Norme euclidienne

Norme euclidienne

Norme (mathématiques)

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En géométrie, la norme est une extension de la valeur absolue des nombres aux vecteurs. Elle permet de mesurer la longueur commune à toutes les représentations d'un vecteur dans un espace affine, mais définit aussi une distance entre deux vecteurs invariante par translation et compatible avec la multiplication externe.
La norme usuelle dans le plan ou l'espace est dite euclidienne car elle est associée à un produit scalaire, à la base de la géométrie euclidienne.

D'autres normes sont très utilisées sur les espaces vectoriels de dimension finie ou infinie, appelés alors espaces vectoriels normés. Elles sont notamment très importantes en analyse fonctionnelle pour obtenir des majorations, exprimer la différenciation sur les espaces de fonctions d'une ou plusieurs variables réelles ou complexes, calculer estimations et approximations.

Il existe une deuxième définition de la norme, utilisé en arithmétique, elle est traitée dans l'article Norme (arithmétique).

Sommaire

Géométrie euclidienne usuelle

Définition

Si A et B sont deux points du plan ou de l'espace usuel, la norme du vecteur \overrightarrow{AB} est la distance AB c'est-à-dire la longueur du segment [AB]. Elle se note à l'aide d'une double barre : \|\overrightarrow{AB}\|.

La norme, la direction et le sens sont les trois données qui caractérisent un vecteur et qui ne dépendent donc pas du choix du représentant.

Article détaillé : Vecteur.

Calcul

La norme d'un vecteur peut se calculer à l'aide de ses coordonnées dans un repère orthonormé à l'aide du théorème de Pythagore.

  • Dans le plan, si le vecteur \vec u a pour coordonnées \ (x ; y) sa norme s'écrit \|\vec u\| = \sqrt{x^2 + y^2}.
Si les points A et B ont pour coordonnées respectives \ (x_A, y_A) et \ (x_B, y_B) alors \|\overrightarrow{AB}\| = \sqrt{(x_B-x_A)^2 + (y_B-y_A)^2}.
  • Dans l'espace, si le vecteur \vec u a pour coordonnées \ (x ; y ; z) sa norme s'écrit \|\vec u\| = \sqrt{x^2 + y^2 + z^2}.
Si les points A et B ont pour coordonnées respectives \ (x_A ; y_A ; z_A) et \ (x_B ; y_B ; z_B) alors \|\overrightarrow{AB}\| = \sqrt{(x_B-x_A)^2 + (y_B-y_A)^2 + (z_B-z_A)^2}.

La norme d'un vecteur peut s'obtenir à partir du produit scalaire :

\|\vec u\| = \sqrt{\vec u \cdot \vec u}.

Réciproquement, le produit scalaire peut s'obtenir à partir de la norme grâce à la relation :

\vec u \cdot \vec v = \frac{1}{2}\left(\|\vec u + \vec v\|^2 - \|\vec u\|^2 - \|\vec v\|^2\right).

Propriétés

  • La norme ne s'annule que pour le vecteur nul \vec 0.
  • La norme du produit par un nombre est le produit de la norme par la valeur absolue de ce nombre :
\|k.\vec u\| = |k|\times \|\vec u\|.
En particulier, tout vecteur a la même norme que son opposé : \|-\vec u\| = \|\vec u\|.

Sur un espace vectoriel quelconque

Définition formelle

Soit K un corps muni d'une valeur absolue et E un K-espace vectoriel.

Une norme sur E est une application \mathcal N sur E à valeurs réelles positives et satisfaisant les hypothèses suivantes :

  • séparation :  \forall x \in E,\ \mathcal N(x)=0 \Rightarrow x=0_E  ;
  • homogénéité :  \forall (\lambda, x)\in \mathbb K \times E,\ \mathcal N (\lambda \cdot x) = |\lambda| \mathcal N (x)  ;
  • sous-additivité (appelé également Inégalité triangulaire) :  \forall (x,y) \in E^2,\ \mathcal N (x + y) \leq \mathcal N (x) + \mathcal N (y) .
Remarques 
  • Les corps des réels et des complexes ne sont pas les seuls à admettre une valeur absolue. Tout corps fini supporte la valeur absolue constante égale à 1 en dehors de 0.
    Dans le cas des corps valués, la norme est même ultramétrique en vérifiant une certaine condition plus forte que la sous-additivité.
  • Une fonction de E dans \R^+ qui ne satisfait que les hypothèses d'homogénéité et de sous-additivité est appelée semi-norme.

