Ferdinand Philippe d'Orléans (1810-1842)

Ferdinand Philippe d'Orléans (1810-1842)

Ferdinand-Philippe d'Orléans

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Portrait du duc d'Orléans, par Dominique Ingres, 1842.

Ferdinand - Philippe Louis Charles Éric Rosalino (Henri[1]) d'Orléans, né le 3 septembre 1810 à Palerme et mort le 13 juillet 1842 à Neuilly-sur-Seine, duc de Chartres puis (1830) duc d'Orléans et prince royal de France[2], était le fils aîné de Louis-Philippe Ier, roi des Français et de Marie Amélie de Bourbon, princesse des Deux-Siciles.

Sommaire

Biographie

Né à Palerme pendant l'exil de ses parents, il est prénommé Ferdinand, prénom inusité dans la maison d'Orléans, en hommage au roi de Sicile, Ferdinand Ier, son grand-père, et porte à sa naissance le titre de duc de Chartres[3].

Le jeune prince, qui a 3 ans au moment de la chute de Napoléon Ier, vient en France pour la première fois en 1814 et s'y installe définitivement en 1817. Son père le confie d’abord aux soins d'un précepteur, M. de Boismilon, puis il le place au collège Henri-IV en 1819, voulant qu’il reçoive une éducation libérale, sur le pied de la plus complète égalité avec les autres élèves. Parmi eux, Alfred de Musset, avec qui il se lie d'amitié. Il fait de brillantes études et suit les cours de l’École polytechnique. Après un voyage en Angleterre et en Écosse en 1819, il va rejoindre à Lunéville le 1er régiment de hussards, dont il vient d’être nommé colonel par Charles X (1824) et qui prend pour l'occasion la dénomination de Hussards de Chartres.

Un prince libéral et populaire

En 1830, il est en garnison à Joigny pendant les Trois Glorieuses. Il fait arborer la cocarde tricolore à son régiment, le 1er régiment de hussards (Hussards de Chartres) et l’amène en toute hâte au secours des Parisiens insurgés. Arrêté provisoirement à Montrouge, et bientôt relâché, il entre le 3 août dans Paris à la tête de ses hussards de Chartres.

Avec l'avènement de la monarchie de Juillet, il prend le titre de duc d’Orléans et devient Prince royal. Son père le fait entrer au Conseil. De tempérament bouillant, le duc d'Orléans critique vertement le temps perdu à écouter palabrer les ministres (appelés familièrement babasses dans le cercle familial) et a de fréquents accrochages avec les doctrinaires, qu'il n'aime pas et vis-à-vis de qui il se veut l'interprète des sentiments de la jeunesse révolutionnaire. C'est pourquoi Casimir Perier exige, lorsqu'il accède à la présidence du Conseil en mars 1831, que le duc d'Orléans soit exclu du Conseil, auquel il cesse dès lors de participer.

En novembre 1831, le prince royal est envoyé, aux côtés du maréchal Soult, pour réprimer l’insurrection ouvrière de Lyon. Il s'acquitte de cette tâche difficile sans violence et parvient à apaiser rapidement les oppositions. Il y gagne une popularité certaine, que renforce son attitude lors de l'épidémie de choléra de 1832. Il n'hésite pas à se rendre auprès des malades les plus contagieux à l'Hôtel-Dieu, prenant des risques réels puisque Casimir Perier, qui l'accompagne, contracte quant à lui la maladie et en meurt. Aux yeux du peuple et de la presse, il passe dès lors pour un prince généreux, sincèrement préoccupé du sort des plus démunis, et devient une sorte d'icone pour l'opposition dynastique d'Odilon Barrot, qui voit en lui le seul prince capable de concilier les aspirations démocratiques de la France moderne et l'héritage du passé monarchique.

Une brillante carrière militaire

En 1831, le duc d'Orléans part avec son jeune frère le duc de Nemours, pour aller faire ses premières armes sous le maréchal Gérard ; cette campagne ne fait guère qu’une promenade militaire. Entrés en Belgique en 1831, les princes s’empressent de visiter la plaine de Jemmapes, où leur père a combattu en 1792.

L'année suivante, le duc d’Orléans rentre en Belgique avec le commandement de la brigade d’avant-garde de l’armée du Nord. Le 20 novembre 1832, il est devant la citadelle d’Anvers ; il commande la tranchée dans la nuit du 29 au 30 novembre. À l’attaque meurtrière de la lunette Saint-Laurent, il s’élance sur le parapet au milieu d’une grêle de projectiles de toute espèce pour diriger l’action et stimuler le courage des soldats.

