Déclin de l'empire ottoman

Déclin de l'empire ottoman

Déclin et chute de l'empire ottoman

l'Empire ottoman (en vert), en 1900

Au XVIIe siècle lâge dor de lEmpire ottoman est déjà révolu, malgré la défaite navale de la flotte ottomane face à une ligue réunissant lEspagne, Rome, Malte et Venise à Lépante en 1571, cette première défaite majeure neut pas des répercussions immédiates, mais elle marquait un tournant dans lhistoire de lÉtat ottoman et un regain de confiance dans la puissance de lEurope chrétienne.

Le déclin de lempire devient de plus en plus manifeste lorsque Osman II (1618-1622) fut assassiné par les janissaires qui protestaient ses tentatives de réforme, ce qui engendre une dégradation de lautorité des sultans et du pouvoir central.

En effet, léchec du second siège de Vienne (1683), le traité de Karlowitz en 1699 (premier traité défavorable aux ottomans) et le traité de Kutchuk-Kaïnardji (1774), reflètent laffaiblissement grandissant de lempire et marquent le début dune crise qui va durer jusquau XXe siècle.
La campagne dÉgypte, expédition militaire entreprise par Napoléon Bonaparte (1798-1801), et linvasion des troupes du gouverneur de lÉgypte, Mehmed Ali, de la Syrie, secouent brutalement les fondements de lÉtat ottoman et lobligent à rechercher des solutions pour les crises qui éclatent au sein de lempire, cest lépoque des Tanzimat.

Sommaire

Les Tanzimat (1839-1878)

Le 29 mai 1807, le sultan Selim III a été déposé, sa nouvelle armée ( Nizam el-djedid) dissoute, et la première véritable tentative de réforme a été maté par le corps conservateur de lempire : les janissaires. Cet événement va devenir une leçon pour le nouveau Sultan Mahmud II, qui va essayer tout au long de son règne (1808-1839) de sauver lempire ottoman de leffondrement. Une série de réformes fut réalisée, et linstitution des janissaires, qui a longtemps opposé la réforme militaire fut supprimée en 1826. malgré tous les changements qui ont été opéré par Mahmud II, ce nest quavec son successeur, le sultan Abdul-Medjid I (1839-1861) que lère des Tanzimat va être officiellement déclenché par le rescrit impérial de Gulkhane.

Proclamé le 3 novembre 1839 à Gulkhane (place à côté du palais de Topkapı), lEdit de réforme est un dans une série de textes et de mesures qui vont former le pilier essentiel des Tanzimat (réorganisation en arabe). Lédit annonce que les sujets du sultan sont désormais égaux, il abolit encore laffermage de limpôt et promets le développement de nouvelles méthodes pour assurer la mise en place dun système juste pour la conscription et lentraînement des soldats de larmée.

En effet, les Tanzimat visent à sauver lÉtat ottoman qui devient de plus en plus soumis à des pressions extérieurs, et qui confronte en même temps des difficultés intérieures croissantes dordre économiques et politiques. Pour cela une panoplie de mesures va être entreprise pour remédier à cette situation déteriorée qui menace lexistence même de lempire.

Bien que le sultan continuait à occuper une position importante dans lédifice Etatique, son rôle va être éclipsé par la Porte qui devient le centre dimpulsion des réformes. En effet, la scène politique ottomane va être dominée jusqu'à 1878 par quatre personnes qui ont occupé le poste du grand-vizir par alternance, et qui vont constituer le fer de lance des Tanzimat. cest quatre personnes sont : Mustafa Rechid Pacha surnommé lepère des Tanzimat’ , Mehmed Emin Ali Pacha, Mehmed Fuad Pacha et Midhat Pacha qui va porter les Tanzimat à leur paroxysme par la constitution de 1876. les hommes des Tanzimat vont jouer un rôle de premier plan dans la modernisation de lempire et cela en imitant lEurope (spécialement la France) dans ses institutions politiques et sa structure administrative, et en essayant doccidentaliser la société ottomane pour quelle sadapte aux diverses transformations qui ont eu lieu au cours des siècles. Les réformes touchent tous les aspects de la vie, mais cest la réorganisation du pouvoir qui est la plus importante car elle va laisser des conséquences considérables sur le fonctionnement des institutions politiques au sein de lÉtat.