Un espace vectoriel muni d'une norme est alors appelé espace vectoriel normé (parfois abrégé en EVN).

Article détaillé : Espace vectoriel normé.

L'image d'un vecteur x par la norme se note usuellement \|x\| et se lit « norme de x ».

Premières propriétés

  • La norme est sous-linéaire, c'est-à-dire qu'elle vérifie la propriété suivante :
\forall (\lambda,x,y) \in \mathbb K \times E^2\ ,\ \|(\lambda \cdot x + y)\| \leq |\lambda|\cdot\|x\| + \|y\|.
  • Plus généralement, on obtient par récurrence immédiate l'inégalité dans \R :
 \|\lambda_1\cdot x_1 + \cdots + \lambda_n\cdot x_n\| \leq | \lambda_1|\times \|x_1\|+ \cdots + |\lambda_n|\times \|x_n\| \ \ .
  • La séparation et l'homogénéité garantissent les propriétés de séparation et de symétrie de la fonction d \colon (x,y) \mapsto \|y-x\|. La sous-additivité justifie alors l'inégalité triangulaire,
\|z - x\| \leq \|z - y\| + \|y - x\|
nécessaire pour montrer que d est une distance sur E, qui plus est invariante par translation.
Un espace vectoriel normé est donc un espace métrique homogène et la topologie associée est compatible avec les opérations vectorielles.
  • La sous-additivité permet d'obtenir la propriété suivante :
\forall (x,y) \in E^2\ ,\ \big| \|x\|- \|y\|\big| \leq \|x-y\|
qui montre que la norme est une application 1-lipschitzienne donc continue.

Topologie

Article détaillé : Espace vectoriel topologique.

Une norme définit une distance sur son espace vectoriel \ E. De plus, à toute distance est associée une topologie. Dans le cas d'une norme, la distance d entre deux vecteurs est donnée par la formule suivante :

  • \forall x,y \in E, \quad d(x,y) = \mathcal N(x-y)

Un ouvert pour la topologie associée est un ensemble \mathcal O vérifiant la propriété suivante :

  • \forall x \in \mathcal O , \; \exists \epsilon > 0 \quad \{y \in E \; / \; \mathcal N(x,y)<\epsilon\} \subset \mathcal O

Cette topologie possède la propriété suivante :

Proposition —  L'addition de \ E\times E dans \ E ainsi que la multiplication externe de \mathbb K\times E dans \ E sont des applications continues pour la topologie associée.


Boule

Article détaillé : Boule (mathématiques).

Cette construction d'une topologie donne toute son importance à la notion de boule ouverte de centre \ x et de rayon \ r, c'est à dire l'ensemble des points dont la distance à \ x est strictement inférieure à \ r. Toute boule ouverte est l'image de la boule unité (ouverte) \mathcal{B} par une translation de vecteur \ x et d'une homothétie de rapport \ r.

Les boules ouvertes centrées en un point \ x forment une base de voisinages du point \ x, elles caractérisent donc la topologie. La sous additivité montre qu'une boule ouverte est convexe. En effet, comme la convexité est conservée par translation et homothétie, il suffit de montrer cette propriété pour la boule ouverte unité. Si \ x et \ y sont deux points de cette boule et si \theta \; est un réel entre zéro et un, alors :

\mathcal N\Big(\theta x + (1-\theta)y\Big) \le \theta\mathcal N(x)+(1-\theta)\mathcal N(y)< 1

La propriété suivante est donc vérifiée :

Propriété —  Un espace vectoriel normé est localement convexe.

Ce qui signifie que tout point admet un voisinage convexe, par exemple la boule ouverte de rayon un et de centre le point.

Norme équivalente

Article détaillé : Norme équivalente.

Plus la topologie contient d'ouverts, plus précise devient l'analyse associée. Pour cette raison une topologie contenant au moins tous les ouverts d'une autre est dite plus fine. La question se pose dans le cas de deux normes distinctes sur un même espace, de savoir quel critère implique une topologie plus fine.

Soient \mathcal{N}_1 et \mathcal{N}_2 deux normes sur un espace vectoriel \ E.