En 1835, lorsque le maréchal Clauzel est renvoyé en Algérie comme gouverneur général, le duc d'Orléans demande à son père comme une faveur de l'accompagner pour combattre l'émir Abd El-Kader. Il participe avec l'armée de Clauzel au combat de l’Habrah, où il est blessé, à la prise de Mascara en décembre 1835, puis de Tlemcen en janvier 1836. Il rentre à Paris tout auréolé de gloire militaire.

À l'automne 1839, le duc d'Orléans repart pour l'Algérie pour réaliser, avec le maréchal Valée, la prise de possession par la France de la partie intérieure du pays, entre Constantine et Alger. Partie de Constantine le 16 octobre, trois jours après le deuxième anniversaire de la prise de la ville, la fameuse chevauchée gagne Alger le 2 novembre en passant par Sétif et le défilé des Portes de Fer. Abd-el-Kader y voit une violation du traité de Tafna et déclenche la guerre sainte contre les Français. S'enclenche ainsi une escalade qui aboutira à l'occupation totale de l'Algérie par la France.

En mars 1840, le duc d’Orléans part encore une fois pour l’Algérie, emmenant avec lui le duc d’Aumale, son jeune frère, dont il dirige les premiers travaux militaires. Aux combats de l’Affroun, de l'Oued'Ger, du bois des Oliviers, il est chargé de diriger les dispositions d’attaque à la prise du Teniah de Mouzaïa. Il est rappelé en France après cette campagne.

Ce passé militaire brillant ne fait qu'accroître la popularité et le prestige du duc d'Orléans, qui consacre également ses soins à l’agrandissement des forces militaires du pays et à l’amélioration physique et morale des soldats. Il organise à Saint-Omer les chasseurs de Vincennes, devenus chasseurs d’Orléans en 1836, et redevenus chasseurs de Vincennes à pied. Il jette les bases d’une Histoire des Régiments, entreprise par ordre du ministre de la guerre, et écrit en partie celle de deux régiments qui s’étaient trouvés sous ses ordres.

Le mariage du duc d'Orléans

Le mariage du duc d'Orléans avait été l'une des grandes affaires politiques de la monarchie de Juillet. Sans la révolution de 1830, il aurait épousé la sœur du duc de Bordeaux, Mademoiselle (1819-1864). Ce projet ayant naturellement échoué en raison de la chute de la branche aînée et de l'« usurpation » (aux yeux de celle-ci) de la branche cadette, Louis-Philippe est littéralement obsédé, à partir de 1835, singulièrement après l'attentat de Fieschi, par l'établissement matrimonial de son fils aîné[4], alors dans sa vingt-cinquième année.

C'est aussi le moment où la monarchie de Juillet se cherche de nouveaux alliés en Europe, qui lui permettraient de ne pas dépendre trop exclusivement de l'Angleterre (Voir l'article : Politique extérieure de la France sous la monarchie de Juillet). Talleyrand, qui vient de renoncer à son ambassade de Londres brouillé avec le ministre britannique des Affaires étrangères, Palmerston, pousse en ce sens.

Il envisage d'abord un rapprochement avec la Russie par l'intermédiaire du Wurtemberg. En effet, le roi Guillaume Ier de Wurtemberg, veuf de la grande-duchesse Katarina Pavlovna de Russie, a deux filles à marier, les princesses Marie (née en 1816) et Sophie (née en 1818). Mais Guillaume Ier[5] décline la proposition, refus d'autant plus humiliant que la princesse Marie épousera en 1840 le comte Alfred Neipperg[6].

Louis-Philippe envisage ensuite une alliance avec l'Autriche qui pourrait offrir l'archiduchesse Marie-Thérèse, fille de l'archiduc Charles, née en 1816. La reine Marie-Amélie est très favorable à ce mariage car elle est elle-même fille d'une archiduchesse d'Autriche, la reine Marie-Caroline de Naples. L'archiduc Charles n'est pas opposé à un tel mariage, mais celui-ci se heurte en revanche à deux adversaires déterminés : le prince de Metternich, qui ne veut pas rééditer l'erreur qu'il a faite en négociant le mariage de l'archiduchesse Marie-Louise avec Napoléon Ier, et l'archiduchesse Sophie, princesse bavaroise, belle-sœur du nouvel empereur Ferdinand Ier, qui domine la cour de Vienne de sa forte personnalité en attendant que son fils, le futur François-Joseph, monte sur le trône impérial.

