Dassault Mirage IV

Dassault Mirage IV
Pix.gif Mirage IV Logo.jpg Silhouette d’un avion militaire.
Mirage IV DN-ST-87-02585.JPEG
Un Mirage IV en vol en 1986

Constructeur Drapeau : France Dassault Aviation
Rôle Bombardier stratégique
Statut Retiré du service
Premier vol 17 juin 1959
Mise en service 1er octobre 1964
Date de retrait 23 juin 2005
Nombre construits 62
Équipage
1 pilote, 1 navigateur
Motorisation
Moteur SNECMA Atar 9K
Nombre 2
Type Turboréacteurs avec postcombustion
Poussée unitaire 68,65 kN
Dimensions
Envergure 11,84 m
Longueur Avec perche de ravitaillement en vol : 23,49 m
Hauteur 5,40 m
Surface alaire 78,00 m2
Masses
À vide 14 500 kg
Avec armement 31 600 kg
Maximale 33 475 kg
Performances
Vitesse maximale À 13 125 m : 2 340 km/h (Mach 2,2)
Plafond 18 000 m
Vitesse ascensionnelle 2 588 m/min
Rayon d’action À 958 km/h et 13 125 m : 1 240 km
Avec réservoirs externes : 4 000 km
Armement
Interne Bombe nucléaire AN-11, AN-21 ou AN-22, ou une nacelle CT.52 de reconnaissance, semi-encastrées sous le fuselage
Externe missile ASMP, 2 réservoirs externes de 2 500 L, conteneurs ECM, bombes classiques (charge maximale : 6 800 kg)

Le Dassault Mirage IV est un bombardier stratégique français dont les études ont débuté à la moitié des années 1950. Entré en service en 1964, il fut le premier vecteur de la « triade » de la dissuasion nucléaire française. Sa carrière durera plus de 40 ans (retrait du service en juin 2005) dont les 10 dernières années seront uniquement consacrées à des missions de reconnaissance.

Sommaire

Historique

La genèse de la dissuasion nucléaire française sous la IVe République (1952-1958)

Le 18 octobre 1945, le président du gouvernement provisoire de la République française Charles de Gaulle crée par ordonnance no 45-2563 le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) avec pour mission de « mettre en œuvre l'utilisation de l'énergie atomique dans les domaines de la science, de l'industrie et de la défense nationale » française, bien que ce dernier objectif ne soit pas clairement avoué.

Les études de la bombe A (1952-1958)

L'instabilité des gouvernements de la IVe République ne favorise pas un plan à long-terme visant à doter la France de l'arme nucléaire. Cependant, le 20 juin 1952, le président du Conseil Antoine Pinay et son secrétaire d'État aux Finances Félix Gaillard présentent un projet de loi de programme pour la réalisation du plan de développement de l'énergie atomique (1952-1957), qui prévoit la production d'une quantité significative de plutonium. D'où les recherches géologiques de gisements d’uranium que la France mène sur son territoire et dans ses colonies, comme Madagascar. Au sein du même gouvernement, certains sont favorables à l'arme nucléaire, d'autres dubitatifs et d'autres hostiles. Puis, le 20 mai 1954, le ministre de la Défense nationale français René Pleven consulte officiellement les secrétaires d'État sur un programme nucléaire de défense et le 26 octobre 1954, le président du Conseil Pierre Mendès France signe un décret instituant une Commission supérieure des applications militaires de l'énergie atomique, complété le 4 novembre 1954 par un arrêté créant un Comité des explosifs nucléaires[1].

Enfin, le 20 mai 1955, sous le 2e gouvernement Edgar Faure, le CEA, le secrétaire d'État aux Finances et aux Affaires économiques Jean Gilbert-Jules et le ministre de la Défense nationale et des Forces armées Pierre Kœnig signent un accord mettant fin aux débats parlementaires de la IVe République et décident de financer la bombe A sur la période 1955-1957. Même si elle ne le dit pas, la France est donc décidée en 1955 à rejoindre à l'horizon 1963, pour les plus optimistes, le « club » détenteur de l'arme nucléaire siégant au Conseil de sécurité des Nations unies (les États-Unis dès 1945, l'URSS qui leur emboite le pas en 1949 puis le Royaume-Uni en 1952). D'autres décisions viennent confirmer ce choix :

En dépit de ces décisions en faveur de la construction d'une arme nucléaire, demeure le problème du vecteur.

Par ailleurs, les États-Unis sont alors préoccupés par la non-prolifération nucléaire en Europe[2],[3]. Selon Yves Le Baut, ancien conseiller militaire au CEA puis directeur de la DAM, les États-Unis sont « sur le point de nous imposer [à la France, ndlr] une limitation de la libre disposition des matières nucléaires, donc de nous interdire la réalisation d'un armement nucléaire national »[4].

Études et prototypes

L'« avion de représailles » (1955-1958)

Le ministre de la Défense nationale et des Forces armées Pierre Kœnig tranche de façon ambigüe le 13 juillet 1955 le débat entre missile et bombardier stratégique à la faveur de la défaite de Điện Biên Phủ. Il demande au secrétaire d'État à l’Armée de l’air de lancer des études sur un appareil supersonique apte à voler à basse altitude et dénommé pudiquement « avion de représailles ». Néanmoins, les études demandées le 4 février 1953 puis le 22 mars 1954 par le Service technique de l'aéronautique (STAé) aux industriels ne concernent qu'un intercepteur léger « de moins de 4 tonnes, capable de monter à 15 000 m en 4 minutes, de voler en palier à Mach 1,3 pour rattraper par l'arrière un hostile volant à Mach 1 et éloigné de plus de 25 km, de porter un missile de 200 kg, de revenir à sa base et d'attendre cinq minutes à l'atterrissage, avant de se poser à moins de 180 km/h ». Sont proposés plusieurs projets dotés du réacteur SNECMA Atar 9:

Le prototype d'intercepteur Mirage III-A tel qu'en 1955-56

Le secret est de mise sur la descendance en bombardier stratégique nucléaire du futur intercepteur. Comme le raconte Jean Cabrière, ancien directeur général technique de la GAMD, « l'ingénieur en chef [de la STAé] Dorleac pose aux ingénieurs de GAMD des questions qui les laissent perplexes et qui tendent vers un avion avec toujours plus de pétrole pour plus de rayon d'action, donc plus gros et plus lourd au détriment des qualités d'agilité qui sont celles d'un bon chasseur. »[5]. De « petites indiscrétions » et l'annonce par la STAé sous le gouvernement Guy Mollet à la mi-octobre 1956 que le chasseur lourd ne sera doté que d'une seule bombe d'une tonne, assez longue (5,5 m) et d'un diamètre de 65 cm[6] font comprendre à la GAMD et la SNCASO que « les demandes des ingénieurs de l'État tendent à définir un avion de bombardement. »

À la suite du fiasco de la crise du canal de Suez[7] et du processus de décolonisation, le 16 octobre 1956 la STAé précise les caractéristiques du bombardier, puis le 15 novembre 1956, informe la GAMD qu'elle est retenue face à la SNCASO à la fois pour l'intercepteur Mirage III-A et le bombardier lourd Mirage IV. Cependant, les essais du SO-4060 et du Mirage IV se poursuivront durant deux ans. Le 28 novembre 1956, l'étude du bombardier stratégique équipé de 2 moteurs SNECMA Atar est décidée par le ministre de la Défense nationale et des Forces armées français Pierre Billotte. L'industriel reçoit par courrier des spécifications encore vagues en matière de distance franchissable (de 2 000 à 4 000 km). Il est enjoint « devant les nombreux problèmes que poseront les vols nettement supersoniques de ce prototype (Mach supérieur à 2), d'en entreprendre l'étude sans attendre d'autres précisions sur l'armement », de 1 000 à 2 000 kg, dont le qualificatif de « nucléaire » n'est toujours pas précisé.

