- Bourreaux
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Bourreau
Un bourreau est une personne chargée d'exécuter les décisions de justice, quand elles consistent en des peines corporelles, et notamment la peine de mort.
Sommaire
Historique
En France, sous l'Ancien Régime, chaque province, voire chaque ville, possédait son bourreau. Ainsi, les modes d'exécution et les techniques utilisées différaient d'une région à l'autre.
Les conditions de vie des « exécuteurs des hautes œuvres » (comme ils étaient parfois nommés) n'étaient guère enviables. À la fois craint et méprisé, le bourreau était souvent contraint de résider en dehors des villes, vivant en paria et exerçant fréquemment des métiers en rapport avec les cadavres et la mort (équarrisseur, croque-mort, fossoyeur, etc.). Toutefois, il n'était pas rare que les seigneurs leur octroient le fruit de certaines taxes municipales, ce qui améliorait nettement leurs revenus.
Face à cet ostracisme forcé, de véritables dynasties de bourreaux purent ainsi voir le jour (comme les Sanson, les Férey, les Deibler, les Rogis, les Pierrepoint, les Reichhart, etc.).
Cependant, dans certains pays, comme au Royaume-Uni ou au Canada, on désignait parfois le bourreau parmi les membres d'une paroisse, même si cela n'était pas son métier d'origine. Dans certaines villes anglaises, au Moyen Âge, la charge d'exécuteur revenait même spécifiquement aux jeunes mariés.
En France depuis la révolution
La loi du 13 juin 1793 établira d'abord une équipe d'exécuteurs par départements. Puis, une réduction drastique des effectifs interviendra en 1848 qui réduira leurs nombres à une équipe par ressort de cour d'appel.
Le décret d'Adolphe Crémieux du 25 novembre 1870, finira par uniformiser la charge en supprimant les bourreaux de province, ne laissant plus qu'un seul « exécuteur en chef » pour tout le territoire national, dirigeant une équipe de quatre ou cinq hommes. Seul le bourreau de Corse restera en fonction jusqu'en 1875. L'Algérie, alors française, gardant quant à elle, une équipe d'exécuteurs qui lui sera propre, jusqu'à l'indépendance du pays.
Très vite, le statut de bourreau évolua pour devenir, selon la terminologie officielle : Exécuteur en chef des arrêts criminels. Il ne fut pas fonctionnaire, mais « agent contractuel de l'État ». Son existence était semi-légale, aucun texte ne définissait sa charge ni ses attributs, et ses talents ne firent l'objet d'aucune définition rigoureuse. Sa fonction ne paraissait pas sur les comptes de la nation, il ne percevait donc pas de salaire, mais des gages versés par le Ministère de la Justice. Selon des estimations, un « exécuteur en chef » gagnait moins qu'une secrétaire, et ses « aides », moins que des balayeurs. Ainsi, le revenu que Marcel Chevalier tirait de sa fonction de dernier exécuteur en chef, était en 1979 de 40 833 francs annuels, soit l'équivalent de celui d'un ouvrier d'administration ou d'un employé de bureau. Il s'agissait là de la somme qu'il s'auto-attribuait sur les 180 000 francs que lui versait le ministère, le reste servant à entretenir les bois de justice et à payer ses assistants. Comme ses prédécesseurs, il ne s'agissait pas de son métier principal, puisque lui-même était imprimeur typographe (et fut d'ailleurs élu « meilleur ouvrier de France » dans sa jeunesse). Chevalier disait lui-même « je travaille deux fois ».
Quant à la transmission de la charge, elle se faisait toujours par cooptation (en France tout particulièrement), privilégiant les liens familiaux, survivance du système dynastique en vigueur depuis des siècles dans la profession, même si, selon Jacques Delarue, les candidatures spontanées ne manquaient pas auprès du Ministère de la justice. À défaut de filiation familiale, l'administration en la personne du Directeur du Département des arrêts criminels du Ministère de la justice utilisait la règle de l'ancienneté parmi les assistants pour désigner le nouvel « exécuteur en chef ».
Bourreau au XXIe siècle
L'existence d'un « bourreau » seul en droit de tuer contre rémunération comme on le voyait en France ou au Royaume-Uni a toujours suscité la révulsion de la population, même lorsque celle-ci soutient la peine de mort [1]. De ce fait les pays évitent de désigner une seule personne comme ayant aptitude pour commettre l'acte létal. En Indonésie des balles à blancs sont reparties au hasard dans les fusils du peloton d'exécution, au Japon les exécutions sont mises en œuvre par une équipe de surveillants du couloir de la mort, ceux-ci quittant ce poste tous les trois ans pour éviter qui ne tisse trop de liens affectifs avec les condamnés [2]. Trois ou cinq surveillants sont tenus de presser chacun en même temps un bouton ouvrant la trappe de la potence sans savoir lequel est actif. En Chine l'exécution de la peine de mort est une des activités des policiers parmi d'autres. Dans le cadre des exécutions par balles, ceux-ci sont assignés à un entrainement les deux jours précédant pour s'assurer que le condamné mourra bien du premier coup. [3]
Aux États-Unis
Aux États-Unis les équipes sont différemment composées selon les États, certains autorisent la participation de professionnels médicaux, d'autres non. En 2007 la Californie a publié son très détaillé protocole d'exécution[4] par injection létale dont elle espère qu'il sera validé par la justice. Celui-ci prévoit que le directeur préside lors de l'exécution et préside la commission désignant et contrôlant la compétence des membres de la Lethal Injection Team, au nombre vingt minimum. Un adjoint du directeur et un surveillant du grade de lieutenant ou capitaine (The Lethal Injection Team Leader) assurent la direction effective de l'équipe. Celle-ci est divisée en quatre sous-équipes : l'équipe de sécurité composée de surveillants en charge du condamné et des témoins ; l'équipe intraveineuse chargée d'insérer les cathéters ; l'équipe d'infusion chargée de préparer et injecter les produits et l'équipe des archives. Chacun des membres de l'équipe doit être volontaire, avoir de bon antécédents, une bonne expérience et ne pas avoir travaillé dans le couloir de la mort depuis au moins un an. Les membres se réunissent tous les mois pour s'entrainer et effectuer une simulation d'exécution.
