- Indo-européen commun
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L’indo-européen commun, proto-indo-européen ou seulement indo-européen (souvent abrégé en IE), est une langue préhistorique, sans témoignage écrit, supposée être à l'origine de toutes les langues dites « indo-européennes ». Elle a été très partiellement reconstruite à partir de la comparaison entre les langues, actuelles ou anciennes, qui en sont issues. Notre connaissance de l'indo-européen repose donc sur la linguistique comparée, et notamment sur la phonétique historique. On peut reconstruire quelques aspects de phonologie de lexique et de morphologie. Des recherches actuelles tentent de retrouver quelques points de syntaxe.
Sommaire
Découverte et reconstruction
Quand et où l'indo-européen a-t-il été parlé ?
Il y a plusieurs hypothèses en compétition au sujet de la localisation géographique et temporelle du « peuple indo-européen ». L'hypothèse kourgane est le modèle « le plus populaire »[1],[2]. Il postule que la culture kourgane est celle des hypothétiques locuteurs de l'indo-européen reconstruit. Toutefois, d'autres théories existent, comme la théorie anatolienne.
Le processus de « satemisation » qui a causé la séparation entre les langues satem et centum a probablement commencé dès le IVe millénaire av. J.-C.[3] et la seule chose tenue pour sûre est que cette proto-langue doit avoir été divisée en différents dialectes sans rapports directs vers la fin du IIIe millénaire av. J.-C.
La plupart des linguistes estiment que la période entre le moment d'existence de l'indo-européen et les premiers textes attestés (autour du XIXe siècle av. J.‑C., voir les tablettes de Kültepe) varie entre 1 500 et 2 500 ans, avec des propositions extrêmes qui vont jusqu'à 5 000 ans.
Outre l'hypothèse kourgane, prédominante, d'autres modèles de datation et de localisation existent :
- le IVe millénaire av. J.-C. (excluant la branche anatolienne), en Arménie, selon l'hypothèse arménienne (en), proposée dans le cadre de la théorie glottalique (en) ;
- le Ve millénaire av. J.-C. (IVe millénaire av. J.‑C. en excluant la branche anatolienne) dans la steppe pontique, suivant la populaire hypothèse kourgane ;
- le VIe millénaire av. J.-C. ou plus tard en Europe du Nord, selon le modèle de Lothar Kilian et de Marek Zvelebil d'un « foyer large » ;
- le VIe millénaire av. J.-C. en Inde, selon Koenraad Elst ((en) « Out of India theory ») ;
- le VIIe millénaire av. J.-C. en Anatolie (ou le Ve millénaire av. J.‑C., dans les Balkans, en excluant la branche anatolienne), pour Colin Renfrew, inventeur de la théorie anatolienne ;
- le VIIe millénaire av. J.-C. (ou le VIe millénaire av. J.‑C. en excluant la branche anatolienne), selon une étude de 2003 de glottochronologie[4] ;
- le Paléolithique supérieur, avant le Xe millénaire av. J.-C., dans la thèse de la continuité paléolithique.
Histoire des recherches indo-européennes
Dès la fin du XVIe siècle, des savants constatent des similarités entre certaines langues européennes et le persan ou le sanskrit. Dans les années 1640, deux professeurs de Leyde, Marcus Zuerius Boxhorn et Claude Saumaise[5] développent chacun la thèse selon laquelle toutes ces langues proviendraient d'un ancêtre commun, qu'ils appellent le « scythique[6] ». Cette idée est plusieurs fois reprise dans les temps qui suivent, elle est notamment soutenue avec vigueur par l'anglais William Jones dans les années 1780. Toutefois, c'est au début du XIXe siècle que l'étude de la question connait un tournant méthodologique. En particulier, le Danois Rasmus Rask et l'Allemand Franz Bopp mènent chacun des études plus approfondies et plus systématiques qui portent notamment sur les parentés structurelles et morphologiques entre les différentes langues[7]. À partir de cette époque, la linguistique historique prend un essor considérable, principalement en Allemagne.
