Île de Pâques

Île de Pâques
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27°09′S 109°27′W / -27.15, -109.45

Île de Pâques
Isla de Pascua (es)
Flag of Chile.svg
Flag of Rapa Nui, Chile.svg
Drapeau Armoiries
Orthographic projection centred over Easter Island.png
Administration
Statut politique Territoire du Chili
Capitale Hanga Roa
Gouvernement
- Gouverneur Provincial
Intendance de la Région de Valparaíso
Melania Carolina Hotus Hey
Géographie
Superficie 162 km2
Démographie
Population 3 791 hab.
Densité 23,1 hab./km2
Langue(s) Espagnol, rapa nui[1].
Économie
Monnaie Peso chilien (CLP)
Autres
Fuseau horaire UTC -6 ;

heure d’été : UTC-5

Domaine internet .cl
Indicatif téléphonique +56-32
Hymne Himno de Rapa Nui
Devise {{{devise}}}
Carte de l’île.

L’île de Pâques (en espagnol Isla de Pascua, en langue rapa nui Rapa Nui « la grande Rapa ») est une île isolée dans le sud-est de l’océan Pacifique, particulièrement connue pour ses statues monumentales (les moaïs) et son unique écriture océanienne, le rongorongo. Elle est appelée le « nombril du monde ».

L’île se trouve à 3 700 km des côtes chiliennes et à 4 000 km de Tahiti, l’île habitée la plus proche étant Pitcairn à plus de 2 000 km à l’ouest. L’île de forme triangulaire, d'environ 23 km dans sa plus grande dimension, couvre 162 km2. La population comptait 3 304 habitants en 2002[2]. Son chef-lieu est Hanga Roa.

Elle fut visitée par le premier Européen, le navigateur néerlandais Jakob Roggeveen, le jour de Pâques, le 5 avril 1722, et comptait alors près de 4 000 habitants. Elle fut annexée par l’Espagne en 1770 sous le nom d'isla San Carlos, mais l'Espagne s'en désinteressa par la suite ; des Français s'y installèrent après 1864 et l'île devint une possession chilienne en 1888.

Depuis 1995, le patrimoine exceptionnel de l’île est protégé et inscrit au Patrimoine mondial de l'Humanité par l'UNESCO. Des parcs ou réserves naturelles, parfois surveillés, enserrent les zones des vestiges. La communauté rapanui veille jalousement sur les traces de son histoire et constitue un pouvoir parallèle au gouvernement officiel chilien.

Cette île, la plus à l'est de toute l’Océanie, est célèbre pour ses vestiges mégalithiques des Rapanui (premières civilisations pascuannes). Le patrimoine archéologique comprend environ 900 statues de basalte, les moaïs, de 4 m de hauteur moyenne et près de 300 terrasses empierrées au pied de ces statues, les ahû.

Sommaire

Dénominations

Si le nom officiel d'Île de Pâques est dû au navigateur hollandais Jakob Roggeveen, qui découvrit cette terre le dimanche de Pâques 1722[3], en revanche les habitants de l'île, d'origine polynésienne, ont d'autres dénominations, que les Européens ont parfois réinterprétées :

  • avant les changements de population postérieurs à 1861, la tradition orale rapporte que le nom de l'île était Haumaka ou plus exactement Te kainga a Hau Maka (le bout de terre de Hau Maka, également connu comme Hau Mata, Hao Matuha ou Hotu Matua)[4] ; Alfred Métraux donne aussi Hiti-ai-Rangi et Hanga-Oaro;
  • Rapa Nui (la grande Rapa) a été popularisé tardivement (XIXe et XXe siècles), entre autres par l'explorateur Thor Heyerdahl, après que des échanges de population eurent lieu avec l'autre Rapa, la petite, qui se trouve en Polynésie française[5] ; ce nom a été généralement adopté par la population actuelle ;
  • Te pito o te henua (le nombril de la terre) a été popularisé par Alphonse Pinart dans son Voyage à l'Île de Pâques (1877), qui a interprété ce toponyme (désignant, selon la tradition orale, le centre de l'île où se tenaient les palabres entre clans) comme étant le nom de l'île ;
  • enfin Matakiterani ou plus précisément Mata-ki-Te-rangi (les yeux regardant le ciel ou bien les yeux regardant du ciel) est une expression désignant les moai, que certains auteurs européens ont employé pour désigner l'île dans leurs ouvrages[6].

Histoire et peuplement

Découverte

La date du début du peuplement de l’île par des Polynésiens n'est pas déterminée avec précision. Des mesures au radiocarbone, effectuées dans les années 1950, avaient estimé la date du peuplement de l’île[7] vers 400 +/- 80 ans. De nouvelles études[8] ont mis en évidence des pollutions sur les mesures effectuées, impliquant un rajeunissement des résultats. Les dernières mesures de radiocarbone publiées en 2006[9] ont mis en évidence des implantations beaucoup plus tardives, vers 1200.

Selon les partisans d'une chronologie longue, le peuplement initial daterait de 800, voire de 400, tandis que les partisans d'une chronologie courte, pensent que le peuplement est plus tardif et date de 1200[10].

Les premiers colons polynésiens, sur des pirogues à balancier ou bien sur des catamarans offrant plus de charge utile, seraient partis des îles Marquises (situées à plus de 3 200 km) ou bien des îles plus proches des Tuamotu (Mangareva, à 2 600 km) ou de Pitcairn (située à 2 000 km). Une reconstitution, effectuée en 1999, à partir de Mangareva sur des embarcations polynésiennes a demandé 17 jours de navigation.

Les premiers moaïs ressemblent beaucoup aux tikis que l’on peut voir dans les îles de Polynésie (Hiva Oa des Marquises, Tahiti…), et une partie de la flore et de la faune de l'île est très semblable à celles des autres îles polynésiennes (par exemple la fougère Microlepia strigosa, le Sophora toromiro, le Hauhau Triumfetta semitrebula, le Mahute Broussonetia papyrifera ou le Ti Cordyline terminalis, les poulets, les rats[11].)...

La théorie d'une influence incaïque

Selon une thèse récente de Jean Hervé Daude, la particularité de la culture des Pascuans vis-à-vis du reste de la polynésie s'expliquerait par son contact avec une autre culture, celle des Incas. Selon cet auteur, la thèse d'une influence sud-américaine sur l'île de Pâques aurait été rejeté à tort sur la base de préjugés concernant la capacité de navigation des sud-américains. La tradition orale mentionne la présence de deux populations distictes sur l'île : les Petites oreiles et les Longues oreilles. le premier groupe serait d'origine polynésienne et le second d'origine inca. Cette présence incaïque résulterait du passage de l'Inca Tupac Yupanqui vers 1465 au cours d'une expédition maritime à des fins expansionnistes[12]. La tradition orale mentionne aussi la compétence des Longues oreilles pour le travail de la pierre. Si l'influence inca est encore perceptible dans les vestiges des grands travaux de pierre, ainsi que dans certains éléments de la statuaire de bois[13], elle ne se discerne plus dans la population elle-même. Les Incas arrivés sans femmes se seraient intégrés au groupe polynésien, ce qui aurait fait disparaître leurs caractéristiques génétiques. D'après la tradition orale, Les Longues oreilles auraient été de plus exterminés par les Petites oreilles. Cette deuxième colonisation aurait été constituée d'hommes plus trapus, ce qui est aussi le propre des andins dont la cage thoracique est très développée[14].

