Humour Juif

Humour Juif

Humour juif

L’humour juif remonte à la Torah, aux Talmuds et au Midrash[1]. Il s’est diversifié selon les époques, les conditions socio-politiques, et les lieux dans lesquels se sont retrouvées les diverses communautés juives.

Actuellement, l’« humour juif » fait généralement référence à une forme plus récente, dont le centre était situé en Europe de l’Est, et s’est particulièrement développé aux États-unis : les Juifs y sont fortement représentés, que ce soit dans le vaudeville, la stand-up comedy, les films, et la télévision[2],[3].

Ce dernier humour, à base d’histoires drôles et d’autodérision, est fréquemment empreint des stéréotypes des Juifs sur eux-mêmes ou des autres sur eux. Aussi certaines histoires drôles juives ressemblent-elles superficiellement à nombre d’« histoires juives », racontées par des non-Juifs, qui sont souvent en fait simplement antisémites[4].

Sommaire

Quelques thèmes anciens ou récents

  • La religion est une source classique : interprétation des règles du chabbat, opinions de rabbin, incidents à la synagogue, relations avec les autres religions, les sujets abondent.
  • La mère juive, décrite comme abusive et persuadée que son fils est le meilleur, est un grand classique, qui a d’ailleurs donné lieu à une pièce intitulée Comment devenir une mère juive en 10 leçons, de Paul Fuks, d’après Dan Greenburg.
  • L’argent et le commerce - thèmes éculés des plaisanteries antisémites - se retrouvent aussi dans l’humour juif (parmi celles citées par Joseph Klatzmann dans L’humour juif, cette simple phrase d’une ironie amère : « Dieu aime les pauvres et aide les riches »).
  • L’antisémitisme lui-même est une source de plaisanteries.
    • Ainsi cette histoire : après l’assassinat du tsar Nicolas II en Russie, un représentant du gouvernement en Ukraine menace un rabbin : « Je suppose que tu sais qui est derrière ça. » « Ach, répond le rabbin, je n’en sais rien, mais de toute façon le gouvernement va conclure comme d’habitude : ce sera la faute des Juifs et des ramoneurs. » Étonné, l’homme du gouvernement demande : « Pourquoi les ramoneurs ? » Le rabbin lui répond : « Pourquoi les Juifs ? »
    • Autre exemple, en Allemagne au début du nazisme : un Juif rencontre dans un café un autre Juif, un ami qui lit le journal antisémite Der Stürmer. « Mais comment, tu lis cette horreur ? » « Bien sûr ! Quand je lis de la presse juive, il n’y a que des mauvaises nouvelles, des persécutions, de l’antisémitisme partout… Alors que dans ce journal, il est écrit que nous sommes les maîtres du monde et contrôlons tout, c’est quand même plus réconfortant ! »
    • Une des plus connues sans doute : pourquoi le violon est-il l’instrument favori des musiciens juifs ? Parce que c’est plus facile à emporter qu’un piano en cas de pogrom.

Aux États-Unis

Aux États-Unis, son plus célèbre représentant pour les Français est Woody Allen, ce dernier étant devenu pour eux l’image même de l’humour juif new-yorkais. Plus tôt dans l’histoire du cinéma, les Marx Brothers sont brillamment passés des scènes de Broadway au grand écran. Citons également Jerry Lewis, Jim Abrahams ou Jerry Seinfeld. Et si l’inspiration juive de Charlie Chaplin est controversée, le barbier du Dictateur est explicitement issu du monde juif en butte aux persécutions nazies.

Plusieurs grands écrivains, comme Saul Bellow ou Isaac Bashevis Singer, ont illustré l’humour juif dans la littérature américaine.

En France

La littérature française est riche d’écrivains juifs connus pour leur humour, et pourtant ceux-ci, d’André Maurois à René Goscinny en passant par Georges Perec ou Jacques Lanzmann, pratiquent un humour non communautaire, dont les thèmes ne se réfèrent pas à leurs origines. Quand Marcel Proust s’abandonne à un humour dévastateur (le portrait du clan Verdurin, le personnage de Périgot Joseph ou la parodie du Journal des frères Goncourt dans À la recherche du temps perdu, ou encore son recueil Pastiches et mélanges), il n’aborde jamais des sujets spécifiquement juifs.

Le seul auteur qui échappe à cette règle, peut-être, est Tristan Bernard. Pendant l’Occupation, devant la persécution qui menace, il a cette phrase : « Peuple élu, peuple élu ? Vous voulez dire en ballotage[5] ? »

De son côté, Pierre Dac, figure importante de Radio Londres pendant l’Occupation, met son humour au service de la Résistance et du patriotisme[6], et, lorsqu’il se réfère au fait qu’il est juif, c’est pour brocarder les « collaborateurs » au nom de son frère, mort au champ d’honneur pendant la Grande Guerre[7].

De nos jours, l’humour juif, sur scène, est représenté par des comédiens comme Popeck, et dans certains de leurs sketches par Michel Boujenah, Élie Semoun, Élie Kakou, Gad Elmaleh[8] et d’autres. L’incarnation même de la mère juive dans plusieurs films et pièces est la comédienne Marthe Villalonga.

Au cinéma, des exemples d’humour juif sont, en France, Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), Lévy et Goliath (1987), tous deux de Gérard Oury, et, autour du quartier parisien du Sentier et des Sépharades, La Vérité si je mens ! (1997) et sa suite (2001). Le Tango des Rashevski (2003) présente avec humour les questions relatives à la conversion au judaïsme.

Les albums de la bande dessinée Le Chat du rabbin de Joann Sfar, situés dans l’Algérie des années 1930, marquent un renouveau de l’humour juif.