En mars 1957, Le Mirage IV est approuvé par le STAé et le marché de fabrication du prototype est notifié en avril 1957, ce qui ne signifie pas qu'un choix définitif est fait en faveur de la formule Mirage. En effet, le prototype SNCASO SO-4060 est en cours de construction à Courbevoie. Ce prototype ne volera pas par manque de temps et d'argent. « Les directives ministérielles demandent un choix pour la fin de 1958 et aucun des deux concurrents ne peut voler à cette date. Fin 1957, le ministre a demandé impérativement à la DTCA de réaliser des économies importantes en donnant la priorité au bombardier de représailles. Ces exigences budgétaires condamnent la version chasseur tout temps du 4060. »[5]

Le bombardier stratégique (1958)

La GAMD poursuit ses études visant à valider la possibilité de maintenir des vols supersoniques prolongés, à réduire la traînée et augmenter l'autonomie et, de façon plus qu'improbable, à effectuer une pénétration aller-retour à haute altitude.

Les projets

Plusieurs projets à aile delta biplaces en tandem sont proposés :

  • le Mirage IV-A, d'une surface alaire de 43m², propulsé par des Snecma Atar ;
  • le Mirage IV-B de 57 tonnes (dont 31 tonnes de carburant) d'une surface alaire de 130 m2 homothétique à celle d'un Mirage III, propulsé par des Pratt & Whitney JT-4 B24 de 13,6 tonnes de poussée (avec post-combustion) à produire sous licence par la Snecma[8], aptes à répondre aux demandes d'autonomie de 5 000 km sans ravitaillement en vol, étant donné que les performances estimées en supersonique sont meilleures que celles attendues du Mirage IV-01 (Mach 2+, plafond à Mach 1,8 supérieur à 18 000 m, performances de décollage et d'atterrissage permettant l'utilisation des pistes OTAN de 2 400 m en altitude et par temps chaud ;
  • le Mirage IV-C, d'une surface alaire 70 m2, propulsé par des réacteurs provisoires SNECMA Atar 9B de 6 tonnes de poussée (avec post-combustion)

De son côté, la Marine nationale française s'intéresse à une version embarquée. La GAMD remet un avant-projet le 28 décembre 1956 suivi d'un projet en mars 1957 de Mirage IV-M monoplace, raccourci et avec ailes et dérive repliables. Ce projet est abandonné fin 1958, suite au lancement en 1955 de 2 porte-avions légers de 22 000 tonnes, le Clemenceau (R98) et le Foch (R99) qui ne peuvent pas soutenir cet appareil de 16,5 t au catapultage et l'abandon du porte-avions Verdun, pour lequel il est destiné, en 1961.

En mai 1959, la fabrication en série envisagée est de 53 bombardiers, plus 27 de reconnaissance et de guerre électronique devant vraisemblablement escorter les premiers. Finalement, pour des raisons de coûts, seuls 50 bombardiers sont commandés en septembre 1960, suivis de 12 avions ajoutant à la capacité de bombardement celle de l'emport d'un pod de reconnaissance en juillet 1964.

Les prototypes

  • le Mirage IV-01 de 32 t et d'un rayon d'action de 1 100 km, bien que basé sur le Mirage IV-C, s'en différencie par l'adoption de deux réacteurs SNECMA Atar 9D de 15% de poussée en plus, une cellule rallongée de 1,70 m (afin d'accroitre de 30% la capacité du réservoir avant), une voilure augmentée de 8 m² et une dérive modifiée afin d'y loger un parachute-frein. Le Mirage IV-01, ne comportant que des équipements d'essais en soute, effectue son 1er vol le 17 juin 1959 à Melun-Villaroche. Lors de son son 3e vol, le 20 juin 1959, il est présenté en démonstration devant le président de la République française Charles de Gaulle au salon du Bourget. Moins de trois mois plus tard, le Mirage IV-B est définitivement abandonné[9]. Le 19 septembre 1960, le Mirage IV-01 bat le record international de vitesse sur 1 000 km en circuit fermé (1 822 km/h) puis, lors de son 138e vol du 23 septembre 1960, il porte le record sur 500 km en circuit fermé à 1 972 km/h de moyenne en volant entre Mach 2,08 et Mach 2,14. Les trois autres prototypes sont commandés fin mars 1960[10] ;
  • Le Mirage IV-02, partiellement équipé, effectue son 1er vol le 12 octobre 1961 ;
  • Le Mirage IV-03, équipé du système de navigation et de bombardement (SNB) complet, effectue son vol inaugural le 1er juin 1962 ;
  • Le Mirage IV-04 doit « garantir la parfaite conformité de la série ». Son 1er vol a lieu le 23 janvier 1963. Est testée l'utilisation de 12 moteurs-fusée JATO fournissant 5 tonnes de poussée supplémentaire pour faciliter le décollage.

A noter qu'en 1961, le même bureau d'étude mène de front le développement des prototypes et de l'avion de série Mirage IV comme du Mirage III.

La doctrine de la force de frappe sous la Ve République (1959-1967)

Le mot tabou « nucléaire » sera écrit par le président de la République française Charles de Gaulle, dont l'entrée en fonctions a lieu le 8 janvier 1959. Dès mars 1959[11], la priorité absolue aux composantes de la Force de frappe (renommée en Force de dissuasion nucléaire) est clairement affirmée et la date de 1964 pour sa mise en service exige le choix de solutions d'aboutissement à court terme. La première loi programme 1960-1964 prévoit donc la réalisation de la force Mirage IV (avec bombe AN-11 de 60 kt) dont les premières mises en service ont lieu en 1964. La deuxième loi de programme couvrant la période 1965-1970 prévoit d'achever la mise en place de la force Mirage IV équipée de la bombe A, ce qui fut fait en 1967[12].

