
est annulé par le terme
; on a
.
À partir du prolongement pour
0" border="0"> et en appliquant la relation fonctionnelle (voir plus loin), on obtient le prolongement partout sauf en
).
Pour ces points, on peut appliquer soit la série de Dirichlet de
, qui converge sur
soit une autre relation du même genre[3].
De ce que
, on déduit que la série
est convergente pour
[4].
Il suffit donc de calculer la série seulement pour ces points car
se trouvant irrationnel, le facteur
ne peut être nul en même temps que celui de
.
Par la formule de Landau ou celle de Ramaswami
Dans les formules précédentes, il est à remarquer que le prolongement ne s'obtient que dans une portion du plan et qu'il faut utiliser la relation fonctionnelle pour avoir un prolongement au plan tout entier. Les deux formules qui suivent n'ont pas ce défaut. Ces deux autres méthodes de prolongement de
, sans conteste les plus simples, sont fondées, chacune, sur une formule exprimant
en fonction de
,
, ...
On a ainsi la formule publiée par Edmund Landau
étant la factorielle croissante.
Ou la formule de Ramaswami
Ces formules se démontrent par des manipulations classiques sur les termes des séries.
Le prolongement analytique s'effectue par bandes de largeur 1. La série de Dirichlet étant absolument convergente sur
1" border="0">, la formule choisie prolonge sur
0" border="0">. En appliquant à nouveau la formule, on prolonge à
1" border="0">, et ainsi de suite.
Remarque: la présence du facteur 1 − 21 − s dans la formule de Ramaswami montre que le prolongement de
par cette formule souffre du même problème que celui par la fonction η de Dirichlet.
Développement de Laurent au voisinage de 1, théorème de Dirichlet et nombres de Stieltjes
On a vu plus haut que :
Comme {u} est toujours compris entre 0 et 1, l'intégrale est convergente et le terme est borné. Le premier terme vaut aussi
, ce qui qui montre que la fonction
admet un pôle d'ordre 1 en 1 et de résidu 1. Cela constitue le théorème de Dirichlet. Le développement en série de Laurent de la fonction ζ(s) s'écrit donc
où l'on a
Ces nombres sont appelés nombres de Stieltjes. Concernant ces nombres, Matsuoka, en 1985[5], a montré que l'on avait pour n > 4 :
Thomas Joannes Stieltjes s'intéressa de près à la fonctionde Riemann. Il est l'auteur d'une tentative avortée de démonstration de l'hypothèse de Riemann à partir d'une hypothèse voisine de celle de Mertens qu'il fut incapable de démontrer.
On sait aussi qu'il y a asymptotiquement la moitié de ces nombres qui sont positifs.
Premières valeurs des coefficients de Stieltjes Valeur γ = γ0 0,577 215 664 901 532 860 61 γ1 −0,072 815 845 483 676 724 861 γ2 0,009 690 363 192 872 318 484 5 γ3 0,002 053 834 420 303 345 866 2 γ4 0,002 325 370 065 467 300 057 5 γ5 0,000 793 323 817 301 062 701 75 Le développement de Laurent en 1 montre que
est négative sur l'axe réel avant 1 (elle est positive après 1 de manière élémentaire puisque tous les termes de la série de Dirichlet sont alors positifs). En effet, on a :
.
Or, en supposant (s − 1) < 0 et suffisamment petit, on a
, donc
pour s < 1.
L'expression :
pour
donne le même résultat puisque η(a) est positif par le théorème des séries alternées et que 1 − 21 − a est du même signe que a − 1.
Relation fonctionnelle
La fonction
satisfait à l'équation fonctionnelle :
valable pour tout nombre complexe s différent de 0 et 1. Ici, Γ désigne la fonction gamma.
DémonstrationUne démonstration, parmi de nombreuses autres, a été donnée par Baez-Duarte en 2003. Elle est particulièrement courte. On part de la formule intégrale résultant de la formule sommatoire d'Abel (attention la borne inférieure est prise à 0, non à 1)
Cette égalité étant valable pour
On a ainsi, en faisant un changement de variable dans l'intégrale, posant u = 2v,
On soustrait alors les deux quantités, après avoir sorti la puissance de 2. On a ainsi
On développe la partie fractionnaire en série de Fourier
et, vérifiant les conditions habituelles pour inverser
et
, on obtient
qu'on peut calculer. On trouve ainsi, en supposant cette fois
, l'égalité
mais cette égalité reste valable pour
par prolongement analytique. On obtient alors
dont on déduit immédiatement la relation fonctionnelle pour
On l'étend immédiatement à
par le principe du prolongement analytique.
De la relation fonctionnelle, on déduit que :
La fonction
vérifie
On en déduit que la fonction
est paire. Elle vérifie :
Zéros triviaux de la fonction zêta (s entier pair strictement négatif)
Par la relation fonctionnelle, il apparaît que la fonction
s'annule pour tous les entiers de la forme
,
par suite du facteur
mais pas en s = 0 par suite du facteur
. Ces zéros sont appelés « zéros triviaux ».
Il en existe d'autres. Une étude plus détaillée figure ci-dessous au paragraphe Les zéros.Valeurs de la fonction zêta pour s entier impair strictement négatif et pour s = 0
De la définition de la fonction zêta par une intégrale de contour[6], on déduit que :
pour tous les entiers naturels, où Bn + 1 est un nombre de Bernoulli.
