Infini

Infini

Le mot « infini » (-e, -s ; du latin finitus, « limité »), est un adjectif servant à qualifier quelque chose qui n'a pas de limite en nombre ou en taille.

Sommaire

L'infini et les Présocratiques

Les philosophes présocratiques étaient en fait les premiers physiciens (phusikoi). En effet, étant les premiers à avoir osé étudier la nature pour elle-même, ils en sont venus à instaurer une méthode d'analyse, de recherche et de réflexion qui deviendra plus tard celle des scientifiques et des philosophes. À cet effet, une grande partie du jargon scientifique encore utilisé à l'heure actuelle a été introduite par ces penseurs et avait à l'origine comme fonction d'exprimer les concepts indispensables pour faire progresser l'étude de la nature. Univers (kosmos), principe (archè)[note 1], raison (logos), nature (phusis) sont autant d'outils avancés pour pénétrer au cœur des choses et en découvrir le mécanisme; les fonctions traditionnelles des divinités, jusqu'alors conçues comme interventions externes, sont de ce fait naturalisées. Ces penseurs avaient donc comme objectif d'internaliser les principes gérant le fonctionnement du monde, et ainsi de trouver des explications inhérentes à la nature elle-même. À travers cet objectif, ils utiliseront directement ou indirectement le concept d'infini (apeiron)[1].

Les acceptions générales du concept de l'infini chez les présocratiques

Il ne reste que quelques fragments de leurs écrits, ce qui rend la recherche difficile. C'est pourquoi, afin de savoir ce que disent les présocratiques quant au concept de l'infini, il faut consulter Aristote qui fut le premier à recenser leurs thèses. Sur l'infini, c'est dans le livre III de sa Physique qu'il énumère les points communs entre les pensées de ses prédécesseurs et les raisons qui les ont poussés à croire en l'existence de l'infini :

Quelques points daccords sur linfini

- Les présocratiques font de linfini un principe.

Ils ne croient pas que linfini existe en vain, non plus quil ait une autre valeur que celle de principe. Pour eux, tout est principe ou provient dun principe, or, linfini ne provient pas dun principe du fait même quil en est un.

- Linfini est non engendré et non corruptible en tant que principe.

Linfini est principe de toute chose, il les dirige toutes. Cest que toute chose provient dun principe ou est elle-même principe. Dune part, linfini en tant que principe na lui-même pas de principe qui lengendre, sa limite est celle de ne pas en avoir et il est donc non engendré. D'autre part, toute génération reçoit une fin et toute corruption a un terme. Or, non engendré, linfini ne reçoit pas de fin et il est donc incorruptible.

- Immortel et impérissable, linfini apparaît être la divinité.[note 2]

Cinq raisons qui ont poussé à la croyance de linfini

- Premièrement, l'infini est dans la division des grandeurs.

Les mathématiciens aussi utilisent l'infini, et ce par la division. Par exemple, la formule de l'aire du cercle π.r2 est corroborée par la division du cercle en un nombre infini de triangles.

- Deuxièmement, il y a infinité de la source.

En effet, la destruction et la génération ne s'épuisent pas, ce ne peut être que grâce à linfinité de la source d tout est engendré.

- Troisièmement, le temps est infini.

Toute génération reçoit une fin, mais la source n'a pas de principe qui l'engendre et ainsi elle n'a pas non plus de fin. Ainsi, le mouvement de la génération et de la corruption s'inscrit dans le temps et il est à une source inengendrée et incorruptible. Cest dire que le temps lui-même est infini.

- Quatrièmement, il n'y a pas de limite en soi.

Ce qui est limité ne l'est que par autre chose, de sorte que rien ne sera limite puisque la limitation est toujours entre deux termes. L'infini est cette absence de limite en soi.

- Cinquièmement, la représentation de l'infini ne l'épuise pas.

Aristote donne pour exemple les grandeurs mathématiques et ce qui est hors du ciel. Les quantités et les étendues ne peuvent pas circonscrire l'infini par représentation. Autrement dit, on ne peut pas cerner l'infini dans son ensemble, car l'infini est toujours plus grand que ce qu'on aura cerné.

Il est toutefois possible, à partir des fragments et des commentaires, de distinguer la pensée de chacun des présocratiques et de la comprendre pour elle-même.

L'infini à travers quelques théories présocratiques

Anaximandre

Schémas du modèle de l'univers d'Anaximandre. À gauche, le jour en été; à droite, la nuit en hiver.

Le concept d'infini (apeiron) fut pour la première fois introduit dans la pensée du philosophe Anaximandre, élève de Thalès. Sous son influence, il voulut se pencher sur le fondement de l'univers, et c'est ainsi qu'il en vint à postuler l'infini comme principe et comme substrat des choses qui existent. En effet, le rôle de substrat ne peut être assigné à l'un des quatre éléments (l'eau pour Thalès, l'air pour Anaximène, le feu pour Héraclite), car ils sont changeants, dépendent les uns des autres et aucun ne peut être privilégié. Il faut donc, au-delà des éléments, une autre nature qui agit comme substrat d' sont engendrés tous les mondes. Ce substrat, c'est l'infini, le principe qui engendre l'univers sous l'influence d'un mouvement éternel. Le mouvement éternel est en constante production, il s'agit en ce sens dun « retour générique ». Ce retour a besoin dun principe matériel qui doit être inépuisable afin de tout produire éternellement. Cest celui de lapeiron et cest en ce sens que linfini est aussi mouvement éternel chez Anaximandre.

Pythagore

Parmi ses doctrines, Pythagore avance celle de l'éternel retour : les choses seront de nouveau les mêmes. Si pour d'autres philosophes, comme Anaximandre ou Héraclite, un retour générique peut être observé, chez Pythagore il existe un retour individuel qui peut se reproduire à l'infini. En effet, s'il y a 1) un nombre fini d'événements possibles, 2) si chaque événement possède une cause et que 3) une même cause doit toujours produire un semblable effet, il en résulte qu'au sein d'un temps infini les événements reviennent nécessairement.

Héraclite

Pour Héraclite, le feu est le principe de l'univers : toute chose est convertible en feu et le feu en toute chose. D'une part, l'infini s'y retrouve à travers la génération car pour lui, toute chose advient par le conflit et la nécessité (toute chose est mue vers son contraire). Mais le feu, en tant qu'unité fondamentale de cette pluralité contradictoire, n'est jamais épuisé par ces tensions dynamiques, par ces transformations. D'autre part, l'infini caractérise le temps car pour Héraclite, l'univers n'a ni commencement ni fin. Le cosmos était, est et sera toujours feu éternel.

Parménide

Quant à Parménide, la conception de l'infini inhérente à sa pensée se retrouve dans l'explication de l'immobilité et de l'éternité de l'être, et ce contrairement à Héraclite. En effet, Parménide considère que l'être ne peut pas changer, sinon il ne serait pas. Ainsi, il doit être immobile. De plus, la génération et la corruption sont également des formes de changement, et c'est pourquoi l'être doit être éternel, c'est-à-dire qu'il est inengendré et impérissable. L'infini est donc nécessaire à l'existence d'un être éternellement identique.

Mélissos

Mélissos, élève de Parménide, considère que ce qui existe, ou plutôt ce qui est, doit être unique : il n'existe qu'une seule chose. Basé sur les dires de son maître, il affirme qu'une chose qui existe existe toujours, mais il ajoute qu'elle doit également toujours être infinie en grandeur. L'argument prend comme point de départ l'impossibilité du vide. Par exemple, s'il n'y a rien entre plancher et plafond, c'est donc dire que le plancher et le plafond sont contigus, et qu'il n'y aurait pas de séparation entre ces deux termes. Le vide ainsi expulsé, s'il y a de l'être, il n'y a que de l'être. Ensuite, toute chose doit être dans un espace et il n'y a qu'un espace, or ce dernier est occupé pleinement par l'être et par un être qui est unique. En effet, nul ne peut dire de l'être qu'il est et qu'il n'est pas, ni dire qu'un être est à certains endroits et pas à d'autres. C'est pourquoi l'être est infini en grandeur, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de limite à l'être.

Démocrite

En ce qui concerne Démocrite, la nature est constituée de petites substances illimitées en nombre qui se trouvent dans un lieu qu'il nomme l'infini. Cette infinité de petites substances qui nagent dans un vide infini et éternel parfois s'agglomèrent et forment les corps visibles à travers leur mouvement. L'infini se retrouve donc dans une division des corps en une infinité de substances, ce qui constitue la première théorie atomiste.

D'autres penseurs présocratiques ont également utilisé le concept d'infini dans leurs recherches, comme par exemple Anaximène, Alcméon de Crotone, Xénophane et Zénon.

Les paradoxes de Zénon

Article détaillé : Paradoxes de Zénon.
Zéron dÉlée montrant à ses disciples la porte du Vrai et celle du Faux, fresque de l'Escurial, Madrid, fin du XVIe siècle.

Zénon est un philosophe grec de lAntiquité (environ 400 av. J.C.). Habitant dÉlée, il avait comme maître Parménide qui défendait le fait que la réalité est immuable. Zénon ne traite pas directement du sujet de linfini. Il se sert plutôt de la notion dinfini dans le cadre délaboration de preuves par labsurde visant à prouver limpossibilité du mouvement. La méthode de Zénon consistait à utiliser des prémisses admises par tous et den déduire des conclusions absurdes ou contraires. Il voulait donc montrer que le mouvement nest quune illusion et que croire linverse conduit nécessairement à des contradictions. On doit de nombreux paradoxes à Zénon (au moins une quarantaine), mais seuls quelques-uns sont connus, à travers les écrits dAristote. Des quatre paradoxes sur le mouvement cités par Aristote, deux utilisent linfini pour prouver que les prémisses affirmant la possibilité du mouvement aboutissent à labsurde.

Dans les deux paradoxes qui suivent, Zénon utilise la prémisse selon laquelle lespace peut être divisible à linfini pour montrer que le mouvement ne peut exister. La portée philosophique de Zénon est incontestable ; selon Aristote, il aurait été linventeur de la dialectique.

La dichotomie

Article détaillé : Paradoxe de la dichotomie.

Si le mouvement existe, un corps en mouvement doit se déplacer sur une certaine distance en un temps fini ; mais avant davoir parcouru toute la distance, le corps doit dabord en avoir parcouru la moitié ; et avant den avoir parcouru la moitié, il doit avoir parcouru la moitié de cette moitié. Puisque toute distance est divisible en moitiés, et ce, à linfini, et puisquil est impossible de parcourir un nombre infini de positions en un temps fini, le mouvement nexiste donc pas.

Achille et la tortue

Article détaillé : Paradoxe d'Achille et de la tortue.

Achille, héros de la mythologie grecque, ne peut rattraper la tortue quil poursuit ; en effet, avant de la rattraper, il doit dabord atteindre le point d celle-ci est partie au début de la course. Mais pendant ce temps, la tortue continue davancer dune certaine distance ; même si cette distance est moins grande que celle parcourue par Achille (car la tortue est plus lente), elle avance quand même, elle nest pas immobile. Ainsi, durant le temps quil faut à Achille pour parcourir cette deuxième distance, la tortue a encore parcouru une certaine distance. Donc, même si cette distance diminue à chaque étape, la tortue ne sera jamais rattrapée par Achille[2],[3]

Avicenne

Avicenne

Avicenne reprend Aristote

Avicenne, pour établir sa métaphysique, a repris celle établie par Aristote, mais lue à travers Al Farabi et le néoplatonisme[4]. Cest-à-dire quil va comprendre des notions aristotéliciennes, mais dans un contexte théologique. Ainsi, il reprend lidée du monde éternel, mais dans une métaphysique créationniste[5]. Dans le cadre de linfini, il est évident que lexistence dun Dieu viendra donner un sens nouveau à la métaphysique dAristote car Dieu amène des notions dinfini qui ne sont pas présentes chez Aristote. Avant de poursuivre, il faut définir certains concepts afin de montrer comment Avicenne les utilise.

La distinction entre acte et puissance

La puissance est définie comme étant : « toute disposition se trouvant dans une chose et étant principe de changement »[6], tandis que lacte (ou lactualisation) étant ce passage de létat de repos à létat actif, une chose changeant détat passerait de la puissance à lacte. On peut prendre par exemple, la graine qui détiendrait larbre en puissance et qui deviendrait acte une fois celui-ci poussé. À ce sujet Aristote accepte linfini en puissance (sous forme dinfini par division et par addition), mais rejette linfini en acte. Avicenne va rajouter une sous-division entre actualité forte/faible et potentialité forte/faible[7].

Linfini dans le monde supralunaire

Notons tout dabord que Dieu est par définition infini et cest le principe premier d tout émane[8], mais Dieu nest pas le seul être infini; il y a une dépendance ontologique des intelligences célestes (qui sont au nombre de dix) envers le premier principe, dépendance traduite par le désir de se rapprocher de la perfection de Dieu. Le désir comme principe de motion étant le fait de vouloir atteindre Dieu, lui ressembler. Ce désir de perfection, serait le principe de tout mouvement selon Avicenne[9]. Ainsi, les intelligences céleste en désirant le premier principe feraient mouvoir les sphères leurs correspondant dans un mouvement infini.

Avant de poursuivre, il faut préciser que le mouvement en question dans le monde supralunaire est différent de celui dans le monde sublunaire[10]. Dans le premier cas, le mouvement est constant; il a toujours la même vitesse. Cest pourquoi on peut dire quil y a un infini présupposé pour les intelligences célestes. Cependant, dans le monde sublunaire, le mouvement est sujet à la décélération et laccélération.

Pour conclure sur ce point, il faut nommer une autre preuve abondant dans le sens de la présence de linfini chez les intelligences célestes, cest-à-dire, le passage Avicenne dit que même ce qui est infini (et nécessaire) requiert une cause[11]. Enfin, notons que si Avicenne parle de linfini dans le monde supralunaire, il ne le classifie pas comme il va le faire pour linfini présent dans le monde sublunaire. Probablement parce que linfini métaphysique ne présente pas a priori autant de problèmes que linfini dans un monde limité (physique).