Rapa Nui et les Pascuans

Moaïs dans la carrière de Rano Raraku
Moaïs de l’Ahu d'Aka'hivi

Les premiers migrants avaient réussi à construire, à partir de ressources assez limitées, une société technologiquement avancée. Ils avaient dressé des centaines de statues. Les importantes ressources en arbres dont ils disposaient le long de la côte furent épuisées en quelques siècles. Dès les années 1500 à 1600, l’île aurait perdu la majeure partie de sa végétation ; l'agriculture souffrant alors de l'érosion des sols. On suppose que les habitants auraient subi les effets des luttes tribales ; à partir de cette époque la construction des statues et des plateformes cérémonielles diminue considérablement. Puis les maladies apportées par des nouveaux venus (européens) et les déportations (l'esclavage pratiqué par les blancs) réduisirent encore la population.

Société de clans

À l'époque de la découverte par Jakob Roggeveen, dix vai'hu (clans familiaux) se partageaient l'île : Aka'hanga, Anakena, Heiki'i, Mahetua, Taha'i, Tepe'u, Terevaka, Tongariki, Va'i Mata et Vinapu. Leurs territoires se rencontraient au centre de l'île, en un lieu (sacré, et réservé aux palabres) appelé Te pito o te fenua (« le nombril de la terre » souvent traduit à tort comme « le nombril du monde »). Les ahu (plate-formes à moaï) étaient aussi appelés Mat'a kite u'rani (les yeux qui regardent le ciel ou du ciel, ce qui est logique pour des représentations d'ancêtres divinisés, mais a été interprété par les Européens de manière parfois très fantaisiste).

Moaïs

Article détaillé : Moaï.

Les statues proviennent de la carrière de Rano Raraku, située sur les flancs et dans le cratère d’un volcan. On peut y voir un très grand nombre de moaïs (près de 400). Certains sont terminés et dressés au pied de la pente et d’autres non terminés, de l’ébauche à la finition. Le plus grand qui ait été érigé mesure 10 m de haut et pèse 75 t. Un des derniers resté inachevé fait 21 m de hauteur pour une masse estimée à 270 t. L’île de Pâques est surtout connue pour le mystère, longtemps inexpliqué, qui entourait la fabrication, mais surtout le transport,[15] de blocs de basalte allant de 2,5 à 10 m de haut et l’élévation des moaïs. Ce mystère ne fut éclairci que lorsque l'on comprit que l'île avait été boisée, après que des reconstitutions des méthodes probablement employées eurent été faites sur place.

Dessin de Pierre Loti "L'Ile de Pâques, le 7 janvier 1872 vers 17 heures"
Tablette rongo rongo, illustration du Voyage de Pierre Loti à l'Île de Pâques édité dans la Revue de Paris en 1905

Les tablettes Rongo rongo et les pétroglyphes

D'autres interrogations portaient sur la découverte des plaquettes de bois couvertes de signes (les plaquettes Rongo-Rongo) qui restent indéchiffrables malgré de nombreuses tentatives. Ces plaquettes ajoutent au mystère de l’île de Pâques car elles sont uniques dans la sphère culturelle polynésienne.

Les premières civilisations pascuanes ont laissé des tablettes et des sculptures en bois, des pétroglyphes dont la signification précise n’est pas encore déchiffrée mais dont les répétitions de symboles (par exemple : oiseau-pénis-poisson-vulve-humain) ont été rapprochées[16] des refrains traditionnels des hymnes généalogiques polynésiens (« les oiseaux ont copulé avec les poissons et ainsi ont été engendrés les premiers hommes »). L’origine des différentes vagues de peuplement est controversée (il semblerait, d'après les analyses génétiques, qu'ils soient d'origine polynésienne) mais il est acquis que la langue māori est austronésienne, avec toutefois des mots communs aux langues d'Amérique du Sud (par exemple « kumara », la patate douce que les Pascuans sont allés chercher sur le continent).

Les Européens et l'île de Pâques

Voyages de découverte (XVII°-XVIII° siècles)

Plan de l’île levé par l'expédition de La Pérouse en 1797

Le premier Européen qui ait aperçu l'île fut en 1687 le « pirate » Edward Davis sur le Bachelor’s Delight, alors qu’il contournait les îles Galápagos en direction du cap Horn. Il aperçut l’île par hasard et crut avoir trouvé le légendaire « continent du Sud » mais il n'effectua pas de débarquement.

Le nom de l'île est dû au Hollandais Jakob Roggeveen qui y accosta avec trois navires au cours d'une expédition pour le compte de la Société commerciale des Indes occidentales. Il la découvrit en effet le dimanche de Pâques 1722 et l’appela Paasch-Eyland (île de Pâques). Un des participants à l'expédition était le Mecklenbourgeois Carl Friedrich Behrens dont le rapport publié à Leipzig orienta l’attention de l’Europe vers cette région à peine connue du Pacifique.

L’explorateur suivant fut l’Espagnol Felipe González de Haedo qui avait reçu du vice-roi du Pérou l’ordre d’annexer l’île Roggeveens pour le compte de la Couronne espagnole. L'expédition de González de Haedo débarqua le 15 novembre 1770. Après une visite rapide et très partielle de l'île, exploration d'une demi-journée dans un seul secteur, et après un contact amical avec une population à structure sociale hiérarchisée, Felipe González de Haedo qui ne pensait pas qu'il s'agisse de l'Île de Roggeveen décida d'annexer cette terre à la Couronne d'Espagne et la nomma Île de San Carlos. Il fit planter plusieurs croix sur la pointe du volcan Poike. Durant les années qui suivirent, l’Espagne ne se soucia que très peu de sa nouvelle possession. Preuve fut faite en cartographie qu'il s'agissait bien de la découverte du Hollandais Roggeveen, donc cette terre lointaine ne pouvait appartenir à l'Espagne.