Les Tanzimat ont créé un gouvernement centralisé qui se compose dune nouvelle classe dirigeante, les bureaucrates. Afin de donner à lÉtat une meilleure efficacité, des ministères conçus sur le modèle européen sont établis. Ainsi un ministère de la justice voit le jour vers le milieu du règne de Abdulaziz (1861-1876), et en 1869 un ministère de lintérieur est établi. Dautres ministères sont créés (agriculture, commerce, travaux publics) et leurs tâches se diversifient dune façon considérable.

Étant le lien qui relie lempire avec loccident, le ministère des Affaires étrangères constitue la vitrine de la modernité ottomane. Chacun de ces ministères est mis sous la direction dunnazirou ministre. Au-dessus de tous les départements de lÉtat, le grand-vizir (ou la Sublime Porte) supervise lactivité des divers organismes, et préside le conseil des ministres qui devient lorgane central de lexécutif.

Abdülaziz

Sur le plan législatif, le conseil supérieur de justice, fondé en 1838, connaît un développement important dans ses fonctions. En effet, ce conseil élabore les textes législatifs et devient le principal fournisseurs des lois de lempire. En outre, plusieurs codes sont rédigés, tels que le Code pénal (1840) et le Code commercial (1850) et spécialement le Code civil (Medjelle) qui est une gigantesque compilation de coutumes et de lois. Claqués sur le modèlelaïceuropéen, ces codes posent un véritable problème en ce qui concerne leur conformité au droit islamique. Pour assurer leur application, de nouvelles juridictions (nizami) sont instaurées pour trancher les litiges qui nentrent pas dans la compétence des autorités religieuses.

Les réformes ne se limitent pas à ces domaines, elles touchent léducation qui devient de plus en plus séculaire, spécialement après la mise en place dun nouveau système denseignement séparé des institutions religieuses traditionnelles. Larmée aussi se modernise selon le modèle européen, et en 1864 une nouvelle loi administrative divise lempire ottoman en 27 provinces (wilaye) et associe ces provinces, avec les autres subdivisions administratives, dun organe mixte composé de personnes nommées par lautorité centrale ou élus sur le plan local.

Lépoque des tanzimat a connu encore des majeures transformations de la société ottomane. Lessor démographique, et lextension des villes grâce au développement de la population urbaine et à lexode rural, sont le trait qui caractérise la deuxième moitié du XIXe siècle (ex : la population de Beyrouth passe de 40.000 habitants dans les années 1850 à quelque 80.000 dans les années 1880). Léconomie à son tour va connaître une métamorphose vers le système capitaliste (fondation des banques et des entreprises privées, développement considérable de lexportation et de limportation, expansion de lagriculture, chemins de fer).

Malgré toutes ces réformes, la situation est loin dêtre positive. En effet, la guerre de Crimée (1853-1856) et les crises successives qui secouent les Balkans et le Liban, prouvent que les réformes sont insuffisantes. En 1856, le sultan Abdul-Medjid I proclame un nouveau réscrit impérial qui affirme que les chrétiens et les juifs possèdent dorénavant les mêmes droits que les sujets musulmans, et que la liberté de culte leur est reconnue. La conséquence la plus immédiate de cette mesure est la reconnaissance de communautés confessionnelles dotées de pouvoirs propres (les Millets). Il subsiste des problèmes avec les minorités. La nécessité daccélérer le rythme des Tanzimat pousse Midhat Pacha à déposer le sultan Abdulaziz qui oppose ladoption dune constitution qui limite ses prérogatives. En 1876 le nouveau sultan Abdülhamid II promulgue une constitution libérale qui instaure une monarchie parlementaire et qui respecte les libertés individuelles.