Linfini dans le monde sublunaire

Tout dabord, linfini en acte est amené par la théologie ; les âmes (des hommes) étant immortelles, il y en a donc une infinité dans un monde éternel[12]. Cest d'ailleurs ce qui caractérise linfini en acte fort dans lavicennisme.

Linfini en acte faible étant quant à lui défini par les évènements et les années passés[7]. Pour bien comprendre ce type dinfini, il faut maintenant sattarder au concept de causalité. Car, selon Avicenne, il y aurait des causes accidentelles (ou adjuvantes) en nombre infini. En dautres termes, il y a une succession infinie de causes préparatrices. Ici entre en jeu la distinction entre causes essentielles et causes adjuvantes. Les causes essentielles (ou vraies) étant liées au mouvement, au continu, car elles demeurent avec leffet. Les causes vraies « empêchent la non-existence de la chose »[13]. Les causes adjuvantes sont secondaires car elles sont antérieures à la chose. Celles-ci seraient en nombre infini selon Avicenne. On peut penser à la relation père/fils qui remonterait de génération en génération pour expliciter ce fait. Car, dans le contexte dun monde éternel, il y a une infinité de relations filiales. En effet, « […] ce qui va ad infinitum cest un individu qui vient après un autre […] »[14].

En ce qui concerne linfini en puissance fort, il est toujours le même que linfini en puissance dAristote, à savoir linfini par division et par addition. Cest pourquoi il ne sera pas plus détaillé dans cet article. En effet, comme dans les paradoxes de Zénon, on peut facilement imaginer la division dune ligne en quatre parties, la division de chacune de ces parties en quatre et ainsi de suite, à l'infini.

Concernant linfini en puissance faible, il se trouve dans le mouvement. Tel que mentionné précédemment, ce mouvement ne correspond pas à celui des sphères célestes. En effet, celui-ci, nest pas réellement continu et peut se regarder de différentes façons. On peut déjà le voir comme le mouvement général dun corps. Cependant, cette définition du mouvement ne sera pas celle important dans le cas de l'infini en puissance faible; limpulsion concrète dun corps à un instant précis étant plutôt la définition à retenir[7]. En d'autres termes, le passage dun temps A à B serait un mouvement constitué dune infinité de temps. On peut penser à une addition infinie de points mis bout à bout pour former une ligne. Cette ligne, comme le mouvement, serait dapparence continue mais serait en réalité constituée de plusieurs points intermédiaires[15].

Jean Duns Scot

John Duns Scot

Un apport à l'infini mathématique

Dans une démonstration du mouvement continu des anges au Livre II de l'Ordinatio, Scot soulève deux paradoxes qui entreront dans la postérité. Dans sa défense, il voudra réfuter la thèse selon laquelle le continu est formé d'indivisibles. Chez Aristote, dans Le Livre VI de la Physique, il est clair qu'« il est impossible qu'un continu soit formé d'indivisibles, par exemple qu'une ligne soit formée de points, s'il est vrai que la ligne est un continu et le point un indivisible »[16], mais cette preuve inspirée de l'autorité du Philosophe ne lui suffit pas. Il proposera deux problèmes géométriques du même esprit montrant tout le contradictoire d'une telle théorie.

Dans l'une des deux, on trace deux cercles concentriques à partir d'un centre a. Le petit, noté D et le plus grand, noté B. Scot dira que puisque, selon cette théorie, la circonférence du grand cercle est formée de points, il est possible d'en identifier deux, b et c. Du point a, traçons une ligne droite le joignant à chacune de ces deux points de manière à ce que les deux droites formées coupent le petit cercle D. La question: les droites ab et ac coupent-elles D en un seul point ou en deux points distincts ? S'il s'agit du même point, l'une des deux droites ne sera plus droite (mais courbe) ce qui entre en contradiction avec la prémisse du départ. Dans le cas contraire, B et D incluraient le même nombre de points, pourtant, fait remarquer Scot, il est impossible à deux cercles inégaux d'être composés d'un nombre égal de parties égales. Il en découle qu'un continu, ici représenté par la ligne, ne peut être composé d'un nombre de points discrets[17].

Le paradoxe des cercles

Bien que Scot lui-même n'ait pas explicité la chose dans ces termes, pour sa postérité, il s'est retrouvé à illustrer à l'aide de ces figures géométriques, en germe, certaines des découvertes les plus importantes concernant l'infini mathématique se retrouvant entre autres chez Georg Cantor. Les deux droites tenant en elles implicitement leur mouvement, la création d'une infinité de points, et créant entre les points des deux cercles une correspondance biunivoque, le paradoxe soulève la possibilité pour deux ensembles infinis d'indivisibles d'être égaux malgré leurs tailles manifestement inégales[18].

D'ailleurs, dans une autre démonstration, Duns Scot se frottera à de pareils débats quant à la grandeur des infinis. Scot à la question 3 du livre II, distinction 1 de l'Ordinatio rabat l'objection selon laquelle il serait impossible pour Dieu de produire quelque chose d'autre que lui-même sans que cette production ait un commencement[19]. Selon cette objection, si la création est ab aeterno sine principio, l'infini qui a mené jusqu'à hier est équivalent à l'infini qui s'est écoulé jusqu'à aujourd'hui ce qui va à l'encontre de l'axiome d'Euclide voulant que la partie soit toujours plus petite que le tout. À cela, dans un premier temps, le Docteur répondra que ces deux dernières caractérisations ne sont applicables qu'aux grandeurs finies puisque les choses se divisent en fini et infini avant que « plus grand » ou « plus petit » ne s'appliquent. Cependant, ses adversaires soulèvent le problème qu'une création de toute éternité produirait une quantité infinie d'âmes en acte, or, une telle chose est impossible selon le Philosophe. Devant cette objection, Scot développe davantage : « Tout ce qui ne peut pas être fait par Dieu en un jour, parce que "cela implique contradiction" ne pourrait, pour la même raison, être fait par lui au cours dun temps dune durée infinie. »[20] Il en vient à cette conclusion : « Il apparaît donc, que les instants de ce jourvoire de cette heureont une infinité égale à celle des instants infinis de ces jours infinis. »[20] Cette intuition se verra, entre autres, confirmée par Richard Dedekind dans sa définition dun ensemble infini qui se caractérise justement par l'équivalence entre le dit ensemble infini et une de ses parties propres de ce point de vue[21].

De l'infini mathématique à l'infini théologique

Il nen demeure pas moins que le fondement de laffirmation par Scot quil existe quelque chose comme un infini en acte est théologique. Jean Duns Scot refuse quil soit impossible pour Dieu de créer spontanément une infinité en acte. En effet, selon Aristote une grandeur ne peut être infinie quen puissance. Or, voulant construire l'idée d'une nature infinie intensivement (selon la qualité), Scot fait un passage obligé par la démonstration d'une grandeur extensivement (selon la quantité) infinie en acte[22]. Selon la définition dAristote au Livre III de la Physique, l’ « infini est ce qui est tel que lorsquon en prend une quantité, cest-à-dire quelque grande que soit la quantité quon prend, il reste toujours quelque chose à prendre »[23], donc un tout infini nest quune réalité potentielle et par cela, conclut Scot, imparfaite. Pour remédier à une telle situation, le médiéval imagina à partir de cet infini potentiel ce quil serait en acte :

Pour notre propos, dit Duns Scot, transformons la notion dinfini potentiel dans la quantité en la notion de linfini en acte dans la quantité en supposant quil puisse être en acte dans la quantité. Nécessairement, la quantité croîtrait toujours, en prenant une partie après lautre, mais si nous imaginons que toutes les parties qui peuvent être prises successivement le sont simultanément, alors nous aurons une quantité infinie en acte, puisquelle sera aussi grande en acte quelle lest en puissance. Si donc toutes les parties étaient conçues comme présentes en acte simultanément, linfini ainsi imaginé serait véritablement un tout et serait véritablement parfait, car il ny aurait rien au dehors. Bien plus, nulle quantité ne pourrait lui être ajoutée, car alors il pourrait être excédé. »[24]

Par ce passage, Jean Duns Scot fait de linfini non pas ce qui laisse toujours quelque chose derrière, mais bien ce qui excède le fini selon toute proportion déterminée ou déterminable[25].

Le passage de l'infini en quantité à l'infini sous le mode de la qualité ne se fait pas non plus sans Aristote. Bien que chez ce dernier l'infini ne s'applique qu'aux grandeurs, il ouvre une porte au livre V de sa Métaphysique admettant la transposition de notions quantitatives à d'autres objets "par extension"[26]. À la question 6 du Quodlibet, Scot commente ce dernier passage et montre que des termes quantitatifs comme petit, grand, moins, plus, sont applicable à tous les êtres, peu importe leur genre. La transposition de la physique à la métaphysique est, par , possible. Toutefois, Scot voudra faire de l'infini non un accident mais une quantité d'être ou quantité de perfection. Il tire de l'océan d'être infini de l'essence divine de Jean de Damas le concept de l'infinité comme mode d'être intrinsèque d'une nature infinie: "de même que l'océan ne serait l'océan sans l'immensité de sa masse, de même l'essence divine ne serait pas l'essence qu'elle est sans la magnitude qui est la sienne."[27] Dans la mesure nous concevons un être infini actuel en entité, explique Scot, il se doit d'être pensé sous le mode d'une quantité infinie actuelle, c'est-à-dire qu'aucun autre ne saura le dépasser en entité. En cela, il "sera véritablement un tout, et un tout parfait"[28].

Linfini dans la métaphysique et la théologie scotiennes

Dans la métaphysique de Jean Duns Scot, le concept d'infini est assimilé aux transcendantaux. Les transcendantaux, outre l'étant, sont des attributs qui peuvent être, chez le Docteur Subtil soit: des attributs disjonctifs (infini/fini, possible/nécessaire, en acte/en puissance, etc.) ; des attributs convertibles (l'un, le vrai, le bien… ) qui sont directement coextensifs avec l'étant ; des perfectiones simpliciter (i.e. un prédicat qui n'admet pas de limite telle que l'intelligence divine par exemple)[29].

Le couple d'attributs disjonctifs infini/fini permet d'établir une mesure de l'être, non plus au sens strictement quantitatif, mais plutôt au sens d'un degré d'excellence de l'être. Il s'agit d'une différence strictement modaleplutôt que formelleentre les êtres : Dieu est sur le mode de l'infini, alors que l'homme est sur le mode de la finitude. Cette précisionqui ne s'inscrit pas seulement dans la métaphysique scotienne, mais aussi dans le cadre d'un argument théologique portant sur l'existence de Dieu infère que la différence entre un être fini et un être infini n'est pas une différence générique ce qui, au sein du raisonnement du Docteur Subtil, permet de sauvegarder la simplicité divine[30].

En vertu de la théologie naturelle scotienne et, plus largement, de sa théorie cognitive, il est possible pour lhomme de connaître à laune de son expérience sensible. Ainsi, si la connaissance essentielle de Dieu n'est pas accessible ici-bas faute de pouvoir faire l'expérience de ce dernier, il est cependant possible de prédiquer à Dieu des attributs partagés avec lui (comme l'intelligence) en vertu de la théorie scotienne de la prédication univoque[31]. Par exemple, s'il est possible de prédiquer l'intelligence à Marie, de même peut-on attribuer l'intelligence à Dieu, mais pas sous le même mode que celui de la créature finie. Pour Dieu, il s'agira d'une perfectiones simpliciter. Il s'agit du même concept d'intelligence, mais qui n'est pas donné sous le même mode chez la créature finie et chez Dieu, être infini.

De plus, la créature finie sera aussi en mesure de parvenir à la caractérisation la plus parfaite et la plus simple du Premier principe. Comme vu plus haut, on parvient précisément à cette caractérisation positive avec le concept d'infini, sous-tendant tous les attributs que l'on peut prédiquer à Dieu[32]. Scot renverse ici l'infini en tant que concept négatif pour en faire un concept positif. En effet, on pourrait défendre la négativité du concept d'infini sur le plan étymologique par la présence du préfixe in qui implique une négation. Considéré comme tel, il serait alors contradictoire de parler de l'infini comme une caractérisation positive de Dieu. On peut analyser un tel renversement d'un point de vue logique en affirmant que, la finitude étant en soi concept impliquant une limite négative, l'ajout du préfixe in, la double négation fait naître (sur le plan logique et formel du moins) un concept positif. Cependant, pour Scot, la nature de la distinction du couple fini/infini est métaphysique et non formelle ou linguistique[33]. Ainsi, défendre la positivité ou la négativité du concept à partir de la sphère de la logique ou, plus simplement, de l'étymologie est inutile dans l'optique scotienne ; il faut plutôt admettre sa positivité comme un présupposé métaphysique.

Galilée

Galilée remarque qu'il y a une correspondance biunivoque entre les nombres et leurs carrés, d' il déduit que l'assertion commune « le tout est plus grand que la partie » ne se vérifie pas lorsqu'on parle de quantités infinies [34]. Cependant, loin d'y trouver une motivation pour l'étude des ensembles infinis, il y voit la preuve du caractère non opérationnel de tels ensembles, position approuvée plus de deux siècles plus tard par Cauchy[35]. Ainsi donc, jusqu'assez avant dans l'époque moderne, les mathématiciens s'interdisaient d' utiliser directement les ensembles infinis et préféraient raisonner « en compréhension » sur les propriétés de leurs éléments. Ils se contentaient alors de la possibilité d'augmenter toute grandeur donnée, ou de la diminuer s'il s'agit d'une grandeur continue[35].