La doctrine française de la dissuasion nucléaire immédiate et totale (massive retaliation) ou de « suffisance » en 3 points s'oppose à la doctrine américaine de dissuasion graduée (flexible response) :

  • dès 1961, il est demandé à la future Force aérienne stratégique (FAS) d'être en mesure« d’infliger à l’URSS une réduction notable, c’est-à-dire environ 50%, de sa fonction économique »[13] ;
  • dans la foulée, la priorité donnée à la stratégie « anti-cités » est liée à l'idée de la dissuasion « du faible au fort », réputée être « la plus dissuasive et la moins coûteuse pour une puissance moyenne comme la France », se refuse à détruire les moyens nucléaires adverses, qui entraînerait une guerre nucléaire contre la France métropolitaine ;
  • la FAS doit être capable d'exercer les dommages en toutes circonstances, y compris de rétorsion « en second » et ne nécessite pas pour elle de disposer de moyens d’alerte avancée, type AWACS, en particulier parce que l'adversaire majeur est clairement identifié[14].

L'avion de reconnaissance stratégique

En 1964 est demandée une version du Mirage IV destinée à la reconnaissance stratégique. L'avion doit être équipé d'un conteneur CT-52 emportant les équipements nécessaires, remplaçant la bombe semi-encastrée sous le fuselage des avions destinés au bombardement. Le premier vol avec le CT-52 est réalisé par le Mirage IV no  61, en octobre 1968. Les essais en vols se déroulent d'octobre 1969 à avril 1970[15].

Après une série de modifications et de nouveaux essais entre octobre 1970 et septembre 1971, le couple Mirage IV / CT-52 est officiellement mis en service fin 1971. Initialement, seuls les 12 derniers Mirage IV pouvaient recevoir le CT-52. Progressivement, les 50 autres avions seront modifiés pour être capables eux aussi d'emporter ce conteneur.

Contacts à l'export

En 1962, suite à l'abandon par les États-Unis du missile balistique aéroporté AGM-48 Skybolt qui devait équiper les bombardiers stratégiques transsoniques à long rayon d'action britanniques Avro Vulcan puis, le 6 avril 1965, du bombardier stratégique BAC TSR-2, la Royal Air Force envoie des pilotes essayer le Mirage IV, déjà en service.

Est alors envisagée la livraison ou la production sous licence de quatre-vingt Mirage IV à l'horizon 1968, rallongés de 61 cm, équipés de réacteurs Rolls-Royce Spey 25R plus puissants (93.4 kN de poussée chacun) et conservant l'avionique du BAC TSR-2. Pour des raisons politiques, le Royaume-Uni renonce au Mirage IV pour lui préférer le bombardier stratégique américain à géométrie variable General Dynamics F-111 en faveur duquel le Premier ministre Harold Wilson s'est secrètement engagé. Pour des raisons de coût, la Royal Air Force se contentera finalement de l'avion d'attaque Blackburn Buccaneer et ne possèdera plus de bombardier stratégique nucléaire à partir de 1970.

La Royal Australian Air Force et l'armée de l'Air israélienne auraient manifesté un temps un intérêt pour le Mirage IV. L'Australie, qui avait acquis des Mirage III, achète finalement des F-111[16].

Version opérationnelle

Le premier avion de série décolle en décembre 1963.

Cellule

Le Mirage IV possède une aile delta très fine de 3,5% d'épaisseur relative[17] en position basse et accusant une flèche de 60° au bord d'attaque. Le Mirage IV ressemble à un Mirage III à l'échelle 2 mais emportant 3 fois plus de combustible. L'empennage vertical tronqué est une exception sur un appareil GAMD et a été décidé par Marcel Dassault après des « discussions parfois orageuses » avec l'ONERA et à la suite de calculs informatiques effectués « grâce à la société IBM qui a installé depuis peu, place Vendôme, un nouvel ordinateur, le plus puissant existant à l'époque, et cette société va nous autoriser à l'utiliser, mais la nuit seulement. »[5],[18] Un 3e réservoir d'environ 500 litres est logé dans ce fameux empennage dont la grande dimension est nécessitée par le profil très long et très effilé du nez (incorporant la perche fixe de ravitaillement en vol probe and drogue) qui perturbe la stabilité à Mach élevé. Au choix du pilote, des transferts de carburant peuvent s'effectuer entre les réservoirs avant et arrière (de 9 000 litres) dans les nourrices centrales afin, à vitesse de croisière supersonique, de faire reculer le centrage de l'avion et réduire ainsi sa traînée (qui augmente sa consommation et réduit son autonomie) et inversement, de l'arrière vers l'avant, à vitesse subsonique[18]. Les alliages en aluminium qui composent la structure de l'appareil permettent l'adoption de réservoirs de carburant structuraux. Les entrées d'air des réacteurs SNECMA Atar 9K de 65 kN de poussée[19], renforcées en acier et titane possèdent des demi-cônes mobiles portant le surnom de « souris » qui doivent soutenir une température maximale de 120 °C[20]. Le Mirage IV est doté d'élevons et d'aérofreins, plus d'un parachute de freinage. Si les servocommandes renforcées de titane sont hydrauliques, elles reçoivent des commandes de vol électriques, qui deviendront une spécialité de Dassault Aviation.

Cockpit

L'avion est biplace, les études du Système de navigation et de bombardement (SNB) ayant exigé la présence d'un navigateur. Le pilote est chargé de la conduite du vol; il est assis bien en avant des entrées d'air des réacteurs, dans un habitacle équipé de l'air climatisé et protégé des effets de l'échauffement cinétique. L'absence de viseur tête haute à glace frontale (Head-up Display) permet un dessin de pare-brise en V, plus résistant. Le pilote dispose notamment sur sa planche de bord d'un horizon artificiel directeur de vol et d'un autre de secours, d'un indicateur d'incidence, d'un radioaltimètre et d'un de secours, d'un accéléromètre, d'un tachymètre et d'un machmètre de secours, d'un débitmètre, d'un indicateur de contre-mesures, d'un radiocompas de secours, etc.

Placé dans un habitacle qui ne comporte que deux petits hublots latéraux, le navigateur est chargé de la manipulation et de la surveillance d'un certain nombre de systèmes, dont le radar cartographique Thomson-CSF placé sous le ventre de l'appareil. Le navigateur dispose notamment sur sa planche de bord d'un détecteur d'alerte radar Thomson-CSF type BF, d'un appareil de visée du même radar, d'un indicateur de visualisation de contre-mesures, d'un dispositif de visée optique asservi, d'un horizon artificiel de secours, d'un radioaltimètre, d'un anémomètre, d'un boîtier de décodage suite à l'actionnement du fameux « bouton rouge » (en fait, une double clé) par le Président de la République française, etc. Enfin, le navigateur dispose d'un périscope (désigné DOA, pour Dispositif Optique Asservi) dont l'optique est située sous le plancher du poste de pilotage, lui permettant ainsi d'observer vers l'avant et vers le bas.

Pilote et navigateur sont sanglés sur des sièges éjectables Martin-Baker Mk4.

