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Bataille de Lépante
Bataille de Lépante Informations générales Date 7 octobre 1571 Lieu Golfe de Lépante (proche de Patras, en Grèce) Issue Victoire de la Sainte Ligue chrétienne Belligérants Sainte Ligue chrétienne, principalement les Tercios espagnols et Ordre de Malte Turcs ottomans Commandants Don Juan d'Autriche Ali Pacha Forces en présence 220 navires 300 navires Pertes 9 000 morts ou blessés 30 000 morts ou blessés et 8 000 prisonniers, 240 navires et 450 canons perdus Guerre contre les Turcs Le 7 octobre 1571, une grande bataille navale se déroule près de Naupacte - appelée alors « Lépante » - à proximité du golfe de Patras en Grèce. Une flotte "chrétienne", regroupée sous le nom de Sainte Ligue, principalement composée de Venise et de l'Espagne, y affronte la marine ottomane. Le prétexte est la prise de Chypre par les Ottomans en 1570, mais le contexte plus général est celui des rivalités d'influence en Méditerranée.
La bataille fut une lourde défaite pour les Ottomans, qui perdirent une grande partie de leur marine et près de 30 000 hommes. L'événement eut un retentissement considérable en Europe, car c'était la première fois depuis le XVe siècle qu'un coup d'arrêt était porté à la suprématie ottomane en Méditerranée, et plus généralement à l'expansionnisme ottoman.
Beaucoup d'historiens estiment qu'il s'agit de la bataille navale la plus importante depuis celle d'Actium, qui marqua la fin de la guerre civile romaine.[1]
Sommaire
Contexte
La bataille s'inscrit sur fond de tensions géopolitiques, avec la montée de l'expansionnisme ottoman en Méditerranée - qui menace en particulier l'Espagne, puissance dominante dans la région à cette époque. Depuis le début du XVIe siècle, les Turcs pratiquent des razzias en Méditerranée occidentale. Débarquant sur les côtes italiennes ou espagnoles, ils pillent les villes du littoral et emmènent certains habitants en esclavage.
A cette rivalité stratégique (le contrôle de la Méditerranée occidentale), s'ajoute en arrière-plan la rivalité religieuse traditionnelle entre chrétienté et islam.
Lorsqu'en 1570 les Ottomans s'emparent de Chypre, alors possession de la République de Venise, au terme d'une conquête brutale (plus de 20 000 habitants de Nicosie sont mis à mort)[2], c'est l'élément déclencheur de la réaction européenne. Le Pape Pie V ressuscite l'idéale croisade, et réussit à constituer une alliance entre Venise et l'Espagne, dite Sainte Ligue.
Déroulement
Au matin du 7 octobre 1571, la flotte chrétienne en provenance de Messine rencontre la flotte turque en provenance de Lépante (aujourd'hui Naupacte) dans le Golfe de Patras, au large la Grèce. La flotte « chrétienne », sous le nom de Sainte Ligue, est composée des flottes combinées du Saint-Siège, de l’Espagne et de Venise avec des contributions mineures de Gênes, d’autres États italiens, des États de Savoie qui y envoyèrent les trois galères de Nice, et les chevaliers de Malte. Elle est commandée par le jeune Don Juan d'Autriche (26 ans), fils naturel de Charles Quint et demi-frère du roi d'Espagne Philippe II d'Espagne - qui s'avèrera un excellent commandant. La flotte ottomane est commandée par Ali Pacha, assisté de Uludj Ali (régent d'Alger) qui dirige l’aile gauche.
Cette bataille est restée dans les traités d’histoire militaire comme un tournant dans la stratégie navale. En effet, c’est la première fois que les galères se voient opposées (à grande échelle) à une flotte plus manœuvrante et armée de canons. Cette combinaison technique, une stratégie qui a consisté à enfermer les Turcs dans le golfe de Lépante, une tactique consistant à faire prendre à l’abordage les galères par l’infanterie espagnole, alliées à des défections rapides dans la flotte turque contribua grandement à la réputation de cet affrontement.
Pendant le cours de la bataille, le navire du commandant ottoman fut envahi par les hommes de la galère de Don Juan d'Autriche[3] ainsi que par celle de l’Amiral de la flotte savoyarde André Provana de Leyni entre autres, et l’amiral Turc décapité. Sa tête fut placée au bout du mât du navire principal espagnol, ce qui contribua à saper le moral turc.
La bataille dura une grande partie de la journée, et fut particulièrement violente.
Bilan
La bataille fut une défaite complète pour les Ottomans qui perdirent 260 navires sur les 300 de leur flotte. La démesure de l’affrontement en fit un événement majeur : on dénombra 7 500 morts chez les Chrétiens, 30 000 morts ou blessés et 8 000 prisonniers chez les Turcs, 15 000 forçats chrétiens libérés de leurs fers ; 117 navires, 450 canons et 39 étendards furent pris aux Turcs.