La « phase classique » de la linguistique comparée indo-européenne va donc de la Grammaire comparée (1833-1849) de Franz Bopp au Compendium d'August Schleicher (1861), jusqu'aux années 1880, où commence la publication du Grundriss der vergleichenden Grammatik der indogermanischen Sprachen de Karl Brugmann. La néogrammaire de Brugmann est une réévaluation de ce sujet d'étude. Ensuite, le développement de la théorie des laryngales de Ferdinand de Saussure peut être considéré comme le point de départ des études « contemporaines » sur l'indo-européen.
Le proto-indo-européen, tel qu'on le décrivait au début des années 1900, est en général toujours accepté aujourd'hui. Les travaux ultérieurs sont pour la plupart des affinages et des systématisations, ou des incorporations de nouvelles informations, comme la découverte des langues anatoliennes et tokhariennes, inconnues du XIXe siècle.
La théorie des laryngales notamment, dans sa forme initiale, discutée depuis les années 1880, devient un courant dominant après 1927 et la découverte par Jerzy Kuryłowicz de la survivance de certains de ses phénomènes hypothétiques dans des langues anatoliennes. L'Indogermanisches etymologisches Wörterbuch, de Julius Pokorny, paru en 1959, donne un aperçu des connaissances sur le lexique accumulées jusqu'au début du XXe siècle, mais néglige les tendances contemporaines de la morphologie et de la phonologie, et ignore largement le groupe anatolien et le groupe tokharien.
La génération de spécialistes de l'indo-européen active dans le dernier tiers du XXe siècle (comme Calvert Watkins (en), Jochem Schindler (en) et Helmut Rix), a développé une meilleure compréhension de la morphologie et, dans la vague de l'Apophonie de Jerzy Kuryłowicz (1956), de l'alternance vocalique. Depuis les années 1960, les connaissances sur le groupe anatolien sont devenues suffisantes pour établir des relations avec l'indo-européen.
Méthode
Article connexe : Linguistique comparée.Il n'existe aucune preuve directe de l'existence de l'indo-européen commun, parce qu'il n'a jamais été écrit. En conséquence, tous les sons et les mots indo-européens sont des reconstructions depuis les langues indo-européennes en utilisant la méthode comparative et la reconstruction interne (en). Un astérisque est donc employé pour marquer le caractère reconstruit et non-attesté des mots — exemple avec *wódr̥, « eau ». Beaucoup de mots dans les langues indo-européennes modernes semblent être dérivés de « proto-mots », via des modifications phonétiques (comme la loi de Grimm).
Comme la langue proto-indo-européenne s'est divisée à un moment de son histoire, son système sonore a divergé également dans les « langues-filles », selon plusieurs lois phonétiques. Parmi elles, les plus notables sont les lois de Grimm et de Verner dans le proto-germanique, la perte du *p- prévocalique en proto-celtique, la réduction en [h] du *s- prévocalique en proto-grec, la loi de Brugmann et celle de Bartholomae en proto-indo-iranien (en), la loi de Grassman à la fois en proto-grec et en proto-indo-iranien, et la loi de Winter (en) ou la loi de Hirt (en) en balto-slave.
Principales lois linguistiques utilisées en phonétique historique des langues indo-européennesEntre parenthèses : aire d'extension de la loi ; IE pour « indo-européen ».
- L'alternance vocalique explique la mutation e/o de certains radicaux indo-européens.
