- Valeur propre (synthèse)
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Les notions de vecteur propre, de valeur propre, et d'espace propre s'appliquent à des endomorphismes (ou opérateurs linéaires), c'est-à-dire des applications linéaires d'un espace vectoriel dans lui-même. Elles sont intimement liées, et forment un pilier de la réduction des endomorphismes, partie de l'algèbre linéaire qui vise à décomposer de la manière la plus efficace possible l'espace en somme directe de sous-espaces stables.
Cet article résume les propriétés mathématiques essentielles associées à ces notions et renvoie vers des articles dédiés pour un approfondissement.
L'article Valeur propre, vecteur propre et espace propre détaille l'historique de ces concepts ainsi que leurs utilisations aussi bien dans le champ des mathématiques que dans les autres branches scientifiques.
Sommaire
Définitions et propriétés
Dans toute la suite, on considère un espace vectoriel E sur un corps commutatif . En pratique, le corps est généralement le corps des complexes et l'espace vectoriel est de dimension finie. On précisera dans chaque section, les restrictions éventuelles sur le corps ou la dimension. On notera u un endomorphisme de E et Id l'endomorphisme identité.
Valeur propre
Définition formelle:
Soit un -espace vectoriel et soit u un endomorphisme de .
, est une valeur propre de u si et seulement si :.
Si E est de dimension finie, l'ensemble des valeurs propres de u est appelé spectre de u noté Sp(u).
C'est donc l'ensemble des scalaires λ tels que l'application ne soit pas injective (autrement dit son noyau n'est pas restreint au vecteur nul).
Si E est de dimension n, alors u possède au plus n valeurs propres.
Exemples :
- si alors u ne possède qu'une valeur propre : 1.
- si u est définie sur par alors u possède deux valeurs propres
- 4 car u(2,1) = (8,4) = 4(2,1)
- -1 car u( − 3,1) = (3, − 1) = − 1( − 3,1)
- pas d'autre valeur propre puisque la dimension est 2.
On parle aussi de valeur propre d'une matrice carrée. En effet, une matrice carrée est la représentation d'un endomorphisme sur , relativement à la base canonique.
Vecteur propre
Soit x un vecteur non nul de E, x est un vecteur propre de l'endomorphisme u si et seulement s'il existe un scalaire λ tel que u(x) = λx . On dira que x est un vecteur propre associé à la valeur propre λ.
- Un vecteur propre ne peut pas être associé à deux valeurs propres différentes
- Une famille de k vecteurs propres associés à k valeurs propres différentes constitue une famille libre.
Dans le cas d'une valeur propre associée à une matrice carrée, on emploie souvent le terme de colonne propre plutôt que celui de vecteur propre.
Sous-espaces propres
Soit λ une valeur propre de u ; alors l'ensemble constitué des vecteurs propres de valeur propre λ, et du vecteur nul, forme un sous-espace vectoriel de E appelé sous-espace propre de u associé à la valeur propre λ.
- Soit λ une valeur propre, alors l'espace propre de valeur propre λ est le sous-espace vectoriel égal au noyau de u - λ.Id.
- Par définition d'une valeur propre, un espace propre n'est jamais réduit au vecteur nul.
- Les espaces propres Ei de valeurs propres λi forment une somme directe de sous-espaces vectoriels stables par u.
- Cette propriété se démontre simplement avec les outils développés dans l'article Polynôme d'endomorphisme. X - λi est un polynôme annulateur de la restriction de u à Ei. Ces polynômes sont tout premiers entre eux, la dernière proposition du paragraphe Idéaux annulateurs termine la démonstration.
- La somme directe ne fait pas pour autant des Ei des sous-espaces supplémentaires. Ce ne sera le cas que lorsque l'endomorphisme sera diagonalisable.
- Si deux endomorphismes u et v commutent, alors tout espace propre de u est stable par v.
