- Variable (mathématiques)
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En mathématiques et en logique, une variable est un symbole utilisé pour marquer un rôle dans un prédicat, une formule ou un algorithme.
Sommaire
Notion intuitive de variable
Les Babyloniens ne connaissaient que les nombres et les opérations sur eux, comment faisaient-ils pour expliquer comment calculer[1] la longueur et la largeur d'une citerne dont ils connaissaient le volume, la hauteur et la différence entre la longueur et largeur? Ils décrivaient la méthode de calcul (l'algorithme) sur des exemples et reproduisaient plusieurs exemples pour que l'apprenant assimile la méthode. Aujourd'hui cela serait diffèrent : nous donnerions des formules avec, à la place des données et des résultats, des valeurs fictives que nous remplacerions par des lettres (ou des noms faits de plusieurs lettres). Dans ce que nous venons de dire, outre le mot « variable », les mots clés sont « lettre » ou « nom », « remplacement » et « expression ». Une variable est donc quelque chose[2] qui est décrit par une lettre ou un nom, qui apparaît dans une expression et que l'on peut remplacer par une valeur, par exemple par un nombre, qui peut exprimer une hauteur ou un volume. Remplacer veut dire que l'on enlève la lettre ou le nom de là où elle se trouve dans l'expression et que l'on met au même endroit une valeur. Dans l'exemple qui nous intéresse, si vol est le volume, h est la hauteur, et d est la différence entre la longueur L et la largeur l, on a
Nous pouvons remplacer d par 6, vol par 14, h par 2 et nous obtenons:
c'est-à-dire L=7 (la longueur est 7) et l=1 (la largeur est 1).
Dans le cas général, une variable peut marquer la place d'un nombre entier, d'un nombre réel, d'un point du plan ou de l'espace, d'une fonction, d'un ensemble etc. bref de tout objet mathématique.
La variable varie-t-elle ? La réponse est non, du moins ce n'est pas l'interprétation que nous devons avoir d'une variable. Considérons par exemple, une voiture qui se déplace sur une route rectiligne à la vitesse de 50 km/h. On note x sa distance parcourue en km par rapport à un poteau P, situé sur le bord de la route et t le temps écoulé en heures à partir de l'instant où elle passe devant le poteau. Il ne faut pas imaginer que la variable x varie au cours du temps, et change en fonction de t, mais que x décrit la position de la voiture par rapport au poteau, et de façon intemporelle. De même t marque une notion générale de temps écoulé et ne doit pas être considéré comme représentant ce qu'indique une horloge mise en marche dès que la voiture passe devant le poteau. Maintenant, d'après l'énoncé les variables x et t sont liées par la relation x = 50.t, il apparaît donc que la variable x « dépend » de la variable t et que x « varie en fonction » de t. Cette remarque peut laisser croire que finalement x variait bien au cours du temps, mais ce n'est pas le cas. Il est indispensable de rappeler la relation et dire que si t prend une certaine valeur, alors comme x = 50.t, x prend une valeur 50 fois supérieure - dans le contexte du système d'unités choisi - ce qui est tout à fait logique. Par exemple, si on suppose que t = 1, la relation x = 50.t étant vérifiée, alors x = 50, donc la voiture aura parcouru 50 km au bout d'une heure. La phrase « x est fonction de t » signifie qu'il existe une fonction f telle que x = f(t) dans les conditions supposées. Cette fonction n'est autre que celle qui à tout nombre u associe 50.u. Une variable prend ses valeurs parmi les éléments d'un certain ensemble, mais les conditions d'un problème peuvent lier plusieurs variables les unes aux autres par des relations.
Si ce ne sont pas les variables qui varient alors les fonctions varient-elles ? Non, puisqu'une fonction en tant qu'objet mathématique associe invariablement à un nombre donné une valeur toujours déterminée de la même manière. Considérons par exemple la fonction f : x → 5x + 2 et a un nombre réel. L'image de a par f, notée f(a), représente la valeur prise par f en le réel a soit 5a + 2. La fonction exprime une relation immuable entre f(a) et a.
Variable libre et variable liée
En mathématiques une variable est dite :
- libre si elle est remplaçable par le nom d'un objet appartenant à un ensemble donné ; ainsi dans la formule ouverte « 4x2 + x - 3 = 0 », la lettre « x » est une variable libre ; si x est remplacée par une constante a, l'expression « 4a2 + a - 3 = 0 » est un énoncé clos ou proposition.
- liée ou muette lorsqu'elle entre dans le champ d'un opérateur, en sorte que son rôle est seulement descriptif. Ainsi en est-il de x, k, i, et t respectivement dans les propositions suivantes :
0 \quad;\quad \sum_{k=1}^b k = \frac {b(b+1)}{2} \quad;\quad \prod_{i=1}^ {10} i = 3628800 \quad;\quad \pi = \int_0^\infty \frac{2}{1+t^2} \,dt\, " border="0">.
