Xénophane

Xénophane
Xénophane de Colophon

Xénophane, fils de Dixios, ou, selon Apollodore, d’Orthomène de Colophon, né vers -570 à Colophon (Ionie) (Turquie actuelle), mort vers -475, est un philosophe présocratique, poète et scientifique grec. Exilé de Colophon tombé sous la domination perse, il semble avoir émigré en Sicile et s'être réfugié d'abord à Zancle et à Catane, avant de se rendre à Élée où il fonde l'école d'Élée. On ne sait pas s'il y mourut, ou s'il retourna finalement à Colophon. Il parait avoir vécu fort vieux, si l'on en croit les quelques vers qui sont restés de lui.

Il aurait fondé l'école d'Élée, dont les concepts philosophiques furent repris par son disciple Parménide. Dans ses écrits, Xénophane se livre à une fine satire des croyances polythéistes des poètes grecs anciens et de ses contemporains. Il critique l'anthropomorphisme, allant jusqu'à recommander de lui substituer une unique divinité non humaine, principe de l'union de tous les phénomènes. Seuls quelques fragments de ses poèmes ont subsisté.

Sommaire

Biographie

Les dates relatives à la période où il vécut restent très discutées[1], et la plupart des ouvrages qu'il aurait écrit ont été malheureusement perdus. On doit se contenter, pour tenter d'approcher Xénophane, de quelques textes pour toute base d'études, dont l’irremplaçable traité d'Aristote intitulé De Mélissos, de Xénophane, et de Gorgias, qui se révèle être en la matière l'ouvrage le plus complet, le socle le plus important, et sans doute même le seul qui soit en mesure d’exposer clairement l'ensemble des doctrines de Xénophane, et espérer ainsi pouvoir mieux saisir les pensées de ce philosophe.

Bien que l'œuvre et la pensée de Xénophane soient difficiles à appréhender faute de texte rédigé par lui-même encore en notre possession, Xénophane ne peut-être pour autant négligé par l'histoire de la philosophie, ne serait-ce que parce qu'il passe pour le fondateur de l'école d'Élée (même si Platon, dans son livre Le Sophiste, fait remonter la création de l'école d'Élée bien avant lui), et que Parménide fut très probablement son disciple (voir Aristote Métaphysique, liv. I)[2].

Doctrine philosophique

Il aurait suivi, ou à tout le moins écouté, l'enseignement d'Anaximandre et parait être instruit de la cosmologie des milésiens. On sait aussi par Diogène Laërce[3], que Xénophane combattit avec vigueur le système de Pythagore, ainsi que les systèmes d'Epimide et de Thalès, et qu'il fut surtout connu pour ses violentes critiques concernant les descriptions anthropomorphiques qu'Hésiode et Homère faisaient des dieux.

Clément d'Alexandrie cite Xénophane :

« Si les bœufs et les lions avaient des mains et pouvaient peindre comme le font les hommes, ils donneraient aux dieux qu'ils dessineraient des corps tout pareils aux leurs, les chevaux les mettant sous la figure de chevaux, les bœufs sous la figure de bœufs. »

Il loue ensuite le philosophe d'avoir fait Dieu incorporel et d'avoir dit :

« Unique et tout puissant, souverain des plus forts, Dieu ne ressemble à nous ni d'esprit ni de corps. Les humains, en faisant les dieux à leur image, Leur prêtent leurs pensées, leurs voix et leurs visages. »

— (Clément d'Alexandrie, Stromates [(en) lire en ligne], V, p. 601)

« Après des idées si hautes et si justes sur Dieu, on conçoit mieux l'irritation de Xénophane contre les poètes qui abaissaient la majesté divine, et qui comme Homère et Hésiode n'hésitaient pas à attribuer aux dieux tout ce qui est déshonorant parmi les hommes : le vol, l'adultère, le mensonge, la trahison. (Sextus Empiricus, Pyrrhon. Hypotyp. liv. I, ch. 33, page 99, édit. de 1842 ; Adversus Mathem. Physicos, liv. IX, page 612, et Grammaticos, liv. I, page 112) »

Aristote parle quant à lui des opinions de Xénophane ; et dans sa Poétique, il rappelle que le philosophe blâmait les idées que le vulgaire se faisait des dieux.