- Soit x un vecteur propre de u, de valeur propre λ ; alors:
- Nous avons donc démontré que v(x) est soit nul soit vecteur propre de valeur propre λ: il est donc bien élément de l'espace propre de λ.
Polynôme caractéristique
Article détaillé : Polynôme caractéristique.On se place ici dans le cadre d'un espace vectoriel E de dimension finie n.
On appelle polynôme caractéristique de l'endomorphisme u, le polynôme formel det(u − X.Id)
- Les racines du polynôme caractéristique sont les valeurs propres de u.
- Une des propriétés du déterminant est d'être nul si et seulement si le noyau de l'endomorphisme associé est non réduit au vecteur nul. Cela signifie que λ est racine du polynôme caractéristique si et seulement si le noyau de u - λ.Id est non réduit au vecteur nul, ce qui est une condition nécessaire et suffisante pour que λ soit une valeur propre.
- Soit a un automorphisme, c'est-à-dire un endomorphisme bijectif, alors si u est un endomorphisme, u et a-1.u.a ont même polynôme caractéristique et donc mêmes valeurs propres.
- En effet, l'article sur les déterminants nous montre que:
- Si est algébriquement clos ou s'il est égal au corps des nombres réels et que n est impaire, alors u possède au moins une valeur propre.
- Dire qu'un corps est algébriquement clos, c'est dire que tout polynôme de degré différent de zéro admet au moins une racine. Cette racine est nécessairement une valeur propre, d'après la première propriété de ce paragraphe. De plus, les polynômes réels ont toujours une racine si le degré est impair. Cela termine la démonstration.
L' ordre de multiplicité algébrique d'une valeur propre est l'ordre de multiplicité de la racine dans le polynôme caractéristique. L'ordre de multiplicité algébrique d'une valeur propre λ correspond donc à la puissance du monôme (X-λ) dans le polynôme caractéristique.
- Dans un corps algébriquement clos,
- Le déterminant est égal au produit des valeurs propres élevées à leur ordre de multiplicité algébrique.
- La trace est égale à la somme des valeurs propres multipliées par leur ordre de multiplicité algébrique.
Polynôme minimal
Article détaillé : Polynôme minimal d'un endomorphisme.On se place ici dans le cadre d'un espace vectoriel E de dimension finie.
On appelle polynome minimal le polynôme unitaire de plus petit degré qui annule l'endomorphisme u. Il peut être obtenu en cherchant la première relation de dépendance linéaire parmi les puissances u0, u1, u2, …, de l'endomorphisme, avec coefficient 1 pour la plus grande puissance de u qui intervient, et en y replaçant les puissances de u par les puissances correpondantes de l'indéterminée X.
- Les racines du polynôme minimal sont les valeurs propres de u.
- Si le polynôme minimal se factorise M = (X − λ)Q, alors est l'endomorphisme nul, pendant que Q(u) ne l'est pas (car le degré de Q est trop bas). Par conséquent il existe des vecteurs non-nuls dans l'image de Q(u), qui sont des vecteurs propres pour λ.
- Plus généralement pour tout entier , le polynôme minimal est divisible par (X − λ)i si et seulement si le noyau de (u − λI)i est strictement plus grand que celui de (u − λI)i − 1. Par conséquent la multiplicité m de λ comme racine du polynôme minimal est égal au plus petit exposant tel que le noyau de (u − λI)m soit égal au sous-espace caractéristique associé à la valeur propre λ. Néanmoins cette multiplicité ne porte pas de nom : ce n'est ni la multiplicité géométrique, ni la multiplicité algébrique de la valeur propre λ.
- Soit a un automorphisme de E, alors u et a.u.a-1 ont même polynôme minimal (et donc mêmes valeurs propres). Autrement dit le polynôme minimal est un invariant de similitude de l'endomorphisme.
- En effet si l'on applique à la relation de dépendance linéaire pour les puissances de u la conjugaison par l'élément a, on en trouve une pour les puissances de a.u.a-1.