Descartes

Linfini dans la pensée métaphysique de Descartes

Dieu en tant quunique infini

Dans la pensée métaphysique de Descartes, seul Dieu peut être qualifié dinfini. La Méditation III offre une définition de ce dernier : « Par le nom de Dieu jentends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute puissante, et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont ont été créées et produites. »[36] La notion dinfini réel ou en acte est strictement réservée à Dieu ; seul Dieu est infini car il est lêtre infini lui-même. Il est donc question chez Descartes dun infini dordre qualitatif ; dune perfection infinie qui existe uniquement chez lêtre parfait, chez Dieu - « il ny a rien que je nomme proprement infini, sinon ce en quoi de toutes parts je ne rencontre point de limites, auquel sens Dieu seul est infini. »[37]

Lidée de linfini dans la pensée de lhomme

La notion dinfini a toutefois aussi une place dans lhomme, dans sa pensée. Elle sy trouve contenue en lui en tant quidée qui lui est innée ; lhomme possède une idée de linfini, il est capable de concevoir, à sa manière limitée, linfini. Cest précisément cette idée de linfini que Descartes assimile à lidée de Dieu en l'homme ; « la notion de linfini […] cest-à-dire de Dieu. »[36] Il sagit simplement de la conception que l'on est capable de se faire dun être infini et parfait, en dautres termes de notre idée de la divinité. Bien quil ne sagisse pas de linfini véritable, qui lui ne se trouve quen Dieu lui-même, lidée de linfini (ou de Dieu) que lon retrouve dans la pensée de lhomme occupe une place importante dans la métaphysique cartésienne car elle est ce à partir de quoi Descartes infère lexistence effective et réelle de Dieu (hors du cogito). Cest la preuve de lexistence de Dieu dite « par linfini », que lon retrouve dans la Méditation III.

La preuve par linfini de la Méditation III

Lidée de linfini témoigne de la finitude de lego cartésien, du je qui pense cet infini. Le degré de perfection du contenu que représente cette idée est dune telle ampleur quil rend manifeste la finitude du je dans lequel loge cette idée même. Ultimement, Descartes veut montrer quil est impossible que cette idée, dont le contenu possède un tel degré de perfection, puisse être la création du je qui pense, puisse être causée par lui de quelconque manière[38]. Cela étant, elle ne peut être « imprimée »[39] ou se trouver dans ce même je quen vertu dun être qui lui soit externe, cest-à-dire autre que le je, et qui possède formellement ou en acte suffisamment de perfection afin de pouvoir être lauteur ou la cause du contenu de notre idée de linfini. Pour Descartes, il ne peut sagir que de Dieu, d'un être possédant réellement en lui l'infinité et la perfection que lego ne peut quà peine et de manière bien limitée concevoir. Descartes dira, de manière métaphorique, que l’« on ne doit pas trouver étrange que Dieu, en me créant, ait mis en moi cette idée pour être comme la marque de louvrier empreinte sur son ouvrage. »[40]

Bien que lhomme soit donc capable de penser linfini, il ne peut le faire quavec ses capacités limitées, celles de lêtre fini quil est. Bien quil tende à le comprendre, et saime à le contempler, il ne pourra jamais saisir cet infini dans sa totalité, dans sa perfection absolue. De son idée de linfini quil trouve en lui, lhomme doit donc se contenter de la simple certitude quelle lui permet dacquérir de lexistence effective, extérieure à sa pensée, de cet infini et que ce dernier soit non seulement la cause de cette idée mais aussi bien de lexistence de lhomme ainsi que de toute chose qui est[39]. « Et toute la force de largument dont jai usé ici consiste en ce que je reconnais quil ne serait pas possible que ma nature fût telle quelle est, cest-à-dire que jeusse en moi lidée dun Dieu, si Dieu nexistait véritablement ; ce même Dieu, dis-je, duquel lidée est en moi, cest-à-dire qui possède toutes ces hautes perfections, dont notre esprit peut bien avoir quelque idée sans pourtant les comprendre toutes, qui nest sujet à aucun défaut, et qui na rien de toutes les choses qui manquent quelque perfection. »[39]

Linfini dans lhomme, sous forme didée innée, permet donc de connaître que cet infini existe actuellement hors de lhomme mais ne peut néanmoins propulser lhomme vers une connaissance absolue de cet infini. Ce serait une contradiction avec la notion même de ce que signifie linfini chez Descartes. En effet, linfini ne pourrait, par sa nature, jamais être compris par le fini. Descartes dira qu’« il est de la nature de linfini, que ma nature, qui est finie et bornée, ne le puisse comprendre. »[40] Le créateur ne saura jamais être compris par sa créature.

Notre conception de linfini nous permet donc non seulement de constater notre propre finitude, mais également dinférer avec certitude quun tel être infini doit nécessairement exister hors de nous-mêmes, bien quon ne puisse jamais espérer le comprendre entièrement. Descartes nomme cet être Dieu[41].

Infini et l'indéfini

La distinction entre infini et indéfini

Alors que l'infini se dit de Dieu, l'indéfini se dit du monde physique et des mathématiques. L'indéfini désigne ce dont on ne peut prouver les bornes. Sa véritable nature est l'indétermination, puisque ni fini, ni infini. Tout ce qui est ontologiquement second à Dieu est seulement indéfini, c'est-à-dire qu'il traduit l'ignorance du sujet. Pourtant, Dieu lui-même échappe à l'homme. L'essence de l'infini déborde toute tentative dicible. Il y a inadéquation entre l'idée de l'infini en moi et l'infini, puisque vouloir dire l'infini, l'écrire ou le définir excède toujours la compréhension qu'on peut en avoir. L'idée de l'infini, se présente comme un paradoxe: c'est à la fois l'idée la plus claire et distincte, et l'idée la plus incompréhensible. En affirmant qu'il est faux de concevoir l'infini en niant le fini, Descartes suggère que l'on doit se contenter de se servir d'expressions négatives tout en les refusant sur le plan du sens, non seulement parce que l'essence de l'infini déborde toute tentative de le renfermer dans le langage, mais aussi que la mesure dans la positivité est essentielle à l'infini[42].

Descartes, héritier d'Aristote ?

La tradition a plutôt interprété l'indéfini cartésien comme un infini en extension ou infini spatial. Ce qui est présupposé dans cette interprétation est que Descartes reprend le couple infini en acte et infini potentiel d'Aristote. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer[42] suggère de mettre en cause cette interprétation et considérer plutôt une interprétation littérale de la notion d'indéfini dans la pensée de Descartes; c'est-à-dire indéfini comme in-défini ou non défini. Notons qu'il y a des raisons métaphysiques pour refuser de considérer que l'indéfini soit un infini en son genre, dont le genre serait l'étendue. Ontologiquement, l'infinie positivité de Dieu implique nécessairement l'existence d'un seul infini. Aussi, l'étendue étant la marque du corps, cela constitue un défaut. On ne peut donc pas la prédiquer à Dieu, qui est infinie perfection. Enfin, puisque l'infini de Descartes n'est pas un infini de quantité, mais un infini de qualité - la perfection - on doit voir une différence de nature et non de degré entre infini et indéfini.

Métaphysique et physique

Cette distinction entre infini et indéfini s'explique aussi par le rapport de subordination qu'il y a entre métaphysique et physique chez Descartes. La métaphysique est la science des sciences, celle qui permet d'atteindre les principes de base et d'expliquer les fondements du savoir. Plus encore, les évidences des sciences ont besoin d'être ultimement garanties par l'existence de Dieu. La preuve de Dieu étant le fondement de l'ontologie, pour Descartes « un athée ne peut être géomètre », elle assure la validité des vérités éternelles[43].

Rôle de la volonté

Volonté comme marque divine

On a noté que l'idée de l'infini se présente comme un paradoxe. La clarté de la notion d'infini, vient de l'idée innée d'infini. Dieu ayant fait l'homme à son image, il y a forcément un rapport de ressemblance entre les deux. C'est la volonté qui a pour Descartes un rôle d'image ou de marque divine. On ne peut concevoir cette ressemblance que par la même faculté par laquelle on se conçoit soi-même. Cette faculté est la volonté, soit le pouvoir d'affirmer ou de nier sans qu'une force extérieure nous y contraigne, c'est-à-dire porter un jugement qui lie des idées entres-elles. On ne parle jamais de son caractère infini, mais seulement de son infinitude parce qu'elle est précisée seulement semblable[44].

L'infinitude de la volonté

Cette infinitude est le but, l'aspiration naturelle ou le désir que l'homme a pour l'infini. Pour éviter que l'infini soit objet et donc vienne contredire l'idée d'infini, il est nécessaire que l'infini soit l'origine et le but de l'homme. Ainsi, l'infini est origine puisque l'homme est marqué par lui en ayant l'idée innée de l'infini. Et l'infini est aspiration naturelle, puisque c'est la manifestation du refus du fini. L'idée de l'infini qui est en moi, c'est-à-dire en tant qu'idée innée, est le point de départ pour dépasser le solipsisme et de démontrer l'existence de l'infini. On doit ensuite remarquer que dans la conception de la volonté de Descartes, volonté et liberté sont liées, voire confondues. Il définit la liberté comme l'amplitude de notre volonté. Alors, poser que la volonté est infinie c'est dire que son amplitude est infinie, et ainsi l'homme a une infinie liberté. Si on peut affirmer son infinitude, c'est parce que la volonté porte les signes de l'infini: soit la positivité et l'incompréhensibilité. La positivité de la volonté se traduit par l'évidence du libre arbitre, alors que son incompréhensibilité réside dans le paradoxe de la finitude de mon entendement et de l'infinie volonté[44].

Infinitude comme cause de l'erreur

On peut aussi voir la cause de l'erreur dans l'infinitude de la volonté; l'erreur est une imperfection dont Dieu ne peut être responsable, étant infiniment bon et parfait. La cause se situe donc nécessairement au niveau de l'esprit humain, dans l'usage de ses facultés. On définit l'esprit humain comme cette chose qui pense, composée de l'entendement et de la volonté. D'abord, l'entendement est une faculté passive qui reçoit les idées. Bien que l'entendement humain soit fini, il ne peut être la cause de l'erreur puisqu'une idée ne peut pas être plus ou moins vraie, seulement plus ou moins claire et distincte. Ensuite, la faculté de la volonté est active. Elle lie les idées ensemble pour former des jugements. Les relations ne peuvent pas être erronées en soi. Elle ne peut donc pas être seule cause de l'erreur. Descartes montre que l'erreur se produit lorsque la volonté dépasse les limites de l'entendement et pose des relations entre des idées qui ne sont pas claires et distinctes. Tel est l'effet de l'infinitude de la volonté[45].

Leibniz et l'infini

L'infini en acte

Cest avec Gottfried Wilhelm Leibniz que lactualité de linfini sera pour la première fois objet dune véritable analyse, étant donné que cette actualité est affirmée positivement. Linfini joue dans le système leibnizien un rôle fondamental quant à lexistence de toute chose. Cette affirmation soppose directement à la pensée aristotélicienne selon laquelle le concept dinfini ne peut être pensé que comme un possible. Selon Leibniz, linfini en acte est la condition de possibilité de toute opération daddition et de division, en tant que sa réalité est toujours déjà présupposée[46].

Les cinq contextes de l'infini[47]

Dieu

Selon Leibniz, seul Dieu et ses attributs peuvent véritablement être dits « infinis ». En ce sens, tous les autres contextes l'on trouve linfini ne sont que des expressions plus ou moins parfaites de linfinité de Dieu. Cette absolue infinité sexplique par la prémisse selon laquelle Dieu est parfait, la perfection étant ici entendue comme « la grandeur de la réalité positive prise précisément, en mettant à part les limites et bornes dans les choses qui en ont ». Dieu ne pouvant être limité, cest sa perfection même qui est infinie. De par son infinité, Dieu est dailleurs le terme ultime de la série infinie des faits contingents du monde, en tant que raison suffisante dernière[48].

Les idées de Dieu

Cest dans les idées de Dieu que lon trouve une infinité de mondes possibles. Linfini y est donc dabord possible, puis réel. Le passage du possible au réel est régi par le principe de la détermination du meilleur. En effet, la création du meilleur monde possible par Dieu seffectue selon un calcul qui prend en considération linfinité des possibles. Par la combinatoire, Dieu compare dabord linfinité des possibles, puis également linfinité des systèmes possibles, pour finalement déterminer le système présentant le plus haut degré de perfection. Il y a donc dans les idées de Dieu infinité dinfinis[49].

Les monades

Linfini se trouve également dans les réalités individuelles (monades). Les monades étant par nature perceptives et appétitives, elles rassemblent une multitude de perceptions dans leur unité substantielle. Leur capacité de représentation nest donc pas limitée à un aspect partiel des choses, mais à la multitude des choses dans l'univers, ce qui pousse Leibniz à affirmer « quelles vont toutes confusément à linfini, au tout » (Monadologie par.60) . Il ne faut cependant pas se méprendre quant à la nature bel et bien finie de la monade. Ce type de réalité est fermée, « sans porte ni fenêtre », mais elle accède par ces états à la multitude des choses de lunivers. La monade est ainsi une réalité finie dont la capacité représentative est infinie. La différence entre linfinité de Dieu et linfinité de la monade est dès lors une différence quant à la manière dêtre infini.

L'univers

Lunivers accède également à linfini, mais en un tout autre sens. Lunivers nest ni une totalité, ni une réalité unique et simple. Il est plutôt un « amas dun nombre infini de substances ». Cest donc que le monde créé, de par linfinité des substances et la division infinie de la matière, ne peut être unifié. Il est donc ici question dun agrégat dune infinité de réalités à quoi lon ne peut assigner de limite[50].

La divisibilité de la matière

La nature est pour Leibniz un système de corps étendus, ces corps étant divisible à linfini. Leibniz compare dailleurs la nature à un étang habité par une multitude de créatures, chaque parcelle de létang contient en lui-même une infinité détangs. Cest donc que la division de la matière est à comprendre non seulement comme une première division à linfini, mais également selon une multitude de division chaque partie actuellement divisée est elle-même divisée à linfini, et ainsi à linfini. Cette division est d'ailleurs imaginée par Leibniz selon qu'il s'agirait de « plis» qui vont à l'infini. La divisibilité des corps à l'infini doit être représentée non pas comme un nombre infini de grains de sable, mais comme les plis infinis d'une feuille de papier, l'on ne peut atteindre le pli ultime[51].