Après la guerre désastreuse contre la Russie (1875-1876) et le traité humiliant de San Stefano, Abdülhamid II sera convaincu que les anciens réformes sont inutiles et que de nouvelles méthodes doivent être adopté pour sauver lÉtat. Le sultan rouge suspend donc la constitution en 1878 et dissout le parlement. Lère des Tanzimat est terminé, lempire plonge dans un règne autoritaire qui dure 33 années.

Le règne de Abdülhamid II (1878-1908)

Le sultan Abdulhamid II

La personnalité du sultan Abdülhamid II est un facteur essentiel pour comprendre son attitude despotique. Tourmenté par les évènements qui ont secoué le début de son règne, et obsédé par la crainte dêtre déposé ou même assassiné, Abdülhamid va opter pour une politique dautoritarisme, et de centralisation dans létendue de lempire ottoman pour éliminer toutes velléités indépendantistes.

La première manifestation de cette politique se traduit par le déplacement du centre du pouvoir de la sublime porte au palais. En effet, le grand vizir nest plus celui de lépoque des Tanzimat, il nest quun simple agent responsable seulement, avec tous les autres ministres, devant le sultan. Dorénavant ce dernier règne et gouverne en même temps.

Après léchec de lottomanisme, qui a visé à créer une nation ottomane composée de sujets égaux sans aucune discrimination religieuse ou ethnique, et pour faire face aux ingérences des puissances étrangères, notamment la Grande-Bretagne qui a occupé lÉgypte en 1882 (soumise nominalement à la souveraineté ottomane), Abdülhamid se fit le promoteur de l'idéologie panislamiste, espérant mobiliser tant les musulmans vivant dans l'empire que les autres pays musulmans, et cela en profitant de son titre comme calife de lensemble de la communauté musulmane.

Cette stratégie, adoptée par le sultan, tend à consolider la cohésion interne de lempire, et à renforcer la solidarité entre les musulmans, pour contrecarrer létoile montante de la notion de nationalisme, qui menace non seulement lunité, mais encore la persistance même de lÉtat ottoman. À titre dexemple, la dernière décennie du XIXe siècle fut marquée par le développement dun esprit de nationalisme chez les Arméniens, ce qui a dégénéré aux massacres qui ont eu lieu entre 1894 et 1896 durant lesquels vont périr 200 000 personnes. En outre, la Crète est perdue en 1897, tandis que la Macédoine demeure sous la souveraineté ottomane jusqu'à la guerre des Balkans en 1912.

Sur un autre plan, les politiques de réformes ont pesé lourd sur le trésor public ottoman, les dépenses accrues et les défaites militaires successives de larmée ottomane au cours du XIXe siècle, ont augmenté le déficit budgétaire, ce qui a poussé lÉtat à sendetter. En 1881, la Banque ottomane, en fait un établissement franco-anglais, accrut son influence par la création de la Dette publique: organisme mixte chargé de percevoir les revenus et de gérer la dette publique ottomane.

Le déclin progressif de lempire, et léchec des réformes menées dans le cadre des Tanzimat pour enrayer ce déclin, ont fermenté des idées dopposition croissantes au despotisme dAbdülhamid. Sinspirant de la Révolution française de 1789 et des écrits des intellects ottomans surtout Namik Kemal, lopposition se concrétise dans le mouvement des Jeunes-Turcs qui se constitue pour partie à lintérieur de lÉtat (Istanbul, Salonique) et pour partie à lextérieur (Le Caire, Paris, Genève). Réclamant la restauration de la constitution de 1876 pour pouvoir résister à la pénétration européenne, et pour éviter le démantèlement de lempire, les Jeunes-Turcs regroupent dans un premier temps des libéraux dorigines diverses : Turcs, Arabes, Arméniens et Kurdes. Mouvement de nature complexe qui se propage entre les étudiants de lécole de médecine militaire à Istanboul, les Jeunes-Turcs sont dominés par la Comité Union et Progrès (CUP) fondé en 1895 à Salonique par Tallat bey et Rahmi bey et qui recrute parmi les corps de fonctionnaires civils et militaires. À partir de 1907, ce comité prend une coloration plus militaire avec ladhésion dofficiers de larmée turque tels Enver, Niazi bey, Jamal et Mustafa Kemal.