- Sur un corps algébriquement clos, le polynôme minimal (comme tout polynôme non nul) est scindé, et possède donc au moins une racine, qui est valeur propre de u (exception: si la dimension de E est nulle, le polynôme minimal est 1, tout comme le polynôme caractéristique, et u n'a pas de valeur propre).
- Le théorème de Cayley-Hamilton permet d'affirmer que le polynôme minimal divise le polynôme caractéristique
Sous-espaces caractéristiques
Article détaillé : Sous-espace caractéristique.On se place dans un espace vectoriel E de dimension finie n sur un corps algébriquement clos.
Si λi est une valeur propre de u, dont l'ordre de multiplicité est αi, on appelle sous-espace caractéristique de u associé à la valeur propre λi le noyau de On notera le sous-espace caractéristique Ei
- Ei est aussi le noyau de où βi est l'ordre de multiplicité deλi dans le polynôme minimal.
- Ei est stable par u
- dim(Ei) = αi
- L'espace E est somme directe de ses sous-espaces caractéristiques
- la restriction de u à Ei a pour polynôme minimal
Réduction d'endomorphisme
Article détaillé : Réduction d'endomorphisme.On se placera en dimension finie. L'étude des valeurs propres permet de trouver une forme plus simple des endomorphismes, c'est ce qu'on appelle leur réduction.
Diagonalisation
Articles détaillés : Diagonalisation et Matrice diagonalisable.Il existe un cas particulier où la connaissance des vecteurs propres et des valeurs propres associées induit le comportement exhaustif de l'endomorphisme. C'est le cas lorsque l'endomorphisme est diagonalisable, c'est-à-dire qu'il existe une base de vecteurs propres. Des exemples numériques sont donnés dans l'article Matrice diagonalisable. Les critères suivants sont tous des conditions nécessaires et suffisantes pour qu'un endomorphisme soit diagonalisable:
- Il existe une base de vecteurs propres
- la somme des espaces propres engendre l'espace entier
- la somme des dimensions des espaces propres est égale à la dimension de l'espace entier
- le polynôme minimal est scindé sur K et à racines simples. (Démonstration dans Polynôme d'endomorphisme.)
- tout espace propre possède une dimension égale à la multiplicité algébrique de la valeur propre associée.
- toute représentation matricielle M de u est diagonalisable, c'est-à-dire peut s'écrire sous la forme M = P − 1DP avec P et D respectivement matrices inversible et diagonale.
À ces propriétés équivalentes s'ajoutent les implications suivantes :
- S'il existe n valeurs propres distinctes, alors l'endomorphisme est diagonalisable.
- Si l'endomorphisme est diagonalisable, alors le polynôme caractéristique est scindé.
Dans le cas complexe (c'est-à-dire où le corps de nombre est celui des complexes) cette propriété est presque partout vraie au sens de la mesure. Au sens de la topologie l'ensemble des endomorphismes diagonalisables est dense.
Décomposition de Dunford
Article détaillé : Décomposition de Dunford.- Soit u un endomorphisme de E. Si u admet un polynôme minimal scindé, alors il peut s'écrire sous la forme u = d+n avec d diagonalisable et n nilpotent tels que d.n=n.d. De plus d et n sont des polynômes en u.
Représentation de Jordan
Article détaillé : Réduction de Jordan.On se place dans un espace vectoriel sur algébriquement clos.
La représentation de Jordan prouve que tout endomorphisme u sur E est trigonalisable. Elle démontre que toute réduction de l'endomorphisme à l'espace caractéristique Ei associé à la valeur propre λi possède une représentation formée de blocs de la forme suivante
appelés bloc de Jordan et que l'endomorphisme possède une représentation matricielle sous la forme
où les scalaires λi sont les valeurs propres de l'endomorphisme considéré et un bloc de Jordan associé.
Voir aussi
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