Système d'arme

Le Système de navigation et de bombardement (SNB) est géré par un calculateur central analogique, relié à l'ensemble des autres sous-équipements du SNB et constitue le plus puissant système installé à l'époque sur un avion de combat européen. Il est le précurseur des bus informatiques actuels. Il regroupe 25 blocs électromécaniques d'asservissement, plus de 200 machines tournantes (moteur, synchroniseurs, resolvers, potentiomètres) et 120 amplificateurs ou circuits électroniques. Le SNB permet, d'une part, la navigation sur pilote automatique du point de départ du Mirage IV au voisinage immédiat de points précis (rendez-vous de ravitaillement en vol, point de largage), d'autre part, le largage de la bombe, qu'il décide automatiquement.

Capteurs d'information

Ils comprennent un radar Doppler Marconi fournissant la vitesse sol et, principalement, un radar panoramique ventral à antenne plate (CSF) fournissant le recalage précis par tous temps. Le SNB comprend en outre deux centrale directionnelle à deux gyroscopes Sperry Gyroscope, une centrale aérodynamique Kelvin Hugues/Jaeger fusionnant les données d'anémométrie et d'altimétrie.

Le radar ventral est remplacé en 1986 par un radar Doppler à impulsions tous temps Thomson-CSF ARCANA (Appareil de Recalage et de CArtographie pour NAvigation aveugle), dérivé de l'Iguane et du VARAN montés sur les avions de patrouille et de surveillance maritimes Atlantic 2 et Gardian.

Système de contre-mesures

Le système de contre-mesures comprenant trois détecteurs-brouilleurs : Agacette pour contrer les radars des avions d'interception dans une gamme de fréquences comprises entre 8 et 10 GHz, deux autres (l'un monté dans une nacelle CT51, l'autre en bouts d'ailes) contre les missiles surface-air soviétiques. Ces systèmes seront remplacés par le système Thomson-CSF SERVAL en 1983 lors de la transformation en Mirage IVP.

Des emplacements sont réservés pour des lance-leurres Alkan F1A en soute arrière, tirant des cartouches électromagnétiques ou infrarouges de 40 mm. Le pod Philips-Matra Phimat peut être monté sur les pylônes extérieurs de voilure. Ces systèmes seront remplacés par le pod Thales BARAX-NG et un pod lance leurres Thomson-CSF/Bofors BOZ 103 contenant des paquets de paillettes électromagnétiques et 18 cartouches infrarouges de 50 mm en 1983).

A la même époque, le Mirage IVP est doté de la nacelle Thomson-CSF Barracuda réalisant à la fois la réception des menaces radar et les actions de brouillage sous contrôle d'un logiciel modulaire permettant sa programmation.

Nacelle de reconnaissance CT-52

Un pod de reconnaissance CT52 mesure 5,88 m de long et 0,78 m de large pour une masse équipée de 820 kg. Il est divisé en trois compartiments distincts.

Le premier, à l'avant, loge 4 caméras Omera 35 utilisables à basse altitude (150 à 5 000 pieds) :

  • une caméra nasale de 150 mm de focale photographiant vers l’avant sur un angle de 42°
  • une caméra verticale de 75 mm et deux caméras obliques (gauche et droite) de 150 mm couvrant ensemble un angle de 152°.

Le second compartiment, au centre, loge 4 caméras utilisables à haute altitude à vitesse subsonique ou supersonique (5 000 à 56 000 pieds) :

  • une caméra cartographique Wild RC-8F verticale de 152 mm de focale photographiant sur 74°
  • trois Omera 36 verticales et obliques de 600 mm photographiant entre 29° et 50°.

Les 3 Omera 36 peuvent être remplacées par un ensemble thermographique infrarouge SAT Super Cyclope (jour/nuit).

Enfin, le compartiment arrière contient les systèmes d'air climatisé garantissant une température constante à toutes les altitudes.

Le CT-52 permet de couvrir une largeur égale à 8 fois celle de l’altitude de l’avion. Les photographies argentiques sont en noir et blanc, les émulsions couleurs sont rarement employées.

La Force aérienne stratégique (FAS) (1964-)

Un Mirage IV A de l'escadron de bombardement EB 1/91 "Gascogne" (immatriculation 31-BD) basé a la base aérienne 118 Mont-de-Marsan en décembre 1986.

Dès janvier 1964[21], la politique de défense nationale française, privilégiant désormais la dissuasion nucléaire, entraîne la réorganisation complète de l’armée de l'Air avec la création de 4 régions aériennes et 7 grands commandements spécialisés, dont le commandement de la Force aérienne stratégique (ou des Forces aériennes stratégiques) (CoFAS). Le Mirage IV et l'avion ravitailleur Multi-Role Tanker Transport (MRTT) Boeing C-135F sont les binômes de la FAS. Les 62 exemplaires du Mirage IV sont livrés de février 1964 à mars 1968 et les 12 exemplaires du C-135-F no 38470 à no 38475 et no 38735 à no 38740 de février 1964 à juillet 1965.

Le 7 mars 1966, le président de la République Charles de Gaulle, partisan d'une réforme doctrinale de l'OTAN annonce au président des États-Unis Lyndon Johnson le retrait de la France du Commandement intégré de l'organisation[22].

Profils de vol (1964-1966) et implantations (1964-2005)

La mission du Mirage IV consiste, à partir d'un avion volant en supersonique à haute altitude (Mach 1,7 à 18 000 m), à délivrer de façon aussi discrète que possible une bombe nucléaire « sur un but déterminé par ses seules coordonnées géographiques », avec une erreur circulaire probable (ECP) à 90 % garantie (CEP90), quelle que soit la distance parcourue depuis le départ[5]. Plusieurs axes de pénétration à haute altitude et avec ravitaillement en vol vers l'URSS ont été établis : l'un par le nord via la mer Baltique permettant de bombarder Mourmansk ou la capitale Moscou, l'autre par le sud via le détroit du Bosphore permettant d'attaquer des cibles de l'URSS comme Novorossiisk et Odessa ou Sébastopol (Ukraine)[23] et un dernier sans ravitaillement en vol permettant d'atteindre le bloc de l'Est hors URSS[24]. En 1968, au plus fort de la dotation, 62 Mirage IV (dont 18 en alerte opérationnelle[25]) forment l'ossature de 3 escadres de bombardement représentant 9 escadrons de bombardement (EB) et 1 d'entraînement :

Un C-135FR de l'ERV 4/94 « Sologne » sur la base aérienne de Manas au Kirghizistan (29 mai 2007)

S'y adjoignent 12 avions ravitailleurs Boeing C-135F (dont 3 en alerte opérationnelle), dispersés en 3 escadrons (ERV) :

Vue de l'atoll de Moruroa par un satellite de reconnaissance américain KH-7 (26 mai 1967)

Enfin, s'y rajoutent :

Ne dépendant pas de la FAS, plusieurs installations ont été utilisées par celle-ci :

Un C-160G Gabriel SIGINT de l'EE 11/54 « Dunkerque » en vol

Le DC-8 Sarigue de guerre électronique SIGINT[35], quoique dépendant du Centre d'essais en vol (CEV) de la BA 110 à Creil, a servi au profit de la FAS afin de connaitre depuis l'espace aérien international l'état des défenses aériennes soviétiques et ainsi préparer au mieux les missions des Mirage IV. Il est basé à :

Rappelons enfin qu'au moins deux C-160G Gabriel SIGINT ont également rempli des missions pour la FAS. Ils sont basés à :

  • l'EE 11/54 « Dunkerque » sur la BA 128 à Metz.