Si
est impair :
Par exemple :
.
Pour s = 0, on a :
Si k > 0,
car
est nul.
Définition de ln ζ et de sa dérivée
La fonction
étant réelle sur l'axe réel et plus grande que 1, le logarithme de cette valeur existe et est réel. Il est donc naturel de choisir, parmi l'infinité des définitions possibles du logarithme d'une fonction analytique, celle qui prolonge le logarithme naturel sur le segment
. On prolonge donc par continuité les valeurs de
qui sont réelles sur
.
Présentation élémentaire pour les complexes du demi plan Re(s) > 1
On part de la formule du produit eulérien, dont on sait qu'il converge pour tout s dans
1" border="0">. On peut se limiter à considérer dans un premier temps s = σ réel. On prend le logarithme du produit. Cela a un sens puisque ζ(σ) ne s'annule pas sur σ > 1.On a alors
Il reste à développer le logarithme en série entière, ce qui est possible puisque
et σ > 1. Cela justifie que l'on définisse, pour tout complexe s satisfaisant
1" border="0"> la série
Cette série, normalement convergente sur tout compact du demi plan
1" border="0">, définit une fonction holomorphe sur ce demi plan.
Si s = σ > 1 est réel, alors
où ln est le logarithme réel habituel. On en déduit que
. Les deux fonctions eD et
sont holomorphes sur
1" border="0"> et elles coïncident sur le segment
. Par le principe de prolongement holomorphe, on a donc
pour tout complexe s tel que
1" border="0">. Par dérivation de l'égalité précédente, on obtient immédiatement
En dérivant la série définissant D, on obtient
de sorte que l'on a, pour
1" border="0"> l'égalité
où les seules valeurs de
non nulles sont définies par Λ(n) = ln p lorsque n = pm, p étant premier et m entier non nul, c'est la fonction de von Mangoldt. La définition de la série D se réécrit alors
Enfin en prenant le module de eD(s) = ζ(s) on obtient
puis, prenant le logarithme réel on déduit
Extension à Re(s) ≤ 1
Pour les complexes s autres que 1 tels que
, la définition du logarithme de
est plus délicate. La fonction
ayant une infinité de zéros,
admet une infinité de points de branchement. Dans les calculs, on pratique alors des coupures de la manière suivante: Une première coupure est pratiquée entre -2 et 1 (qui est aussi un point de branchement bien que
ne s'y annule pas). Pour les zéros triviaux, une coupure est pratiquée sur les segments [ − 4n − 4; − 4n − 6[ pour tout
. Pour les autres zéros, encore hypothétiques, de la forme β + iγ avec
, ils sont répartis symétriquement par rapport à l'axe
. On pratique donc également une coupure parallèle à l'axe réel en reliant les deux zéros symétriques par rapport à l'axe
. Pour les zéros de l'axe
, la coupure pratiquée relie le point à l'infini au zéro considéré par une ligne parallèle à l'axe réel. Ce faisant, la fonction
est alors uniforme sur le domaine coupé.
Le choix effectué donne
Représentation de 1/ζ et fonction M de Mertens
La fonction
est étudiée conjointement avec la fonction
. On a une représentation par une série de Dirichlet sous la formule vue plus haut :
L'application de la formule sommatoire d'Abel donne également
avec
Cette formule est valable pour
1" border="0">. On conjecture (hypothèse de Riemann) que l'intégrale converge et que la relation reste vraie pour
textstyle\frac{1}{2}" border="0"> (
).
On sait qu'elle est également valable pour
avec
.
La théorie de M est très obscure et cela probablement pour longtemps. On ne sait que démontrer l'estimation suivante:
Une autre conjecture est l'hypothèse de Mertens généralisée qui affirme que :
, c'est à dire que
pour une certaine constante A (voir plus bas). On sait qu'elle entraîne la conjecture de Riemann.
Que devient la série de Dirichlet sur l'axe Re(s) = 1 ?
La théorie des séries de Dirichlet montre, par le lemme d'Abel, que si la série converge en un point s0, elle converge pour tout s pour lequel
Re(s_0)" border="0">. Le domaine de convergence est donc un demi-plan. Pour la série de Riemann, la série converge sur le demi-plan
1" border="0"> par suite du pôle en 1 (théorème de Dirichlet).
La série de Dirichlet converge-t-elle en dehors de 1, sur
? La réponse est non. On a en effet (
0" border="0">)
L'intégrale est
et le dernier terme se majore par
Ces deux termes tendent donc vers 0 quand N tend vers l'infini. Pour l'avant-dernier terme on a
et il en résulte que lorsque N tend vers l'infini, ce terme prend des oscillations de plus en plus importantes si 0 < σ < 1: la série de Dirichlet diverge.
Pour s = 1 + it, le terme devient
Il ne tend pas vers 0 : la série diverge mais ses oscillations restent bornées par 1 / t.
Pour les séries de Dirichlet de
,
et
, l'application de la deuxième formule de Perron montre que les deux dernières séries convergent sur l'axe 1 en dehors de s=1 tandis que la première ne converge pas sur l'axe 1.
Estimation de la fonction dans les diverses régions du plan
Presque périodicité
La fonction
est presque périodique au sens de Bohr dans la région
1" border="0">. Il en est de même de ses dérivées. La fonction
est également presque périodique sur
1" border="0"> ainsi que ses dérivées. Par contre sur l'axe 1, la presque périodicité de Bohr cède sa place à la presque périodicité B2, au sens de Besicovitch.