Xénophane affirmait donc l'existence d'un dieu unique, sphérique, immobile. En même temps il rappelle que cette réalité ultime ne peut pas être connue avec certitude par les êtres humains dont la connaissance de la réalité se limite aux conjectures ou opinions. En même temps, il affirme qu'il est possible de se rapprocher graduellement de la vérité : « Les dieux n’ont pas révélé aux mortels les choses cachées dès le commencement, mais en cherchant, ceux-ci avec le temps trouvent le meilleur » (Fragment 18, selon Diels). Il introduit ainsi la distinction épistémologique fondamentale entre le monde de l'apparence et le réel, distinction reprise et accentuée notamment par Parménide.

Xénophane a ouvert par ailleurs un nouveau, et très important thème de réflexion en constatant que « si Dieu n’avait pas créé le miel, les hommes trouveraient les figues bien plus sucrées. » Il posait ainsi par cette phrase un doute sur ce que nous voyons et ce que nous entendons ; il disait, de cette façon imagée, que nos sensations varient selon le moment, selon que nous avons goûté du miel auparavant ou non, et enfin qu'elles varient également d’un observateur à l’autre, l’un trouvant chaude une eau qu’un autre qui a de la fièvre, trouvera froide.

Il semble donc que pour Xénophane il y a en chacune de nos sensations une part de relatif qui invite l'homme à distinguer la chose en elle-même du sentiment qu'on en a, et donc à opérer une nécessaire distinction entre la science et l'opinion, et au-delà de cette réflexion, pose la question de savoir si le monde que je perçois et qui m'entoure et bien tel que mes sens me le décrivent, question qui sera à l'origine de nombreux débats philosophiques ultérieurs…

Doctrines et croyances scientifiques

Dans l’antiquité, un penseur était tout autant un philosophe qu’un « savant ». Xénophane, comme les autres penseurs grecs, proposa donc lui aussi sa propre conception du monde, une cosmologie, des explications des phénomènes de la nature.

Pour Xénophane en effet, la Terre plate était infinie et ne flottait ni sur l’eau comme le prétendait Thalès, ni dans le vide comme le voulait Anaximandre, elle n'avait pas de limites, ni sur les côtés, ni en dessous et s'étendait dans toutes les directions. Les astres : Soleil, Comètes, Planètes étaient des nuées incandescentes. Le mouvement des astres était rectiligne, donc les astres que l’on voyait n’étaient jamais les mêmes. Chaque soir, ils s'éteignaient dans la mer ou le désert et il y avait, par le fait même, une infinité de Soleils différents. Selon lui, le monde était issu de la Terre et retournerait un jour à la Terre. Pour l’instant, il était fait d’un mélange de Terre et d’Eau avec des états intermédiaires constitués de boue. Pour prouver les imbrications d’un de ces éléments dans l’autre, il eut l’idée de faire référence aux fossiles de plantes, coquillages et poissons trouvés près de Syracuse. Xénophane attribuait la présence des coquilles pétrifiées que l'on trouve loin de la mer et des empreintes de poissons des carrières de Sicile à ce que la mer avait recouvert autrefois les continents.

Ces considérations ne doivent pas être envisagées sous le seul angle de leurs valeurs scientifiques, ce qui est important, ici, c'est plus la nature du problème que Xénophane s'est posé que les explications qu'il propose en guise de réponse.

Bibliographie

Fragments et témoignages

Études

Notes

  1. L'histoire dispose d'aucune source valable permettant de trancher en faveur d'une date plus que d'une autre.
  2. Bien que Théophraste précise quant à lui, dans son Abrégé, que Parménide fut le disciple d’Anaximandre, et non pas de Xénophane.
  3. Au sujet de Diogène Laërce, il convient de rappeler que, pour l'essentiel, sa vie reste un mystère, qu'il est impossible de savoir avec précision durant quelle période il vécut, ni quelles furent avec précision les sources dont il se servi pour son ouvrage La Vie des philosophes. Ce livre qui fait pourtant référence en la matière pour sa cohérence et sa pertinence, ne peut prétendre combler ou remplacer l'absence d'ouvrage rédigé en l'occurrence par Xénophane, et qui nous serait parvenus.

Voir aussi

Références

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Les Présocratiques, Gallimard, coll. « La Pléiade », Paris, 1988.


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