  • \mathcal{N}_1 est dite plus fine que \mathcal{N}_2 si toute suite de \ E^{\N} convergeant pour \mathcal{N}_1 converge pour \mathcal{N}_2, ou encore, s'il existe un réel strictement positif α tel que : \forall x \in E, \ \mathcal{N}_2(x) \leq \alpha \mathcal{N}_1(x)

Une conséquence directe est que si une norme est plus fine qu'une autre, alors sa topologie est aussi plus fine.

  • \mathcal{N}_1 et \mathcal{N}_2 sont dites équivalentes si \mathcal{N}_1 est plus fine que \mathcal{N}_2 et \mathcal{N}_2 est plus fine que \mathcal{N}_1, ou encore, s'il existe deux réels strictement positifs α et β tels que : \forall x \in E, \ \alpha \mathcal{N}_1(x) \leq \mathcal{N}_2(x) \leq \beta \mathcal{N}_1(x)

Cela correspond au fait que dans les boules ouvertes des deux normes puissent s'inclure l'une dans l'autre à dilatation près, ou encore que les deux topologies associées soient confondues. En terme métrique, les deux structures sont uniformément isomorphes. Dans le cas de la dimension finie, toutes les normes sont équivalentes (cf topologie d'un espace vectoriel de dimension finie).

Constructions génériques

  • Tout produit scalaire sur un espace vectoriel réel E définit la norme euclidienne associée par :
\forall x\in E,\ \|x\| = \sqrt{\langle x,x\rangle}.
Une norme \mathcal N est euclidienne (c'est-à-dire provient d'un produit scalaire) si et seulement si l'application (x,y) \mapsto \frac{1}{2}(\mathcal N(x+y)^2-\mathcal N(x)^2 - \mathcal N(y)^2) est bilinéaire
et dans ce cas cette application est le produit scalaire associé.
  • Si f est une application linéaire injective de E dans F alors toute norme sur F induit une norme sur E par l'équation
\mathcal \|x\|_E = \|f(x)\|_F.
\forall x\in E\ ,\ J(x) = \inf\left\{\lambda \in \R^+ \colon \frac{1}{\lambda}x\in C\right\}
et dont C est la boule unité ouverte.
  • Si E et F sont deux espaces vectoriels normés réels ou complexes, l'espace \ L_c(E,F) des applications linéaires continues est muni de la norme d'opérateur s'écrivant :
\forall T \in L_c(E, F),\ \|T\| = \sup_{x\in E-\{0\}}\frac{\|T(x)\|_F}{\|x\|_E}.

Exemples

En dimension finie

L'ensemble des vecteurs de norme 1 dans R2 pour différentes normes

On considère le vecteur \emph{\textbf{x}} = [x_1, \dots, x_n] sur Kn,

 \|\emph{\textbf{x}}\|_2 = \sqrt{|x_1|^2 + \cdots + |x_n|^2}
et elle correspond à la norme habituellement utilisée pour la distance entre deux points dans le plan ou l'espace usuels (la présence du 2 en indice est expliquée juste après);
  • la norme 1 est donnée par la somme des modules (ou valeurs absolues) des coefficients :
 \|\emph{\textbf{x}}\|_1 = |x_1| + \cdots + |x_n|
et induit la distance de déplacement à angle droit sur un damier (ou dans les rues de Manhattan[1]) ;
  • plus généralement, pour tout p supérieur ou égal à 1, la norme p est donnée par la formule suivante :
 \|\emph{\textbf{x}}\|_p = \left(|x_1|^p + \cdots + |x_n|^p\right)^{\frac{1}{p}},
elle identifie donc la norme euclidienne avec la norme 2, mais n'a surtout d'intérêt que dans sa généralisation aux espaces de fonctions ;
  • la norme « infini »[2] d'un vecteur est la limite de ses normes p lorsque p tend vers l'infini :
 \|\emph{\textbf{x}}\|_{\infty} = \lim_{p \rightarrow +\infty}\|(x_1, \cdots, x_n)\|_p = \max\left(|x_1|, \dots, |x_n|\right),
elle induit la distance de déplacement par les faces et par les coins dans un réseau, comme celui du roi sur l'échiquier.

Les relations d'équivalence entre ces normes sont :

\|x\|_2\le\|x\|_1\le\sqrt{n}\|x\|_2
\|x\|_\infty\le\|x\|_2\le\sqrt{n}\|x\|_\infty
\|x\|_\infty\le\|x\|_1\le n\|x\|_\infty


L'inégalité triangulaire pour les normes p s'appelle l'inégalité de Minkowski, elle est une conséquence de résultats de convexité parmi lesquels l'inégalité de Hölder.