- loi de réduction des vélaires (IE) ;
- loi des dentales en contact (IE) ;
- loi de Caland-Wackernagel (en) (IE) ;
- loi de Lindeman (en) (IE) ;
- loi de Siebs (en) (IE) ;
- loi de Sievers (IE) ;
- loi de Szemerényi (IE) ;
- loi ruki (en) (langues satem) ;
- loi de Grassmann (grec et indo-iranien) ;
- loi de Bartholomae (indo-iranien) ;
- loi de Brugmann (indo-iranien) ;
- loi de limitation (grec) ;
- loi d'Osthoff (grec) ;
- loi de Rix (grec) ;
- loi de Lachmann (latin) ;
- loi de Bartsch (ancien français) ;
- loi de Grimm (germanique commun et arménien) ;
- loi de Verner (germanique commun) ;
- seconde mutation consonantique (haut allemand) ;
- loi de Winter-Kortlandt (en) (balto-slave) ;
- loi de Hirt (en) (balto-slave) ;
- loi de Saussure (balte) ;
- loi de Leskien (balte) ;
- loi de Meillet (en) (slave) ;
Relations avec d'autres familles linguistiques
Plusieurs liens entre l'indo-européen et d'autres familles linguistiques ont été proposés, mais ces connexions spéculatives sont hautement controversées. Peut-être l'hypothèse la plus largement acceptée est-elle celle de la proximité avec la famille des langues ouraliennes, ce qui conduirait à la formation d'un groupe encore plus vaste, celui des langues indo-ouraliennes (en). Les preuves habituellement citées en faveur de cette hypothèse sont la proximité des typologie morphologique similaire, et un nombre de morphèmes apparemment partagés. Frederik Kortlandt (en), tout en plaidant pour une connexion, concède que « le trou entre l'ouralien et l'indo-européen est énorme », alors que Lyle Campbell (en), spécialiste en langues ouraliennes, refuse toute relation entre les deux groupes.
L'existence de certaines spécificités typologiques de l'indo-européen dans les langues abkhazo-adygiennes peut amener à considérer l'hypothèse d'un Sprachbund (union linguistique) ancien des deux langues[8] ou d'un substrat commun qui se trouvait géographiquement dans le foyer indo-européen[3].
Ce type de langues identiques, avec des verbes complexes et dont les langues abkhazo-adygiennes actuelles pourraient être les seules survivantes, est, pour Peter Schrijver (en), l'indication d'un lexique local et d'une réminiscence d'un possible substrat néolithique (hypothèse d'une « créolisation néolithique (en) »[9]).
D'autres propositions, qui remontent plus loin dans le temps (et ainsi sont moins acceptées), relient l'indo-européen et l'ouralien avec les langues altaïques et certaines autres familles en Asie, comme le coréen, le japonais, les langues tchoukotko-kamtchatkiennes et les langues eskimo-aléoutes — les propositions de langues nostratiques ou de langues eurasiatiques (en) de Joseph Greenberg sont représentatives de ce courant.
D'autres hypothèses relient ces différentes familles aux langues afro-asiatiques, dravidiennes, etc., jusqu'à l'idée d'une langue originelle, associée principalement à Merritt Ruhlen, qui regrouperait toutes les langues. Cette théorie ne trouve plus guère de défenseurs. Plusieurs propositions existent également, qui joignent certaines parties d'une famille putative eurasiatique (en), avec éventuellement certaines familles des langues caucasiennes, comme les langues ouralo-sibériennes (en), ouralo-altaïques ou proto-pontiques (en), etc.
Phonologie
Consonnes
Labiale Coronale
ou dentaleDorsale
ou gutturaleLaryngale palatale plate labio-vélaire Nasale *m *n Occlusive *p *t *ḱ *k *kʷ sonore *b *d *ǵ *g *gʷ aspirée *bʰ *dʰ *ǵʰ *gʰ *gʷʰ Fricative *s *h₁, *h₂, *h₃ Liquide *r, *l Semi-voyelle *y *w Notations alternatives : Les occlusives aspirées sont parfois notées comme *bh, *dh, *ǵh, *gh, *gʷh. Les palatales *k̑, *g̑ sont parfois utilisées, et *i̯, *u̯ peut remplacer *y, *w.
La théorie des laryngales est débattue, et *h₁ peut ne pas avoir été une fricative.