La force Alfa, le retrait de l'OTAN et l'opération Tamouré (1965-1966)

Vue d'artiste de la bombe AN-11

A l'été 1965[37], la Marine nationale française crée le Groupe aéronaval du Pacifique (dit groupe Alfa puis force Alfa) comprenant sept bâtiments dont le Foch qui appareillent le 23 mars 1966 de Toulon et abordent la Polynésie française le 22 mai 1966 afin de superviser les essais atmosphériques no 18 Aldébaran, no 19 Tamouré, no 20 Ganymède et no 21 Bételgeuse.

Article détaillé : Essais nucléaires français.

Durant la traversée, la France quitte le commandement intégré de l'OTAN pour les raisons déjà précisées.

Opération Tamouré (10 mai - 28 juillet 1966)

L'objectif de Tamouré est le convoyage au départ de la BA 118 de Mont-de-Marsan (France métropolitaine) d'un Mirage IV de l'EB-1/91 « Gascogne »[38] et de deux ravitailleurs en vol Boeing C-135F no 736 et no 470 de l'ERV 4/91 « Landes » pour effectuer un tir réel de l'AN-21 de 60 kt (dérivée de l'AN-11) au Centre d'expérimentation du Pacifique. Le 10 mai 1966 à 9 h GMT, le Mirage IV no 36 s'envole pour la 1re traversée transatlantique de 7h40 d'un avion de combat français à destination de l'Otis Air Force Base, à Falmouth (États-Unis). Après trois escales, le Mirage IV est endommagé lors de son atterrissage sur la piste de 3 380 m de la BA 185 à Hao (Polynésie française). Son renvoi en France métropolitaine par mer est décidé tandis que le Mirage IV no 9 le remplace au pied levé. Le 12 juin 1966, la Marine nationale française repère dans la zone d'exclusion le bâtiment de recherches scientifiques américain USS Belmont puis, le 1er juillet 1966, un sous-marin de nationalité inconnue et un avion ravitailleur (vraisemblablement d'observation et de recueil de prélèvements atomiques) KC-135 de l'US Air Force no 9164. Le 9 juillet 1966, le navire de contrôle de missiles et d'engins spatiaux USS Richfield viole à son tour la zone d'exclusion. Le 12 juillet 1966, le même KC-135 de l'US Air Force est à nouveau repéré à la veille du tir, qui sera reporté pour raisons météorologiques à quatre reprises. Le 18 juillet 1966, des conditions favorables relevées jusqu’à 5 000 km du champ de tir par les stations météorologiques et par les C-135F entraînent la mise en alerte du Mirage IV le 19 juillet 1966 à 4 h locales. À 5 h 05, il largue sa bombe AN-11 à chute libre no 2070 au large de Moruroa. Le KC-135 de l'USAF et le USS Richfield de l'US Navy sont aperçus une heure après le tir. Dès la formation du nuage atomique, quelques uns des 10 SO-4050 Vautour N et B de l’escadron de marche 85 « Loire », débarqués à la BA 185 à Hao le 16 mai 1966, effectuent les prélèvements des retombées par tir de missile air-air ou, plus dangereusement, par la traversée du champignon atomique. La plupart seront coulés par le fond[39], [40]. Le 25 juillet, le détachement des F.A.S. en Polynésie décollait de Hao, l’itinéraire retour, identique au trajet aller, fut parcouru de façon aussi satisfaisante. Le 28 juillet, Mirage IV et C-135 F atterrissaient de nuit à Mont-de-Marsan, L’opération « Tamouré » était terminée[41].

À noter qu'un autre tir, Bételgeuse, prévu le 10 septembre 1966 sur ordre du président de la République Charles de Gaulle à bord du croiseur De Grasse (C 610), est retardé au 11 septembre 1966 à la suite de la demande américaine (le 8 septembre 1966) d'aider au repêchage de la capsule spatiale Gemini 11 et du repérage de l'USS Richfield (le 9 septembre 1966)[42]. Après deux autres tirs le 24 septembre 1966 et le 4 octobre 1966, le groupe aéronaval quitte la Polynésie française le 2 novembre 1966[43].

Le Mirage IV ne sera plus jamais sollicité pour des exercices réels de tirs atomiques, notamment lors du 2e déplacement de la force Alfa en Polynésie française pour le 1er tir français d'une bombe H, le 28 août 1968.

Les profils de mission changent (1966)

En 1966, l'armée de l'Air s'aperçoit que les missions à haute vitesse et haute altitude deviennent de plus en plus risquées en raison de la mise en service par l'URSS et le Pacte de Varsovie des missiles sol-air (SAM) Mach 3,5 et de 40 km de portée SA-2 Guideline[44], SA-3 Goa et SA-6 Gainful. Alors que de nouvelles composantes de la « triade » stratégique française se mettent en place (les missiles balistiques du plateau d'Albion et ceux tirés de SNLE de la Force océanique stratégique), une évolution des profils de mission changent pour permettre la pénétration à très basse altitude (jusqu'à moins de 200 mètres du sol à 800 km/h) et le largage de la bombe AN-22 de 70 kt avec parachute en manœuvre tactique Low Angle Drogue Delivery (LADD). Pour ce faire, les structures de l'avion sont renforcées, le SNB et les équipements sont améliorés. Enfin, les appareils perdent leur livrée aluminium à dérive tricolore et reçoivent un camouflage gris/vert.

La transformation en Mirage IVP (1981-1986)

Le retrait du Mirage IV, prévu en 1976 a déjà été repoussé à 1985. Alors que les Mirage IV de reconnaissance dotés du pod CT52 auraient dû être les seuls à rester en service, en octobre 1979 le ministère de la Défense français prend la décision de transformer 15 Mirage IVA en Mirage IV 'N' (pour Nucléaire) capables d'emporter le missile Aérospatiale ASMP, destiné à remplacer l'AN-22, et dont le contrat de développement est signé en avril 1978. Ce missile pré-stratégique est en fait un missile de croisière Mach 3, propulsé par un statoréacteur à kérosène.