L'infini quantitatif dans le calcul infinitésimal

Conceptuellement, la présence de la notion dinfini dans le calcul infinitésimal est problématique. Lutilisation des expressions « dx » et « dy », qui semble faire référence à une quantité infiniment petite de temps ou despace peut en effet être la source de confusion. Leibniz mentionne à cet égard que le calcul infinitésimal est autonome opératoirement quant à sa métaphysique, et que lécriture infinitésimale possède une valeur strictement instrumentale. Le calcul infinitésimal peut donc être dit indépendant de la métaphysique leibnizienne du point de vue de son fonctionnement. Linfini mathématique, en tant quinfini quantitatif, s'apparente davantage à un « faux infini », ou à un infini simplement possible; les différentielles sont des grandeurs qui nexistent pas avant dêtre instrumentalement posées[52].

L'infini comme objet de science

Infini mathématique

Linfini actuel et linfini possible peuvent tous deux être objets dune science. En ce qui a trait à linfini mathématique, bien quil soit considéré comme un « faux infini » (potentialité), il est clair pour Leibniz quil est possible de connaître la loi dune progression interminable de quantité. En ce sens, la raison suffisante de cette progression est accessible ; nous en avons donc une connaissance.

Infini physique et métaphysique

Le concept dinfini en acte est une idée innée. En ce sens, lidée dinfini est évidente par elle-même et donc soumise uniquement au Principe de non-contradiction, ce qui la rend rationnelle. Il est également possible davoir une idée adéquate de linfini métaphysique ou véritable, c'est-à-dire qu'il est possible d'en avoir une connaissance ou d'en présenter une définition dont l'on connait distinctement tous les termes. Dieu, de par ses attributs infinis, soit l'éternité et l'immensité, peut alors être connu. Or les monades sont des réalités finies qui ne peuvent percevoir linfini que du point de vue dans lequel elles sont placées. Cest donc seulement en Dieu que la compréhension parfaite de linfini est possible[53].

Kant

La première des quatre antinomies de Kant est exprimée comme suit dans la Critique de la raison pure[54] :

  1. thèse : « Le monde a un commencement dans le temps [..], relativement dans lespace, contenu dans certaines limites. » II serait, en effet, absurde dadmettre une série à la fois infinie et réalisée. La totalité des êtres ou des phénomènes forme un nombre qui dépasse notre imagination, mais qui est un nombre réel, et linfini dépasse tous les nombres. Le passé contient un nombre dêtres et de phénomènes auquel chaque instant ajoute. Il est contradictoire de nommer infini ce qui augmente ou peut augmenter. Le même raisonnement réfute léternité du passé : léternité est infinie, inaugmentable et chaque instant augmente le passé.
  2. antithèse : « Le monde na ni commencement ni limites spatiales mais il est infini [..] à lespace que par rapport au temps. » Si le monde nétait éternel et sans mesure, il senvelopperait donc dun temps et dun espace vides. Mais un temps vide ne renferme aucune cause, aucune condition, aucune possibilité de commencement, et rien naurait jamais pu commencer. Borner le monde dans le temps, cest lannihiler. Et un espace vide nest rien. Dire quun espace vide limite le monde, dire que le monde est limité par rien, cest dire tout ensemble que le monde est limité et quil nest pas limité.

Hegel

Un infini qualitatif

Le projet du système hégélien de la dialectique et de linfini a pour ambition de dépasser les oppositions philosophiques de linfinité de la substance objective chez Spinoza et de la finitude de lentendement humain chez Kant. Cest à partir de la première antinomie cosmologique du fini et de linfini dans la Critique de la raison pure que Hegel forme sa conception du véritable infini. Pour Kant, tâchons de rappeler que labsolu nest jamais donné dans lintuition, mais il est forgé de toutes pièces par lesprit en tant que simple concept, comme idée transcendantale. Cette idée de linfini joue le rôle de pure fiction pour lhomme, fiction utile comme le déclarait Leibniz, alors quelle devient une idée-limite, une projection trans-empirique, peut-être nécessaire comme outil de développement de la connaissance, mais nayant vraisemblablement aucune réalité ontologique[55]. Selon Hegel, lerreur de Kant aura été de ne concevoir quun infini quantitatif, puisque le concept déternité, comme progrès temporel interminable ne prend forme quen concevant une droite interminable ou encore une suite infinie de nombres naturels. Il en va de même pour linfini spatial qui présuppose nécessairement une grandeur inexhaustible dans laquelle la finitude viendrait sengouffrer; encore une fois, largument est circulaire[55]. Les catégories a priori de la sensibilité que sont le temps et lespace chez Kant constituent la solution transcendantale au problème de la première antinomie, mais elles ne peuvent rendre compte pour Hegel de la dialectique interne de lesprit seule apte à sursumer les antagonismes quil porte en son sein même[55]. Si linfini hégélien est dit qualitatif, cest bien parce quil ne se résume pas dans lénumération ou litération de séries de nombres ou dans la somme de ces séries, mais bien parce quil réside dans le rapport quelles entretiennent ensemble.

Une méthode à la fois analytique et synthétique

Les mathématiques ont pour Hegel, un caractère essentiellement analytique, non seulement la valeur de vérité des équations mathématiques ne tient pas de lexpérience sensible, mais elle dérive toujours en quelque sorte de sa conformité avec un paradigme au sein duquel sont présupposées des lois et des définitions a priori (au sens kantien). En ce sens, pour Hegel, le procédé analytique représente, contrairement à Kant, « la pure immanence des déterminations à la totalité originelle présente sous la modalité de len-soi »[56]. Autrement dit, ce nest pas le nombre comme objet qui déploie de son essence les lois et mécanismes qui caractérisent son intériorité pure, mais elles sont insérées de lextérieur par lesprit et deviennent de sorte le miroir du fonctionnement de lesprit humain et de son organisation intérieure. Ultimement, « lobjet, le nombre, nest que la pensée, et la pensée abstraite de lextériorité elle-même […] En raison de cette extériorité pure et de cette absence de détermination propre, le penser a dans le nombre une matière déterminable infinie qui noppose aucune résistance. »[56]. La vérité pour Hegel, ou plutôt, le déploiement de la connaissance est toujours à la fois un procédé objectif et subjectif, une méthode à la fois analytique et synthétique. La connaissance mathématique partage donc ce caractère analytique avec la connaissance conceptuelle, toutefois, elle se différencie de cette dernière en nétant quanalytique, alors que la connaissance du concept est également un procédé synthétique. Pour Hegel, le véritable infini est dans la relation qualitative qui sétablit dans le rapport entre deux grandeurs quantitatives . Comme Leibniz lavait remarqué avant lui, ce ne sont pas les quantités infiniment petites ou infiniment grandes qui sont importantes, mais leur différence qui est infinitésimal[55]. Le passage de la quantité en qualité seffectue à travers une relation dynamique engendrée par la raison qui résulte en une mesure, une proportion, ce qui pour Hegel signifie lassimilation mutuelle du déterminant (qualité) et du déterminé (quantité).

Un rapport dynamique entre fini et infini

La conception de linfini élaborée chez Hegel navait pas à prime abord des prétentions mathématiques ou pratiques, mais essentiellement métaphysiques et c'est bien en ce sens que sa vision de linfini devenait celle de la dynamique du concept absolu. Ainsi il faut également prendre en considérations que pour Hegel - axiome fondamental de tout son système quil emprunte à Spinoza -, toute détermination est du même coup une négation et par conséquent, la négation de la négation reflète lautomouvement du concept absolu. En résulte que la finitude et linfini ne sont pas liés de manière externe par opposition lune à lautre, mais entretiennent plutôt une relation dynamique internalisée, linfini absorbe en lui la finitude comme un des moments de son perpétuel déploiement. « Pour Hegel, ce devenir processuel est un infini dynamique ou qualitatif, et sa figure est celle du cercle sans point initial et sans point finalet non pas limage de la droite infinie ou de la suite illimitée des nombres naturels. »[55]. Selon Hegel, lhistoire de lêtre est un devenir perpétuel, « toute forme donnée est poussée à se dépasser, selon la nécessité dune poussée, dune pulsion, immanente, constitutive de la nécessité de sa transcendance. »[57]. Le mécanisme inhérent à ce mouvement universel est la dialectique, « la loi de la pensée et du réel qui, progressant par négations successives, résout les contradictions en accédant à des synthèses elles-mêmes toujours partielles et appelées à être dépassées »[58]. Une conception particulière est toujours en elle-même un système positif et cohérent et en ce sens, il contient en lui un fragment du concept absolu qu'il représente de manière incomplète. Une idée dépassée ne disparaît jamais totalement, elle est plutôt submergée dans un nouveau système au sein duquel le fragment de son absolutisme est ratifié et incorporé. La négativité qui est au cœur de la dialectique seffectue toujours dans un rapport dont elle est le principe médiateur. En dautres mots, cest le négatif qui effectue le rapport structurel entre une intériorité idéelle et une extériorité manifeste. En ce sens, le négatif sapparente à lessence de la chose, la poussée directrice, le moteur ontologique de lêtre. Ce travail du négatif, inscrit au cœur même du devenir, anime pour Hegel toute histoire particulière[58]. Ce mouvement est pour Hegel un infini abstrait, un mécanisme universel à lœuvre en toutes choses positives.

Finalement, ce qui est fini, par définition toujours en transition, est toujours en devenir, toujours appelé à être transcendé et ratifié vers linfini. Labsolu contient donc en lui tous les moments de la finitude, labsolu saliène lui-même à partir de lui-même pour finalement sextérioriser comme esprit. Linfini chez Hegel est donc esprit absolu, idée absolue ou concept absolu, synonymes de la totalité du système de la philosophie. Si lesprit ou lidée est dite infinie chez Hegel, cest que linfinité est lêtre de ce qui est sursumé et nest que sursumé[59].

Cantor

Georg Cantor

Georg Cantormathématicien de formationconstate, au fil de ses travaux, que lanalyse mathématique est insuffisante à saisir complètement lessence de linfini[60]. En fait, il se penche sur la question à travers les ensembles, dont les propriétés navaient pas été clairement élucidées avant lui. Celles-ci semblaient triviales pour les ensembles finis, alors que celles des ensembles infinis concernaient plutôt la philosophie. Cantor devient donc le fondateur de la théorie des ensembles, une méthode « plus rapprochée de la philosophie générale »[60] et dont le développement constituera un « achèvement aux conséquences majeures dans lhistoire des mathématiques »[61]. La théorie des ensembles, plus précisément la théorie des nombres transfinis, qui en constitue le noyau[60], servira dassise à une réflexion sur un éventail dinfinis différents. Cantor distinguera donc trois notions différentes dinfini : linfiniment grand, quil analyse et hiérarchise et pour lequel il est reconnu (sections 1 à 4) ; les infinitésimaux, quil nie et rejette (section 5) ; enfin, linfini absolu, sur lequel il fonde sa métaphysique de linfini[62] (section 6).

Ainsi, lappareil conceptuel déployé par Cantor se fonde sur des distinctions mathématiques complètement nouvelles, qui font de linfiniment grand un objet à part, néanmoins analysable, mais qui contredit lintuition[63]. Cantor croit que larithmétisation de linfini est possible, autrement dit, il pense que linfiniment grand est une quantité à laquelle doit être attribué un nombre[64], nombre sur lequel il convient dappliquer des opérations ordinaires[65]. Il en vient à penser ainsi à la suite de ses travaux en arithmétique et en trigonométrie; il ne présuppose donc pas que l'infini ait différentes valeurs, il le découvre. Comme « des propriétés finies ne peuvent être prédiquées à tous les cas de linfini »[66], il faut trouver les propriétés de linfini. Subséquemment, ces propriétés seront élaborées dans sa théorie des ensembles des nombres transfinis.

Linfini dans les ensembles

La réflexion de Cantor le mène à fonder les mathématiques sur une théorie des ensembles plutôt que sur larithmétique[60]. Il sinspire ainsi de la démarche de Bolzano[67] et de sa méthode de la correspondance biunivoque, ou bijection. Cantor considère donc les ensembles comme des objets ayant « une existence en soi indépendamment de nos moyens de latteindre »[68] et seulement définis par leur contenu. Cantor travaillera essentiellement avec les ensembles infinis suivants :

  • L'ensemble des nombres naturels N = {0, 1, 2, 3, ...}.
  • L'ensemble des nombres rationnels Q : les fractions, incluant les éléments de N.
  • L'ensemble des nombres réels R : Q, ainsi que les nombres avec une infinité de décimales irrégulières comme la racine carrée de 2, π ou e.

Les nombres réels intéresseront particulièrement Cantor puisquils permettent de localiser nimporte quel point sur une droite, dans un plan, ou dans l'espace.

Dénombrement des ensembles : la cardinalité

Comme un ensemble se définit par ses éléments, il faut trouver une façon de les compter pour pouvoir les comparer. Cest ici quintervient la notion de cardinalité : le nombre cardinal dun ensemble est le nombre déléments contenus dans cet ensemble[69]; ceci « faisant abstraction de la nature des éléments de lensemble »[70]. Ainsi, dans lensemble {2, ..., 101}, la cardinalité est de 100. Dans le cas des nombres infinis, il faudra trouver une façon de les comptabiliser et de leur attribuer un cardinal. Cela sera possible en les comparant entre eux.

On peut ainsi chercher à comparer la cardinalité d'un ensemble avec celle de son ensemble des parties : il s'agit de l'ensemble des ensembles possibles, à l'intérieur d'un ensemble. Par exemple, si le cardinal de A = {1, 2, 3} est 3, celui de son ensemble des parties est 23 = 8, car on peut former 8 ensembles à partir de A : {1}, {2}, {3}, {1,2}, {2,3}, {1,3}, {1,2,3}, .