La crise devient de plus en plus patente à la première décennie du XXe siècle. En effet, la situation sur le double plan économique et social se détériore graduellement, le retard dans le paiement des salaires aux soldats cause plusieurs émeutes dans les casernes. En outre, linfiltration de lAllemagne dans les affaires internes de lempire, spécialement après la visite de lempereur Guillaume II, sest manifesté par laffaire du chemin de fer de Bagdad. Pour cela la relation du sultan Abdülhamid II avec les autres puissances européennes devient délicate, ce qui provoque un rapprochement anglo-russe au détriment des ottomans. La combinaison de tous ces facteurs ne peut que confirmer un seul fait : la révolution est imminente.

Leffondrement (1908-1923)

Les jeunes-Turcs

Manifestation en 1908 lors de la révolution des Jeunes-Turcs

Lagitation des Jeunes-Turcs en Macédoine ottomane devient de plus en plus grandissante et risque même de se transformer en une insurrection qui menace le pouvoir de Abdülhamid. La situation devient critique quand le sultan envoie 18000 hommes pour dompter cette mutinerie. Mais au lieu daccomplir leur mission, ils se joignirent aux rebelles. Abdülhamid, afin denrayer le mouvement, annonce alors en juillet 1908 la convocation du Parlement et la remise en vigueur de la Constitution de 1876, cest la fin de lère du despotisme Hamidien.

Malgré lampleur des évènements de juillet 1908, ce qui sest passé ne peut être qualifié comme révolution, cest plutôt un coup de force qui a obligé le sultan à accepter la réduction de ses pouvoirs. En effet, la situation est loin dêtre stable. La victoire de Jeunes-Turcs est de courte durée. Profitant de la désorganisation de lEmpire due à la révolution, lAutriche annexe officiellement la Bosnie-Herzégovine, tandis que la Bulgarie proclame son indépendance et la Crète son rattachement à la Grèce. La responsabilité de ce désastre tombe sur le CUP au pouvoir.

En outre, lattitude des Jeunes-Turcs provoque une vive opposition de la population musulmane qui leur reproche de sêtre alliés aux chrétiens, aux juifs et aux francs-maçons. Croyant pouvoir bénéficier de lagitation islamiste à Istanbul, Abdülhamid mène une contre-révolution, et cela par la dissolution du Parlement et larrestation de plusieurs membres du CUP. Face à cette situation la réaction des Jeunes-Turcs ne se fait pas attendre. À la tête dune armée (larmée daction) provenant de la Macédoine ottomane, Mahmud Chevket Pacha pénètre dans Istanbul le 24 avril 1909, et dépose peu après le sultan Abdülhamid auquel succède son frère Mehmed Rachad, ou Mehmed V sans pouvoir réel.

Avec la chute du sultan rouge souvre le dernier chapitre de lhistoire de lempire ottoman. En effet, la révolution de 1908 a liberé la société ottomane tant soumise au joug du despotisme dAbdulhamid II. De nouvelles questions, auparavant négligées, viennent surgir sur la scène sociale. Ainsi la situation traditionnelle de la femme est remise en question, et des mouvements de revendication sont créés par des femmes influencées par les idées occidentales. En outre, les ouvriers prennent conscience de leur condition et commencent à réclamer lamélioration de leur situation par des grèves qui éclatent dans plusieurs secteurs (employés des tramways, les dockers, souffleurs de verre, secteur de communications, de textiles, les mines). La liberté dexpression et la multiplication des journaux engendrent un essor dans la vie intellectuelle. Dans un premier temps deux tendances dominent la société ottomane : une tendance islamiste dont le porte parole est Mehmed Akif, et une autre tendance occidentaliste représentée par Abdullah Djevdet. Une troisième tendance va apparaître progressivement dès 1908 et qui va jouer un rôle important dans lavenir, celle du nationalisme turc.