En Arabie saoudite
Muhammad Saad al-Beshi, 42 ans à l'époque, a accordé une rare interview en 2003 au journal Arab News[5]. Il y explique qu'il a débuté comme exécuteur en 1998 et qu'il était particulièrement stressé ce jour-là car les exécutions ont lieu en public ; il déclare également qu'il est aujourd'hui le père comblé de sept enfants, qui l'aident régulièrement à nettoyer son sabre sanglant. Il est presque sûr que son fils aîné va lui succéder dans sa profession qui l'amène à administrer des coups de fouet et à procéder à des démembrements de mains ou de pieds. Il ne compte plus depuis longtemps ses exécutions et, en général, il va voir la famille de la victime du condamné pour déculpabiliser peu avant l'exécution (sauf pour les trafiquants de drogue et les "sorcières", car il n'y a pas de victime). Il participe à la formation de jeunes futurs bourreaux. Il exécute les femmes au pistolet ou au sabre selon leur désir[6].
Bourreaux célèbres
En Allemagne
- Johann Reichhart (1893-1972), officia en Allemagne entre 1924 et 1946, notamment sous le régime nazi. Il instrumenta à lui seul 3165 exécutions (dont 2948 guillotinages, qui à ce titre constitue un record en la matière), principalement à la prison de Plötzensee à Berlin.
Aux États-Unis
- le sergent-chef John C. Woods (1903-1950), fut l'exécuteur officiel de l'armée américaine. C'est lui qui officia au Procès de Nuremberg (sur les conseils techniques de Reichhart), aidé dans sa charge par Joseph Malta. Il fut victime d'un accident mortel à Eniwetok (îles Marshall) alors qu'il réparait une chaise électrique.
En France
- Capeluche, bourreau parisien proche des Bourguignons pendant la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons
- Les Jouënne, l'une des plus anciennes dynasties de bourreaux (le premier d'entre eux, Nicolas Jouhanne dit “La Justice” bourreau du Pays de Caux en Normandie est déjà cité en 1202)
- Les Sanson, célèbre dynastie de bourreaux (de 1688 à 1847)
- Charles-André Férey (de 1847 à 1849)
- Jean-François Heidenreich (de 1849 à 1872)
- Nicolas Roch (de 1872 à 1879)
- Louis Deibler (de 1879 à 1899)
- Anatole Deibler (de 1899 à 1939), fils du précédent
- Jules-Henri Desfourneaux (de 1939 à 1951), cousin du précédent, fut l'exécuteur de La Seconde Guerre Mondiale et de l'Epuration
- André Obrecht (de 1951 à 1976), cousin du précédent
- Marcel Chevalier (de 1976 à 1981), neveu par alliance du précédent, il ne procéda qu'à deux dernières exécutions chacune en 1977.
Voir aussi:
- Les exécuteurs en Algérie :
- Joseph Baroux (de 1842 à 1847)
- Nicolas Wolf (de 1847 à 1855)
- Antoine Rasseneux (de 1855 à 1885)
- Gustave Rasseneux (de 1885 à 1906)
- Pierre Lapeyre (de 1906 à 1928)
- Henri Roch (de 1928 à 1944)
- André Berger (de 1944 à 1957)
- Maurice Meyssonnier (de 1957 à 1958) avec son fils Fernand Meyssonnier comme premier aide
En Suisse
Au Royaume-Uni
- Les Pierrepoint : dont le plus illustre représentant fut Albert (1905-1992). Il fut l'un des derniers exécuteurs officiels au Royaume-Uni (les dernières exécutions datent de 1964). Il fut considéré comme l'exécuteur britannique le plus "prolifique" du XXe siècle : il officia dans 450 pendaisons entre 1932 et 1956, soit 433 hommes et 17 femmes.
Au Canada
Alors que les dernières exécutions au Canada datent de 1962, l'exécuteur du pays sous le pseudonyme de John Ellis accorda une interview téléviséeà CBC en 1976. Il explique le mode d'exécution, son point de vue personnel et la possibilité de supprimer la pendaison au profit de la chaise électrique ou de l'injection létale. La peine de mort fut abolie quelques mois après.
Voir aussi
- Le roman Dieu et nous seuls pouvons de Michel Folco, raconte comment un jeune homme est devenu malgré lui exécuteur des Hautes et des Basses Œuvres (autrement dit bourreau).
- Beaux Ténèbres de Michel Ferracci-Porri, (Ed.Normant 2008)
Liens internes
Liens externes
- Le bourreau : histoire, privilèges…
- Historique de la guillotine et des guillotineurs
- Arbre généalogique des bourreaux français (Format PDF)
Notes et références
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