Le dessinateur Olivier Ranson, dessinateur de presse d’actualité (Le Parisien), manie aussi volontiers l’humour juif, dans des magazines ou dans des bandes dessinées comme La vérité, ma mère. Les aventures de Supfermann[9] où il met en scène une variante de Superman ashkénaze.

Au Royaume-Uni

Le Roi des Schnorrers, roman d’Israel Zangwill paru en 1894, est un classique de l’humour juif qui met en scène l’affrontement burlesque d’un philanthrope ashkénaze et d’un mendiant (un « Schnorrer ») sépharade aussi misérable que beau parleur, héros qui a inspiré aussi bien des personnages de Singer que le Mangeclous d’Albert Cohen.

En URSS

La littérature soviétique comptait de nombreux auteurs de « nationalité juive » dont certains ont écrit des chefs-d’œuvres humoristico-satiriques. Par exemple, Les Douze chaises, d’Ilya Ilf et Evgueni Petrov.

En Israël

Le duo composé par Shimen Dzigan (en) et Ysrael Szumacher (en) a donné de nombreux spectacles en yiddish à travers le monde, tourné dans un film (Nos enfants, 1951), et enregistré plusieurs disques de sketches après la guerre[Laquelle ?]. Originaires de Pologne où ils étaient déjà célèbres, ils ont émigré en Israël et perpétué l’esprit des conteurs ashkénazes en renouvelant leur inspiration au contact de la vie moderne.

Freud et l'humour juif

Dans son livre Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, Freud étudie l’humour en général, mais y analyse une vingtaine d’histoires juives (voir leurs citations dans le Que sais-je ? de Joseph Klatzmann).

Voir aussi

Bibliographie

  • Joseph Klatzmann, L’Humour juif, PUF, coll. « Que sais-je ? » (no 3370), 128 p. , 1998 (ISBN 2-13-049141-3), 2eéd. 1999 (ISBN 2-13-049141-3), 3e éd. 2002 (ISBN 2-13-052855-4), 4e éd. 2008 (ISBN 978-2-13-056630-4)
  • Leo Rosten, Les Joies du yiddish, 1968, édition française 1994 (traduction française par Victor Kuperminc), éditions Calmann-Lévy (ISBN 2-7021-2262-0) ; éd. en Livre de Poche, 1995
  • Marc-Alain Ouaknin et Dory Rotnemer, La Bible de l’humour juif, Ramsay, 1995 ; éd. J’ai Lu, 2002
  • Dory Rotnemer-Ouaknin, La Nouvelle Bible de l’humour juif, éditions du Rocher, 1999
  • Richard Zeboulon, Petite Anthologie de l’humour juif, tomes 1 (2005) et 2 (2006), éditions le Bord de l’eau
  • Judith Stora-Sandor, L’Humour juif dans la littérature : de Job à Woody Allen, PUF, 1984, 349 p. (ISBN 2-13-038462-5) 

Liens externes

Notes et références

  1. Par exemple, selon les rabbins, le nom d’Isaac, qui signifie « il rira », est aussi une allusion au sort ironique du peuple juif, « L’éclat de rire ironique, qui accompagne le juif sur sa marche à travers l’histoire, nous confirme que cette marche s’effectue sous la conduite divine ; il ne le trouble aucunement, car il a été préparé, dès le début, à ce ricanement » — S.R. Hirsch, cité par Elie Munk, La voix de la Thora, comm. de Genèse 17:19
  2. Bien que les nombres soient inévitablement flous, Paul Chance, révisant le livre de Lawrence Epstein, intitulé The Haunted Smile: The Story Of Jewish Comedians In America (Psychology Today, Jan-Feb, 2002), écrit que « si les Juifs font environ 3 % de la population américaine, 80 % des comiques professionnels sont des Juifs » — accédé le 25 mars 2007.
  3. Le comédien Mark Schiff, réalisant la revue du même livre sur Jewlarious.com, écrit que la plupart des comiques à succès des années 1950, 1960 et 1970.
  4. Dans une bande dessinée (dans L’Arche d’avril 2009), Olivier Ranson fait dire à un personnage : « La différence entre une blague juive et une blague antisémite ? Une blague juive, c’est un juif qui la raconte. »
  5. Roger Peyrefitte, Les Juifs, Flammarion, 1965, p. 208 : Lors d’une conférence donnée à Cannes au début de l’occupation allemande, Tristan Bernard déclare : « J’appartiens à la race élue… pour le moment en ballottage. »
  6. « Les résistants de 1945 sont parmi les plus glorieux et les plus valeureux combattants de la Résistance, ceux qui méritent le plus d’estime et le plus de respect parce que, pendant plus de quatre ans, ils ont courageusement et héroïquement résisté à leur ardent désir de faire de la Résistance. » Pierre Dac, Les Pensées, 1972.
  7. Pierre Dac, le rire de Résistance, Le Nouvel Observateur, 4 décembre 2008.
  8. Dans son spectacle La Vie normale (2001), Gad Elmaleh met par exemple en scène un nouveau riche racontant une Bar Mitsva délirante, pour laquelle il a fait venir en jet privé un rabbin pour son fils. Élie Semoun, dans un sketch se déroulant pendant une incinération, fait dire à son personnage à propos des fours employés qu’ils sont de bonne qualité car allemands : « Ils ont fait leurs preuves » - type même d’une plaisanterie qui dite par un non-juif serait antisémite ou considérée comme telle.
  9. La vérité, ma mère. Les aventures de Supfermann, par Olivier Ranson
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