- Proto-slave
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Le proto-slave ou slave commun, est l'ancêtre du vieux slave et des langues slaves ; il est issu de la branche satem de l'indo-européen commun ; il est classé dans le groupe des langues balto-slaves. Le processus de séparation des gens parlant le proto-slave et le proto-balte s'est effectué vers le IXe siècle av. J.‑C.. Vers le Ve siècle les peuples slaves ont entrepris une migration vers le sud-est, vers le nord et vers l'ouest de la Biélorussie, leur territoire d'origine, se divisant en trois branches linguistiques. Avant le IXe siècle, on présume que les Slaves partageaient tous une langue à peu près identique, le slave commun, mais aucun écrit avant 860 ne peut le prouver. À cette époque, le prince Rastislav de Grande Moravie demanda à Cyrille et Méthode de créer un alphabet pour traduire des ouvrages religieux dans sa langue. Ainsi naquit l'alphabet glagolitique, utilisé pour écrire dans une langue que l'on nomme le vieux slave ou slavon.
Sommaire
Évolution
Comme les autres langues satem, le proto-slave a transformé les consonnes palato-vélaires de l'indo-européen commun en affriquées et en fricatives postérieures :
- ḱ → s ; la racine indo-européenne *ḱerd- (« cœur ») dont est issu le grec kardia, le latin cor, cordis, l'allemand Hertz et l'anglais heart est devenue, en proto-slave, serdece d'où serce en polonais, srdce en tchèque, sérdce en russe [1].
- ǵ → z ; ainsi *zreno (« grain ») en proto-slave qui a donné zrno en tchèque, zernó en russe et ziarno en polonais, est issu de la racine indo-européenne *ǵrno- dont dérivent l'anglais corn, l'allemand Korn, le français grain via le latin granum[1].
- ǵʰ → z
Autre trait commun aux langues satem, les consonnes aspirées perdent leur aspiration et les labio-vélaires perdent leur double articulation :
- bʰ → b ; ceci explique que *bʰráter devenu frater en latin puis frère en français (brother et Bruder en anglais et allemand) ait donné *bratre en proto-slave dont sont issus le polonais et le russe brat, le tchèque bratr[1].
- dʰ → d ; *dʰugʰəter (« fille » au sens de « descendante ») a conservé son aspiration en grec ancien et y a donné « θυγάτηρ » (thygátêr), mais l'a perdu dans l'anglais daughter, l'allemand Tochter et le proto-slave *dekti (dektere) dont sont issus le polonais córra, le tchèque dcera [1].
- gʰ → g
- gʷʰ → gʷ → g
- kʷ → k
Au niveau des voyelles, le proto-slave a transformé les voyelles longues ō et ā en a, et les voyelles courtes o et a en o[2]. On note aussi la disparition de la voyelle proto-indo-européenne ə dans une syllabe non initiale[3]. Les diphtongues longues et courtes ne sont plus distinguées.
Toujours concernant les voyelles, le proto-slave conserve l'alternance vocalique indo-européenne.
Métathèse
Le proto-slave a subi une métathèse des consonnes r et l dans les groupes CorC, ColC, CerC, CelC, orC, olC où C représente une consonne quelconque. Ainsi la racine indoeuropéenne qui a donné calva (« crâne ») en latin (d'où chauve et calvaire en français) donne une racine initiale en proto-slave *golva (« tête ») qui devient *glova et a donné glava en serbo-croate, glowa en polonais, hlava en tchèque et golova en russe. La racine indo-européenne *melg- (« lait ») dont est issu l'anglais milk ou l'allemand Milch, est devenue *melko puis, par métathèse, *mleko en protoslave et donné mléko en tchèque, mleko en polonais ou slovène, молоко, moloko en russe[1].
Palatalisation régressive
Suite à la mise en place du systême d'harmonie vocalique, les consonnes vélaires subissent une palatalisation pour devenir des consonne post-alvéolaire devant les voyelles *i, *ĭ, *e, *ę et *j[4] :
- *k → *č / tʃ : l'indo-européen *kwetwer (« quatre ») peu changé dans le latin quatuor donne, selon la première règle de perte de la double articulation des consonnes labiovélaires le protoslave *keter et selon cette règle de palatalisation régressive *tcheter qui explique la forme actuelle de četiri en serbo-croate, четыре (četýre) en russe, čtyři en tchèque, etc.
- *g → *ž / ʒ (probablement avec un passage par dʒ) Le mot žena (« femme »), présent sous des formes similaires dans la plupart des langues slaves, est issu du proto-indo-européen *gʷḗn (« femme » dont est issu queen en anglais ou gunè en grec ancien qui nous a donné gynécée, gynécologie, etc. Comme l'exemple précédent, il perd la double articulation pour devenir *gena puis *žena
- *x → *š / ʃ
Historiquement parlant, cette palatalisation a dû avoir lieu après le second siècle de notre ère quand les tribus slaves rentrent en contact avec les tribus germaniques puisque les mots empruntés du gotique comme *kuning → *kŭnędzĭ (« roi ») et *pfenning → *pěnędzĭ (penny en anglais : « sou, argent ») montre qu'elle est opérante, ce qui n'est plus le cas après les grandes migrations : au IXe siècle, les Russes entrent en contact avec les Varègues qu'ils appellent варѧгъ (varęgŭ) sans palataliser ce g final. Il en va de même des mots liturgiques, empruntés du latin en ce qui concerne les langues slaves occidentales ou du grec pour les orientaux lors de l’évangélisation qui débute à cette époque avec Cyrille et Méthode.
Notes et références
- Jiri Rejzek, Cesky etymologicky slovnik, Leda, Prague, 2001
- (en) Theodore M. Lightner, Problems in the Theory of Phonology, I: Russian phonology and Turkish phonology, Edmonton, Linguistic Research, inc, 1972
p.130
- Voir, quelques lignes ci-dessus, l'exemple de l'indoeuropéen *dʰugʰəter qui donne *dekti en protoslave : le ə central a disparu.
- (en) Sara G. Thomason, « What Else Happens to Opaque Rules? », dans Language, vol. 52, 1976, p. 370-381
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