Finalement, 18 avions sont modifiés et désignés alors Mirage IVP (pour Pénétration). Dans un premier temps, le prototype Mirage IV-04 est utilisé pour les tests statiques de l'ASMP. En 1981, les Mirage IV no 8 et no 28 mènent les premiers tirs d'une maquette de l'ASMP. Les lancements véritables commencèrent en juin 1983 pour s'achever à la mi-1985. Le Mirage IVP est opérationnel à partir de mai 1986, le dernier avion étant livré en 1987.

En 1988, la mission de bombardement nucléaire est confiée au nouveau Mirage 2000N. Seuls 8 (puis 7, puis 6, puis 5 en septembre 2003) Mirage IVP « dénucléarisés » sont conservés pour des missions de reconnaissance à longue distance au sein de l'Escadron de reconnaissance stratégique ERS 1/91 « Gascogne »[45] tandis que le reliquat finit sa carrière au « cimetière » de la BA 279 Châteaudun. Le Mirage IVP est alors le seul avion de reconnaissance stratégique au monde, avec le U2, toutefois peu adapté à certaines missions en raison de son plafond trop haut et de sa vitesse subsonique.

Les missions de reconnaissance (1974-2005)

Le Tchad (1974-1986)

La première mission de reconnaissance à longue distance eu lieu en septembre 1974[46] : suite à l'enlèvement de Françoise Claustre, les Mirage IV effectuèrent plusieurs vols au-dessus du Tchad, depuis la Base aérienne 125 Istres-Le tubé. Ces missions duraient environ 8 heures et nécessitaient cinq ravitailleurs C-135F en soutien.

D'autres missions en Afrique furent réalisées, toujours liées aux événements au Tchad, notamment en mai 1978 et fin 1984. La plus longue d'entre elle eut lieu en février 1986, afin de vérifier les dégâts occasionnés par les Jaguar français lors de l'attaque des installations libyennes d'Ouadi-Doum : menée à partir de la Base aérienne 106 Bordeaux-Mérignac, elle dura 11 heures et nécessita 12 ravitaillements en vols.

Opération Deliberate Force (29 août - 14 septembre 1995)

Un nombre inconnu de Mirage IV de la BA 118 participe avec quelques Mirage 2000D[47] à l'opération Deliberate Force de l'OTAN/ONU en Bosnie, visant à sécuriser les éléments de la FORPRONU dans leurs « zones neutres » (safe areas) par la destruction de l'artillerie, des postes de commandement, des installations militaires et des moyens de communication de la Bosnian Serb Army (BSA)[48]

Article détaillé : Guerre de Bosnie.

Opération Condor (juin 1996 - décembre 1998)

Un nombre inconnu de Mirage IVP est détaché à Djibouti dans le cadre de l'opération Condor de l'ONU, confiée à la France, visant à superviser les opérations de médiation et de surveillance d'un cessez-le-feu entre entre le Yémen et l'Érythrée dans le conflit qui les oppose à propos des îles Hanish.

Opération Allied Force/Trident (23 mars - 10 juin 1999)

Faisant suite à l'opération française Salamandre (1996) à Mostar et Sarajevo, trois Mirage IVP de l'ERS 1/91 sont détachés sur la BA 126 à Solenzara, en Corse dans le cadre de l'opération Allied Force/Trident de l'OTAN durant la guerre du Kosovo, qui mobilise plus d'une centaine d'aéronefs de l'armée de l'air et de l'aviation navale du porte-avions Charles-de-Gaulle ainsi que 6 500 militaires français au sol. La mission des Mirage IVP consiste à survoler la Serbie deux fois par jour, à l'aller (traversée à faible vitesse de l’Italie entre Rome et Pescara, 1er ravitaillement en vol par C-135FR au-dessus de la mer Adriatique, puis survol de la Serbie à Mach 1,8 et 45 000-50 000 pieds[49]) comme au retour (2e ravitaillement en vol au-dessus de l'Adriatique, nouveau survol de la Serbie et 3e ravitaillement). Après développement, les films étaient acheminés, au début de l’opération, par l'Alpha Jet de l'ERS 1/91 à Vicenza, siège de l’État-major de l'OTAN, puis, par la suite, par transfert informatique[50]. En parallèle, les images obtenues étaient aussi transférées sur la BA 110 à Creil, siège de la Direction du renseignement militaire (DRM).

Opération Heraclès (21 octobre 2001 - février 2002)

Article détaillé : Forces françaises en Afghanistan.

Deux Mirage IVP et deux C-135FR sont détachés sur la base aérienne d'Al Dhafra de la UAEAF aux Émirats arabes unis dans le cadre de l'opération française Heraclès durant la guerre d'Afghanistan, qui mobilise des Mirage 2000 puis Rafale de l'armée de l'air et de l'aviation navale du porte-avions Charles-de-Gaulle, plusieurs autres navires ainsi que 2 200 militaires français au sol. La mission de six heures des Mirage IVP consiste à survoler l'Afghanistan une fois par jour aller (traversée de la mer d’Oman, survol par le sud du Pakistan, 1er ravitaillement en vol par C-135FR au-dessus de l'Afghanistan, mission de reconnaissance d'une heure 40) et retour (après un 2e ravitaillement). Un total de 80 missions seront effectuées à partir du 21 octobre 2001. Les Mirage IVP regagnent la France métropolitaine en février 2002 [51].

Opération Tarpan (21 février 2003 - 19 mars 2003)

Article détaillé : Guerre en Irak.

Faisant suite à l'opération Aladin (1998), deux Mirage IV en livrée gris/vert portant le sigle 'UN' sur la dérive et deux C-135FR s'envolent de la BA 125 d'Istres le 21 février 2003 et sont déployés sur la base aérienne Prince Sultan de la RSAF à Al Kharj en Arabie saoudite dans le cadre de l'opération Tarpan de l'ONU, visant à épauler les inspecteurs en désarmement qui sillonnent l'Irak à sa demande[52]. Les missions débutent le 26 février 2003 à raison d'un vol quotidien en moyenne d'une durée de 4 à 5 heures. Les deux Mirage IV photographient environ 110 000 km2 du territoire irakien au cours, selon le ministre de la Défense français Michèle Alliot-Marie, « de missions planifiées de survol de l'Irak, qui auront été préparées avec les inspecteurs, et d'autre part [...], la possibilité que les Mirage IV effectuent des missions d'opportunité sur certains sites [...], des missions qui sont fixées en dernière minute, par exemple le matin même, à la demande des observateurs en Irak. »[53] Bien que certains survols sont « illuminés » par la DCA irakienne, ils se déroulent à vitesse subsonique et à moyenne altitude. La France comme l'ONU peuvent visionner les photos quelques heures à peine après le survol des objectifs pour identifier les zones « suspectes » supposées abriter des armes de destruction massive. Les avions regagnent la Base aérienne 118 Mont-de-Marsan le 19 mars 2003 et, le lendemain, la coalition américano-britannique envahit l'Irak.