La presque périodicité au sens de Bohr, sur la ligne
, signifie qu'à ε près, la fonction se répète indéfiniment dans des intervalles de longueur
. Évidemment, plus ε est petit, plus
est grand.
Estimations dans la région Re(s) > 1
Dans le demi-plan
sigma_0>1" border="0"> la fonction
est bornée. Ses valeurs satisfont à l'inégalité
Elle n'a donc aucun zéro dans le demi-plan
1" border="0">.
Ces deux bornes sont les meilleures possibles: on montre, pour chaque valeur, qu'il existe une suite de t tendant vers l'infini ayant cette valeurs pour limite de la suite ζ(σ + it).
Charles-Jean de La Vallée Poussin démontra que pour σ > 1, on a
Une estimation, souvent utile, est donnée par la formule suivante pour les valeurs réelles de s supérieures à 1
Elle résulte de la formule issue de la formule sommatoire d'Abel déjà donnée en remarquant que l'intégrale est toujours positive et affectée du signe -.
Estimations sur Re(s) = 1
La fonction
est presque périodique sur le demi plan
1" border="0">. Elle y est donc bornée sur tout demi-plan fermé strictement inclus. La présence du pôle en 1 empêche toute extension de la presque périodicité au sens de Bohr à un demi-plan plus vaste. Il est donc important de connaître le comportement de la fonction sur l'axe 1.
La méthode de Vinogradov-Korobov sur les majorations des sommes d'exponentielles permet de montrer que l'on a, pour tout t, l'inégalité
On connait, sans aucune hypothèse, une minoration de l'ordre des fonctions ζ(1 + it) et 1 / ζ(1 + it). On a en effet (γ = 0,577... est la constante d'Euler—Mascheroni)
et
La fonction n'est donc pas bornée sur l'axe 1, même en dehors du voisinage de 1.
On connait, sous l'hypothèse de Riemann, l'ordre exact des fonctions
et
On a en effet (γ = 0,577... est la constante d'Euler)
et
Estimations sur Re(s) = 0
Utilisant la formule des compléments et la relation fonctionnelle, on trouve pour t non nul
et de ce fait
Estimations dans la région Re(s) < 0
L'application de l'équation fonctionnelle et de la formule de Stirling, et le comportement asymptotique de sin(σ + it) permet de montrer que
pour σ < 0.
Estimation dans la bande critique
On peut estimer, uniformément dans la bande critique,
par la formule
De la méthode de Vinogradov-Korobov on déduit la majoration suivante : il existe deux constantes c et C strictement positives telles que pour tout
et t > 3 , on ait
Dans l'état actuel des connaissances, d'après Ford[7], on peut prendre C = 76,2 et c = 4,45. La relation fonctionnelle permet d'estimer le module dans la bande
Le théorème de Valiron
Quand on regarde les applications arithmétiques de la fonction
, on est frappé par l'usage quasi systématique des fonctions
,
, ou
mais la fonction
elle même apparaît rarement au numérateur. Comme la région importante est la bande critique
, il est important de pouvoir traverser cette bande. Or la présence éventuelle de zéros sur le chemin complique singulièrement les calculs et les estimations. Le résultat suivant sert essentiellement à majorer la fonction
sur des chemins bien répartis.
Dans sa thèse soutenue en 1914, Georges Valiron a montré qu'il existait une infinité de valeurs de t dans tout intervalle [T,T + 1] pour lesquelles on avait la minoration
pour un certain δ fixe strictement positif.
On ne connaît aucune valeur de δ qui convient. On sait seulement que
. Sous l'hypothèse de Riemann, on peut prendre δ aussi petit qu'on veut.
La relation fonctionnelle approchée
Comme on a vu dans la partie #Estimation dans la bande critique, il est possible de calculer la fonction
dans la bande critique en utilisant une somme partielle de la série de Dirichlet. La relation fonctionnelle se traduit alors dans une relation approchée reliant les séries de Dirichlet partielles pour les exposants s et 1 − s. C'est la relation fonctionnelle approchée:
Pour 0 < σ < 1 et 2πxy = t avec x > h > 0, y > h > 0, on a
avec
On peut, avec elle, obtenir une première estimation de
, l'objectif étant de démontrer l'hypothèse de Lindelöf (voir plus loin).
Les zéros
Les zéros triviaux
Par la relation fonctionnelle, il apparaît que la fonction
s'annule pour tous les entiers de la forme − 2n, (n > 0) par suite du facteur
, mais pas en s=0 par suite du facteur
. Ces zéros sont appelés les zéros triviaux.
La relation fonctionnelle permet de plus de montrer que chacun de ces zéros est simple puisque la valeur de la dérivée en − 2k est :
Les zéros non triviaux
Il existe d'autres zéros. On obtient de la relation fonctionnelle que la fonction
admet une infinité de zéros dans la bande
Pour cela, on remarque que la fonction
vérifie
On en déduit que la fonction
est paire. On montre que les deux fonctions
et Ξ sont deux fonctions entières d'ordre 1 et, comme Ξ(s) est paire, la fonction
est une fonction entière d'ordre
: elle admet donc, d'après la théorie générale des fonctions entières, une infinité de zéros. Ces zéros se traduisent par une infinité de zéros de
dans la bande
On ignore pour l'instant si l'hypothèse de Riemann (voir plus bas), qui affirme que tous ces zéros sont de partie réelle
, est vraie.