Au cours de sa deuxième expédition du Pacifique Sud, James Cook visita l'île de Pâques du 13 mars 1774 au 17 mars 1774. Il ne fut pas enthousiasmé par l’île et écrivit dans son livre de bord : « Aucune nation ne combattra jamais pour l’honneur d’avoir exploré l’Île de Pâques, […] il n'y a pas d'autre île dans la mer qui offre moins de rafraîchissements et de commodités pour la navigation que celle-ci[17]. » Cependant, son séjour fournit des informations essentielles sur la constitution géologique, la végétation, la population et les statues — qui dans leur majorité avaient déjà été renversées. Nous avons des images témoins de cette époque grâce au naturaliste allemand Johann Reinhold Forster et à son fils Johann Georg Adam Forster, qui participaient à l’expédition Cook. Reinhold Forster a dessiné les premiers croquis des statues (moaïs) qui, gravés et publiés dans un style alors typiquement romantique, firent sensation dans les salons.

En 1786, le navigateur français Jean-François Galaup de La Pérouse débarqua sur l’île de Pâques au cours de sa circumnavigation terrestre, effectuée sur l’ordre du roi Louis XVI. La Pérouse avait l’ordre de dessiner des cartes précises afin de contribuer, avec l’étude des peuples du Pacifique, à la formation du dauphin.

Le XIX° siècle

La catastrophe démographique

Selon Alfred Métraux, dans son Introduction à la connaissance de l'Île de Pâques relatant les résultats de l'expédition franco-belge de Charles Watelin en 1934 (éditions du MNHN, 1935), la population d'origine serait passée de 2500 personnes à à seulement 111 en 1877. Les maladies introduites par les explorateurs européens, comme la tuberculose et la syphilis, ont eu pour conséquence une diminution régulière de la population. À quoi s'ajoute le rôle particulièrement sinistre des marchands d'esclaves opérant à partir de Callao au Pérou, qui, de 1859 à 1863, organisent plusieurs raids et déportent environ 1500 insulaires pour les envoyer travailler aux îles Chincha, les principales îles à guano. Toujours selon Métraux, la société pascuane est totalement déstructurée par la capture et le massacre en 1861 des ariki (guerriers), des prêtres, de l’ariki-nui (roi) Kaimakoi et du "prince héritier" Maurata, de sorte que la mémoire identitaire des clans est en grande partie perdue. Frappée par des épidémies, la population diminue encore fortement durant les années 1860 et 1870, avec pour résultat qu'après les immigrations ultérieures, en provenance essentiellement des Gambier (Rapa), de Tahiti et des Tuamotu, les pascuans d'origine ne représentaient plus que 3 % environ de la population, les autres polynésiens étant la moitié, les européens d'origine 45 %, et les chinois 1 %. Les polynésiens venus dans l'île après 1861, déjà pourvus d'anticorps contre les maladies des européens et déjà christianisés, ont été amenés par les planteurs Dutrou-Bornier, Mau et Brander comme ouvriers agricoles, entre 1864 et 1888[11].

La Mission catholique (1864)

C'est en 1864 qu'a lieu l'installation sur l'île du premier Européen sédentaire[18]: Eugène Eyraud, un Français ouvrier mécanicien à Copiapó (Chili), qui a décidé de se consacrer à l'évangélisation. Après un séjour d'observation (dont il a laissé un compte-rendu), Eyraud retourne au Chili se faire soigner et revient en mars 1866 avec un prêtre, Hyppolite Roussel, qui se trouvait auparavant en fonction aux îles Marquises. Tous deux créent la Mission catholique. Deux autres missionnaires arrivent en novembre 1866 avec des animaux et du matériel. Cependant, Eugène Eyraud meurt en août 1868 de maladie.

Les planteurs-éleveurs : Dutrou-Bornier et Mau (1866)

Les nouveaux missionnaires ont été convoyés par le capitaine français Jean-Baptiste Dutrou-Bornier à qui l'île de Pâques parait très intéressante. Il revient quelques mois plus tard avec son propre matériel et sa famille afin de créer une exploitation agricole. Un autre colon s'installe en même temps, le charpentier de marine Pierre Mau[réf. souhaitée]. En septembre 1868 est établi un "Conseil de gouvernement", présidé par Dutrou-Bornier avec le missionnaire (Gaspar Zumbohm) pour secrétaire, et 4 membres indigènes. Une police (formée d'indigènes, les mutoi) est mise en place ainsi qu'un tribunal présidé par Hyppolite Roussel. D'autre part, la mission et les colons européens procèdent à d'importants achats de terre à bas prix.

L'association Dutrou-Bornier/Brander (1871-1876)

En 1869, Pierre Mau quitte l'île, revendant ses propriétés à la Mission catholique. Des dissensions liées aux mœurs de Dutrou-Bornier entraînent le départ des missionnaires en 1871 ; l'ancien capitaine devenu planteur reste le seul Européen. Le 30 octobre 1871, il conclut un contrat d'association avec l'entrepreneur écossais installé à Tahiti (où il a épousé Titaua Salmon en 1856), John Brander "pour l'exploitation de l'île de Pâques". De fait, il s'agira essentiellement d'un élevage de moutons de plusieurs milliers de têtes. La mort de Dutrou-Bornier en 1876, suivie de celle de John Brander en 1877 crée des problèmes juridiques, les héritiers respectifs s'engageant dans une procédure qui ne prendra fin qu'en 1893. Entre temps, la responsabilité de l'exploitation agricole de l'île de Pâques revient au beau-frère de John Brander, Alexandre Salmon[19], le véritable responsable sur l'île jusqu'à l'annexion par le Chili en 1888.

Autres voyages de découverte

En 1882, la canonnière allemande « S.M.S. Hyäne » ("la Hyène") visita durant cinq jours l’île de Pâques au cours d’une expédition dans le Pacifique. Le capitaine-lieutenant Geiseler avait l’ordre de l’amirauté impériale d’entreprendre des études scientifiques pour le département ethnologique des musées royaux prussiens à Berlin. L’expédition a fourni entre autres les descriptions très détaillées des us et coutumes, de la langue et de l’écriture de l’île de Pâques ainsi que des dessins exacts de différents objets culturels, des statues (moaïs), des croquis de maisons et un plan détaillé du lieu de culte Orongo.

Le médecin de marine William Thomson a pris les premières photos de statues (moaïs) en 1886 alors qu’il visitait l’île à bord du navire américain « Mohi ».

L'île de Pâques sous la domination chilienne

Le 9 septembre 1888[20], l’île est annexée au nom du Chili par le capitaine de corvette Policarpo Toro (1856-1921), qui y séjournait depuis 1886 et menait les négociations avec les habitants, malgré quelques tentatives de la France pour les contrecarrer. La lignée royale, descendant de Hotu Matu'a (le clan Miru) étant éteinte depuis 1861, un « traité d’annexion de l’île » est signé avec un certain Atamu Tekena, reconnu comme « roi » par le gouvernement chilien.