Comparaison des ensembles : la correspondance biunivoque

Dans les ensembles finis

Pour comparer les ensembles finis, il sagit de les compter, ce qui nest rien dautre que les associer un à un à lensemble M des chiffres {1, 2, 3, …, n} n est le nombre déléments dans lensemble, autrement dit le nombre cardinal. On cherche à établir entre eux une correspondance biunivoque ou bijection, cest-à-dire une association de tous les éléments dun ensemble avec ceux dun autre, « sans répétition ni omission »[71] ; si une telle correspondance est possible, on dira que les deux ensembles ont la même « puissance », ils sont équipotents[70]. En des termes plus précis, associer des éléments de l'ensemble D à ceux de l'ensemble E, sans répétition (pour chaque élément de D, il n'y qu'un élément de E associé), est une simple injection, alors que les associer, sans oublier d'éléments de D, est une surjection. Une bijection n'est qu'une relation de deux ensembles qui est à la fois injective et surjective.

Dans les ensembles infinis

Une telle correspondance peut sappliquer aux ensembles infinis. De ce fait, lensemble de tous les nombres naturels pairs peut être mis en association avec lensemble de tous les naturels par la fonction y = 2x, x est un élément parmi lensemble N de tous les naturels et y un élément parmi lensemble Nde tous les naturels pairs. La cardinalité de N et de Nest donc la même, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître.

Ainsi, à première vue, il semble y avoir davantage de réels que de rationnels, et de rationnels que de naturels[72] ; or, Cantor montre que les rationnels Q et les naturels N peuvent être mis en correspondance biunivoque, et donc quils possèdent le même nombre déléments. Cela permettra en fait de ranger les nombres rationnels (considérés comme fractions) de la façon suivante : Q+ = {1/1, 2/1, 1/2, 3/1, 1/3, 3/2, 2/3, 4/1, 1/4, ...} (les fractions négatives ne sont pas inclues ici pour faciliter la compréhension). On remarquera que, dans la suite, les fractions réductibles, et donc répétitives, ont été retirées (2/4 = 1/2, par exemple). Comme les nombres rationnels sont placés dans un ordre qui les réunira tous sans exception, on peut dire quils sont dénombrables, cest-à-dire quon peut associer un nombre n à chacun deux. De manière plus générale, on voit que tout ensemble dénombrable infini a la même cardinalité, et donc le même nombre déléments que les naturels.

Les comparaisons entre N et Nou entre Q et N reviennent à envisager une partie comme aussi grande que le tout ; ce qui va à lencontre de ce que les philosophes ont toujours considéré comme une règle fondamentale[73]. Cette apparente transgression chez Cantor devient finalement la définition dun ensemble infini : la cardinalité dun ensemble est infinie si et seulement si une ou plusieurs de ses parties est égale à son tout[note 3].

Or, tous les ensembles infinis nont pas la même cardinalité comme montre largument de la diagonale, démonstration de limpossibilité de dresser une bijection entre N et R, et donc que {\aleph_0} < 2^{\aleph_0}, c'est-à-dire que la cardinalité des réels est strictement supérieure à celle des nombres naturels. En effet, lensemble R des réels nest pas dénombrable, et Cantor nommera sa cardinalité : puissance du continu. Lensemble des réels est un ensemble continu (par opposition à discret) puisquil regroupe tous les points dune droite, dun plan ou dun graphique, sans « trous ».

Les nombres transfinis

Articles détaillés : nombre cardinal et nombre ordinal.

Aleph 0 et son arithmétisation

Les « nombres transfinis » est lappellation que donne Cantor aux nombres infinis correspondants aux différentes cardinalités des ensembles infinis en raison de la connotation négative liée au concept dinfini, comme sil sagissait dun « incomplet » ou dun « indéfini ». Les transfinis cantoriens sont de réels objets mathématiques, ils sont «  en acte », étant donné que les ensembles, aussi infinis soient-ils, sont bien réels. Par convention, la cardinalité de N (qui est aussi celle de Z et de Q) est nommée Aleph 0, {\aleph_0}, et constitue la plus petite quantité infinie. « Aleph », qui signifie « 1 » en hébreu, a sans doute été choisi parce que, pour Cantor, les infinis sont justement des entités réelles avec lesquelles on peut développer une nouvelle arithmétique[74]. Mais comment effectuer des calculs arithmétiques à partir de {\aleph_0} ? Cantor démontre[75] que «  {\aleph_0} + n = {\aleph_0}  », que « {\aleph_0} + {\aleph_0} = {\aleph_0} » et que « {\aleph_0} x {\aleph_0} = {\aleph_0} » .

Ce dernier résultat est déjà étonnant, car il implique lassertion que lensemble des fractions et celui des entiers ont la même cardinalité. C'est d'ailleurs également le cas de l'ensemble des points dune droite et de lensemble des points dun plan, qui ont la même cardinalité, qui est cette fois celle du continu. En fait, peu importe le nombre de dimensions de la « zone de travail », le nombre de points quelle contient est identique. On a donc c × c = c c est la cardinalité dun ensemble transfini. Par conséquent, « les espaces dun nombre arbitraire de dimensions peuvent être seulement cartographiés sur la ligne unidimensionnelle des réels »[76]. Dans sa correspondance avec Dedekind, Cantor dira à propos de cette découverte « je le vois, mais je ne le crois pas »[77].

Le cardinal de l'ensemble des parties d'Aleph 0

On pourrait croire, d'après les résultats précédents, qu'il n'y aurait qu'une seule cardinalité infinie. Mais Cantor démontre (voir Théorème de Cantor pour une analyse détaillée) qu'il n'y a pas de surjectionet donc pas de bijectionentre un ensemble B et son ensemble des parties (P(B)). Cela est assez évident pour les ensembles finis, par contre, pour les infinis, il faut opérer une reduction ad absurdum et une construction (non effectuée ici). Le résultat auquel arrive Cantor est que, la cardinalité de N < la cardinalité de P(N) < celle de P(P(N))... la cardinalité de N est {\aleph_0}, alors que celle de son ensemble des parties est de 2^{\aleph_0} etc. Ainsi, {\aleph_0} < 2^{\aleph_0} < 2^{2^{\aleph_0}}...

Cependant, Cantor veut faire mieux que de dresser une telle hiérarchie : il veut construire la suite des alephs chaque nouvel aleph est le successeur immédiat du précédent. Il aura besoin, pour ce faire, des ordinaux.

La suite des alephs grâce aux ordinaux

Cantor devra faire appel à la théorie des ordinaux, c'est-à-dire des ensembles en tant qu'ils sont ordonnés (, contrairement aux cardinaux, la position des termes est primordiale). L'ordinalité ne peut être appliquée qu'à des ensembles bien ordonnés (qui ont un bon ordre). Cantor réussit ainsi à obtenir, grâce aux ordinaux, un langage plus précis, qui lui permettra d'avoir une arithmétique plus subtile des infinis. Ainsi, l'addition n'est pas commutative avec les ordinaux, par exemple ω + 11 + ω (ω correspondant à lordinalité de N). L'ordinalité permet également de comparer des ensembles avec plus de précision que par la simple comparaison de cardinalité.

Grâce à la notion d'ordinaux, Cantor réussit à définir les alephs : {\aleph_0} est la cardinalité de l'ensembleinfinide tous les ordinaux finis, alors que {\aleph_1} est celle de tous les ordinaux dénombrables. Et en poursuivant il lui devient possible de construire la suite (elle même indexée par les ordinaux:

{\aleph_0} < {\aleph_1} < {\aleph_2} < {\aleph_3} < ... < {\aleph_\omega} <  ....

L'hypothèse du continu

Le cardinal de l'ensemble des ensembles d'entiers naturels est celle de l'ensemble des réels, et Cantor fait l'hypothèse que ce cardinal est {\aleph_1} : c'est l'hypothèse du continu (le continu est l'ensemble des réels, qui n'a pas de « trous »). Cette dernière équivaut donc à soutenir que {\aleph_1} = 2^{\aleph_0}, à savoir, que la cardinalité des réels est le successeur de celle de l'ensemble des entiers naturels, c'est-à-dire la « quantité infinie » immédiatement supérieure.

Le rejet des infinitésimaux

Malgré sa concession pour lutilité de linfiniment petit dans le calcul infinitésimal, Cantor soppose à ce que linfiniment petit soit un véritable infini (en acte), autrement dit, quil soit un objet mathématique à part entière, et il le définira plutôt comme un « mode de variabilité »[78] ou un infini simplement potentiel. Il dira quil sagit dun infini « improprement dit »[60], dont la grandeur est variable, décroissante à volonté, mais toujours finie comme lest nimporte quel nombre irrationnel (ce nest pas parce quun nombre en particulier a un nombre infini de décimales sans règle quil est lui-même infini). Dans le Mitteilungen, Cantor souhaite montrer formellement la contradiction intrinsèque des infinitésimaux, mais il ne fait que réitérer au final laxiome dArchimède (à partir de a et b a < b, a et b sont des nombres réels positifs, et il existe un c tel que a×c > b)[79]. Cantor rejettera donc les théories de Du Bois-Reymond et de Thomae Stolz, ainsi que celle de Veronese, car elles échouent toujours à montrer à quel ensemble peuvent référer les infinitésimaux (ou de quels ensembles ils sont obtenus). Si les infinitésimaux étaient des nombres, ils devraient être constitutifs dun ensemble, et ce dernier serait plus continu que lensemble des réels[80](lui-même « puissance du continu »).

Linfini absolu : un fondement théologique

Abordée dans le Mitteilungen, la question de linfini absolu de Dieu est pour Cantor dune importance capitale[81]. Même si elle concerne plus directement la théologie spéculative, elle sert tout de même de fondement à la théorie des transfinis[82]. Cest une sorte de révélation mystique pour Cantor : « il Lui a plu que je parvienne aux révélations les plus étonnantes et les plus inattendues dans la théorie des ensembles »[83], écrit-il à propos de ce quil considère comme un véritable infini, comme un maximum absolu. Les nombres transfinis sont accessibles à lhomme, mais leur ensemble, cest-à-dire le système de tous les nombres « Ω »[84], est incompréhensible.

Comment concilier la diversité mathématique des infinis (aleph 0, 1, la puissance du continu, etc.) avec lunicité de linfinitude absolue de Dieu ? Pour Cantor, cest ce dernier qui garantit lexistence des transfinis, car a priori, ils devraient normalement découler de la nature infinie de Dieu, et qua posteriori, ils permettent une explication dun plus grand éventail de phénomènes. Malgré tout, il semble que la théorie cantorienne sur les transfinis puisse se passer de lhypothèse de Dieu[83].

Russell

Bertrand Russell

Linfini devient un problème pour Russell lui-même au cours de ses recherches avec Whitehead sur la réduction logique des mathématiques dans les Principia Mathematica de 1910 à 1913. Il propose peu de temps après une application de la méthode analytico-logique au problème traditionnel de linfini en philosophie pour en dégager une théorie positive dans La méthode scientifique en philosophie en 1914.

Le projet logiciste

Le projet logiciste consiste à démontrer logiquement les concepts et les propositions mathématiques. En 1889, Peano développe une axiomatique de la théorie des nombres réduisant ainsi les mathématiques à larithmétique. Pour que Russell puisse démontrer la réductibilité des mathématiques à la logique pure, tout ce quil a à faire, cest donc de réduire les axiomes de Peano à la logique[85]. Pour ce faire, il mobilise les outils conceptuels de Cantor en mathématique et de Frege en logique. Toutefois, ce projet savère être un échec car Russell narrive pas à démontrer logiquement lexistence dune classe infinie dobjets et se voit dès lors obligé de postuler l'infinité d'objets qui la rend possible.

La définition du nombre

Russell travaille avec la définition frégéenne du nombre avancée dans Les fondements de larithmétique : « la classe de toutes les classe semblables à la classe donnée »[86]. Cette définition du nombre permet à Russell de fournir la démonstration logique de quatre des cinq axiomes de larithmétique de Peano. Seul laxiome qui consiste à postuler que « si deux nombres ont le même successeur, ces deux nombres sont identiques »[87] est problématique. Le problème vient entre autres de la définition logique du nombre telle que donnée par Frege.

La définition logique du nombre considère celui-ci comme une propriété dun terme général ou dune description générale[88]. Selon Russell, dans le cas du nombre, il est possible de remplacer la notion de terme général par celle de classe sans que cela ne cause problème sur le plan logique. Ainsi, nimporte quel nombre, en tant que prédicat dun terme général qui dénote quelque chose qui nexiste pas, a pour cardinalité la classe nulle, car le nombre ne dénote rien[89]. Par exemple, zéro est un prédicat qui sapplique au terme général « licorne » car aucune licorne nexiste. Étant donné cette caractéristique du nombre, il faut nécessairement quil y ait une classe infinie afin que ce soit possible de démontrer logiquement l'axiome de Peano. Sinon, tout nombre dépassant le dernier nombre qui dénote la quantité de tout ce qui existe a le même cardinal que son successeur, soit la classe nulle. Ces nombres sont donc identiques[90]. Si n est le nombre de choses qui existent, son successeur n+1 a une cardinalité de 0, de même que n+2. n+1 a donc pour successeur n+2 tout en lui étant identique, ce qui est une contradiction avec l'axiome de Peano. Afin quil ny ait pas de contradiction et que cet axiome puisse être démontré, il faut nécessairement quil y ait une classe infinie[90]. Russell considère donc trois possibilités de démontrer lexistence dune classe infinie.

Les démonstrations de la classe infinie

La première des classes infinies est dérivée dun argument inspiré de Parménide, considérant lÊtre[90]. La deuxième classe infinie est dérivée dun argument tenant compte du nombre et de son idée[91]. Ces deux démonstrations sont invalides à cause de leur caractère psychologique et du fait que lêtre et lidée du nombre ne peuvent constituer des prémisses mathématiquement démontrables[91]. La dernière démonstration, contrairement aux deux autres, est dérivée dun argument qui relève de la logique. Largument démontre qu'il est possible de construire une classe infinie à partir de la classe nulle. 0 existe à cause de la classe nulle. 1 est le nombre de la classe dont seule la classe nulle est membre; 2 est le nombre de la classe constiuée de 1 et 0, et ainsi de suite. En suivant ce principe, la classe spécifique à chaque nombre est construite. Le nombre de 0 à n est n+1 et ce dernier est un nombre fini. À cause de la caractéristique héréditaire des nombres, lexistence est une propriété de tous les nombres entiers finis. Ainsi tous les nombres entiers existent et la cardinalité de la suite des nombres finis est infinie. Toutefois, selon ce raisonnement chaque nombre sera dun type différent que son successeur. Étant donné que cette preuve ne respecte pas la théorie des types, elle nest pas valide. En narrivant pas à démontrer lexistence dune classe infinie, Russell est forcé de postuler linfini à titre daxiome.