Voyelles
Voyelles courtes *e, *o (et peut-être *a)a Voyelles longues *ē, *ō (et peut-être *ā)b Diphtongues *ei, *eu, *ēi, *ēu, *oi, *ou, *ōi, *ōu, (*ai, *au, *āi, *āu)c Allophones vocaliques
de laryngales, nasales, liquides et semivoyelles*h̥₁, *h̥₂, *h̥₃, *m̥, *n̥, *l̥, *r̥, *i, *u Variantes longues de ces allophonesd *m̥̄, *n̥̄, *l̥̄, *r̥̄, *ī, *ū Notes :
- a : Il est très souvent suggéré[10] que tous les *a et *ā sont des dérivés de la séquence *eh₂ ou *h₂e, mais Manfred Mayrhofer (en)[11] pense que l'indo-européen a en réalité un *a et un *ā indépendamment d'un h₂.
- b : parfois le macron est remplacé par deux-points : *a:, *e:, *o:.
- c : les diphtongues sont parfois comprises comme des combinaisons d'une voyelle et d'une semi-voyelle. Par exemple : *ey ou *ei̯ à la place de *ei[12].
- d : elles ont pu apparaître par allongement compensatoire dès l'indo-européen.
Morphologie
Radical
Article connexe : Racine indo-européenne.L'indo-européen est une langue flexionnelle, c'est-à-dire une langue dans laquelle les relations grammaticales entre les mots sont signalées par des modifications des mots (habituellement par des terminaisons spécifiques). Le radical dans l'indo-européen est le morphème de base, qui porte par lui-même un sens lexical. Par l'addition de suffixes, les morphèmes forment des thèmes, et par addition de désinences (habituellement finales), ils forment des flexions ou déclinaisons de substantifs ou de verbes.
Les radicaux indo-européens sont considérés comme étant en majorité monosyllabiques, avec une base type « consonne-voyelle-consonne (consonne) ». Cette forme de base du radical est parfois modifiée par l'alternance vocalique. Beaucoup de spécialistes pensent que les radicaux à voyelle initiale commençaient originellement par une série de consonnes, perdues par la suite dans toutes les langues, sauf dans les langues anatoliennes, où elles sont appelées laryngales (habituellement indiquées *H, parfois spécifiées par un nombre souscrit *h₁, *h₂, *h₃). Ainsi, une forme verbale telle que le latin agunt, « ils font », à laquelle correspondent le grec ancien « ἄγουσι » (ágousi) et le sanskrit « अजन्ति » (ajanti), serait reconstruite *h₂eǵonti, avec l'élément *h₂eǵ- constituant le radical lui-même.
Alternance vocalique
Article connexe : Alternance vocalique.Le phénomène d' « alternance vocalique » est un des aspects distinctifs de l'indo-européen. L'alternance vocalique, ou « ablaut » est une variation d'une voyelle, qui change se modifie en *o, *e ou disparaît (Ø, aucune voyelle). Ces variations dépendent peut-être des sons adjacents et de l'emplacement de l'accent dans le mot. Ils trouvent un écho dans les langues indo-européennes modernes, où ils en sont venus à refléter des catégories grammaticales. Ces timbres vocaliques sont habituellement nommés « timbre e », « timbre o », parfois appelés collectivement « degré plein » ; « degré zéro » (aucune voyelle, Ø) ; « degré long » (*ē or *ō). Les différentes formes du verbe anglais sing (sing, sang, sung) sont un exemple de l'ablaut ; elles reflètent une séquence proto-germanique *sengw-, *songw-, *sngw-. Certains spécialistes pensent que les affixes flexionnels de l'indo-européen reflètent des variations de l'alternance vocalique, habituellement un degré zéro, de radicaux indo-européens plus anciens. Parfois le degré zéro apparaît là où l'accent du mot s'est déplacé, depuis le radical vers un des affixes. Ainsi, l'alternance du latin est, sunt, « il est, ils sont », ramène à l'indo-européen *h₁és-ti, *h₁s-ónti.