L’île est divisée entre la « réserve » de Hanga Roa, où vivent les Pascuans, représentant 6 % de la surface de l'île, et l’élevage de moutons, pris en charge par la Compagnie Williamson-Balfour, qui possède le reste et opère jusqu’en 1953.

De 1953 à 1966, l’île est sous le contrôle de la Marine chilienne.

En 1966, les Pascuans reçoivent la nationalité chilienne et l’île devient un territoire de droit commun.

Enfin, le 30 juillet 2007, une réforme constitutionnelle dote l’île d’un statut de « territoire spécial », mais elle continue pour le moment d’être administrée comme une province de la Région V (Valparaíso).

Géographie et climat

Image satellitale de l’île
Îles de Pâques et Sala y Gómez et la côte de l'Amérique du Sud

Géographie et géologie

L’île de Pâques est l'une des terres les plus isolées au monde. Elle se trouve à 3 700 km des côtes chiliennes et à 4 000 km de Tahiti, l’île habitée la plus proche est Pitcairn à plus de 2 000 km à l’ouest. L'île de Sala y Gómez à 415 km à l'est est inhabitée. Elle est de forme triangulaire, environ 23 km dans sa plus grande dimension, et couvre 162 km². Le plus haut point de l'île à 507 mètres d'altitude est le Maunga Terevaka. Il y a trois lacs d'eau douce dans des cratères volcaniques (Rano) : Rano Kau, Rano Raraku et Rano Aroi mais aucun cours d'eau permanent. La population comptait 3 304 habitants en 2002[2]. Son chef-lieu est Hanga Roa.

L'île est d'origine volcanique avec trois cônes principaux éteints. Le Maunga Terevaka forme la plus grande superficie de l'île. Les monts Poike à l'est et Rano Kau au sud lui sont reliés par des ponts de débris d'éruption et donnent la forme triangulaire de l'île. Il existe de nombreux autres petits cratères et reliefs volcaniques dont le Rano Raraku, le Puna Pau et des tunnels de lave. Les pierres principales sont le basalte et l'hawaiite, tous deux riches en fer et apparentées aux roches ignées des îles Galápagos[21].

L'île de Pâques est entourée d'îlots comme Motu Nui, une montagne volcanique de plus de 2 000 mètres de dénivelé entre le fond de la mer et son sommet. L'île de Pâques et ces îlots font partie de la chaine de Sala y Gómez, surtout sous-marine, qui débute à Pukao et s'étend 2 700 km à l'est jusqu'à Nazca[22].

Les îles de Pukao, Moai et de Pâques ont été formées au cours des 750 000 dernières années, l'éruption la plus récente date d'un peu plus de 100 000 ans. Ce sont les plus jeunes montagnes des Sala y Gómez qui repose sur la plaque de Nazca au-dessus du point de passage d'un point chaud dans le sud-est du Pacifique et près d'une zone de fracture[22]. Bien qu'éteint, de la fumée a été photographiée sortant du mur du cratère Rano Kau par l'administrateur de l'île, M. Edmunds[23].

Notes

Le point antipodal de l’île se trouve dans le district de Jaisalmer, dans le Rajasthan en Inde. C’est un lieu inhabité entre les villages de Kuchchri, Häbur et Mokal.

L'éclipse totale de Soleil du 11 juillet 2010 est passé par l'île de Pâques, 10 ans et 11 mois (calendaires), soit 1 tritos, après celle du 11 août 1999[24].

Climat

Le climat de l'île est de type subtropical maritime. La température minimale est de 18 °C en juillet et août (hiver austral) et le maximum est de 28 °C en février[25]. Il tombe 1 138 mm de pluie annuellement et avril est le mois le plus pluvieux mais la pluie est assez bien répartie tout au long de l'année[26].

Flore et faune

Les îlots rocheux qui se trouvent au sud-ouest de l'île de Pâques abritent une importante population d'oiseaux de mer : mouettes, goélands, frégates et le mythique sterne noir, devenu très rare aujourd'hui. Dans le culte de Make-make, le sterne noir a joué autrefois un rôle essentiel : chaque année, à l'arrivée de cet oiseau migrateur connu sous le nom indigène de manutara ou mahoké, des hommes gagnaient au large l'île Motu Nui dans le but de rapporter l'un de ses œufs, symbole de la création du genre humain. Toutefois, la catastrophe démographique et culturelle de 1861 a eu pour effet la perte de la plus grande partie de la tradition orale, de sorte que les détails de ce culte ne nous sont connus que partiellement, par les récites des premiers explorateurs et par les ré-interprétations récentes des pétroglyphes et des légendes pascuanes.

Dégradation de l’île

L'aspect de l'île frappe actuellement par l'absence de forêt, à l'exception des plantations récentes de toromiro, un sophora endémique de l'île. Cela n'a pas toujours été le cas : les premiers explorateurs européens décrivent la présence de bois de toromiro et de sous-bois de fougères. Il existe de nombreuses traces de racines et de noix d'un palmier, le Paschallococos disperta. Les dernières recherches archéologiques, notamment l’analyse des pollens contenus dans les sédiments ou des restes de repas, prouvent que plusieurs espèces d’arbres ont totalement disparu ou du moins que leur nombre aurait considérablement chuté à partir des années 1500-1600. Sur les 900 statues (moaïs) présentes sur l’île, près de 400 restent inachevées dans la carrière principale. L’arrêt de leur production soulève plusieurs hypothèses, pas forcément incompatibles entre elles.

Thèses de l'effondrement écologique et culturel

  • Une dégradation environnementale liée aux conséquences de la déforestation (érosion des sols, sous-alimentation, famine, pénurie de bois et de cordes, guerres civiles) : elle aurait mis fin aux us et coutumes de l’île, et notamment au taillage, au transport et à l'érection des statues ;
  • Une longue période de sécheresse poussant les habitants de l’île à faire appel aux dieux pour que la pluie revienne, ce qui pourrait expliquer la frénésie de construction des moaïs à cette période, de plus en plus nombreux et de plus en plus colossaux. Réalisant que les érections de moais sur les ahus étaient vaines, les habitants se seraient révoltés contre les prêtres et auraient abattu eux-mêmes les idoles (dans le reste de la Polynésie, les ahus servent à vénérer les ancêtres et les dieux, tandis que les unus et les tikis -car les moais sont fondamentalement des tikis de grande taille- ne font que les représenter);
  • Une prolifération des rats, introduits par les colons, qui auraient mangé les noix de coco avant qu'elles ne puissent germer, contribuant ainsi à la disparition des palmiers. Les rats, en s'attaquant aux nids pour manger les œufs et les oisillons, auraient également contribué à l'extinction de la ressource en oiseaux[27].