L'ambassadeur de France à Vienne, le comte de Sainte-Aulaire, qui a été spécialement chargé de préparer le terrain pour le mariage autrichien, ne dissimule pas la difficulté de l'affaire, sans la juger cependant tout à fait impossible. Le nouveau président du Conseil, Thiers, rêve de la conclure et d'apparaître, tel un nouveau Choiseul, comme l'artisan d'un spectaculaire renversement d'alliances en Europe.

Le duc d'Orléans et son cadet, le duc de Nemours, entreprennent un voyage en Europe le 2 mai 1836. Louis-Philippe et Marie-Amélie se désolent parce que le prince royal refuse de raser la superbe barbe qu'il arbore depuis que la jeunesse romantique en a lancé la mode[7]. Quoi qu'il en soit, les deux jeunes gens remportent un grand succès à Berlin, puis à Vienne, où ils se trouvent du 29 mai au 11 juin. Mais, commente le marquis de Sémonville, « tout le monde leur a donné la main, mais personne ne l'a serrée. »[8] Si le prince royal plaît décidément à l'archiduc Charles et à sa fille, Metternich et l'archiduchesse Sophie font barrage : la démarche que Thiers, impatient de conclure, a convaincu Louis-Philippe d'effectuer, contre l'avis de Sainte-Aulaire qui voulait qu'on se limitât à une simple visite de famille, est repoussée ; pour ménager la susceptibilité des Français, la version officielle est que la décision est laissée aux « sentiments » de l'archiduchesse Marie-Thérèse qui aurait fait une réponse négative[9]. Il ne reste plus aux deux jeunes gens qu'à rentrer en France en passant par l'Italie : à Trente, ils sont reçus par l'ex-impératrice Marie-Louise, duchesse de Parme, qui ne peut retenir ses larmes devant la ressemblance entre le prince royal et le feu-duc de Reichstadt ; à Milan, ils séjournent chez l'archiduc Rainier, vice-roi de Lombardie-Vénétie, où ils apprennent la nouvelle de l'attentat d'Alibaud, commis le 25 juin contre Louis-Philippe.

La duchesse d'Orléans tenant son fils, Philippe, comte de Paris. Portrait par Franz Xaver Winterhalter, 1839. Château de Versailles.

Après le refus de la maison d'Autriche, il ne reste plus que deux partis envisageables parmi les princesses catholiques[10] : la princesse Janvière (Januaria) de Bragance, fille de l'empereur Pierre Ier du Brésil, et l'infante Isabelle d'Espagne, fille de l'infant François-de-Paule, frère cadet de Ferdinand VII. Toutes deux, nées en 1821, sont fort jeunes. La première est écartée en raison de l'éloignement, et la seconde en raison de son physique disgracié – elle est maigre et rousse[11] – et de ses lourds antécédents familiaux[12].

Parmi les princesses allemandes protestantes, quelques partis sont envisagés. Talleyrand, par l'intermédiaire de sa petite-nièce, la duchesse de Dino, a repéré la princesse Louise de Hesse-Cassel[13]. La reine Louise suggère la princesse Marie-Alexandrine de Saxe-Altenbourg[14] et la princesse Victoire de Saxe-Cobourg-Gotha[15] En définitive, le choix se porte sur la princesse Hélène de Mecklembourg-Schwerin[16], fille de feu le prince héréditaire Frédéric de Mecklembourg-Schwerin (1778-1819) et de la princesse Caroline de Saxe-Weimar-Eisenach (†1816). Pour le duc d'Orléans, c'est une alliance convenable, mais sans éclat[17], même si la princesse est la nièce du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III[18].

Le duc de Broglie est envoyé en Allemagne en qualité d'ambassadeur extraordinaire afin de présenter la demande officielle et de ramener la princesse en France. Un libelle virulent pour la maison d'Orléans est publié sous l'anonymat par un prince de la maison de Mecklembourg. Celle-ci boude le mariage, si bien qu'Hélène n'est accompagnée que par la troisième épouse veuve de son père, Augusta de Hesse-Hombourg.