Premiers zéros sur la droite critique ± k Partie imaginaire de ρk 1 ± 14,134 725 141 734 693 790… 2 ± 21,022 039 638 771 554 993… 3 ± 25,010 857 580 145 688 763… 4 ± 30,424 876 125 859 513 210… Représentation sous forme de produit de facteurs primaires (produit de Hadamard)
D'après le théorème de factorisation de Hadamard pour une fonction méromorphe, toute fonction méromorphe s'écrit sous forme de produit de facteurs dits primaires dans lesquels apparaissent les zéros et les pôles de la fonction. La représentation sous cette forme pour
prend la forme
où le produit s'effectue sur les zéros ρ de
et γ est la constante d'Euler-Mascheroni.
Expressions de ζ'/ζ en fonction des zéros triviaux et non triviaux
Indépendamment de l'expression en fonction des facteurs primaires de Weierstrass, la valeur
peut se calculer en fonction des zéros non triviaux les plus proches du point s = σ + it. On démontre que seuls les zéros à une distance de t inférieure à 1 interviennent vraiment. Le reste s'exprime dans la notation « de Landau » .
Il faut faire attention au fait que les expressions faisant intervenir une somme sur les zéros ρ = β + iγ ne sont généralement pas commutativement convergentes et que l'ordre de sommation intervient : on somme symétriquement par rapport à
.
La première expression intéressante, déduite du produit de Hadamard précédent, est :
La somme s'effectue sur les zéros ρ de
et γ est la constante d'Euler-Mascheroni
On en déduit :
Cette formule montre alors, sans l'hypothèse de Riemann,
Avec l'hypothèse de Riemann, la sommation peut être considérablement diminuée. On a
La bande critique et l'hypothèse de Riemann
La série des points blancs marque les points où la fonction zêta s'annule.On appelle bande critique la bande
. Il existe donc une infinité de zéros dans la bande critique mais, actuellement, on ne sait pas exactement où. L'hypothèse de Riemann affirme qu'ils sont tous de partie réelle
. On a vérifié numériquement sur plus de 1 500 000 000 zéros que leur partie réelle était bien
(voir l'article détaillé hypothèse de Riemann pour une explication du fait qu'il ne s'agit pas d'une estimation approchée de cette partie réelle, mais bien d'une démonstration, sans aucune incertitude numérique).
Il a été démontré que l'axe
en avait une infinité, dont les 2/5 au moins sont simples. On sait également que la proportion des zéros de la forme β + iγ en dehors de l'axe
et tels que | γ | < T tend vers 0 quand T tend vers l'infini, cette proportion décroissant également à mesure que β s'écarte de
.
On appelle traditionnellement N(T) le nombre de zéros de la fonction
de Riemann dans le rectangle vertical décrit par sa diagonale ]0;1 + iT[. On pose également N0(T) pour le nombre de zéros se trouvant sur le segment
. On a alors les estimations suivantes :
DémonstrationOn part de
pour laquelle on sait qu'on a d'après la relation fonctionnelle ξ(s) = ξ(1 − s).
Le nombre de zéros de ξ(s) est le même que celui de ζ(s) dans le rectangle défini par les sommets opposés 0 et 1+iT, soit N(T). En effet, la fonction
ne s'annule pas dans la bande verticale ]0,1[, celle-ci n'ayant que les zéros réels s=0 et s=1 (elle admet une infinité de pôles réels pour les
-entiers négatifs par la fonction gamma.)
Si T n'es pas l'ordonnée d'un zéro, 2πN(T) est égal à la variation de l'argument de ξ(s) le long du rectangle, conformément au principe de l'argument.
Or, ξ(s) est réelle pour t=0 et également pour
D'où, de sorte que la variation totale autour du rectangle est 2 fois la variation autour de la moitié en partant de s=2. Donc πN(T) est égal la variation d'argument entre 2 et 2+iT et de 2+iT à
+iT le long des droites.
Comme , on a en utilisant la formule de Stirling complexe, Car la partie réelle de ζ(s) ne s'annulant pas sur l'axe σ = 2 puisque0" border="0">, la variation de l'argument de ζ(s) entre 2 et 2+iT est inférieure à π / 2.
Il reste à montrer que le dernier terme est O(ln T).
Si
s'annule q fois entre 2+iT et
+iT, cet intervalle est divisé en q+1 parties à travers lesquelles
ne prend qu'un signe, soit + soit -. Donc dans chaque partie la variation de l'argument de ζ(s) n'excède pas π. et ainsi la variation totale de l'argument est inférieure à (q + 3 / 2)π. Il reste à évaluer q.
Or q est le nombre de zéros de
pour
, et donc q est nécessairement inférieur au nombre de zéros de f(z) dans |z-2| ≤ 3/2. On applique alors la formule de Jensen:
« Soit f une fonction analytique dans le disque
contenant les zéros
. Alors
»qui donne
où 3/2 < r < 2 et parce que ζ(s) = O(t1 − σ), le membre de droite est inférieur à A ln T.
D'où le résultat annoncé.