Ces thèses, développées entre autres par Jared Diamond, dans son livre intitulé « Effondrement », montrent que l’expansion polynésienne a pu entraîner une dégradation importante de l’écosystème, fait corroboré par les fouilles (palynologie, archéologie), comme à Henderson Island et ailleurs en Océanie. Par ailleurs Cornelis Bouman, le capitaine de Jakob Roggeveen, écrit dans son livre de bord, « ... d’ignames, de bananiers et de cocotiers nous n’avons rien vu, ainsi qu’aucun autre arbre ou culture. ».

Un modèle mathématique[28] a établi que leur population n'aurait pas dû dépasser 2 000 habitants pour qu'ils puissent durablement survivre sur l'île sans épuiser la ressource qui leur était indispensable : le palmier.

La population survivante a développé de nouvelles traditions pour préserver les ressources restantes. Dans le culte de Make-make, un « l’homme oiseau » — en rapanui actuel : Tangata manu — (XIVe siècle/XVe siècle, XVIIIe siècle), était désigné chaque année lors d'une cérémonie religieuse où un représentant de chaque clan, choisi par ses chefs, devait plonger dans la mer et nager jusqu’à Motu Nui, un îlot inhabité au sud-ouest de l'île, afin d'en ramener le premier œuf de la saison des sternes manutara ou mahoké. Le premier nageur de retour avec un œuf intronisait le Tangata manu qui veillait à la distribution des ressources de l’île entre les clans pour une année. Si la cérémonie du Tangata manu n'est plus pratiquée au XIXe siècle, en revanche la tradition d'une présidence tournante pour le rôle d'arbitre des ressources perdura jusqu'à la catastrophe démographique et culturelle de 1861.

Quoi qu'il se soit passé auparavant, l’île de Pâques a souffert d’une forte érosion du sol durant les derniers siècles, résultant de la déforestation, et aussi du piétinement par les ovins à partir du XIXe siècle.

Cratère de Rano Raraku.

Thèses réfutant la théorie de l'effondrement

Dès la sortie de l’ouvrage de Jared Diamond, de nombreux scientifiques réagissent et remettent en cause ses hypothèses très largement diffusées, à cause de son interprétation des résultats des fouilles archéologiques, et des fondements moraux et politiques qui sous-tendent ses hypothèses, relevant, selon ses détracteurs, du « néocatastrophisme », voire du « déterminisme social ».

Déjà en 2005, l’anthropologue anglais Benny Peiser, dans son article intitulé « From Ecocide to Genocide: the Rape of Rapa Nui » (Du génocide à l’écocide : le viol des Rapa Nui)[29], démontrait l’autosuffisance des autochtones de l’île de Pâques lors de l’arrivée des Européens. Selon Benny Peiser, certains petits arbres, tel le Sophora toromiro, abondaient alors[30]. À l'encontre des affirmations de Cornelis Bouman, Carl Friedrich Behrens, autre officier de Roggeveen, écrit que « Les indigènes présentaient des branches de palmiers comme offrandes de paix. Leurs maisons bâties sur pilotis étaient barbouillées de luting et recouvertes de feuilles de palmier. ». On peut en déduire qu'à cette époque, soit la disparition des palmiers était très récente, soit il restait des bosquets cachés dans les vallons de l'île. De plus, Jakob Roggeveen lui-même rapporte que l’île de Pâques était exceptionnellement fertile, produisant de grandes quantités de bananes, de patates douces et de cannes à sucre. De même, lors du passage de l’expédition française de La Pérouse qui visita l’île en 1786, son jardinier déclara que « trois jours de travail par an » pourraient subvenir au besoin de la population. D’autre part, l’officier Rollin écrivit, « Au lieu de rencontrer des hommes détruits par la famine... je trouvai, au contraire, une population considérable, avec plus de beauté et de grâce que je n’en avais rencontrée sur d’autres îles ; et une terre, qui, avec un labeur infime, fournissait d’excellentes provisions, et une abondance assez suffisante pour la consommation des habitants[31]. »

En 2006[32], puis à nouveau en 2011[33] , l’anthropologue Terry Hunt et l’archéologue Carl Lipo, se basant sur des nouvelles datations estimant l’arrivée des Polynésiens vers 1200, étudiant les possibles causes multifactorielles du déboisement (rat polynésien, El Niño, brûlis...), refusent de croire à une déforestation complète de l’île en seulement 500 ans. Pour les moais, ils défendent la théorie d’un déplacement des statues par rotation, soit horizontalement (roulés comme des rondins), soit, en terrain plat et pour les moins grands, en position verticale (par rotation sur la base) ne nécessitant pas l’utilisation de bois.

En 2008, l’archéologue Nicolas Cauwe propose une théorie unifiée basée sur des données de terrain issues de dix années de fouilles sur place[34], qu'il détaile davantage en 2011[35]. Selon ses recherches, les Pascuans, confrontés à une période difficile, ont réorganisé leur structure religieuse et politique afin d’assurer une cohésion plus forte et centralisée de leur société, sans qu'il y ait effondrement brutal. Le culte des ancêtres (destiné à des entités familiales ou claniques) a été progressivement supplanté par le culte du dieu Makemake et de l’homme-oiseau qui étend désormais son autorité sur l’ensemble de la population. Pour renforcer ce changement et empêcher un retour en arrière, un tabou (Tapu) fut jeté sur tout ce qui touchait au culte des ancêtres. Sculptures, plates-formes, carrières furent rendus inaccessibles ou inopérants. Les moaï furent enfouis sous des terrasses, les carrières comme celle du Rano Raraku furent encombrées d’ébauches pour empêcher une exploitation ultérieure. Le tabou jeté sur le volcan Rano Raraku réfute la thèse d’une chaine opératoire qui serait reflétée par le site (allant de l’ébauche aux statues en ronde bosse) au profit d’un long et minutieux travail de fermeture de l’exploitation de la carrière de tuf par les Pascuans.

Démographie

La population avant les contacts européens

Jared Diamond estime qu’à son apogée, c'est-à-dire entre le XVIe siècle et le XVIIe siècle, l'île de Pâques aurait pu abriter jusqu'à 10 000 ou 15 000 habitants. Cependant, selon Daniel Taruno, ingénieur agronome, « il semble impossible qu’une société néolithique qui ne connaissait pas la roue et n’élevait pas de bêtes de trait ait pu développer la productivité agricole au point de nourrir 15 000 êtres humains sur 165 km², soit 90 habitants/km². Selon la monumentale Histoire des agricultures du monde de Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, une telle densité représenterait trois fois celles de la Grèce et de l’Italie antiques. L'agriculture pascuane se situerait ainsi presque au niveau de productivité du système agraire ultra-performant de l’Égypte pharaonique. Il semble exclu que de tels résultats aient été atteints dans les conditions de l’île de Pâques, que Jared Diamond décrit comme non-optimales ».