Arrivé au pouvoir, le CUP cherche à préserver lintégrité de lÉtat ottoman et à assurer lunité de toutes les composantes de la société ottomane, et cela en créant des citoyens égaux devant la loi, et non des sujets appartenant à des millets diverses. Mais laccomplissement de ces objectifs va se heurter à des crises qui éclatent dans plusieurs régions de lempire. En effet, Lannée 1911 marqua le début de la guerre italo-turque, qui se termina en 1912 par la reconnaissance de la souveraineté de lItalie sur la Tripolitaine. En outre, face à la politique de centralisation menée par les Jeunes-Turcs, lAlbanie se révolte contre la Turquie sous la direction dIsmail Kemal, et accède ensuite à lindépendance suite à la conférence de Londres en 1912. les défaites successives de larmée ottomane vont développer de plus en plus un sentiment de nationalisme turc qui se répand dans la population exaspérée dIstanbul.

Les dernières années de la vie de lÉtat ottoman sont marquées par une série de guerres qui va gravement compromettre lintégrité de lempire et la crédibilité du pouvoir central. Prélude de la dislocation définitive de lÉtat ottoman, les deux guerres balkaniques qui ont eu lieu de 1912 à 1913 font perdre aux ottomans lessentiel de leurs possessions en Europe.

Dans cette situation de trouble, et surtout après lassassinat du grand vizir Mahmoud Chevket Pacha le 21 juin 1913, le pouvoir passe à un triumvirat unioniste constitué par Tallat, Djemal et Enver Paşa. Dès lors, la promotion de plus en plus exclusive dun nationalisme Turc strict qui se traduit par une répression accrue à légard des minorités, conforte lautoritarisme du triumvirat et accentue la rivalité et la méfiance entre les arabes et le CUP.

Guerres et génocide arménien

Déportations d'Arméniens lors du génocide en 1915

Le 28 juin 1914, à Sarajevo, larchiduc François-Ferdinand d'Autriche est assassiné par un étudiant bosniaque. Par le jeu des alliances complexes en Europe, la première guerre mondiale est déclenchée. Le 2 novembre, la Russie, suivie le lendemain par le Royaume-Uni et la France déclarèrent la guerre à lempire ottoman qui avait signé un pacte secret avec lAllemagne. À lexception de la bataille de Gallipoli, larmée turque ne remporte aucun succès soit sur le front nord avec la Russie, soit au sud sur le front du canal de Suez. La situation devient de plus en plus alarmante avec la révolte arabe, conduit par le cherif de la Mecque Hussein ibn Ali en juin 1916 et soutenue par les Britanniques.

De son côté, le gouvernement ottoman des Jeunes-Turcs, pour des raisons liées au nationalisme turc et au panturquisme profite de la guerre pour organiser, entre le printemps 1915 et l'été 1916 principalement, le génocide arménien dans lequel vont périr près d'1 200 000 personnes. Les massacres débutent "officieusement" avec l'arrestation, la déportation puis le massacre d'intellectuels arméniens de Constantinople durant la nuit du 24 au 25 avril 1915. Puis c'est au tour de l'Anatolie un plan d'extermination génocidaire est soigneusement mis en place ; les hommes sont tués, et le reste de la population est déportée en convoi par des gendarmes turcs. Les conditions sont mauvaises, et beaucoup meurt en route. Des Kurdes viennent aussi massacrer des Arméniens. La population encore vivante arrive en 1916 dans les déserts de Syrie-Mésopotamie, la grande majorité va mourir. Les deux-tiers de la population arménienne vient d'être supprimée, les autres ont pu se réfugier en Arménie russe ou ailleurs. Quelques massacres surviennent les années suivantes ; voilà que l'empire ottoman est vidé de la plupart de sa population arménienne.

En 1918 larmée turque est prête à succomber, les Britanniques envahirent le Liban et la Syrie, prirent Damas (29 septembre), puis Alep et dautres points stratégiques, tandis que les forces navales françaises occupaient Beyrouth. Un armistice fut conclu le 30 octobre à Moudros. Les Turcs seront obligés de démobiliser, de rompre les relations avec les Empires centraux et dautoriser les vaisseaux de guerre alliés à passer par le détroit des Dardanelles. Humilié par le traité de Sèvres qui reconnaissait le contrôle grec sur certains territoires de lAnatolie, le gouvernement dIstanboul tombe en discrédit.