Substantifs
Les substantifs indo-européens sont déclinés suivant huit ou neuf cas[N 1] :
- nominatif ;
- accusatif ;
- génitif ;
- datif ;
- instrumental ;
- ablatif ;
- locatif ;
- vocatif ;
- (et peut-être un directif, ou allatif)[13].
Il y a trois genres : masculin, féminin et neutre.
Il existe deux types majeurs de déclinaisons : thématique et athématique. Les déclinaisons thématiques des substantifs sont formés avec un suffixe *-o- (*-e au vocatif), et n'a pas d'alternance vocalique. Les flexions athématiques sont plus archaïques, et elles sont classifiés par leur comportement dans l'alternance vocalique : « acro-dynamique », « protero-dynamique », « hystéro-dynamique », et « holo-dynamique », après le positionnement de l'accent premier indo-européen (« dynamis ») dans le paradigme.
Pronoms
Les pronoms indo-européens sont difficiles à reconstruire à cause de leur variété dans les langues-filles. C'est particulièrement le cas pour les pronoms démonstratifs. L'indo-européen a des pronoms personnels pour les première et deuxième personnes, mais pour la troisième, des démonstratifs sont utilisés. Les pronoms personnels ont leur propre radical et leurs propres terminaisons, et certains ont même deux radicaux ; cela reste visible en français, où deux formes demeurent pour le pronom personnel de la première personne : « je » (sujet), « me » (objet). Pour Beekes[14], il y a aussi deux formes pour le pronom à l'accusatif, au génitif et au datif : une forme accentuée (ou « tonique ») et une forme enclitique (ou « atone »).
Pronoms personnels (Beekes) Première personne Deuxième personne Singulier Pluriel Singulier Pluriel Nominatif *h₁eǵ(oH/Hom) *uei *tuH *iuH Accusatif accentué *h₁mé *nsmé *tué *usmé enclitique *h₁me *nōs ? *uōs Génitif accentué *h₁méne *ns(er)o- *teue *ius(er)o- enclitique *h₁moi *nos *toi *uos Datif accentué *h₁méǵʰio *nsmei *tébʰio *usmei enclitique *h₁moi *ns *toi ? Instrumental *h₁moí ? *toí ? Ablatif *h₁med *nsmed *tued *usmed Locatif *h₁moí *nsmi *toí *usmi Comme pour les démonstratifs, Beekes parvient à reconstruire un système avec seulement deux pronoms : *so / *seh₂ / *tod, « ceci, cela » et *h₁e / *(h₁)ih₂ / *(h₁)id, « le » anaphorique. Il postule aussi l'existence de trois particules adverbiales *ḱi, « là », *h₂en, « ici », et *h₂eu « là-bas, encore », desquels les démonstratifs ont été construits dans plusieurs langues-filles.
Verbe
Le système verbal indo-européen est relativement complexe et, comme pour le nom, a une alternance vocalique. Les verbes ont au moins quatre modes (indicatif, impératif, subjonctif, optatif, et peut-être un mode injonctif, reconstruit d'après le sanskrit védique). Ils ont aussi deux voix, active et médio-passive, trois personnes (première, deuxième et troisième), et trois nombres (singulier, duel et pluriel).
Les verbes sont conjugués à au moins trois temps : présent, aoriste et parfait, qui a au départ une valeur aspectuelle. À l'indicatif, un imparfait et un plus-que-parfait (bien que ce soit moins évident pour ce dernier) ont pu exister. La conjugaison est aussi marquée par un système très développé de participes, un pour chaque combinaison de temps et de mode, et une série de noms verbaux et de formations adjectivales.