La déforestation, la sécheresse et les pénuries alimentaires semblent avoir limité le nombre d’habitants à 2 000 ou 3 000 habitants avant l’arrivée des Européens. Si excédent de population il y a eu, il a probablement migré par mer vers d'autres terres, selon la tradition polynésienne : des traces d'habitations ont, entre autres, été découvertes sur Henderson et sur Pitcairn.

Les effets de la colonisation européenne

La déportation vers le Pérou d’habitants destinés aux travaux forcés fit chuter le nombre d’habitants à 900 en 1868. Quant à ceux (peu nombreux) qui purent revenir, les maladies qu’ils avaient contractées provoquèrent un nouveau recul démographique.

Un autre phénomène aux conséquences démographiques est à noter : l'élevage intensif de moutons mis en place par les colons français (Jean-Baptiste Dutrou-Bornier et Pierre Mau. Voir section Histoire supra) sur une partie de l’île eut pour conséquence le déplacement d'une partie de la population. Pour ce qui est de la surface de terre exploitée par ces élevages, son expansion se trouva fortement affaiblie, tout comme dans tout le Nord-Est de l'île. Il y eut aussi un conflit d’intérêts entre les colons et les missionnaires installés peu avant, ce qui provoqua, en 1871, l’émigration de 168 habitants accompagnant les missionnaires qui quittaient l’île. En 1877, le nombre d’habitants était tombé à 111. Après cette date, la population se mit à augmenter progressivement ; en 1888, année de l’annexion de l’île par le Chili, 178 habitants furent recensés.

La population pascuane au XX° siècle

Au début du XXe siècle la population polynésienne a été obligée de vivre dans une petite zone délimitée au sud-est de l'île par les autorités chiliennes, tout le reste de l'île étant réservé à l'élevage du mouton par les compagnies fermières. L'exode des polynésiens augmentant, le gouvernement chilien a dû prendre des mesures pour enrayer un potentiel exil total de la population (Voir le livre de Marie-Françoise Peteuil, Les Evadés de l'Île de Pâques). Ce n’est que dans les années 1960 que les habitants furent à nouveau autorisés à circuler dans leur île et que les conditions de vie ont commencé à s’améliorer, ce qui a permis une augmentation de la population. En 1960 on recensait plus de 1 000 habitants.

D’après le recensement de 2002, l’île compte 3 791 habitants. Cette augmentation repose aussi sur l’immigration chilienne. La conséquence de cette vague d’immigration est la modification de la composition ethnique de la population. En 1982 les polynésiens (pour la plupart descendants d'ouvriers agricoles venus de Polynésie française à la fin du XIXe siècle) représentaient 70 % de la population. En 2002 ils n’étaient plus que 60 %. Parmi les 40 % restants, 39 % étaient d’origine européenne (il s’agissait en général de résidents temporaires, comme les employés d’administration, le personnel militaire, les scientifiques et leurs assistants) et 1 % d’autre provenance (surtout chinoise).

Ces dernières décennies ne connurent cependant pas que des vagues d’immigration. Bon nombre d’habitants de l’île de Pâques ont émigré sur le continent, à la recherche de travail mais aussi pour faire des études. Lors du recensement de 2002 on constata que 2 269 Rapanui chiliens vivaient en dehors de l’île. La densité de population de l’île de Pâques n’est que de 23 hab./km² (pour comparaison : France, 113 hab./km² ; Belgique, 342 hab./km²). Au milieu du XIXe siècle, avant la catastrophe démographique de 1861, la plupart des pascuans d'origine vivaient au sein de six agglomérations : Anakena, Tongariki, Vaihu, Vinapu, Matavei et Hanga Roa ; il y avait aussi des habitats dispersés. Aujourd’hui, les habitants sont concentrés dans les villages de Hanga Roa, Mataveri et Moeroa au Sud-Ouest. Ces villages se sont développés les uns à côtés des autres, si bien qu’ils sont aujourd’hui considérés comme une seule et unique agglomération. C'est là aussi que se trouve l'aéroport international.

Langues

La langue officielle est l’espagnol. On ne sait que peu de choses de la variété pascuane du maori parlé avant la catastrophe démographique de 1861 ; le rapanui actuel, originaire de Polynésie française, est un dialecte de Polynésie orientale, couramment utilisé dans les échanges quotidiens entre habitants polynésiens.

Mythologie

Lorsque les Européens sont arrivés dans l'île, ils ont décrit des rituels liées au culte de Make-make, dieu qui ressemble à un homme, avec une tête de sterne de l'île de Pâques nommé Manutara ou Mahoké. Une cérémonie anniuelle avait lieu dans le sanctuaire d'Orongo à l'extrémité sud-ouest de l'île : les représentants des clans devaient sauter depuis une falaise en surplomb d'une dizaine de mètres et nager sur une sorte de planche composée de roseaux totora jusqu'à l'îlot Motu Nui, pour y arriver en même temps que les sternes venus nidifier. Là ils prenaient leurs quartiers dans différents secteurs de l'îlot et attendaient la ponte du premier œuf de Mahoké. Celui qui le trouvait et le rapportait intact à Orongo intronisait pour l'année le Tangata manu, « l'homme-oiseau » qui arbitrait la répartition des ressources entre les clans. Ce n'était pas une compétition mais un rituel religieux : c'est Make-make qui désignait lui-même le Tangata manu par le biais de la femelle sterne pondant la première, dans le secteur de tel ou tel clan, et c'est seulement si le nageur de ce clan ne parvenait pas à ramener intact l'œuf de Mahoké que le second, ou le troisième et ainsi de suite, ramenaient leurs œufs vers Orongo, mais la légitimité du Tangata manu était alors moindre, et ses décisions plus discutables.

Ce culte n'avait rien à voir avec celui des ancêtres, représentés par les Moai, qui avait déjà cessé à l'époque depuis assez longtemps pour que carrières, statues, maraes et ahus soient enfouis dans la terre et dans la végétation.

Après la la catastrophe démographique et culturelle de 1861 qui a fait disparaître le culte de Make-make, l'église catholique envoie sur l'île Eugène Eyraud, un mécanicien français qui a décidé de se consacrer à l'évangélisation rejoint en 1866 par un prêtre également français : Hyppolite Roussel, qui se trouvait auparavant en fonction aux îles Marquises. Tous deux créent la Mission catholique. Deux autres missionnaires arrivent en novembre 1866 avec des animaux et du matériel. La Mission catholique dépend du vicariat apostolique des îles de Tahiti jusqu'à ce que l'église pascuane soit rattachée à celle du Chili en 1911[36]. Ainsi, c'est la France qui a christianisé l'île de Pâques, sans difficultés étant donné que la population d'origine, adepte de Make-make, avait presque disparu, et que les polynésiens de Rapa, venus la remplacer, étaient déjà en grande partie chrétiens.