Laxiome de linfini

Article détaillé : Axiome de l'infini.

Cet axiome soutient linfinité de lunivers car seulement ainsi il peut y avoir une classe infinie et une infinité de nombres. Cependant, le fait que cet axiome énonce un prédicat dexistence fait en sorte quil ne puisse appartenir à la logique pure[92]. Malgré le fait quil ne peut être démontré logiquement, Russell soutient que seul laxiome de linfini peut assurer lapplicabilité de la logique pure au monde empirique. À ce titre, puisque la logique est applicable au monde, laxiome de linfini constitue une hypothèse empiriquement vérifiable. Par ailleurs, laxiome de linfini semble problématique dans la mesure il est posé de manière ad hoc dans la démonstration de Russell. Puisque ce dernier a foi en la vérification empirique de laxiome, il le présuppose dans lapplication de sa méthode analytico-logique en philosophie.

Le fondement philosophique de linfini mathématique

Zénon affirme que lespace et le temps sont indivisibles en points et en instants dans les contextes fini et infini. Selon Russell, si lespace et le temps consistent en un nombre fini de points et dinstants, alors les arguments de Zénon contre la thèse que lespace et le temps sont composés de points et dinstants sont tout à fait valables[93]. En mathématique, le calcul infinitésimal est loutil fondamental de létude des corps en mouvement dans lespace en fonction du temps. Or, le calcul infinitésimal présuppose que lespace et le temps ont une structure en points et en instants. Au sens de Zénon, le calcul infinitésimal est donc logiquement infondé. Or, Russell montre que si lespace et le temps consistent en un nombre infini de points et dinstants, alors les paradoxes de Zénon nébranlent plus les mathématiques à cet égard[93]. Le présupposé essentiel du calcul infinitésimal conserve ainsi sa légitimité philosophique. Russell souligne cependant que la tradition a longtemps négligé la thèse selon laquelle le monde est composé dun nombre infini de points et dinstants à cause des contradictions quimpliquait une notion naïve de linfini.

La critique de la notion kantienne de linfini

Pour illustrer les effets dune conception erronée de linfini, Russell analyse les deux premières antinomies de la raison pure de Kant sur lidée régulatrice de monde[94].

Le problème de la synthèse successive de linfini

Kant caractérise une série infinie par le fait quon ne peut jamais la synthétiser successivement au complet. Par extension, cest affirmer que la série des nombres naturels, à savoir la somme des termes de la suite des entiers positifs à partir de zéro, est infinie parce quelle ne peut se compléter dans un temps fini par l'homme, qui est fini. Or, Russell soutient que la notion dinfini « est avant tout une propriété de classes, et nest que secondairement applicable aux séries »[95]. C'est qu'une série, par définition, tient compte de lordre successif des éléments la constituant de sorte quil y a toujours au moins un élément qui lui échappe lorsquelle est infinie. Au contraire, à la manière d'un concept, une classe renvoie à chacun des éléments la constituant, ce qui permet de capturer linfini mathématique sans en avoir fait la synthèse. Russell fait ressortir par lerreur consistant à comprendre linfini à partir de notre propre finitude au lieu de le considérer comme le caractère propre du nombre en tant quobjet logico-mathématique.

Le problème de la constitution de lespace en points

Kant plaide en faveur de limpossibilité dun espace composé de points en raison de labsurdité quimplique la division à linfini. En fait, Kant suppose que pour obtenir un point, il faudrait arriver au bout dune opération de découpages successifs, à chaque fois en deux, de lespace qui par définition est sans fin. Or, pour éviter ce problème, Russell conçoit à linstar de Frege et de Cantor que « tout comme une classe infinie peut intégralement être donnée par le concept qui la définit, […] de même un groupe infini de points peut être donné intégralement comme formant une ligne, une aire ou un volume, quoiquils ne puissent jamais être atteints par des divisions successives »[96].

Le rejet des infinitésimaux

Comme le suggère Leibniz, un infinitésimal serait une quantité despace ou de temps si petite quil nen existerait pas une inférieure de sorte quil serait impossible de la diviser en deux quantités finies. Or, Russell rejette la possibilité en mathématique de manipuler des quantités infinitésimales, à savoir des quantités telles que « toute distance finie quelconque lui soit supérieure »[97]. Selon Russell, lerreur dimagination menant à la croyance des infinitésimaux consiste à penser que, à la fin de lopération de découpage en deux de lespace et du temps, les distances et les périodes ne soient plus divisibles en quantités finies. De , il existerait des quantités infiniment petites manipulables en mathématique. Or, Russell rappelle que la divisibilité infinie ne permet pas de conclure à lexistence dun dernier terme dans une opération qui par définition est sans fin[98].

Russell explicite en ce sens lerreur logique consistant à interpréter lénoncé vrai « pour toute distance finie[note 4], il y a une distance inférieure » par lénoncé faux « il y a une distance telle que, quelque distance finie que nous puissions choisir, la distance en question est inférieure »[98]. Du point de vue de la logique formelle, il sagit dune inversion des quantificateurs universel et existentiel opérant dans la proposition. En effet, la proposition fausse veut faire dire « il existe une distance plus petite que toute distance finie », linfinitésimal, alors que la proposition vraie veut dire « pour toutes distances, il existe une distance finie plus petite », ce qui implique limpossibilité de linfinitésimal. Par la méthode analytico-logique, Russell parvient donc à mettre de lordre dans la compréhension des infinitésimaux en vue de rejeter leur nécessité pour opérationnaliser le calcul infinitésimal.

Wittgenstein et l'infini mathématique

À prime abord, toute discussion sur la pensée de Wittgenstein doit tenir compte de son approche idiosyncratique, celle de l'épuration technique desproblèmesphilosophiques à travers une activité de raffinement syntaxique et conceptuel. Aussi, pour Wittgenstein, la source de la vaste majorité des erreurs philosophiques se situe au niveau de l'analyse élémentairela philosophie des mathématiques ne constituant aucune exception à cette règle. De la sorte, les racines dusophisme infinimathématique moderne sont à puiser à même la création de la théorie des ensembles de Cantor. Ainsi, si « la philosophie est un combat livré contre lensorcellement de notre intelligence par le biais du langage »[1], alors la visée du philosophe autrichien est délucider lesproblèmesmétamathématiques inhérents à la théorie des ensembles transfinis du mathématicien allemand[2]. Pour Wittgenstein, ces pseudo-problèmes sont plutôt d'ordre métaphysique : « si vous pouvez montrer qu'il y a des nombres plus grands que l'infini, votre tête tourbillonne. Cest peut être la raison principale pour laquelle la théorie des ensembles a été inventée »[3].

Wittgenstein et la Grundlagenkrise der Mathematik

Les réflexions wittgensteiniennes de 1929-1933 et 1937-1944[4] sur l'infini mathématique ont été amorcées dans le contexte survolté de la Grundlagenkrise der Mathematik, saffrontèrent platonistes, formalistes, logicistes et intuitionnistes au sujet de la véritable nature de laréalité’, de lavéritéet de laprouvabilitémathématiques [5]. Wittgenstein s'y campa de manière assez idiosyncratique : contre tous et avec personne. Si de grands pans de la littérature érudite sont dévoués au projet infructueux daccoler une étiquette qui engloberait systématiquement les diverses contradictions découlant de l'édition posthume des fragments de la philosophie des mathématiques de Wittgenstein [6], toujours peut-on affirmer que Wittgenstein présente une position nettement anti-platonicienne et anti-cantorienne [7]. De manière célèbre, il rétorqua à Hilbert : «  Je dirais, ‘Je ne rêverais certes pas de tenter de vous chasser de ce paradis’. Je ferais quelque chose de tout-à-fait différent : je tenterais de vous montrer que ce nest pas en fait un paradispour que vous puissiez le quitter de votre propre assentiment » [8].

Wittengenstein et l' ensemble infini

La grammaire de l' ‘infini

Wittgenstein déplore lembrouillamini de la grammaire dufiniet de ‘‘infini’. Dabord, la syntaxe logique du motinfinin'est pas réductible à celle d'un nombre (e.g., ‘deux’, ‘centouquatre-vingt-douze’ : tandis que le dernier peut servir dadjectif dénotant une quantité donnée, lautre ne le peut pas [9]. Cest ici une erreur de catégorie en partie due à certaines de nos habitudes vernaculaires, comme celle de déclarer qu' ‘il y a une infinité détoilesou quelunivers a une étendue infiniede la même manière queMarie a trois chatsoucette page a une épaisseur dun millimètre’. Or, Cantor concrétise mathématiquement cette erreur logique dans sa notation symbolique : en effet, la phraseω+ 2>ω+ 1laisse succomber le lecteur à lillusion quici ‘>’ exprime un rapport de magnitude entre deux termes de la même manière quen+ 1> n’(donc queω+ 2>ω+ 1’≡‘n+1>n’) – ce qui est faux [10]. Ensuite, lexpressiontotalité infinie’ (ouinfini complet’) est un oxymore [11] . Le terme positif « fini » est inextricablement lié au concept de « totalité », tandis que le terme négatif « infini » lest tout autant à celui de « série sans bornes ». La visée principale de Wittgenstein est donc de montrer que l'infini ne peut être divorcé de lidée dun processus illimité. Les expressions « nombre infini » et « ensemble infini » sont tout simplement dépourvus de sens : strictement le terme « ensemble fini » est une redondance ; seule une série gouvernée par une règle récursive peut être infinie (ou finie) [12]. Ainsi, en faisant fi de cette distinction, Cantor se lance dans des opérations logiquement incomputables - basées sur un langage douteux - afin de réifier un concept sémantiquement inconcevable [13]. Plutôt que daller à la chasse aux licornes, Wittgenstein en conclut que la théorie des ensembles est « construite sur un symbolisme fictif, donc, sur du non-sens » [14].

Le concept d’‘ensemble infini

À partir de cette analyse grammaticale, Wittgenstein affirme que le problème de l'infini mathématique est principalement quede par le déploiement dune notation abstraite -- elle réifie des objets mathématiques inexistants en confondant les intensions et les extensions [15]. Unensemblenest rien de plus quun symbole abstrait dénotant une liste, (lextension), générée par une règle (lintension). Lintension infinie nest rien dautre que la règle récursive permettant de calculer certains résultatsune règle qui ne comprend pas d'étape « arrêt ». Lextension de cette intension infinie ne peut donc pas être considérée elle-même infinie puisque lextension est précisément et seulement ce qui a été écrit sur la liste, ce qui a été calculé ; la règle ne génère que lintension illimitée, jamais lextension infinie [16]. Ainsi, « la série infinie des nombres nest que la possibilité infinie de séries finies de nombres. Il ny a aucun sens à parler de séries de nombres infinies comme si, elles aussi, étaient des extensions » [17].

Wittgenstein et les nombres irrationnels

Selon Wittgenstein, le problème de l'infini actuel en mathématiques est intimement relié à l'incompréhension moderne fondamentale de la nature des nombres irrationnels (dont les nombres construits par diagonale) [1]. Il faut distinguer ici deux critiques de linfinité des nombres irrationnels : a) la critique de linfinité de lexpansion du nombre irrationnel individuel ; et b) la critique dune théorie compréhensive de linfinité topologique du système de tous les nombres irrationnels.

Linfinité de l'expansion des nombres irrationnels

Lattaque wittgensteinienne de linfinité expansionnelle en mathématiques va de pair avec sa critique de l'infinité extensionnelle dans la théorie des ensembles, déployée dans ses écrits de 1929-1934. Tout comme lattribution de lexistence dune extension infinie résulte dune erreur de catégorie transposant illégalement la possibilité infinie de lintension -- cest-à-dire, la possibilité de toujours pouvoir appliquer une règle récursive (qui génère à chaque fois un nouvel ajout à la liste finie des résultats) -- de même l' « expansion infinie » résulte de lerreur fatidique de vouloir attribuer l'infinité récursive de la règle intensive permettant de calculer lexpansion à cette expansion elle-même [2]. Ainsi, le nombre irrationnel √2 nest rien de plus quune règle permettant de construire successivement des expansions finies, lune toujours plus longue que lautre. Lexpansion elle-même ne peut jamais être qualifiée dinfinie et (même si ce glissement grammatical était permis) rien dans la règle ne nous permettrait dinférer lexistence dune réelle expansion actuellement infinie [3]. Lexpansion décimale dun nombre nest autre chose que le résultat dun calcul, or si le calcul peut être potentiellement infini, il nest pas possible quil soit actuellement infini. Cela relève donc d'une erreur de grammaire et d'une erreur de catégorie mathématique (analogue à celle dont résulte lidée dun « ensemble infini ») que de postuler l'existence dune expansion donnée dans son infinité. Aussi, entre 1929 et 1944, Wittgenstein revint de multiples fois à létude de la proposition « il y a trois 7 consécutifs dans lexpansion décimale de π ». Or, par conséquence de ses positions finitiste et algorithmique, Wittgenstein nie la possibilité de pouvoir attribuer un sens à de telles expressions, comme si l'expansion décimale infinie était prédéterminée et donnée par la règle infinie permettant son calcul. Ainsi, pour avoir un sens, une question doit avoir une réponse ; de même, pour avoir un sens, une question mathématique doit avoir une méthode permettant un résultat. Or, aucune méthode ne permet daffirmer ou de « nier il y a 777 dans π » ; par contre, il y a une méthode permettant daffirmer ou de nier « il y a 777 dans les 10 000 premiers chiffres de π ». Aussi, selon Wittgenstein, même une omniscience divine néchappe pas à la nécessité de réaliser un calcul algorithmique afin de pouvoir répondre à cette question [4]. Ainsi, seule des propositions finitistes sont susceptibles d'avoir un sens mathématique. Lexpansion dun irrationnel nest réelle en ce qu'elle a été algorithmiquement décidée et déployée : il ny aucune expansion préétablie que le mathématicien puisse sonder ou découvrir. Dans cette même veine, Wittgenstein exprime son finitisme en évoquant limage absurde dun homme dont la vie débuta il y a une infinité de jours, récitant π et déclarant aujourdhui « le dernier chiffre est 2 » [5].