Ce fut la bataille navale la plus importante entre celle d’Actium en 31 avant J.-C. et celle d’Aboukir, en 1798, pendant les guerres napoléoniennes.
La victoire de la flotte chrétienne à dominante vénitienne, confirma l’hégémonie espagnole sur la Méditerranée, surtout occidentale, et stoppa la progression ottomane vers l'Europe. Psychologiquement, la victoire eut un retentissement considérable en Europe, car c'était la première fois qu'une flotte "chrétienne" réussissait à vaincre la marine ottomane.
Cependant, les dissensions entre alliés empêchèrent de poursuivre l'avantage, et les projets de reconquête des Dardanelles, voire de Constantinople durent être abandonnés. Les Ottomans reconstruisirent rapidement leur flotte et reprirent le contrôle de la Méditerranée orientale. Venise, ruinée par la guerre et l'interruption de son commerce avec l'Orient, négocie avec les Turcs et leur reconnaît par traité le 7 mars 1573 la possession de Chypre, pourtant objet original du conflit.
Mais l'expansionnisme ottoman sera irréversiblement marqué par la défaite de Lépante. S'ils ont rapidement remplacé les navires, les Turcs n'ont jamais vraiment pu se remettre de la perte de 30 000 hommes, souvent hautement qualifiés - marins, rameurs, archers embarqués comme "artillerie légère". Grâce à leur alliance avec la France, en lutte contre l'Espagne, les Ottomans réussissent à finaliser leur conquête du Maghreb (prise de Tunis en 1574), mais pour l'essentiel leur influence en Méditerranée occidentale prend fin avec Lépante.[4]
Toutefois, le rôle prépondérant de la mer Méditerranée s’est progressivement atténué dans les années suivantes avec l’essor des flottes océaniques qui avait commencé quelques décennies plus tôt.
Militairement, la bataille montre la redoutable efficacité des galéasses vénitiennes (sortes de petits galions armés de canons).[5] Même si des batailles antérieures plus limitées l’avaient déjà annoncée, même si la flotte chrétienne comportait un nombre important de galères (mais la flotte turque n’avait pas de galéasse), et même si l’emploi du canon a été moins décisif que la légende ne l’a voulu, on considère généralement la bataille de Lépante comme la fin des flottes de galères au profit des galions armés de canons.[6]
La bataille vit également l'émergence ou le renforcement d'une certaine "conscience européenne" (structurée ici autour de l'aspect religieux)[7].
Dans l'Église catholique romaine, la victoire fut attribuée à la Sainte Vierge car le pape saint Pie V avait demandé un rosaire universel pour obtenir la victoire, l'anniversaire de la bataille fut inscrite sous le nom de Notre-Dame du Rosaire dans le calendrier liturgique romain et cette grâce est toujours commémorée.
Anecdotes
L’un des participants le plus connus était l’écrivain espagnol Miguel de Cervantes, qui y fut blessé et perdit l’usage de sa main gauche. « Pour la gloire de la droite ! » dira-t-il ensuite[8].
La flotte turque était notablement composée de janissaires (enfants chrétiens réduits en esclavage, islamisés et élevés pour devenir soldats d’élite de l’islam turc).
Cette bataille opposant des nations chrétiennes à l'Empire ottoman a donnée son nom à une tactique du jeu de stratégie Diplomacy où l'Autriche et l'Italie s'allient contre l'Empire ottoman.
Notes et références
- ↑ Paul K. Davis, 100 Decisive Battles from Ancient Times to the Present: The World’s Major Battles and How They Shaped History (Oxford: Oxford University Press, 1999)
- ↑ Hitchens, Christopher. Hostage to History: Cyprus from the Ottomans to Kissinger. Verso (1997)
- ↑ Une réplique grandeur nature de la galère de Don Juan d'Autriche est visible au musée maritime de Barcelone.
- ↑ Andrew C.Hess, The Battle of Lepanto and Its Place in Mediterranean History, Past and Present, No. 57. Nov. 1972
- ↑ Voir Actes du colloque Autour de Lépante: guerre et géostratégie en Méditerranée au tournant des XVIe et XVIIe siècles, Centre d'Études d'Histoire de la Défense, Paris, 2001
- ↑ Stevens, William Oliver. A History of Sea Power. New York: Doubleday, Doran & Co., 1942
- ↑ Wheatcroft, Andrew. Infidels: A History of the Conflict between Christendom and Islam. Penguin Books, 2004
- ↑ Herodote.net.
Bibliographie
- Actes du colloque Autour de Lépante : guerre et géostratégie en Méditerranée au tournant des XVIe et XVIIe siècles, Centre d'Études d'Histoire de la Défense, Paris, 2001
- (en) Bicheno, Hugh. Crescent and Cross: The Battle of Lepanto 1571, Phoenix, London, 2004, ISBN 1-84212-753-5
Liens externes
- (en) Vision d'ensemble de la bataille
- (en) Lépante : La bataille qui sauva la Chrétienté ?
- (en) Considérations sur la guerre navale au XVIe siècle
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