D'autres exemples apparaissent classiquement :

  • La norme sur l'espace des quaternions est la norme euclidienne appliquée à la base (1,i,j,k).
  • L'espace des polynômes de degré inférieur ou égal à n peut être muni de normes issues d'espaces de fonctions (voir ci-dessous).

En dimension infinie

  • Sur l'espace \mathcal C^0([a,b]) des fonctions continues définies sur un segment [a,b] de \R et à valeurs réelles ou complexes, on retrouve des normes p définies de manières analogues à celles sur les espaces vectoriels de dimension finie pour p supérieur ou égal à 1 :
{\|f\|}_p = \left( \int_a^b |f(t)|^p \mathrm dt\right)^{1/p}
qui permettent notamment de définir les espaces Lp.
En particulier, la norme euclidienne associée au produit scalaire ou hermitien canonique est définie par
{\|f\|}_2 = \sqrt{\int_a^b |f(t)|^2\mathrm dt}.
La norme « infini » ou norme sup ou encore norme de la convergence uniforme s'écrit quant à elle
{\|f\|}_{\infty} = \sup_{t\in [a, b]} |f(t)|
et s'obtient là aussi comme limite des normes p lorsque p tend vers l'infini.
Toutes ces normes ne sont pas équivalentes deux à deux.
Par ailleurs elles s'étendent aisément aux espaces de fonctions continues sur un compact de \R^n, voire aux fonctions continues à support compact.
  • Sur l'espace \mathcal C^1([a,b]) des fonctions dérivables à dérivée continue, on peut utiliser l'une des normes ci-dessus ou prendre en compte aussi la dérivée à l'aide d'une norme comme suit :
\|f\| = \int_a^b (|f(t)| + |f'(t)|\mathrm dt)
afin de considérer l'application dérivée de \mathcal C^1([a,b]) dans \mathcal C^0([a,b]) comme continue.
  • Sur l'espace \ell^{\infty} des suites bornées, la norme naturelle est la norme sup :
{\|(u_n)_{n\in\N}\|}_{\infty} = \sup_{n \in \N}|u_n|

Norme d'algèbre

Définition

Une norme \mathcal N sur une algèbre A est dite norme d'algèbre s'il existe une constante réelle C telle que

 \forall (x,y) \in A^2, \mathcal N(x \times y) \leq \mathcal C N(x)\times \mathcal N(y) .

Quitte à multiplier la norme par C, cette constante peut être ramenée à 1. La condition est alors celle de sous-multiplicativité.

Dans le cas d'une algèbre réelle ou complexe, la condition est équivalente à la continuité du produit comme application bilinéaire.

Si l'algèbre est unitaire, on peut exiger de la norme qu'elle vérifie aussi :

 \mathcal N(1_A)=1,

auquel cas la multiplication par une constante ne peut plus être utilisée pour « renormaliser » la norme.

Exemples

  • L'application module est une norme d'algèbre sur \mathbb{C} considéré comme \R-algèbre.
  • La norme d'opérateur sur \ L_c(E) est une norme d'algèbre.
  • La norme « infini » sur \mathbb{C}^n induit la norme d'opérateur sur \ \mathbb \mathcal M_n(\mathbb C) qui s'écrit
\forall (a_{i,j}) \in \mathcal {M}_n (\mathbb C),\ \|(a_{ij})\| = \max_i\sum_j|a_{ij}|.

Notes et références

Notes

  1. La norme 1 est aussi appelée Manhattan norm en anglais.
  2. Le mot « infini » est le nom de la norme et non un adjectif qualificatif. Il ne s'accorde donc pas avec le mot « norme ».

Liens externes

Références

  • Haïm Brezis, Analyse fonctionnelle : théorie et applications [détail des éditions]
Une introduction à l'analyse fonctionnelle, il traite surtout deux exemples les Banach et les Hilbert.
  • S. Lang Analyse Réelle InterEditions, Paris 1977 (ISBN 2729600595)
Le chapitre II traite des espaces vectoriels topologiques en général et en particulier du sujet de l'article.

Voir aussi

  • Portail des mathématiques Portail des mathématiques
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