Ces estimations permettent de donner une estimation asymptotique pour le zéro de rang n, βn + iγn sous la forme
Cette formule montre d'une part que l'ordre m(ρ) de chaque zéro ρ est majoré par
et d'autre part que la distance entre deux zéros tend vers 0. On a en effet
Pour les zéros de la droite critique, on sait qu'il existe une constante C telle que, pour tout
on a
On ne connaît pas la valeur exacte de la constante C mais Conrey a démontré en 1989 que
Autrement dit, plus de deux cinquièmes des zéros de
sont sur la droite critique
.
La fonction S(T)
Une analyse plus fine de la fonction N(T) montre qu'on a
où la fonction S(T) est définie par
les arguments étant définis par variation continue depuis la valeur 0 prise en un point réel strictement supérieur à 1, le long d'un chemin menant au point considéré et composé de deux segments, l'un vertical depuis le point réel, l'autre horizontal jusqu'au point voulu.
La formule de Stirling complexe donne alors
On connaît relativement peu de chose sur S(T) sans aucune hypothèse. On a l'estimation
déjà ancienne et qu'on n'arrive pas à améliorer.
Sous l'hypothèse de Riemann, on a
Dans les recherches sur S(T), on a réussi à avoir quelques précisions supplémentaires sur le comportement de S(T) qui reste mystérieux:
dont on déduit que la moyenne de S(T) est égale à zéro.
Cependant Selberg a montré que S(T) était minoré par une quantité tendant vers l'infini pour une infinité de valeurs de T. Sur ces valeurs de T, on a
A (\ln T)^{1/3}(\ln \ln T)^{-7/3}\;" border="0">.
Selberg a également montré que
qui montre que la moyenne de S2(T) sur [0,T] est
.
Edward Charles Titchmarsh a montré d'autre part que S(T) changeait de signes une infinité de fois.
La région sans zéro
La plus grande région connue qui ne contient aucun zéro de la fonction
est donnée asymptotiquement par la formule suivante[8],[9] :
1 - \frac{c}{(\ln t)^{2/3}(\ln \ln t)^{1/3}}" border="0">
Les grandes conjectures
L'hypothèse de Riemann
Cette hypothèse reste pour l'instant non démontrée. Elle exprime que tous les zéros qui se trouvent dans la bande critique sont de partie réelle égale à
. Elle ne dit rien sur la multiplicité des zéros.
Cette hypothèse, formulée dès 1859 par Bernhard Riemann, a de très grandes conséquences dans le comportement asymptotique de nombreuses fonctions arithmétiques qui se trouvent liées à
.
Les conséquences sur le comportement de la fonction
sont nombreuses. On en donne quelques unes dans ce qui suit.
Conséquences de l'hypothèse de Riemann sur la croissance de la fonction zêta
L'hypothèse de Riemann entraine que l'on a δ = 0 dans le théorème de Valiron. En fait, on montre bien mieux, la fonction
étant analytique régulière dans le demi-plan
textstyle\frac{1}{2}." border="0">
Sous l'hypothèse de Riemann, on a, uniformément pour tout σ tel que
et même plus précisément, si l'on suppose
, on a
De cela on déduit, pour tout
textstyle\frac{1}{2}" border="0">, car l'exposant dans la formule précédente est inférieur à 1,
Autrement dit, l'hypothèse de Riemann implique l'hypothèse de Lindelöf (voir plus bas).
Il en résulte également l'estimation
On peut développer, sous l'hypothèse de Riemann, une théorie voisine de celle de la fonction μ(σ) qui concerne ζ (voir plus bas).
En supposant
textstyle\frac{1}{2}" border="0"> et appelant ν(σ) le plus petit exposant α pour lequel on a
, on montre que ν(σ) est une fonction convexe décroissante de σ satisfaisant aux inégalités
On montre aussi que la fonction ν(σ) de
est la même fonction ν(σ) que celle de
Mais on ignore encore la valeur de ν(σ) pour tout
Pour
, ν(σ) = 0.
L'hypothèse de Riemann et les zéros de la dérivée
La question de la position des zéros de la dérivée
est liée également à l'hypothèse de Riemann. Littlewood a démontré le théorème
« Ou bien la fonction
ou bien la fonction
a une infinité de zéros dans la bande 1 − δ < σ < 1, δ étant une quantité positive arbitrairement petite. »
et Speiser a démontré que
« L'hypothèse de Riemann est équivalente à l'absence de zéro non trivial de la dérivée
dans le demi-plan
. »
De même, Yildirim[10] a démontré que
« L'hypothèse de Riemann implique que
et
ne s'annulent pas dans la bande
»
La théorie de la fonction mu
On utilise ici les résultats vus plus haut dans la partie #Estimation de la fonction dans les diverses régions du plan.
L'estimation de
dans la partie
montre que la fonction
est d'ordre fini : elle est majorée par une puissance de
Dans la région
sigma_0>1" border="0">, la majoration est celle d'une constante.
La théorie des séries de Dirichlet montre que dans la bande critique, la fonction est encore d'ordre fini sauf en s = 1. La question qui se pose alors est celle de l'estimation de cet exposant. On appelle traditionnellement μ(σ) le plus petit exposant μ tel que
La théorie générale montre que la fonction μ est une fonction convexe décroissante de σ.
On a de plus :
pour σ < 0 et
pour σ > 1.
- La propriété de convexité impose, dans la bande critique,
mais on ignore la valeur exacte de μ(σ) pour 0 < σ < 1.