Le retrait du service

L'ERS 1/91 « Gascogne » est officiellement dissous le 23 juin 2005, marquant la fin de carrière définitive des cinq derniers exemplaires encore en service. En 41 ans, les Mirage IV auront effectués environ 337 000 heures de vol. Le dernier vol de l'avion sera effectué le 30 juin 2005 par les exemplaires no  61 (F-THCH) et 62 (F-THCI) au départ de la Base aérienne 118 Mont-de-Marsan, pour rejoindre leur lieu d'exposition.

Le Mirage IV no 59 sur la BA 118 lors de la cérémonie de retrait du service de l'avion

Plus de 15 avions ont été conservés et sont désormais exposés sur des bases aériennes ou dans des musées. On peut signaler en particulier :

Notes et références

  1. Ce comité, présidé par le général Jean Crépin, avait pour mission d'orienter, coordonner et suivre l'action des organismes concourant à la réalisation du programme d'études et de conception d'engins explosifs nucléaires et un programme d'études sur de futurs SNLE qui devaient entrer en service en 1962, et qui seront abandonnés pour un temps. A cette époque, le CEA créée un Bureau d'études générales, qui deviendra la future Direction des applications militaires
  2. Traité de la Communauté européenne de défense (CED) du 27 mai 1952 [lire en ligne]
  3. Traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) du 25 mars 1957 [lire en ligne]. D'ailleurs, les États-Unis arrêteront leurs essais nucléaires le 30 octobre 1958, suivis par l'URSS le 3 novembre 1958, avant de les reprendre de concert en 1961
  4. Des documents top secret déclassifiés montrent que dès 1945, les États-Unis s'intéressent au programme nucléaire français, s'inquiétant de la fiabilité d'un allié accueillant des communistes ou sympathisants jusqu'en 1947 dans son gouvernement provisoire ou au CEA, puis des moyens financiers que la France déploie. Les fac simile des sources de l'ouvrage de Jeffrey T. Richelson, « Spying on the Bomb : American Nuclear Intelligence from Nazi Germany to Iran and North Korea », W.W. Norton & Company, Inc., New York, 2006 (ISBN 978-0-393-05383-8) sont à [lire en ligne]
  5. a, b, c et d Jean Cabrière, « Le programme Mirage IV », dans Guerres mondiales et conflits contemporains, Presses universitaires de France, Paris, 1989 (ISSN 0984-2292) [lire en ligne]
  6. La note de l'État-major de l'armée de l'Air no 4252 du 16 octobre 1956 précise d'autres caractéristiques du bombardier : un rayon d'action de 1 500 km sans ravitaillement en vol dont 800 km en supersonique en haute altitude, une vitesse de croisière de Mach 1,8, l'utilisation de piste de moins de 2 000 m de long
  7. Le 6 novembre 1956, l'URSS menace la France, l'Angleterre et Israël d'une riposte nucléaire
  8. D'autres moteurs sont envisagés, comme l'Orenda-Iroquois 2, le Bristol Olympus 22-R et le Rolls-Royce RB 142-3. Pour des raisons industrielles, la Snecma tranche en faveur de ce dérivé du Pratt & Whitney J75 tandis qu'elle ouvre son capital à cette société
  9. Décision du 3 septembre 1959 demandant « de dériver du Mirage IV-01 ATAR 9 volant actuellement, par modifications mineures, au moindre prix, aux moindres risques techniques et dans les délais les meilleurs, un appareil capable d'emporter les bombes de 78 cm [de diamètre, ndlr] »
  10. Ces trois autres prototypes n'ont aucun dessin commun avec le Mirage IV-01. Il est demandé à la GAMD de sortir le plus rapidement possible des dessins simplifiés, mais suffisants pour fabriquer les prototypes -02 et -03 dans l'usine GAMD de Saint-Cloud
  11. Décision du 17 mars 1959
  12. Etant entendu que le vecteur aérien Mirage IV, qui devait être retiré du service en 1976, n'était qu'un préalable à la mise sur pied d'une flotte de 3 SNLE armés de MSBS de 500 kt et de forces terrestres, stratégiques sur le plateau d'Albion armées de SSBS de 150 kt, et tactiques à base de missiles Pluton de 15-25 kt
  13. Directive du 16 décembre 1961
  14. Bruno Tertrais, « La dissuasion nucléaire française après la Guerre froide : continuité, ruptures, interrogations » dans Annuaire Français de Relations Internationales, Université de Paris-II, 2000 [lire en ligne]
  15. [lire en ligne]
  16. Selon le site Mirage IVP [lire en ligne] et le site du CAEA [lire en ligne]
  17. Une lame de couteau fait en général autour de 5%
  18. a et b Une solution similaire sera utilisée pour l'avion supersonique commercial [[Concorde (avion)|]]
  19. L'Atar 9K est doté d'un correcteur électronique de température de la turbine qui lui permet de fonctionner à une température maximale de 930 °C entièrement régulée, optimisant les performances et la consommation du Mirage IV, donc son rayon d’action. Ce dispositif est l'ancêtre des FADEC actuels
  20. De même que les instruments de bord, alors limités à 70 °C
  21. Décret no 6446 du 14 janvier 1964 créant le Commandement des Forces aériennes stratégiques (CoFAS)
  22. Cette décision, anticipée dès 1959, est envisagée au printemps 1965. L'essai d'Alessandra Giglioli, Le Retrait de la France du Commandement Integré de l'OTAN, NATO Academic Affairs Unit, Bruxelles, 2000, est à [lire en ligne]
  23. Selon André Dumoulin, « La dissuasion nucléaire française en posture méditerranéenne », dans Revue du RMES, volume II, no 1, Bruxelles, 2005 [lire en ligne], la préférence donnée aux 4 bases de la région Sud lors d'exercices à grande vitesse Méditerranée (GVM) aurait été dicté par le faible rayon d’action du Mirage IV, la longueur de leurs pistes permettant le décollage à pleine charge des C-135F, les risques de ravitaillement au-dessus de la Baltique et le souhait d’éloigner la menace de frappe désarmante venant de l’Est visant les bases aériennes de la région Nord. « Le scénario le plus courant était probablement un vol de 2 200 km le long des atterrages nord de la Méditerranée, un ultime ravitaillement en vol au-dessus de la mer Égée, avant un vol de pénétration haute puis basse [altitude, ndlr], avant d’atteindre des cibles en Russie du sud, en Ukraine et en allonge extrême la ville de Moscou. Des ciblages secondaires et anti-forces pouvaient probablement impliquer les installations russes en Afrique du Nord (Algérie, Égypte, Libye) et en Syrie »
  24. Selon certaines sources concordantes telles Hervé Beaumont, « Mirage IV : le bombardier stratégique : histoire du vecteur aérien piloté de la force de dissuasion nucléaire française », Larivière, coll. « Docavia », Paris, 2003 (ISBN 2-914205-02-3) ou Marc Theleri, « Initiation à la force de frappe française, 1945-2010 », Stock, Paris, 1997 (ISBN 2-234-04700-5), il est imaginé des vols kamikaze jusqu’aux cibles soviétiques mais également des vols de retour avec planification de zones de crash et abandon de l’équipage au-dessus de pays de l'OTAN
  25. Sous 15 min, de 1964 à 1990
  26. Dissous en juillet 1996
  27. a, b et c Dissous le 30 juin 1976
  28. Puis 3/91 « Cévennes »
  29. a et b Dissous en 1983
  30. Renommé en EB 1/94 le 30 juin 1976 et transféré sur la BA 702
  31. Puis ERV 4/94 « Bretagne »
  32. Déménagé le 26 septembre 2007 sur la BA 942 sous le mont Verdun
  33. Transformée et renommée le 16 juin 1999 en Quartier Maréchal Kœnig, abritant le 2e régiment étranger de génie (2e REG) et la station de veille satellite GRAVES de la DGSE
  34. Dissoute le 30 juin 2000
  35. Programmé en 1972, entré en service en 1977 après l'abandon du Mirage G4, il est remplacé par les DC-8-72 Sarigue-NG
  36. Dissous en 2005
  37. Arrêté ministériel no 51 du 20 août 1965
  38. Le Mirage IV no 36. Un 2e Mirage IV no 9 de rechange est convoyé par le TCD Orage de Saint-Nazaire à Hao via le canal de Panama du 14 mars 1966 au 15 avril 1966
  39. Selon Jean-Louis Saquet, « L'aviation à Tahiti », Polymages, Papeete, 2005, « La pénétration pilotée des Vautour peut se pratiquer pendant les deux heures qui suivent l’explosion. Au retour sur Hao, les Vautour, fortement contaminés, sont parqués en « zone chaude » où les mesures de la radioactivité commencent. Les hommes attendent plus d’une demi-heure, protégés dans leur cockpit par une pressurisation autonome sans prise d’air extérieure. A l’ouverture de la verrière, des techniciens montent les déguiser avec masques à gaz, cagoules, gants et bottines. Pour descendre, un tapis est déroulé sur l’avion le long de l’échelle jusqu’à terre. Là, le service de sûreté radiologique les prend en charge pour les mesurer, les déshabiller et les laver. Rapidement transportés par hélicoptères jusqu’au service de santé, les équipages doivent subir une nouvelle série d’analyses. Celui qui dépasse la dose de radiation cumulable doit alors arrêter de voler. En fin de campagne, les avions sont repeints de façon à fixer la contamination pour être ensuite ramenés en « zone froide ». Ils sont alors soit stockés sous tente pendant les mois qui séparent les campagnes, soit réembarqués en France. »
  40. (fr)« Hao, 36e aérodrome territorial », dans Manureva, no 95, octobre 2000 (ISSN 0766-9704) [texte intégral (page consultée le 2 octobre 2008)] 
  41. RETOUR EN FRANCE
  42. En plus des avions de l'US Air Force et des bâtiments de l'US Navy, l'espionnage américain du site est organisé par des agents de la CIA, l'interception de communications par la NSA, la photographie aérienne et spatiale par la CIA et le NRO à l'aide d'avions U-2 et de satellites KH-7
  43. Bernard Dumortier, Atolls de l'atome : Mururoa & Fangataufa, Marine Éditions, Rennes, 2004 (ISBN 2-915379-11-4) dont une version abrégée est à [lire en ligne]
  44. Qui détruiront trois avions U-2 au-dessus de l'URSS, de la Chine populaire et de Cuba durant la crise des missiles puis un nombre indéterminé d'aéronefs durant la guerre du Vietnam
  45. Bernard Palmieri, « Le Gascogne, dernier escadron sur Mirage IV » dans Revue historique des armées, (ISSN 0035-3299), no 239, 2005
  46. Magazine Air Fan numéro 332, juillet 2006, pags 16 à 28.
  47. Le lendemain du lancement de l'opération, le 30 août 1995, un Mirage 2000N de la BA 133 est abattu au sud-est de Pale. La recherche des deux pilotes capturés se poursuit jusqu'au 28 septembre 1995. Ils sont libérés le 12 décembre 1995
  48. Dossier de presse des Allied Forces Southern Europe (AFSOUTH) de l'OTAN du 16 décembre 2002 [lire en ligne]
  49. Pour éviter les 800 missiles sol-air tirés par la DCA serbe
  50. Seule la nacelle de reconnaissance Reco-NG du Rafale F3 permettra le transfert de données par Liaison 16 en 2009
  51. (fr) Afghanistan: les 80 missions des Mirage IV, fin 2001, Secret Défense, 9 mai 2009
  52. Résolution du Conseil de sécurité de l'ONU no 1441 du 8 novembre 2002 [lire en ligne]
  53. Interview du ministre de la Défense français sur Europe 1 du 21 mars 2003 [lire en ligne]