On dit que les opérateurs, respectivement ∀, ∑, ∏ et ∫, lient ces variables : ce sont des signes mutificateurs.
Les variables liées par un quantificateur universel ∀ traduisent l'universalité d'une propriété, c'est-à-dire le fait que la dite propriété est satisfaite par tous les objets d'un certain domaine.Par exemple, nous remarquons que
Alors nous pouvons conjecturer que:
- pour tout nombre x,
Si par un raisonnement cette affirmation est démontrée alors il sera possible de l'utiliser pour n'importe quel nombre donné. Pour démontrer ce théorème, il suffit de considérer une variable x représentant un nombre réel quelconque et de développer:
D'autre part nous savons que tout nombre réel élevé au carré est positif, donc . De plus en ajoutant de chaque côté de cette dernière inégalité , il vient
donc
- .
La propriété est donc universelle.
Les variables liées par un quantificateur existentiel ∃ traduisent l'existence d'objets vérifiant une certaine propriété.
Par exemple, le théorème suivant :
- deux droites non parallèles du plan se coupent en un point,
affirme qu'il existe un point appartenant à deux droites non parallèles, sans le donner par une formule.
Dans le cadre d'une démonstration, en partant de deux droites non parallèles on pourra utiliser le théorème et affirmer qu'il existe un point M commun à ces deux droites. En fait M est une variable représentant ce point et cette définition de la variable M, va nous permettre de travailler avec ce point.
Voyons encore un autre exemple. Admettons le théorème:
- tout nombre (réel) positif peut s'écrire comme un carré.
Considérons 2, on sait que 2 est positif, d'après le théorème il existe un nombre x tel que 2 = x2. Encore une fois x est une variable représentant un tel nombre (en fait il y en a deux). Maintenant, on peut utiliser x sans le connaître et calculer par exemple x4 − x2.
- x4 − x2 = (x2)2 − 2 = 22 − 2 = 2.
Variables mathématiques et variables informatiques
En mathématiques comme en informatique les variables symbolisent des objets et peuvent prendre des valeurs qui sont des éléments d'un certain ensemble.
Mais dans certains langages de programmation, les variables représentent des données qui varient au cours du temps et peuvent même prendre une valeur fonction de la valeur qu'elles avaient juste avant. Ces variables doivent impérativement prendre une valeur initiale avant l'exécution des instructions et leur contenu peut changer. Elles ont une conception totalement différentes des variables mathématiques.
Par contre dans les langages fonctionnels, les variables se rapprochent un peu plus des variables mathématiques. Mais par exemple, dans certains cas, il n'est pas toujours nécessaire d'indiquer le type des données qu'elles représentent, ce qui reviendrait en mathématiques à ne pas préciser l'ensemble auquel les variables que l'on considère appartiennent.
Histoire
Dans sa logistique spécieuse, François Viète ouvre la voie au formalisme en utilisant des lettres pour représenter les entités utilisées dans un problème mathématique.
Une mathématique sans variable
Le mathématicien Moses Schönfinkel a eu l'idée que l'on pouvait fonder les mathématiques sur une logique sans variable[3]. Il a créé pour cela un système formel que l'on appelle la logique combinatoire. Ce système a été repris et complété par Haskell Curry[4]. Un tel système n'a plus les complications de la substitution, mais en revanche, on y perd en lisibilité. En utilisant le calcul des relations Tarski et Givant ont aussi défini une mathématique sans variable.
Notes et références
- Extrait de la tablette BM85200 et VAT6599. Cette tablette est étudiée d'un point de vue algorithmique dans l'article de Donald E. Knuth: Ancient Babylonian Algorithms. Commun. ACM 15(7): 671-677 (1972), repris dans son livre Selected Papers on Computer Science, (Stanford, California: Center for the Study of Language and Information, 1996).
- Pour être précis nous dirions une entité syntaxique.
- Moses Schönfinkel, Uber die Bausteine der mathematischen Logik, Annals of Mathematics, 92, 1924, pp. 305-316. Trad. par G. Vandevelde, Sur les éléments de construction de la logique mathématique. Analyse et note par Jean-Pierre Ginisti, Mathématiques, informatique et Sciences Humaines (MISH), 112, hiver 1990, pp.5-26. Conférence donnée à Göttingen en 1920.
- Dans de nombreux textes depuis An analysis of logical substitution, The American Journal of Mathematics, 51, 1929, pp.363-384. Ouvrages de référence : Haskell Brooks Curry et alii, Combinatory logic 1, 1958 et Combinatory logic 2, 1972, Ed. North Holland. Voir aussi A mathematical logic without variables by John Barkley Rosser, Univ. Diss. Princeton, NJ 1934, p. 127-150, 328-355.
Voir aussi
Wikimedia Foundation. 2010.