La convexité donne
La relation fonctionnelle approchée (voir plus haut) donne :
On sait que
d'après Kolesnik.
L'hypothèse de Lindelöf et l'hypothèse de densité
La conjecture de Lindelöf s'exprime dans la propriété, encore conjecturale, suivante :
pour tout ε > 0 on a
Cela a en autre pour conséquence immédiate que
. On connaît alors la valeur exacte de la fonction μ. Le graphe de μ est composé des deux seules demi-droites indiquées, qui se rejoignent en
à la valeur 0.
Cette hypothèse a de nombreuses formulations équivalentes intéressantes. En voici deux :
- Pour tout
, on a
- Pour tout
, et tout
textstyle\frac{1}{2}" border="0"> on a
L'hypothèse de Lindelöf a pour conséquence la raréfaction des zéros à mesure qu'on s'écarte de l'axe
. Cette dernière propriété est appelée hypothèse de densité quand on la considère par elle-même. Appelant N(σ,T) le nombre de zéros sur la droite
et dont la partie imaginaire reste inférieure ou égale à T, on a, sous l'hypothèse de Lindelöf,
Par contre, on ignore si l'hypothèse de Lindelöf, qui a comme on vient de voir une influence sur la position des zéros, implique ou non l'hypothèse de Riemann.
Les hypothèses de Mertens
Sur une table numérique allant jusqu'à 10 000 de la fonction de Mertens M(x), Mertens en 1897 conjectura que l'on a
Cette conjecture a été réfutée en 1985 par Odlysko et Te Riele. Cependant, la conjecture généralisée de Mertens, qui s'exprime sous la forme
pour un certain A > 1, n'est pas réfutée.
Une troisième formulation est la forme affaiblie:
La forme généralisée implique la forme affaiblie. La forme affaiblie implique l'hypothèse de Riemann (et donc l'hypothèse de Lindelöf) et la simplicité des zéros.
La conjecture des paires corrélées
La conjecture (faible) des paires corrélées exprime que, pour un nombre α > 0,
Cette dernière conjecture fait le lien avec la théorie des matrices aléatoires.
La conjecture de Hilbert-Polya
Hilbert et Polya ont suggéré que la conjecture de Riemann serait démontrée si l'on pouvait trouver un opérateur hermitien
dont les valeurs propres (nécessairement réelles) soient exactement les parties imaginaires Ek des zéros non triviaux :
Un tel opérateur hermitien n'a pas encore été trouvé explicitement à ce jour. Néanmoins, cette équation aux valeurs propres suggère un lien avec un problème de mécanique quantique non relativiste qui est précisé dans le paragraphe suivant.
Propriétés statistiques des zéros non triviaux et chaos quantique
Les propriétés statistiques des zéros non triviaux de la fonction
ressemblent asymptotiquement à celle des valeurs propres d'un grand ensemble de matrices aléatoires unitaires gaussiennes de l'ensemble GUE. Cette conjecture est basée sur de nombreux résultats numériques, et fortement supportée par un théorème rigoureux de Montgomery[11]. Ceci a conduit le physicien théoricien Michael Berry à conjecturer que les parties imaginaires Ek des zéros non triviaux pouvaient s'interpréter comme les valeurs propres d'un opérateur hamiltonien décrivant un système quantique non relativiste qui serait classiquement chaotique, et dont les orbites classiques ne possèdent pas la symétrie de renversement du temps[12],[13],[14]. Mieux, un opérateur hamiltonien semblant posséder les bonnes propriétés a été récemment exhibé par Berry et Keating[15],[16].
Les propriétés statistiques des zéros non triviaux continuent d'être l'objet d'intenses recherches, tant numériques qu'analytiques[17]. On pourra lire également : Philippe Biane ; La fonction zêta de Riemann et les probabilités, Journées X-UPS (2003), texte au format pdf.
Le problème des moments
Malgré quelques progrès, on n'a pas réussi à résoudre la question de l'ordre de
dans la bande critique. Le problème de l'ordre moyen est lui, partiellement résolu. Il prend la forme de l'estimation de l'expression
Cette estimation est donnée par un théorème général sur les séries de Dirichlet:
« Soient
et
deux séries de Dirichlet absolument convergentes, la première pour
sigma_0" border="0"> et la seconde pour
sigma_1" border="0">.
Alors, pour α > σ0 et β > σ0, on a
»
En l'appliquant à la fonction
, on trouve immédiatement, pour σ > 1
et
On a donc cherché à étendre ces formules pour
.
Le problème général des moments est donc l'évaluation des intégrales dépendantes de k, pour
Les résultats, désormais classiques, sont les suivants:
- Pour le moment d'ordre 2 en
- Pour le moment d'ordre 2 en
textstyle\frac{1}{2}" border="0">
- Pour le moment d'ordre 4 en
- Pour le moment d'ordre 4 en
textstyle\frac{1}{2}" border="0">
Carlson a montré que, si l'on appelle σk la borne inférieure des σ pour lesquels on a
, alors
pour 0 < α < 1. La quantité μk(α) étant l'équivalent de la fonction μ de
pour la fonction ζk.
Les moments d'ordre supérieur à 4 font encore l'objet d'intenses recherches. On sait qu'il existe une constante C(k) telle que
pour
et on conjecture qu'il en est ainsi pour les k supérieurs à 6, en particulier 8.