Refusant cette situation de catastrophe nationale, Mustafa Kemal réussit à remporter des victoires décisives sur les Grecs, à Sakyara (août 1921) et à Dumlupinar (août 1922), puis occupa à nouveau Smyrne en septembre. Par le nouveau traité de Lausanne en 1923, la Turquie actuelle accède à son indépendance, le sultanat et le califat furent aboli (le dernier sultan Mehmed VI Vehid-el-Ddin fut déposé en 1922) et la république fut proclamée le 29 octobre 1923 avec Mustafa Kemal pour président. Désormais lempire ottoman nexiste plus et n'est plus qu'un souvenir.

Conclusion

La structure de la société ottomane sest basée sur un ensemble culturel et religieux complexe qui assurait la persistance de lÉtat ottoman. Mais les défaites successives de larmée ottomane au cours des XVIIIe et XIXe siècles, et linfiltration croissante de loccident dans les affaires internes de lempire ont obligé les dirigeants de lÉtat ottoman à abandonner le mode traditionnel de gouvernement et à souvrir sur lEurope. En effet, leffondrement de lempire ottoman peut sexpliquer par léchec du mouvement de réforme qui a caractérisé les XIXe et XXe siècles. Conscients de la nécessité de moderniser lappareil politique et administratif, les hommes des Tanzimat nont pas pu résoudre les problèmes essentiels qui résidaient au sein même de la société ottomane.

Nayant pas connu une renaissance similaire à celle qui a dominé lEurope au XVe siècle, les ottomans ont imposé les réformes sur une population hétéroclite qui nest pas encore prête à accepter ce bouleversement majeur dans les normes sociales. En outre, les traditions religieuses ancrées dans la mentalité du peuple ont anéanti le rôle de lindividu et ont transformé ce dernier à un simple sujet dune communauté qui réclame la protection dune puissance extérieure. Cet antagonisme entre les communautés a provoqué la fragmentation de lempire et la perte de cohésion entre les composantes de la société ottomane. En effet, les divers courants de pensée qui ont essayé de sauver lempire (ottomanisme, panislamisme, touranisme, nationalisme) nétaient quune alternative à léchec du courant précédant. Dans cette situation de déterioration politique, économique et sociale, la chute de lempire ottoman nétait quune question de temps. La Première Guerre mondiale a donné le coup de grâce à cet édifice corrompu qui était déjà en train de séroder lentement depuis quatre siècles.

Voir aussi

Article connexe

Bibliographie

  • Yves Ternon, Empire ottoman, le déclin, la chute, l'effacement, éditions du félin.
  • Histoire de la Turquie contemporaine, Hamit Bozarslan, la découverte.
  • Paul Dumont, Mustapha Kemal invente la Turquie moderne, éd. Complexe, 1983, nouv. éd. 1997 et 2006 (ouvrage couronné par l'Académie française)
  • Id., Du socialisme ottoman à l'internationalisme anatolien, Istanbul, éd. Isis, 1997
  • Paul Dumont et Georges Haupt, Les Mouvements socialistes dans l'empire ottoman, Gözlem-Istanbul, 1977
  • François Georgeon, Abdülhamid II, le sultan calife, éd. Fayard, 2003
  • Nora Lafi, Une ville du Maghreb entre ancien régime et réformes ottomanes. Genèse des institutions municipales à Tripoli de Barbarie (17951911), Paris: L'Harmattan, 2002, 305 pp.
  • Nora Lafi (dir.), Municipalités méditerranéennes. Les réformes municipales ottomanes au miroir d'une histoire comparée, Berlin: K. Schwarz, 2005.
  • Odile Moreau, L'Empire ottoman à l'âge des réformes, Institut français d'études anatoliennes / éd. Maisonneuve et Larose, 2007 (ouvrage issu d'une thèse de doctorat en histoire)
  • Gilles Veinstein, Salonique, 1850-1918. La « ville des Juifs » et le réveil des Balkans, éd. Autrement, 1992
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