Administration

Civile

Pour les élus voir : Politique de l'Île de Pâques.

L'île de Pâques dépend du Chili depuis 1888. Elle a le statut d'un département (Departemento) de la région de Valparaíso. Un des gouverneurs accrédités par le gouvernement chilien administre l'île. Depuis 1984, il s'agit toujours d'un insulaire. Depuis 1966, un conseil municipal de 6 personnes est élu tous les 4 ans dans la commune de Hanga Roa. Un de ces 6 élus est nommé maire de l'île.

Une douzaine de policiers stationnent sur l'île et assurent, entre autres, la sécurité de l'aéroport. Les forces armées et la marine sont très présentes. La marine dispose d'un bateau de patrouille qui sert également en cas de sauvetage en mer. La monnaie est le peso chilien, mais le dollar américain s'est peu à peu imposé, si bien qu'il est en 2008 une monnaie secondaire mais acceptée partout.

L'île de Pâques est un territoire exempt de droits de douanes, si bien que les recettes issues des impôts et autres taxes sont relativement minces. Le budget public est dans une très grande mesure subventionné par le Chili. Le courrier n'est pas distribué aux habitants, mais gardé durant un certain délai au bureau de la poste. Source : Timbres magazine no 100 avril 2009.

Religieuse

La paroisse catholique de l'île de Pâques appartient aujourd'hui au diocèse chilien de Valparaíso. Elle a appartenu au vicariat apostolique des îles de Tahiti jusqu'en 1911, avant d'être transférée au Chili. Il semble que le diocèse aux armées du Chili était alors responsable de la charge pastorale de l'île. Puis, le 24 octobre 1934, la paroisse a été assignée au vicariat apostolique de l'Araucanie (situé dans le Chili central-méridional, à 4 500 km au sud-est de l'île), à la charge des pères capucins. Le 5 janvier 2002, la paroisse a été transférée une dernière fois à Valparaíso[37].

Économie

Infrastructures

Depuis que, dans les années 1970, la NASA a procédé à l'agrandissement de l'aérodrome de Mataveri, créant ainsi un terrain d'atterrissage d'urgence pour les navettes spatiales, les gros porteurs peuvent désormais atterrir sur cet aéroport, le plus isolé du monde. Cet agrandissement a eu pour effet d’augmenter la fréquentation touristique de l’île, ce qui représente aujourd’hui la première source de revenus. Le nombre de touristes reste cependant très limité en comparaison des autres îles touristiques. Depuis peu, un service des eaux centralisé est disponible. Auparavant, l’eau courante était limitée aux réserves des lacs formés dans les cratères des volcans et aux nappes phréatiques. Le réseau de distribution électrique fonctionnant grâce à des générateurs diesel est relié à d’autres îles pour les fournir en énergie[réf. nécessaire]. Les routes situées à proximité de Hanga Roa et de Mataveri sont goudronnées ; il en est de même pour la route allant de Hanga Roa à la plage d’Anakena et tout le long de la côte sud jusqu’à la presqu'île de Poike.

À l’école de Hanga Roa, l’enseignement est assuré jusqu’à l’obtention du Prueba de Aptitud, équivalant au baccalauréat français. Les enseignements professionnels et supérieurs ne sont cependant disponibles que sur le continent. En outre, l’UNESCO soutient un programme d’enseignement bilingue rapanui-espagnol. Les services de santé sont bien meilleurs que dans d’autres régions isolées du Chili. Le petit hôpital dispose d’un médecin, d’un dentiste ainsi que d’une sage-femme. Une ambulance est également mise à disposition de l’hôpital.

D’autres infrastructures comme l’église, la poste, les services bancaires, la pharmacie, de petits commerces, un supermarché, des snack-bars et autres restaurants se sont considérablement améliorés depuis les années 1970 et ce notamment pour satisfaire les demandes des touristes. D’autres services comme la téléphonie par satellite ou Internet sont bien entendus également disponibles. Une discothèque a même été construite pour les plus jeunes.

Tourisme

Depuis le premier vol commercial depuis Santiago en 1967, le tourisme s'est rapidement développé. Avec 70 000 visiteurs par an en 2010 (50 000 en 2006, 65 000 en 2009), le tourisme est devenu la ressource principale de l’île. Une seule compagnie aérienne dessert l’île en 2008 : LAN Chile. Le vol Santiago-Papeete, avec escale à l'Île de Pâques, deux fois par semaine permet aux visiteurs de séjourner 3 jours lors d'une escale en continuant leur route avec le vol suivant.

La piste de l’aéroport international Mataveri coupe le reste de l’île du secteur d'Orongo, le village des hommes oiseaux, et sa grande longueur permet d’accueillir en cas de besoin, les navettes spatiales pour un atterrissage d’urgence.

Nombreux sont les habitants, qui, grâce aux activités du tourisme, peuvent rester vivre sur l'île.

Bibliographie

  • Henri Lavachery, Île de Pâques. Une expédition belge en 1934, Grasset (1935), (ISBN B-0000DQVU-V).
  • Alfred Métraux, Ethnologie de l'île de Pâques (1935)
  • Alfred Métraux, L'Île de Pâques, Gallimard. Collection idées (1941)
  • Pierre Loti, L'Île de Pâques - Journal d'un aspirant de la Flore. Éditions Pierre-Olivier Combelles, Ville d'Avray, 1988.
  • Clive Ponting (historien anglais), A Green History of the World, éd. Sinclair-Stevenson, 1990, 432 pages. L'histoire du monde, version écologique, en partant de l'exemple de l'île de Pâques.
  • Peter Bellwood, The Austronesians, 1995.
  • Michel Orliac et Catherine Orliac, L’île de Pâques - Des dieux regardent les étoiles, Éd. Gallimard, 2004, (ISBN 2-07-031415-4).
  • Thor Heyerdahl, Aku-Aku : le secret de l'île de Pâques, Éd. Phébus, (ISBN 2-7529-0088-0).
  • Ronald Wright, La fin du progrès ?, traduction française, Éd. Naïve, 2006, (ISBN 2-35021028-6) (titre original : A Short History of Progress, Éd. Hurtubise HMH Ltd, 2004).
  • Thomas Lavachery, Pâques : l'île mystérieuse, La Renaissance du livre (21 octobre 2004), (ISBN 2-80460951-0).
  • Marie-Françoise Peteuil, Les évadés de l'Île de Pâques, éd. l'Harmattan, 2004, (ISBN 2-7475-7059-2)
  • Thomas Lavachery, Île de Pâques 1934 : deux hommes pour un mystère, éd. Labor, 1er septembre 2005, coll. Histoire, ASIN 2-80402091-6.
  • Nicolas Cauwe (dir.), Ile de Pâques, faux mystères et vraies énigmes, Les éditions du CEDARC, 2008.
  • Nicolas Cauwe, Le grand tabou, Dix années de fouilles reconstruisent son histoire, Louvain-la-Neuve, Editions Versant Sud, 2011.