L'importance du problème des moments est liée à l'hypothèse de Lindelöf (voir plus haut).
Applications diverses
Régularisation Zêta
Par l'intermédiaire de la fonction
de Riemann, on a développé une méthode de régularisation des suites divergentes qui a trouvé des applications en physique, notamment dans l'effet Casimir.
Calcul d'intégrales
Outre celles déjà données précédemment, on a, pour
0" border="0">, sous réserve de ce qui a été dit pour le prolongement par la fonction eta de Dirichlet pour les points s = 1 + 2ikπ / ln(2),
Ou encore plus simplement pour
1" border="0">:
Et :
Développement en série entière
Une formule due à Legendre donne pour |t|<1
Suites de Farey
Fonction de comptage des nombres premiers
La fonction de comptage des nombres premiers est définie par
La non annulation de la fonction
sur
a pour conséquence la véracité de la conjecture de Legendre-Gauss
La région sans zéro permet ensuite de majorer le reste:
Ce qui est encore bien loin de ce qu'on sait démontrer si l'hypothèse de Riemann est vraie
Le nombre premier de rang n
Grâce à une étude numérique de la fonction
, Rosser et Schoenfeld ont montré que
La borne inférieure a été améliorée par Dusart en 1999 qui montra, pour n >1,
Historique
Notes et références
- On trouvera par exemple quatorze démonstrations (en anglais) de la valeur ζ(2) = π2 / 6 sur le site de Robin Chapman (en)
- Voir Gérald Tenenbaum, Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres, Ed. Belin, 2008, page 253 ; P. Cartier, « An Introduction to Zeta-Functions », in M. Waldschmidt, P. Moussa, J.-M. Luck, C. Itzykson (de) (éds.), From Number Theory to Physics [détail des éditions] , p. 5-12, et surtout 11-12, suivi ici.
- Widder, The Laplace transforms, p230.
- Il existe d'autres démonstrations: on peut par exemple montrer que la série est en fait convergente pour
0" border="0"> en appliquant la formule de Cahen pour l'abscisse de convergence simple, les sommes partielles des coefficients ne prenant que l'une des trois valeurs 0, 1, 2. On peut aussi effectuer sur la série un regroupement des termes de la forme
en laissant le terme négatif à part. Ce faisant, la série est alors une série alternée dont les termes sont décroissants (cela se montre facilement car on a 3n-2 < 3n-1 < 3n < 3n+1 < 3n+2 donc
textstyle\frac{2}{3n}" border="0"> d'une part et
textstyle\frac{1}{3n+1} + \textstyle\frac{1}{3n+2}" border="0"> d'autre part) et qui converge donc par application du critère des séries alternées pour s réel. On montre facilement que la série ne converge pas en 0 car ses sommes partielles ne tendent pas vers 0.
- Matsuoka,Generalized Euler Constants Associated with the Riemann Zeta Function.,Number Theory and Combinatorics,p279-295,World Scientific,1985
- Gerald Tenenbaum, Introduction à la théorie analytique et probabliste des nombres, éd. Belin, 2008, pp. 233-234.
- Ford, Vinogradov's integral and bounds for the Riemann zeta Function,Proceedings of the London Mathematical Society, 2002, T85,p565-633
- Vinogradov,A new estimate for | ζ(1 + it) | , Izv. Akad. Nauk SSSR Ser Math. T22,1958, p161-164.
- Titchmarsh, The theory of the Riemann's zeta-function, 2e édition, 1986, p135
- Yildirim, A note on Zeta(s) and Zeta'(s), Proceedings of the american mathematical society, V124 N°8, août 1996
- H. L. Montgomery, The pair correlation of zeros of the zeta function, Analytic number theory (Proceedings of Symposium in Pure Mathemathics, Vol. 24 (St. Louis Univ., St. Louis, Mo., 1972), American Mathematical Society (Providence, R.I., 1973), pp. 181–193.
- Michael V. Berry ; Riemann's zeta function : a model for quantum chaos?, dans : T H Seligman and H Nishioka (eds.) ; Quantum chaos and statistical nuclear physics, Springer Lecture Notes in Physics No. 263, Springer-Verlag (1986) 1-17. Texte complet disponible au format pdf.
- Michael V. Berry ; Semiclassical formula for the number variance of the Riemann zeros, Nonlinearity 1 (1988) 399-407. Texte complet disponible au format pdf.
- Michael V. Berry ; Quantum mechanics, chaos and the Riemann zeros, dans : A O Barut, I D Feranchuk, Ya M Shnir and L M Tomil ‘chik (eds.) ; Quantum systems : new trends and methods, World Scientifc (1995) 387-392. Texte complet disponible au format pdf.
- Michael V. Berry & Jonathan P. Keating ; H = xp and the Riemann zeros, dans : I V Lerner et J P Keating (eds.) ; Supersymmetry and trace formulae : chaos and disorder, Plenum Press (New York — 1999), 355-367. Texte complet disponible au format pdf.
- Michael V. Berry & Jonathan P. Keating ; The Riemann Zeros and Eigenvalue Asymptotics, SIAM Review 41 (1999), 236-266. Texte complet disponible au format pdf.
- Propriétés statistiques de la fonction zêta :
- Eugene B Bogomolny & Jonathan P. Keating ; Random matrix theory and the Riemann zeros I : three- and four-point correlations, Nonlinearity 8 (1995) 1115-1131.