Le mariage est célébré le 30 mai 1837 au château de Fontainebleau, car l'archevêque de Paris, Mgr de Quélen, a pris prétexte de la différence de religion pour interdire qu'il ait lieu à Notre-Dame. Le mariage civil se déroule dans la galerie Henri II le 30 mai 1837[19]. La cérémonie catholique, à laquelle préside Gallard, évêque de Meaux, se déroule dans la chapelle de Henri IV, tandis que la cérémonie luthérienne, célébrée par le pasteur Cuvier, a lieu dans le salon Louis-Philippe. Le duc d'Orléans a pour témoins les quatre vice-présidents de la Chambre des pairs – le baron Séguier, le comte Portalis, le duc de Broglie, le comte de Bastard –, le président et les quatre vice-présidents de la Chambre des députés – Dupin, Calmon, Delessert, Jacqueminot, Cunin-Gridaine –, trois maréchaux – Soult, Mouton, Gérard –, le prince de Talleyrand, le duc de Choiseul et le comte Bresson, ministre de France à Berlin.

Dans la nombreuse assistance, on relève l'absence des ambassadeurs étrangers, à l'exception du baron de Werther, ministre de Prusse, du comte Lehon, ministre de Belgique, et du chargé d'affaires du Mecklembourg. Malgré tout, la réception est très brillante : « La princesse Hélène n'étant pas fille de roi, observe la duchesse de Maillé, c'est la réception de Mme la duchesse de Bourgogne[20] qui a servi de règle, et tout s'est passé chez Sa Majesté citoyenne comme si Louis XIV avait été présent au milieu des plus grands seigneurs de France. Quelques-uns croient que Louis-Philippe fait en cela une faute politique. Je ne le pense pas. Il fait au contraire grand plaisir à ses partisans. La pompe ne leur déplaît pas lorsque ce sont leurs noms qui y figurent, à la place de ceux des grands seigneurs qu'ils ont tant enviés. Louis-Philippe est l'homme et l'élu de la classe moyenne, elle le sait très bien, mais elle est flattée de l'éclat dont il s'environne. S'il ne cherchait pas à redorer cette royauté qu'elle lui a donnée, son amour-propre en serait blessé. Ses partisans se croient grands seigneurs lorsqu'ils lui voient faire le grand roi. »[21]

Le mariage est très heureux. Le duc et la duchesse d'Orléans ont deux enfants :

Un prince éclairé et mécène

« La patrie est en danger. »
Lithographie par Ferdinand-Philippe d'Orléans (1830).

Le duc d'Orléans est un amateur éclairé de littérature, de musique et de beaux-arts. Il montre un goût prononcé pour la collection, « faisant son choix lentement, en véritable amateur »[22], et fait preuve d'une rare érudition. Chaque année, il consacre 100 000 à 150 000 francs de sa liste civile à des achats d'œuvres d'art ou à du mécénat culturel. Dans ses vastes appartements du palais des Tuileries, il rassemble des objets du Moyen Âge et de la Renaissance, des céramiques de Bernard Palissy, des majoliques et des céramiques hispano-mauresques, des porcelaines chinoises ou japonaises, des meubles de Caffieri, Oeben, Riesener ou Jacob. Il se passionne également pour les peintres de sa génération et achète de nombreux tableaux à Ary Scheffer et à Newton Fielding, qui l'avaient initié à la technique du paysage entre 1822 et 1830. Il possède des œuvres d'Eugène Delacroix (Le Prisonnier de Chillon, L'Assassinat de l'évêque de Liège, Hamlet et Horatio au cimetière), Alexandre-Gabriel Decamps (La Défaite des Cimbres), Eugène Lami, Ernest Meissonnier et Paul Delaroche. Il aime également les paysages des peintres de l'école de Barbizon, notamment Camille Corot, Paul Huet et Théodore Rousseau. Il commande à Dominique Ingres Antiochus et Stratonice (1833), achète en 1839 Œdipe et le sphinx et lui commande son portrait en 1840.

Lui-même doué de talents de dessinateur, il fait œuvre de graveur amateur. On connaît de lui une douzaine d'eaux-fortes et de lithographies[23]. Parmi ces dernières se trouve une pièce satirique représentant le personnage de Gulliver endormi ; des Lilliputiens arrivent de tous côtés, à pied, à cheval, en bateau, en diligence. Une pancarte évoque la proclamation alarmiste faite le 11 juillet 1792 par l'Assemblée législative, qui déclarait la patrie en danger.