Reportages et documentaires télévisuels

  • Le testament de l’île de paques, documentaire de la Fondation Cousteau - réalisation Phillipe et Jacques-Yves Cousteau, France, 1978, 55 min.
  • L’homme de Pâques, documentaire de Thomas Lavachery, Belgique, 2002, 52 min. Images : Louis-Philippe Capelle et Eric Blavier. Son : Paul Heymans et Cosmas Antoniadis. Musique : Thierry Delvigne. Montage : Denis Roussel. Prod. : Y.C. Aligator Film. Coprod. : Triangle 7, RTBF, WIP.
  • Les Rapa Nui ont fait un rêve, documentaire de Gérard Bonnet et Philippe Ray, France, 2003, 54 min[38].
  • La mémoire perdue de l’île de Pâques, documentaire de Thierry Ragobert, France, 2001, 52 min. Diffusé le 11 juin 2005 sur ARTE.
  • Une saison dans les îles : l’île de Pâques, reportage de Véronique Nizon et Guy Nevers pour Thalassa, France, 2006, 52 min. Diffusé le 8 septembre 2006 sur France 3.
  • "La Boudeuse autour du monde " (épisode 2/5)  : "A l'ombre des géants : chronique de Pâques", Réalisé par : Patrice Franceschi, France, 2004, 55 min. Diffusé le 31 janvier 2010 sur France 5.
  • "Les écritures de l'Océan", d'Olivier Jonneman et Pierre Vachet, France-Télévisions, RFO Nouvelle Calédonie, 2006. diffusé sur Arte.

Œuvres de fiction

Notes et références

  1. Portal Rapa Nui. http://www.portalrapanui.cl/rapanui/informaciones.htm
  2. a et b (es)Recensement 2002, Institut national de la statistique du Chili (INE)
  3. Andrew Sharp (ed.): The Journal of Jacob Roggeveen (Oxford, 1970).
  4. Thomas S. Barthel: The Eighth Land: The Polynesian Settlement of Easter Island, Honolulu University of Hawaii 1978
  5. Pour le nom Rapa Nui : « Invention of the name “Rapa Nui” »
  6. Par exemple Thor Heyerdahl.
  7. C. Smith (1961) in The Archaeology of Easter Island, Vol. 1. Thor Heyerdahl, Edwin Ferdon eds. Allen & Unwin, London, 393-396.
  8. Helene Martinsson-Wallin et Susan Crockford (2002), « Early settlement on Rapa-Nui (Easter Island) », Asian Perspective, 40, p. 244-278.
  9. Terry L. Hunt et Carl P. Lipo (2006), « Late Colonization of Easter Island », Science, 311, p. 1603—1606.
  10. Fouilles à Anakena et datations de Lipo, C. et Hunt, T. 2006[réf. souhaitée]
  11. a et b Alfred Métraux: Introduction à la connaissance de l'Île de Pâques, éditions du Muséum national d'histoire naturelle, Paris 1935, relatant les résultats de l'expédition franco-belge de Charles Watelin en 1934.
  12. Denise Wenger et Charles-Edouard Duflon (2011). L'île de Pâques est ailleurs , Ed. Frédéric Dawance, p. 24
  13. Denise Wenger et Charles-Edouard Duflon (2011). L'île de Pâques est ailleurs , Ed. Frédéric Dawance, p. 80
  14. Jean Hervé Daude (2010). Île de Pâques : L'empreinte des Incas, Canada, p. 81
  15. Transport qui avait parfois lieu sur près de 15 km
  16. Voir travaux du Dr Pierre Otino
  17. Citation de James Cook, livre de bord des voyages 1768-1779, édition Erdmann, Tübingen
  18. Référence : article de Corinne Raybaud dans la Revue juridique polynésienne[1] pour ce paragraphes et les suivants
  19. Voir aussi la page anglaise : Alexander Salmon Jr
  20. Pages anglaise et espagnole sur l'île de Pâques pour cette rubrique.
  21. (en) P. E. Baker, F. Buckley et J. G. Holland, « Petrology and Geochemistry of Easter Island », dans Contr. Mineral, and Petrol, Springer-Verlag, no 44, 1974, p. 85-100 [texte intégral (page consultée le 2009-08-10)] [PDF]
  22. a et b (en) Karsten M. Haase, Peter Stoffers et C. Dieter Garbe-Schoneberg, « The Petrogenetic Evolution of Lavas from Easter Island and Neighbouring Seamounts, Near-ridge Hotspot Volcanoes in theSE Pacific », dans Journal of Petrology, Oxford University Press, vol. 38, 1997, p. 785-813 [texte intégral (page consultée le 2009-08-10)] 
  23. (en)Steam crack in wall of Rano Kao, Photograhs of scenery : lakes and landscapes, Université d'Hawaï. Consulté le 2009-08-10
  24. Les prochaines éclipses.
  25. (en)Easter Island Climate and Weather, Enjoy Chile. Consulté le 2009-08-10
  26. (en)Easter Island, Letsgo. Consulté le 2009-08-10
  27. T. Hunt, « L'île de Pâques détruite par les rats ? », Pour la Science, janvier 2007, p. 28-35
  28. Mauro Bologna, Université de Tarapacà, Brésil, cité par Science et Vie, avril 2008, p 36
  29. Voir l'article complet : http://www.uri.edu/artsci/ecn/starkey/ECN398%20-Ecology,%20Economy,%20Society/RAPANUI.pdf
  30. Pour plus d'informations, voir : http://orta.dynalias.org/critiqueco/pdfs/185-idees-catastrophes-paques.pdf
  31. Cité dans Heyerdahl & Ferdon, 1961:57.
  32. "Rethinking the Fall of Easter Island: New evidence points to an alternative explanation for a civilization's collapse.", in American Scientist 94:412-419, 2006
  33. Terry Hunt, "The Statues that Walked: Unraveling the mystery of Easter Island", in Free Press, New York, 2011
  34. Nicolas Cauwe (dir.), Ile de Pâques, faux mystères et vraies énigmes, Les éditions du CEDARC, 2008.
  35. Nicolas Cauwe, Ile de Pâques, le grand tabou. Dix années de fouilles reconstruisent son histoire, Louvain-la-Neuve, Editions Versant Sud, 2011.
  36. Article de Corinne Raybaud dans la Revue juridique polynésienne[2]
  37. (en) Notes on Easter Island sur le site de l'Église catholique norvégienne.
  38. Reseau France Outre-mer. Consulté le 14 janvier 2007

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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