- Eugene B Bogomolny & Jonathan P. Keating ; Random matrix theory and the Riemann zeros II : n-point correlations, Nonlinearity 9 (1996), 911-935.
- Oriol Bohigas, Patricio Lebœuf et M.-J. Sanchez ; Spectral spacing correlations for chaotic and disordered systems, Foundations of Physics 31 (2001) 489-517. Texte complet disponible sur l'ArXiv : nlin.CD/0012049.
- Francesco Mezzadri ; Random matrix theory and the zeros of zeta'(s), Journal of Physics A : Mathematical ans General Vol. 36 (2003), 2945-2962. Texte complet disponible sur l'ArXiv : math-ph/0207044.
- Jonathan P. Keating ; Random matrices and the Riemann zeta-function – a review, Applied Mathematics Entering the 21st Century : Invited Talks from the ICIAM 2003 Congress ; editors, James M. Hill and Ross Moore (SIAM) (2004), 210-225.
- Eugene Bogomolny, Oriol Bohigas, Patricio Lebœuf & A. G. Monastra ; On the spacing distribution of the Riemann zeros : corrections to the asymptotic result, math/0602270.
Bibliographie
Traités généraux
- Livres en français
- Blanchard ; Introduction à la théorie analytique des nombres
- Jean-Benoît Bost, Pierre Colmez et Philippe Biane ; La Fonction Zêta, Éditions de l'École polytechnique (Paris — 2002), ISBN 2-7302-1011-3.
Suite d'articles sur différents points de la théorie analytique des nombres et de la fonction zêta. N'est pas destiné à une étude systématique de la fonction zêta de Riemann, en ligne Bost[http://www.math.polytechnique.fr/xups/xups02-02.pdf ColmezBiane sous forme pdf.
- Pierre Colmez, Eléments d'analyse et d'algèbre (et de théorie des nombres), Editions de l'Ecole Polytechnique, 2009.
On y trouvera en particulier une démonstration du théorème des nombres premiers et de celui de la progression arithmétique.
- Ellison et Mendès France, Les nombres premiers, Hermann, Paris, 1975, ISBN 2-7056-1366-8.
Malgré son titre, il s'agit essentiellement de l'étude de la fonction zêta de Riemann. On y trouvera aussi une preuve élémentaire du théorème de Hadamard-De La Vallée Poussin, une preuve du théorème de Dirichlet et la démonstration de la région sans zéro de Vinogradov-Korobov. À lire pour commencer. Il a aussi l'avantage d'être en français.
- Jean Favard, Leçons sur les fonctions presque-périodiques, Gauthier-Villars, Paris, 1933.
pour comprendre la théorie de Bohr des séries de Dirichlet dont la fonction zêta fait partie puisqu'elle est presque périodique au sens de Bohr dans le demi-plan à droit du pôle 1.
- Gérald Tenenbaum ; Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres, Belin (3e édition augmentée — 2008), ISBN 978-2-7011-4750-5.
- Livres en anglais
- Eberhard Freitag (de) et Rolf Busam : Complex Analysis, Springer, (2e édition — 2009), ISBN 978-3-540-25724-0
la théorie analytique des nombres, de la définition des nombres complexes aux formes modulaires en passant par zeta.
- Aleksandar Ivic ; The Riemann Zeta-Function, John Wiley & Sons, 1985, ISBN 0-471-80634-X
Concurrent du traité de Titchmarsh, un peu plus récent.
- Karatsuba, Basic analytic number theory, Springer-Verlag, 1993, ISBN 0-387-53345-1 (très bon traité)
- E. C. Titchmarsh et D. R. Heath-Brown ; The Theory of the Riemann Zeta-Function, Oxford University Press (2e édition — 1987), ISBN 0-19-853369-1.
La bible sur la fonction zêta jusqu'à une époque récente, disons 1990. Reste irremplaçable sur certains sujets. La première édition de 1951 n'a pas beaucoup été complétée par la seconde de 1986. Heath-Brown s'est contenté d'indiquer pour chaque chapitre l'état des connaissances en 1986 sans démonstration en deux ou trois pages.
- S. J. Patterson ; An Introduction to the Theory of the Riemann Zeta-Function, Cambridge Studies in Advanced Mathematics (No. 14), Cambridge University Press (1995), ISBN 0-521-49905-4.
Articles de revue
- Nicholas M. Katz & Peter Sarnak ; Zeroes of zeta functions and symmetry, Bulletin of the American Mathematical Society 36 (1999), 1-26. Texte disponible en ligne.
- Philippe Biane, Jim Pitman & Marc Yor ; Probability laws related to the Jacobi theta and Riemann zeta functions, and Brownian excursions, Bulletin of the American Mathematical Society 38 (2001), 435-465. Texte disponible en ligne.
- Stephen S. Gelbart & Stephen D. Miller ; Riemann's zeta function and beyond, Bulletin of the American Mathematical Society 41(1) (2004), 59-112. Texte disponible en ligne.
Voir aussi
Articles connexes
- Histoire de la fonction zêta de Riemann
- Chaos quantique
- Théorie quantique des champs
- Série de Dirichlet
- Formule sommatoire d'Abel
- Fonction presque périodique
- Fonction zêta locale
- Conjecture de Selberg (en)
- Conjectures de Hardy et Littlewood sur la fonction zêta (en)
Liens externes
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