Une mort prématurée

Gisant de Ferdinand-Philippe d'Orléans
et de son épouse à la Chapelle Royale de Dreux

De retour de Plombières, où il venait de conduire la duchesse d’Orléans, le prince royal se disposait à partir pour Saint-Omer, où il devait passer en revue une partie de l’armée d’opération sur la Marne, dont il venait de recevoir le commandement en chef, quand il se rendit le 13 juillet 1842 à Neuilly-sur-Seine pour faire ses adieux à sa famille. Les chevaux de sa calèche s’étant emportés, le prince voulut s’élancer de la voiture et se brisa la tête sur le pavé ; quelques heures après, il rendait le dernier soupir. Alfred de Musset évoque cet accident dans son poème Le Treize Juillet (dans le recueil Poésies nouvelles). Sa mort accidentelle prive Louis-Philippe d'un soutien qui lui manqua en 1848.

Les trois statues du duc d'Orléans

Buste du duc d'Orléans par James Pradier, réalisé d'après le masque mortuaire du prince, 1842, musée du Louvre

Trois statues du duc d'Orléans, se dressent aujourd'hui à Eu, à Neuilly-sur-Seine et à Saint-Omer.

La naissance des deux statues

La mort de Ferdinand-Philippe d'Orléans plongea la population dans le désarroi, et les funérailles « frappèrent l'opinion par leur noble et grandiose tristesse ». Le roi pensait-il consacrer à son héritier un hommage durable ? La population civile d'Alger et l'armée d'Afrique devancèrent ses désirs. Leur vœu d'ouvrir une souscription à l'effet d’ériger sur « la principale place d'Alger un monument destiné à perpétuer cette mémoire et l'image de S.A.R. » recueillit l'approbation du gouverneur général, par arrêté du 7 août 1842. Bugeaud créait, sous la présidence du directeur de l'Intérieur, une commission chargée de recueillir les offrandes et d'arrêter les diverses dispositions, pour l'érection sur la place d'Alger de la statue en bronze du feu prince. Dès le 29 septembre, elle avait réuni 20.000 F. Des généraux commandants de divisions militaires ne tardèrent pas à solliciter le ministre de la Guerre pour savoir si leurs subordonnés pouvaient apporter leur écot. Le 8 novembre 1842, le maréchal Soult, ministre de la Guerre, annonçait qu'une souscription facultative était ouverte dans tous les corps de l'armée et instituait une commission supérieure pour centraliser les dons et veiller au recouvrement. Charles Marochetti était chargé de la réalisation de la statue. Le 29 novembre 1842, le ministre de la Guerre prenait un nouvel arrêté : la souscription facultative était étendue à l'armée de Mer. Les fonds recueillis serviraient à l'érection de deux statues équestres à l'effigie du duc d'Orléans.

La mise en place

Le choix se porta d'abord pour la place du Carrousel à Paris. Mais en novembre 1844, Louis-Philippe décide, on ne sait pourquoi (les coûts et les difficultés d'entreprendre la rénovation de la place probablement), d'implanter la statue au centre de la Cour Carrée du Louvre. Le choix de la situation de la statue princière dans Alger ne posa pas tant de difficultés : il s'agirait de la place Royale (anciennement place du Gouvernement). Le modèle de la statue fini, elle fut confiée au fondeur Soyer. Marochetti annonçait la fonte réussie des deux statues par lettres des 21 août et 14 novembre 1844. Après le 5 mai eurent lieu les fondations de l'ouvrage, terminées par la pose du socle en marbre sur lequel allait reposer le piédestal. À Alger, le piédestal est achevé le 1er août 1845, la statue arrive le 19 septembre et le 4 octobre elle parvenait sur la place royale. Sa jumelle parisienne était en place depuis le 26 juillet. L'événement fut remarqué. Chopin écrivait de Nohan à sa famille polonaise : « on l'élève sur la place du Louvre, elle est en bronze algérien, de même que les bas-reliefs. C'est une œuvre de Marochetti, un des meilleurs sculpteurs de Paris ». Le 28 octobre 1845, jour anniversaire du passage des Portes de Fer, les deux œuvres furent inaugurées. À Alger, le piédestal était dépourvu de plaque. Le ministre de la guerre avait entendu les remarques du Comte Guyot, directeur de l'intérieur en Algérie : la population civile algérienne qui avait tant participé à l'érection n'aurait pas admis que le monument portât comme seule inscription « l'armée au Duc d'Orléans Prince Royal ». Le 6 mars 1846, Louis-Philippe approuvait un rapport qui proposait d'opter pour une nouvelle formule : « l'armée et la population civile d'Algérie au Duc d'Orléans, Prince Royal, 1842 ». Le bronze fixa l'inscription. Plus des deux tiers du coût de l'opération avaient été financés par des fonds privés. L'armée et la population civile avaient témoigné quelle affection posthume elles vouaient à la mémoire du Prince Royal. Le long cheminement de la statue depuis l'atelier de Soyer au Louvre avait été salué avec émotion et recueillement par une foule compacte et diverse. L'exemplaire algérois suscita de semblables démonstrations. Au sortir de l'atelier de Soyer, elle emprunta le canal Saint-Martin. Des soldats du 74e régiment de ligne arrêtèrent la barge pour couvrir la représentation princière des quelques fleurs du camp de la Villette. Elle arriva au Havre le 4 juillet.