Linfinité du système de tous les nombres irrationnels

Lidée du plénum de l'ensemble infini des nombres irrationnels part du concept de la notion de non-dénombrabilité cantorienne en ce quelle implique que l' « ensemble infini des nombres irrationnels » est plus grand que l' « ensemble infini des nombres rationnels ». Or, si Wittgenstein critique lidée même dun ensemble infini ainsi que de largument diagonal « prouvant » la non-dénombrabilité des irrationnels, cest surtout pour critiquer l'idée quil existe un système infini des nombres irrationnels et dun « super-système » des nombres irrationnels de « plus grande infinité » [6]. En effet, Wittgenstein nie catégoriquement lexistence de la quasi-totalité de ce que nous concevons être des nombres irrationnels. Dabord, il faut comprendre que, pour Wittgenstein, être un nombre veut dire être calculable, constructible. Ceci a pour conséquence quil ne peut exister des nombres irrationnels « sans loi » – la très vaste majorité des innombrables nombres irrationnels [7]. Ensuite, dans ce sens, les nombres irrationnels réels sont comparables aux nombres rationnels (puisque tous sont gouvernés par des lois comparables) et, donc, on peut aussi calculer avec ces nombres [8]. Puis, être un nombre implique être constructible indépendamment de la notation déployée. Ceci a pour conséquence que les nombres diagonaux cantoriens ne sont pas réellement des nombres irrationnels, puisquils ne sont pas constructibles hors du système décimal qui les construit. De la sorte, la quasi-totalité des nombres irrationnels construits par diagonale d'après de réels nombres irrationnels (tel √2) ainsi que les pseudo-irrationnels (tel √2 (53)) sont inadmissibles puisquils ne sont pas constructibles (et, donc, possibles) dans les notations binaire ou duodécimale, par exemplecest donc dire que lexpansion « réelle » na rien à voir avec la représentation décimale quelle revêt traditionnellement mais contingentement ; lorsquinadéquate, celle-ci obscurcit la structure syntactique interne du nombre (comme cest le cas pour √2 et π dans la notation décimale) [9]. Selon Wittgenstein, ce focus exclusif sur lexpansion (le résultat) nous dévie de la nature réelle des nombres (le calcul). Notre idée d' expansion infinie cède ainsi la place à lidée d' une infinité correspondante de nombres irrationnels et, donc, de nombres réels. Or, en réalité seule une infime fraction des nombres que nous appelons des nombres irrationnels sont des nombres réels! Par exemple, les nombres irrationnels √2 ou π ne sont des nombres que parce quils sont (i) des règles permettant de construire successivement des expansions rationnelles (cest-à-dire, finies) lune toujours plus longue que lautre, (ii) comparables aux nombres rationnels et, ce, (iii) indépendamment de la notation employée (puisquun nombre comme π trouve sa traduction exacte dans toutes les notations). Toutefois, un nombre irrationnel comme « 32,57386520396... » nest, selon Wittgenstein, qu' une expérience de pensée mathématique purement fantaisistesimilaire aux « licornes bleues qui vivent dans des cavernes dans le ciel et qui mangent de leau... » qui nous traversent parfois lesprit de manière très peu rigoureuse. Donc, pour Wittgenstein, il ny a aucune complétude du système des nombres irrationnels [10: les nombres irrationnels, loin de former la vaste majorité des nombres réels, sont en fait ses exceptions.

Wittgenstein et lacardinalité de l'infini

Selon Wittgenstein, le concept de la non-dénombrabilité des nombres réels ainsi que sa preuve diagonale surgit organiquement depuis les confusions associées à la nature des nombres irrationnels et la réification de la droite des nombres réels, « remplie » dinnombrables quantités de ces nombres irrationnels [11].

La grammaire de la dénombrabilité

Selon Wittgenstein, il ny aucun sens à attribuer à lexpression N est un infini dénombrablepuisquil est de facto impossible de le compter à complétion. De la sorte, le terme conversenon-dénombrablene soutient aucun rapport avec le concept de cardinalité,ou celui duninfini de plus grande magnitude’ [20]. Durant la période de 1937-1944, le philosophe autrichien développe même une définition alternative : le « concept-nombre X (est) non-dénombrable sil a été stipulé que, pour tout nombre tombant sous ce concept vous arrangez en série, le nombre diagonal de cette série tombe également sous ce concept » [Quoi ?] [ 21]. En effet, à partir de cette analyse syntaxique, lidée dinférer que le nombre cardinal infini puisse traduire la taille densembles infinis dénombrables ou non-dénombrables est tout à fait incongrue.

Largument diagonal et les nombres infinis

Quant à la preuve classique de la non-dénombrabilité de R -- l' argument diagonal -- Wittgenstein constata que, même si Cantor usait des termes « ensemble infini » et « non-dénombrabilité » de manière convaincante, néanmoins largument ne prouverait ni quil existe des infinis « plus grands » que dautres, ni le Théorème de Cantor (qui a pour conséquence quil existerait une infinité d'infinis dénuée de « plus grand cardinal »). Selon lui, le fait de ne pas pouvoir placer unensemble infinidans une correspondance un-à-un (une bijection) avec un « sous-ensemble infini » n'a pas les implications sur la magnitude des ensembles que Cantor lui prête : il ne confère ni la non-équinumérosité (comme serait le cas pour un ensemble fini), ni la non-dénombrabilité (ce qui était démontré), et surtout pas lexistence de nombres cardinaux infinis [22]. Ses réflexions de 1929-1933 le poussent alors à conclure que la conclusion ne découle tout simplement pas de largument [23]. Au contraire, plutôt que de démonter que R est un infini qui ne peut être placé en série ensemble bien ordonné, largument diagonal prouverait plutôt que la série des nombres réels de Cantor nest quun nouveau non-sens [24]. De surcroît, dans ses réflexions de 1937-1944, Wittgenstein défend que, largument diagonal n'étant rien de plus qu' une règle constructive, il ne peut générer un ensemble de nombres infinis entièrement différent à partir dun premier ensemble infini [25]. Cantor aurait donc uniquement réussi à construire une expansion finie en appliquant une intension (gouvernée par une règle) potentiellement infinie ; la règle constructive elle-même ne cède jamais la place à une extension actuellement infinie [26]. Aussi, la règle ne produit rien de plus que ce qui se trouve sur la liste. Elle ne peut générer ni des irrationnels sans lois ni une infinité continue d' irrationnels [28]. La méthode diagonale napporte donc aucun soutien à l'idée du continuum de R (et, par extension, à lhypothèse du continu ou à celle des nombres cardinaux infinis. [29]. Ainsi, pour Wittgenstein, le Théorème de Cantor est logiquement faux et lhypothèse du continu nest plus un problème irrésolu en mathématiques mais plutôt un pseudo-problème caduc [30].

Wittgenstein et le continuum

Wittgenstein soppose à lidée dun continuum mathématique « sans trous » qui va de pair avec une théorie compréhensive des nombres réels. En effet, la plénitude du système des nombres réels est fausse et le continuum est une fausse image, voire une fiction [12].

La droite des nombres réels

La critique wittgensteinienne de la topologie de la droite réelle suit les grandes lignes de sa critique des nombres irrationnels [13]. Principalement, il sattaque à limage géométrique du continuum à partir duquel Dedekind construit les nombres irrationnels et réels. Wittgenstein renverse lordre de largument et affirme que cest aux preuves mathématiques (issues dopérations algorithmiques) de justifier et de qualifier limage géométrique, et non linverse. Ainsi, il compatit le fait que cette analogie de la droite des nombres pousse les mathématiciens à « remplir » de nombres irrationnels sans règlesdonc inexistantsles « points vides » entre les nombres algébriques et non-algébriques dont lexistence a été prouvés en dûe forme. Dappui heuristique, linfinité imagée de la droite devient infinité constitutive. Ainsi, la droite et les coupures de Dedekind sont, selon Wittgenstein, à lorigine dune confusion conceptuelle dangereuse trouvant sa réification platonisante[Quoi ?] [14].

Les coupures de Dedekind

Ainsi, si limage de la « droite des nombres réels » est psychologiquement naturelle mais inappropriée dans les faits, alors le problème des coupures de Dedekind est qu'elles confondent les intensions et les extensions et négligent le fait qu'il ny aucun système infini des nombres irrationnels déductible daprès celui des nombres rationnels ou des nombres irrationnels réels. Les coupures ne rendent donc pas une image du système des nombres réels. En fait, limage géométrique de la droite des nombres est inadéquate pour prouver ou autrement justifier la thèse dun continuum des nombres réels. Plutôt, les nombres sont seulement ces points sur la droite qui correspondent effectivement au résultat dun calcul (ou, le cas échéant, au résultat approximatif construit daprès une règle récursive infinie) [15].

Wittgenstein et l'infini actuel/possible

Les réflexions de Wittgenstein de 1929-1933 et de 1937-1944 sur la nature algorithmique des mathématiques sont intimement liées à sa position anti-platonicienne et anti-cantorienne en ce qu'il se positionne contre lidée dune entité infinie complétée [31]. Lapproche de Wittgenstein a donc un air de famille avec celle de lἄπειρον (‘apeiron’ – du grec, sans limites) dAristote : linfini est intrinsèquement incomplet [32]. En fait, ses études de la syntaxe logique et son analyse conceptuelle de la notion d' infini démontrent que ceux-ci évincent tout usage technique du terme hormis celui dun adjectif décrivant de manière putative un processus mathématique potentiellement infini (cest-à-dire, la possibilité de pouvoir construire infiniment des séries (finies) par le biais du déploiement dune règle récursive)[33]. Si la position wittgensteinienne peut donc être qualifiée d' aristotélicienne viz. son refus de réifier lentité actuellement infinie, au profit dune concession envers le processus potentiellement infini [34], elle peut également être qualifiée de constructiviste finitiste viz. son rejet dune vision de la « découverte » dune topologie réelle d' un infini qui possèderait des qualités quasi-physiques, au profit de celle des mathématiques conçues en termes de labeur humain, dune construction algorithmique de preuves formant eux-mêmes le résultat [35]. Néanmoins, selon Wittgenstein, le mot « possible » demeure ambigu : il saccompagne de la connotation que ce qui est possible peut devenir réel, le temps le permettant [36]; cest « un des délires les plus profondément enracinés en philosophie que de voir en la possibilité lombre de la réalité » [37]. Ainsi, afin danéantir tout espoir déventuellement découvrir un döppelganger actuel (voire, extensionnel) à chaque règle, possiblement infini, « le mot infini devrait être évité en mathématiques » [38].