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Autour de l'avion

Livres

  • Alexandre Paringaux, « Le règne du Mirage IV », G. Klopp, coll. Prestige «aéronautique», Thionville, 1995 (ISBN 2-906535-03-6)
    Album contenant de superbes photographies.
  • Hervé Beaumont, « Mirage IV : le bombardier stratégique : histoire du vecteur aérien piloté de la force de dissuasion nucléaire française », Larivière, coll. « Docavia », Paris, 2003 (ISBN 2-914205-02-3)
    Ouvrage de référence comprenant 1 400 photographies.
  • Jean-Michel Charlier (scénario) et Jijé (dessin), Destination Pacifique, Dargaud Éditeur, Paris, 1969 (ISBN 2-205-00338-0) et Menace sur Mururoa (ex-Menace de mort sur Tahiti), Dargaud Éditeur, Paris, 1969 (ISBN 2-205-00392-0)
    Ces deux bandes-dessinées mettant en scène les efforts d'une « secte xénophobe et ultranationaliste, d'inspiration indonésienne ou japonaise » visant à saboter le tir Aldébaran de 1966, décrivent avec force détails les installations du Centre d'expérimentations du Pacifique et ses avions, même si le Mirage IV n'apparait pas dans ces épisodes.

Articles de référence

  • Bernard Bombeau, « Le Mirage IV : premier vecteur atomique français », dans Air & Cosmos (ISSN 1240-3113), no 1993 (22 juillet 2005)
  • Alain Crosnier, « Mirage IVA, bombardier fantastique », dans Air Fan n° 192 de novembre 1994 à n° 198 de mai 1995.

Documentaires

  • Yves Jan, Philippe Comtet, « L'avion de la Bombe », France 3 Aquitaine, Promesse TV (52 min ; 2007)

Jeux video

  • Images de synthèse et vidéos du décollage et de l'atterrissage d'un Mirage IV [lire en ligne]
  • Le Dassault Mirage IV P, apparait dans le jeu vidéo Tom Clancy's HAWX.

Liens externes


Aéronefs comparables

Ordre de désignation

Articles connexes


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