Terminaisons reconstruites de l'indicatif présent actif Buck[15] Beekes[14] Athématique Thématique Athématique Thématique Singulier 1re *-mi *-ō *-mi *-oH 2e *-si *-esi *-si *-eh₁i 3e *-ti *-eti *-ti *-e Pluriel 1re *-mos/mes *-omos/omes *-mes *-omom 2e *-te *-ete *-th₁e *-eth₁e 3e *-nti *-onti *-nti *-o Nombres
Les nombres de l'indo-européen sont en général reconstruits ainsi :
Nombre Sihler[16] Beekes[14] un *Hoi-no- / *Hoi-wo- / *Hoi-k(ʷ)o- ; *sem- *Hoi(H)nos deux *d(u)wo- *duoh₁ trois *trei- (degré plein) / *tri- (degré zéro) *treies quatre *kʷetwor- (timbre o) / *kʷetur- (degré zéro) *kʷetuōr cinq *penkʷe *penkʷe six *s(w)eḱs ; peut-être au départ *weḱs *(s)uéks sept *septm̥ *séptm huit *oḱtō, *oḱtou ou *h₃eḱtō, *h₃eḱtou *h₃eḱteh₃ neuf *(h₁)newn̥ *(h₁)néun dix *deḱm̥(t) *déḱmt vingt *wīḱm̥t- ; peut-être au départ *widḱomt- *duidḱmti trente *trīḱomt- ; peut-être au départ *tridḱomt- *trih₂dḱomth₂ quarante *kʷetwr̥̄ḱomt- ; peut-être au départ *kʷetwr̥dḱomt- *kʷeturdḱomth₂ cinquante *penkʷēḱomt- ; peut-être au départ *penkʷedḱomt- *penkʷedḱomth₂ soixante *s(w)eḱsḱomt- ; peut-être au départ *weḱsdḱomt- *ueksdḱomth₂ soixante-dix *septm̥̄ḱomt- ; peut-être au départ *septm̥dḱomt- *septmdḱomth₂ quatre-vingt *oḱtō(u)ḱomt- ; peut-être au départ *h₃eḱto(u)dḱomt- *h₃eḱth₃dḱomth₂ quatre-vingt dix *(h₁)newn̥̄ḱomt- ; peut-être au départ *h₁newn̥dḱomt- *h₁neundḱomth₂ cent *ḱm̥tom ; peut-être au départ *dḱm̥tom *dḱmtóm mille *ǵheslo- ; *tusdḱomti *ǵʰes-l- Lehman[17] pense que les nombres plus grands que dix sont construits séparément dans les groupes de dialectes, et que *ḱm̥tóm veut dire à l'origine « un grand nombre » plutôt que spécifiquement « cent ».
Particules
Beaucoup de particules peuvent être utilisées à la fois comme adverbes et postpositions, comme *upo, « sous ». Les postpositions deviennent des prépositions dans la plupart des langues-filles. Parmi les autres particules qu'on peut reconstruire, il y a les négations *ne, *mē, les conjonctions *kʷe, « et », *wē, « ou », et une interjection, *wai!, exprimant un malheur.
Reconstitution du lexique : quelques exemples
Articles détaillés : racine indo-européenne et vocabulaire indo-européen.Les étymons indo-européens doivent être précédés d'un astérisque, qui indique le caractère supposé et non attesté de la forme. Il existe plusieurs manières de noter les étymons, selon le degré de précision ; par exemple, le mot signifiant « mère » est noté *mātēr ou, plus précisément (et si l'on suit les thèses laryngalistes, méħ2tēr) (ou bien, avec d'autres conventions typographiques, méH2tēr, méh2tēr). Cela se constate d'autant mieux avec l'étymon pour « soleil », séh2-ul, *séħ2-ul, *sāul-, etc.