________________________________________

[1]Wittgenstein, Ludwig. Philosophical Investigations, (Blackwell: Oxford) 1953464. [2] Shanker, S.G., Wittgenstein and the Turning-Point in the Philosophy of Mathematics, (State University of New York Press: Albany) 1987. pp.167, 176 and 198. [3]Wittgenstein 1989, op cit ., p. 16. [4] http://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein-mathematics/#MidWitFinConethttp://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein-mathematics/#LatWitMatSomPre [5]Ferreirós, José.The Crisis in the Foundations of Mathematics, in T. Gowers (ed), Princeton Companion to Mathematics (Princeton University Press: Princeton) 2008. pp.11-13. [6] Marion, Mathieu. Wittgenstein, Finitism and the Foundations of Mathematics, (Clarendon Press: Oxford) 1998, pp. vi-ix; Shanker, op cit.; Wittgenstein, Ludwig. Remarks on the Foundations of Mathematics (éd. Anscombe, E.G.) (Blackwell: Oxford) 1978. Wittgenstein, Ludwig.Lectures on the Foundations of Mathematics, Cambridge, 1939 (éd. Diamond, Cora) (University of Chicago Press: Chicago) 1989. [7]Marion, op cit., pp. 14;Steiner, Mark.Wittgenstein as his Own Worst Enemy: The Case of Gödels Theorem, inPhilosophia Mathematicavol. 9 (no. 3) pp. 257-279,2001. pp. 269. [8]Wittgenstein1989, op cit., 103. [9]Marion, op cit., pp. 183-4;Rodych, Victor,Wittgensteins Critique of Set Theory, in The Southern Journal of Philosophy, vol. 38 (no. 2), 2000. p.286; Shanker, op cit.,165;Wittgenstein, Ludwig, Philosophical Remarks, (Blackwell: Oxford) 1975. §138; Wittgenstein 1975, op cit., §38;Wittgenstein, Ludwig, Philosophical Grammar, (Blackwell: Oxford) 1974, p.464. [10]Shanker, op cit., pp. 172-3. [11]Wittgenstein 1975, op cit., §145. [12]Lampert, Timm. Wittgenstein on the Infinity of Primes, in History and Philosophy of Logic, vol. 29 (February), pp. 63-81,2008, p.69; Marion, op cit., pp. 180-3; Shanker, op cit., pp. 175 and 197; Wittgenstein 1975, op cit. §138-139; Wittgenstein 1978, op cit., II 45. [13]Shanker. op cit., p. 180. [14]Wittgenstein 1975, op cit., §174. [15]http://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein-mathematics/#WitIntCriSetThe [16]Rodych 2000, op cit., pp. 284 and 294; Shanker, op cit., pp. 167 et 183; Wittgenstein 1974, op cit., pp. 457, 461 et 469; Wittgenstein 1975, op cit., §130, §142, §144, §157 et 180; Wittgenstein 1978, op cit., II §45. [17]Wittgenstein 1975, op cit., §144. [18]Wittgenstein 1975, op cit., §180. [19]Wittgenstein 1974, op cit., p. 469. [20]Shanker, op cit., pp. 196-197. [21]Wittgenstein 1978, op cit ., II §10 ethttp://plato.stanford.edu/entries/wittgensteinmathematics/#WitLatCriSetTheNonEnuVsNonDen [22]Lampert, op cit., p. 69; Marion, op cit., pp. 200-1. [23]http://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein-mathematics/#WitIntCriSetThe [24]Steiner, op cit., p. 269; Wittgenstein 1978, op cit., II, §13 et§16) [25]Shanker, op cit., pp. 178-81 et 195-6; Wittgenstein 1978, op cit., II §3. [26]Marion, op cit., p. 199; Rodych, op cit., pp. 294-6. [27]Wittgenstein 1978, op cit., II §22; Rodych 2000, op cit., pp. 294-5 ethttp://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein-mathematics/#WitLatCriSetTheNonEnuVsNonDen [28]Marion, op cit., pp. 195-9;Rodych, Victor,Wittgenstein on Irrationals and Algorithmic Decidability, dans Synthese, vol. 118, pp. 279-304, 1999; Shanker, op cit., pp. 183-192; Wittgenstein 1974, op cit., pp. 471 et 473; Wittgenstein 1975, op cit., §172, §180-1, §183 et §186; Wittgenstein 1978, op cit., II, §29 et §33, et V, §34 ethttp://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein-mathematics/#WitIntAccIrrNum [29]Wittgenstein 1978, op cit., II, §33. [30]Rodych 2000, op cit., p. 293) [31]Marion, op cit., p. 14; Steiner, op cit., 269. [32]Marion, op cit., pp. 181-3. [33]Lampert, op cit., p. 69; Rodych 2000, op cit., p. 290; Shanker, op cit., pp. 197-8. [34]Marion, op cit., pp. 181-3; Lampert, op cit., p. 69; Rodych 2000, op cit., p. 290; Shanker, op cit., pp. 197-8. [35]Marion, op cit., pp. 158-62 et 171-3; Wittgenstein, op cit., pp. 369-70 et 374; Wittgenstein 1978, op cit., II §7. [36]Wittgenstein 1975, op cit., §141. [37]Wittgenstein 1974, op cit., p. 283. [38]Wittgenstein 1978, op cit., II, 58. ________________________________________ [1] Wittgenstein 174, op cit., p. 471. [2] Lampert, Timm. Wittgenstein on Pseudo-Irrationals, Diagonal Numbers and Decidability, dans Logica Yearbook 2008,(ed) Peliš, M. (College Publications: Prague), pp. 103-118, 2009, p 105; Rodych 1999, op cit., p. 280; Wittgenstein 1978, op cit., II, 45; Wittgenstein 1974, op cit., p. 461; Wittgenstein 1975, op cit., §144, §158, §180-1 et §186. [3] Lampert 2009, op cit., pp. 106-8; Rodych, Victor. Wittgenstein on Irrationals and Algorithmic Decidability, dans Synthese, vol. 118 (no. 2), pp. 279-304, 1999, pp. 281-2, 286 et 295; Marion, op cit., pp. 94, 162 et 164; Wittgenstein 1974, op cit., pp. 479, 481 et 484; Wittgenstein 1975, op cit., §180-1 et 183. [4] Rodych 1999, op cit., pp. 285-6 et 293-8; Wittgenstein 1974, op cit., pp. 452, 464, 468, 475, 479 et 481; Wittgenstein 1975, op cit., §149; Wittgenstein 1978, op cit., II, 4, IV, 42-44, V, 23, et VII, 41. [5] Wittgenstein 1975 op cit., §145. [6] Rodych 1999, op cit., p. 281; Wittgenstein 1978, op cit., II, 33. [7] Rodych 1999, op cit., pp. 281-284; Wittgenstein 1974, op cit., p. 473; Wittgenstein 1975, op cit., §181. [8] Marion, op cit., pp. 94, 162 et 164; Rodych 1999, op cit.,p. 282; Wittgenstein 1975, op cit., §191. [9] Lampert 2009, op cit., pp. 109-112; Rodych 1999, op cit., pp. 284-9; Wiitgenstein 1974, op cit., pp. 475-7; Wittgenstein 1975, op cit., §183, §186et §188. [10] Rodych 1999, op cit., pp. 289-90; Wittgenstein 1978, op cit., V, 34 [11] Shanker, op cit., p. 193. [12] Rodych 1999, op cit., pp. 279 et 290. [13] Shanker, op cit., p. 175. [14] Shanker, op cit., pp. 185-8; Wittgenstein 1974, op cit., pp. 460-1; Wittgenstein 1975, op cit., §172-3, §180 et §186; Wittgenstein 1978, V, §29, §33-4 et §37. [15] Rodych 1999, op cit., pp. 289-90 et 293-4; Wittgenstein 1974, op cit., pp. 373, 460-1, 464, 466 et 473; Wittgenstein 1975, op cit., §181, §183, §186 et §191; Wittgenstein 1978, op cit., II, 29 et 33, et V, §32 et §34.

Voir aussi :http://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein-mathematics/

En physique

Au début du XXe siècle, la physique se trouvait dans l'impossibilité d'expliquer divers phénomènes [99], dont le fait qu'un corps noir à l'équilibre thermodynamique est censé rayonner un flux infini (voir catastrophe ultraviolette). Ce problème fut résolu par l'introduction des quanta par Planck, ce qui forme la base de la physique quantique.

Dans le cadre de la relativité générale, le Big Bang conduit, dans son interprétation naïve, à l'apparition de valeurs infinies (on parle aussi de singularités) à l'origine des temps, apportant ainsi la preuve que nos connaissances physiques actuelles ne sont pas capables de décrire cette époque lointaine de l'histoire de l'Univers.

Dans plusieurs branches de la physique, comme la théorie quantique des champs ou la physique statistique, les chercheurs ont pu éliminer les divergences indésirables de la théorie à l'aide de techniques mathématiques de renormalisation. Ces techniques n'ont pu être appliquées pour l'instant à la théorie de la gravitation.

Les notations

On attribue souvent la première utilisation du symbole \infin, qui revient fréquemment en analyse, à John Wallis, dans son ouvrage De sectionibus conicis de 1655, puis peu après dans l'Arithmetica Infinitorum :

« esto enimnota numeri infiniti[100], »

mais cette notation était déjà courante chez Fermat et Descartes, selon Édouard Lucas[101].

Trois hypothèses existent quant à l'origine de ce choix.

  1. La plus communément admise est qu'il s'agit d'une évolution du chiffre désignant '1000' dans la numération romaine : successivement , puis CIƆ, avant de devenir M. L'évolution graphique du deuxième symbole aurait donné \infin. Parallèlement on note l'emploi du mot latin mille au pluriel pour désigner un nombre arbitrairement grand et inconnu[réfnécessaire]. On notera lexpression française encore utilisée aujourdhui « des mille et des cents » rappelant cet usage. Le symbole actuel serait donc simplement lévolution de la ligature minuscule cıɔ en écriture manuscrite onciale.
  2. Une hypothèse concurrente est que le symbole serait issu de la lettre grecque ω, dernière lettre de l'alphabet grec, et métaphore courante pour désigner l'extrémité finale (comme dans l'expression l'alpha et l'oméga). Depuis Georg Cantor on utilise d'ailleurs des lettres grecques pour désigner les nombres ordinaux infinis. Le plus petit ordinal infini, qui correspond au bon ordre usuel sur les entiers naturels, est noté ω.
  3. Enfin, Georges Ifrah, dans son encyclopédie « L'histoire universelle des chiffres », explique que la graphie de l'infini remonte à la civilisation indienne, et plus particulièrement à la mythologie indienne. L'Ananta (terme sanskrit qui signifie infini), le « serpent infini » du dieu Vishnu, est représenté enroulé sur lui-même à la manière d'un « huit renversé ».

Notons que l'on peut en obtenir un très bel exemplaire en traçant la Lemniscate de Bernoulli, courbe élégante et simple aux multiples propriétés dont celle d'être parcourue infiniment.

Notes et références

Notes

  1. La phusis se présente comme la constitution interne des choses et se dévoile donc comme un principe (archè). Il faut ici préciser que le terme archè était ambigu dans la langue courante des anciens car il pouvait aussi bien signifier « gouvernement » que « commencement ». Il faut en comprendre que dans lidentification de la nature comme un principe, les phusikoi entendaient rechercher non seulement lorigine du monde mais aussi ce qui continue de le gérer. Larchè est donc un point de départ et ce qui détermine le développement de la chose à laquelle il se rattache.
  2. Aristote lui-même nétaye pas vraiment ce point, il semble quil sagisse simplement dun constat découlant des propriétés énoncées antérieurement.
  3. Cette définition, due à Richard Dedekind, ne coïncide avec la définition courante que sous l'hypothèse de l'axiome du choix - voir l'article Ensemble infini.
  4. En fait, ici, par « distance finie » on entend un réel strictement positif.

Références

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  31. " [L]'infini est le concept à la fois le plus parfait et le plus simple qu'il soit possible d'avoir : il est en effet plus simple que le concept d'être bon ou d'être vrai ou de tout autre concept similaire ; parce que l'infinité n'est pas un attribut ou une passion de l'être, ou bien de ce dont elle est le prédicat, mais elle exprime le mode d'être intrinsèque de cette entité ; de telle sorte que quand je dis "être infini"; je n'ai pas un concept dérivé comme par accident de l'être ou de la passion, mais un concept par soi-même pertinent d'un sujet existant avec un certain degré de perfection" Ordinatio, I, 2, p. 1, q. 2; III, 40, 58 cité dans A. Ghisalberti, « Jean Duns Scot et la théologie rationnelle d'Aristote », dans Revues des sciences philosophiques et théologiques, tome 83, numéro 1 (janvier 1999), p. 6
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  65. Cavaillès 1962, p. 66
  66. Cavaillès 1962, p. 67
  67. Lachièze-Rey 1999, p. 53
  68. a et b André Delessert, Gödel : une révolution en mathématique, France, PPUR, 2000, p. 122 
  69. Belna 2000, p. 227
  70. Cavaillès 1962, p. 73
  71. Lachièze-Rey 1999, p. 55 : Rey parle précisément de Galilée, cependant cet argument remonte à Aristote.
  72. Belna 2000, p. 126
  73. Belna 2000, p. 124
  74. Dauben 1979, p. 47
  75. En français dans le texte allemand. Cavaillès 1962, Correspondances Cantor-Dedekind : p. 211.
  76. Belna 2000, p. 157
  77. Belna 2000, p. 160
  78. Belna 2000, p. 166
  79. (en) Ignacio Jané, « The role of the absolute infinite in Cantor's conception of set », dans Erkenntnis, vol. 42, no 3, mai 1995, p. 375-402 [lien DOI] , §3.2
  80. Belna 2000, p. 181-182
  81. a et b Belna 2000, p. 183
  82. Cavaillès 1962, p. 220
  83. Vernant 1993, p. 399
  84. Russell 1971, p. 209
  85. Vernant 1993, p. 400
  86. Russell 1971, p. 207
  87. Russell 1971, p. 206
  88. a, b et c Vernant 1993, p. 406
  89. a et b Vernant 1993, p. 407
  90. Vernant 1993, p. 421
  91. a et b Russell 1971, p. 179
  92. Russell 1971, p. 164-168
  93. Russell 1971, p. 165
  94. Russell 1971, p. 168
  95. Russell 1971, p. 146-149
  96. a et b Russell 1971, p. 147
  97. Voir (en) C. W. Misner, Kip Thorne & John Wheeler : Gravitation, Freeman & Co. (San Francisco-1973), chapitre 44.
  98. (en) Earliest uses of symbols of calculus
  99. Théorie des nombres, tome I, 1901, d'après L'infini à portée de main... ou ...La lemniscate et le Bodhisattva sur le site du « Mathouriste » Alain Juhel, prof. de math. au lycée Faidherbe de Lille

Sources

  • Charles Adam et Paul Tannery, Œuvres de Descartes, Paris, Léopold Cerf, 1897-1913, chap. AT IX 
  • (en) Peter Adamson et Richard C. Taylor, The Cambridge Companion to Arabic Philosophy, CUP, 2004 
  • Avicenne, La Métaphysique du Shifā, Paris, Vrin, 1978-1985
    traduction française du texte arabe de lédition du Caire, introduction, notes et commentaires par G. C. Anawati
     
  • Yvon Belaval, Leibniz : initiation à sa philosophie, Vrin, 1962 
  • Jean-Pierre Belna, Cantor, Paris, Les Belles Lettres, 2000 (ISBN 978-2-25176024-7) 
  • Frank Burbage et Nathalie Chouchan, Leibniz et linfini, Paris, PUF, 1993 
  • Jean Cavaillès, Philosophie mathématique, Paris, Hermann, 1962 
  • (en) Joseph Warren Dauben, Georg Cantor, His Mathematics and Philosophy of Infinite, Princeton, Princeton University Press, 1979 
  • (en) L.E. Goodman, Avicenna, Routledge, 1992 
  • Alexandre Koyré, Du monde clos à lunivers infini, Paris, Gallimard, 1962 
  • Marc Lachièze-Rey, L'infini - de la philosophie à l'astrophysique, Paris, Hatier, 1999 
  • Bertrand Russell, La Méthode scientifique en philosophie, Payot, 1971 
  • Gérard Sondag, « Jean Duns Scot sur linfini extensif et linfini intensif », dans Revue thomiste, vol. 105, no 1, 2005a 
  • Gérard Sondag, Duns Scot : la métaphysique de la singularité, Paris, Vrin, coll. « Bibliothèque des philosophies », 2005b 
  • Denis Vernant, La philosophie mathématique de Russell, Vrin, 1993 
  • (en) Thomas Williams, « John Duns Scotus », dans Stanford Encyclopedia of Philosophy, 23 décembre 2003 

Voir aussi

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