Abandon et renaissance des deux statues

La population algéroise prouva son attachement indéfectible au lendemain de la Révolution de 1848. Le gouvernement provisoire adressait au nouveau gouverneur général Louis Eugène Cavaignac des ordres d'enlèvement de la statue de la place du Gouvernement. Mais à peine avait-on dressé, en ces premiers jours de mars, les charpentes devant servir à soutenir la masse de bronze que les colons se ruèrent sur les échafaudages et les jetèrent à la mer. Bien plus, la milice organisa spontanément un service de faction de jour comme de nuit autour du monument pour empêcher qu'il ne fût donné suite à cette profanation. Durant les jours sombres de la commune algéroise, la statue orléaniste échappa encore à toute dégradation. Il était en revanche inconcevable que le pouvoir républicain laissât demeurer au cœur de Paris, la capitale, un monument à la gloire de la dynastie déchue. Dans la nuit du 26 au 27 février, les entrepreneurs du Louvre enlevaient la statue. Le 26 février, le piédestal devenait un monument expiatoire à la mémoire des victimes de la Révolution. La statue est expédiée en 1850 au château de Versailles pour être érigée sans socle dans la cour de la petite Orangerie. Le 18 octobre 1971 : un arrêté ministériel décida son transport au château d'Eu. Sa jumelle algérienne se dresse aujourd'hui sur une petite place de Neuilly-sur-Seine, rebaptisée place du Duc d'Orléans. La conclusion des accords d'Évian sonna le glas de son insolente longévité. Dès le 4 juillet 1962, elle était démontée et entreposée avec d'autres souvenirs bannis de la présence française au camp Sirocco, près du cap Matifou. En août 1963, le cargo Ville-de-Québec la ramenait au Havre, d'où elle était partie.

Autres hommages

Anecdote

Pour le service funèbre du prince, on manqua de tissu noir pour tapisser Notre-Dame, l'architecte Visconti eut l'idée d'utiliser du papier noir.

Références

Articles connexes

Sources

  • Guy Antonetti, Louis-Philippe, Paris, Librairie Arthème Fayard, 2002 (ISBN 2-213-59222-5)
  • « Ferdinand-Philippe d'Orléans », dans Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852 [détail de l’édition] (Wikisource)
  • Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans, Souvenirs 1810-1830, texte établi, annoté et présenté par Hervé Robert, Genève, Librairie Droz S.A., 1993
  • Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans, Lettres 1825-1842, publiées par ses fils le comte de Paris et le duc de Chartres, Paris, Calmann-Lévy, 1889
  • Joëlle HUREAU , L'espoir brisé. Le duc d'Orléans, 1810-1842, Perrin, 1995