Voici quelques exemples d'étymons indo-européens reconstitués et de mots dont ils sont l'origine :
« Père »
- Indo-européen : *ph₂tér
- sanskrit : « पितृ » (pitr̩)
- breton : « tad »
- grec ancien : « πάτηρ » (pátêr)
- latin : « pater », d'où, par exemple, pour les langues romanes :
- lituanien : « tėvas »
- persan : « پدر » (pedar)
- proto-germanique : « fader », d'où, par exemple, pour les langues germaniques :
- allemand : « Vater »
- anglais : « father »
- danois : « fader »
- néerlandais : « vader »
- proto-slave : « otьcь », d'où, par exemple, pour les langues slaves :
- biélorusse : « бацька » (bats'ka)
- bulgare : « баща » (bachta)
- macédonien : « татко » (tatko)
- polonais : « ojciec »
- russe : « отец » (otets)
- serbe : отaц (otats)
- croate : otac (otats)
« Mère »
- Indo-européen : *méħ₂tēr
- sanskrit : « मातृ » (mātr̩)
- breton : « mamm »
- grec ancien : « μήτηρ » (mếtêr) (ou μάτηρ (mátêr) en dorien)
- latin : « mater », d'où, par exemple, pour les langues romanes :
- letton : « māte »
- persan : « مادر » (mādar)
- proto-germanique : « mothær », d'où, par exemple, pour les langues germaniques :
- proto-slave : « mati », d'où, par exemple, pour les langues slaves :
- biélorusse : « матка » (matka)
- bulgare : « майка » (maïka)
- russe : « мать » (mat')
- slovène : « mati »
« Fils »
- Indo-européen : *suhnús
- sanskrit : « पुत्र » (putra)
- grec ancien : « υἱός » (uiós)
- lituanien : « sūnus »
- persan : « پسر » (pesar)
- proto-germanique : « sunuz », d'où, par exemple, pour les langues germaniques :
- proto-slave : « synъ », d’où, par exemple, pour les langues slaves :
- biélorusse : « сын » (syn)
- macédonien : « син » (sin)
- slovaque : « syn »
« Fille » (descendante)
- Indo-européen : *dʰugh₂tēr
- sanskrit : « दुहितृ » (duhitr̩)
- arménien : « դուստր» (dustr)
- persan : « دختر » (duḫtar)
- grec ancien : « θυγάτηρ » (thugátêr)
- lituanien : « duktė »
- proto-germanique : « duhtēr », d'où, par exemple, pour les langues germaniques :
- allemand : « Tochter »
- anglais : « daughter »
- danois : « datter »
- néerlandais : « dochter »
- proto-slave : « dъkti », d'où, par exemple, pour les langues slaves :
- biélorusse : « дачка » (datchka)
- macédonien : « ќерка » (kjerka)
- polonais : « córka »
- serbe : « ћерка » (ćerka)
- slovaque : « dcéra »
- croate : « kćerka »
« Frère »
- Indo-européen : *bʰréh₂ter
- sanskrit : « भ्रातृ » (bhrātr̩)
- breton : « breur »
- arménien : « եղբայր » (eghbair̩)
- grec ancien : « φράτηρ » (frátêr)
- latin : « frater », d'où, par exemple, pour les langues romanes :
- lituanien : « brolis »
- persan : « برادر » (birādar)
- proto-germanique : « brōþēr », par exemple, d'où, par exemple, pour les langues germaniques :
- proto-slave : « bratъ », d'où, par exemple, pour les langues slaves :
- biélorusse : « брат » (brat)
- polonais : « brat »
- tchèque : « bratr »
« Sœur »
- Indo-européen : *swésōr
- sanskrit : « स्वसर » (svasar)
- breton : « c'hoar »
- latin : « soror », d'où, par exemple, pour les langues romanes :
- lituanien : « sesuo »
- persan : « خواهر » (ḫwāhar)
- proto-germanique : « swistr », d'où, par exemple, pour les langues germaniques :
- allemand : « Schwester »
- anglais : « sister »
- néerlandais : « zuster »
- norvégien : « søster »
- proto-slave : « sestra », d'où, par exemple, pour les langues slaves :
- biélorusse : « сястра » (siastra)
- bulgare : « сестра » (sestra)
- polonais : « siostra »
- slovaque : « sestra »
« Soleil »
- Indo-européen : *sóh₂wl̥
- avestique gāthique : « huuarǝ »
- sanskrit : « सूर » (sūra)
- tokharien B « swāñco » (« rayon de soleil »)
- gotique : «
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