Notes et références

  1. Sous la monarchie de Juillet, le prénom Henri fut substitué aux prénoms Éric Rosalino jugés insuffisamment « nationaux ».
  2. Lors de son mariage en 1837, Louis-Philippe a indiqué que la formule « prince royal des Français », que certains journaux avait utilisée, était incorrecte et qu'il fallait dire « prince royal de France », bien que l'on dise « roi des Français » et non « roi de France » (Guy Antonetti, Op. cit., p. 783).
  3. Dans le cercle de famille, il sera toujours appelé Chartres.
  4. Seule la perspicace duchesse de Maillé a pressenti, dans ses Souvenirs, l'erreur de stratégie dynastique commise par le roi. En effet, observe-t-elle, si le duc d'Orléans vient à mourir jeune après avoir donné naissance à un héritier mâle, la jeune monarchie de Juillet devra affronter les incertitudes politiques d'une régence ; pour elle, la sagesse consisterait à marier d'abord le troisième fils, puis le quatrième, puis le cinquième, et les laisser assurer la descendance, tout en laissant autour du trône plusieurs hommes pour prendre la relève en cas d'accident.
  5. dont la sœur a déjà fait un mariage français peu avantageux en épousant Jérôme Bonaparte
  6. « Nous voyons de singulières choses, écrit à cette occasion la reine Louise à ses parents. Il n'était guère dans les probabilités que cette fille, que le roi de Wurtemberg n'avait pas voulu donner à Chartres, de crainte de lui voir finir ses jours en Amérique, finirait par épouser un misérable petit officier autrichien sans illustration et d'une naissance fort ordinaire. » (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 756)
  7. « Il y a à cela, se plaint Louis-Philippe auprès de la reine Louise, un défaut de tact et de sentiiments de convenance qui m'afflige. [...] Je crois que Léopold pourrait lui dire qu'une barbe de bouc sur la face d'une prince royal est contraire à toutes les étiquettes allemandes. Ici, elle n'est ni belle ni heureuse, là-bas elle pourrait être fatale. » (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 757)
  8. cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 757
  9. « Je suis fâchée, écrit la reine Louise à sa mère le 14 juin 1836, que vous ayez ainsi jeté votre va-tout du côté de l'Autriche [...] J'ai toujours pensé que Chartres était d'assez bonne maison pour épouser qui lui semble, fût-ce la plus petite princesse d'Allemagne ; et j'avoue que j'aimerais mieux lui voir épouser une princesse de Lippe ou de Waldeck qui serait bonne et belle, d'une santé robuste, qu'une archiduchesse d'Autriche qui nous apporterait en dot toute espèce de maux. [...] Napoléon, dans sa situation, pouvait faire des sacrifices pour s'allier à l'Autriche ; et on a vu quel profit il en a tiré. Mais nous ne sommes point des parvenus, et nous n'avons pas besoin de nous anoblir en nous unissant à la maison de Lorraine. » (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 757)
  10. « J'aimerais mieux qu'elle fût catholique, confie Louis-Philippe à l'un des ses familiers. Vous croyez que ce n'est rien, les carlistes croient que c'est tout ; et moi je crois que ce n'est ni rien ni tout. » (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 782)
  11. Le 21 novembre 1836, la reine Louise écrit à la reine Marie-Amélie : « Je vous renvoie son portrait que Léopold a trouvé hideux. Les cheveux l'effraient surtout pour les enfants. Si toute la famille est carotte, ce sera affligeant » (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 781).
  12. Sa mère, Louise-Charlotte de Bourbon des Deux-Siciles, nièce de la reine Marie-Amélie, est d'une monstrueuse obésité.
  13. née le 7 septembre 1817, fille d'un cousin de l'électeur de Hesse et d'une princesse de Danemark
  14. née le 14 avril 1818, fille du duc de Saxe-Altenbourg et de la princesse Amélie de Wurtemberg. Elle épousera le prince héritier du royaume de Hanovre, George V de Hanovre, en 1843.
  15. fille d'un frère aîné de Léopold Ier de Belgique. Elle épousera le duc de Nemours en 1840.
  16. née le 24 janvier 1814
  17. « Petite mais bonne maison », tranche Metternich (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 782)
  18. dont la mère était née Louise de Mecklembourg-Strelitz. Cette parenté n'a pas manqué de susciter des difficultés à Berlin, que l'ambassadeur de France, le comte Bresson, est parvenu à résoudre. L'empereur de Russie, Nicolas Ier, pour sa part, a affecté le dédain en proclamant qu'un si petit mariage ne vaut pas la peine d'être empêché.
  19. La cérémonie est présidée par le baron Pasquier au profit de qui le roi a rétabli, le 27 mai, la dignité de chancelier de France.
  20. Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712) épousa en 1697 Louis de France (1682-1712), duc de Bourgogne puis dauphin de France.
  21. cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 783
  22. Anonyme, L'Artiste, 1836, vol. II, p. 164
  23. Henri Béraldi, Les Graveurs du XIXe siècle, vol X, 1890, p. 234-236.
Précédé par Ferdinand-Philippe d'Orléans Suivi par
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Philippe d'Orléans
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