Félix Éboué

Félix Éboué
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Félix Éboué
DeGaulle in Chad.jpg
Charles de Gaulle et le gouverneur-général Félix Éboué au Tchad vers octobre 1940.

Mandats
Gouverneur de la Martinique
juillet 1933janvier 1934
Gouverneur de Guadeloupe
19361938
Gouverneur du Tchad
19381940
Gouverneur général de l'Afrique-Équatoriale française
11 août 194115 février 1944
Prédécesseur Edgard de Larminat
Biographie
Nom de naissance Adolphe Sylvestre Félix Eboué
Date de naissance 26 décembre 1884
Lieu de naissance Cayenne, Guyane
Date de décès 17 mai 1944 (à 59 ans)
Lieu de décès Le Caire, Royaume d'Égypte
Nationalité Française
Conjoint Eugénie Tell
Diplômé de Lycée Michel-Montaigne
École coloniale
Profession Administrateur colonial

Adolphe Sylvestre Félix Eboué (26 décembre 1884, Cayenne, Guyane - 17 mai 1944, Le Caire, Égypte) était un administrateur colonial, résistant et homme politique français. Il fut en son temps un grand humaniste, membre de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) jusqu'en septembre 1939 et franc-maçon.

Sommaire

Enfance

Félix Éboué est né le 26 décembre 1884, petit-fils d'esclave, à Cayenne. Il est le quatrième d'une famille de cinq enfants, dont quatre frères : Yves, Edgard, Max, Félix le cadet et une sœur, Cornélie, mariée plus tard à Félix Gratien et qui eut quatre enfants : Yves, Elie, Aurélia et Solange Gratien.Les trois frères de Félix Eboué n'étaient pas mariés et moururent jeunes par noyade ou ayant contracté des maladies comme chercheurs d'or. Son père, Yves Urbain Éboué, était orpailleur, d'abord sur le placer « Enfin » (Haute Mana), puis directeur-adjoint du placer « Dieu Merci ». Sa mère, Marie Joséphine Aurélie Léveillé, épicière originaire de Roura, remplaça les absences fréquentes et prolongées de son mari pour élever ses enfants. Madame Éboué possédait une connaissance pointue des traditions guyanaises en particulier des dolos (proverbes guyanais) qui émaillaient ses phrases. La mère de Félix Eboué qu'on surnommait "Man-lie" était une catholique fervente et avait la réputation d'avoir une connaissance profonde des coutumes créoles qu'elle légua à ses enfants pour qu'ils aient un bon souvenir de Cayenne.

Études

Après de brillantes études à Cayenne, il obtient en 1898 une bourse d'étude pour la métropole et part pour Bordeaux, inscrit au lycée Montaigne. Dans la capitale girondine, en complément de ses études, Félix Éboué s'adonne au sport et particulièrement au football et devient capitaine de l'équipe du lycée, les « Muguets ». Avec celle-ci, il se rend à Strasbourg, en Belgique et en Angleterre. Ces déplacements lui permettent d'étudier sur le vif le tempérament des joueurs et des habitants des régions visitées. Les comptes rendus des journaux régionaux (Le Phare de la Loire, Le Populaire) enregistraient les succès de l'équipe bordelaise et rendaient avec détails, l'entrain et l'adresse d'un joueur noir de cette équipe auquel était due en grande partie la victoire. Sous les couleurs du Stade bordelais U.C. (SBUC) et du Sporting Club Universitaire de France (SCUF)[1], il connaît les joies du stade. Il obtient à Bordeaux son baccalauréat ès lettres, puis va s'installer à Paris où il suit des études de droit tout en suivant l'enseignement de l'École coloniale (où sont formés les administrateurs de la France d'Outre-Mer). Il obtient en 1908 sa licence à la faculté de droit.

Carrière d'administrateur en Afrique équatoriale française (AEF)

Élève administrateur des colonies puis administrateur-adjoint Félix Éboué est affecté en 1910 en Afrique équatoriale française à Madagascar puis en Oubangui-Chari. Il s'efforce d'apprendre les usages et coutumes de ses administrés, ce qui lui permet de mieux asseoir son administration. Ainsi, il fait publier en 1918 une étude sur les langues Sango, Banda et Mandjia.

Son approche de l'administration tenant compte de l'épanouissement des valeurs humaines et sociales dans la concertation et le respect des traditions africaines est très appréciée et il est nommé en 1927 chevalier de la Légion d'honneur sur la proposition du ministre de l'Instruction Publique.

Il a passé vingt années de service en Afrique équatoriale française, qui lui ont permis de donner sa mesure et de révéler ses qualités d'administrateur.

Congés en Guyane

Durant trois congés successifs, Félix Éboué revint en Guyane retrouvant avec plaisir sa famille et ses amis et partageant avec eux souvenirs et expériences africaines. C'est ainsi qu'il fit découvrir l'écrivain René Maran, guyanais comme lui, adjoint des Affaires Civiles en AEF, qui en 1921 reçut le prix Goncourt pour son roman Batouala.

Sa mère meurt en 1926, rejoignant son père disparu des années auparavant.

Aux Antilles françaises

Félix Éboué est nommé secrétaire général en Martinique, de juillet 1933 à janvier 1934 pour remplacer le gouverneur titulaire parti en congé pour deux ans.

Après un passage au Soudan français, il est élevé au rang de gouverneur et nommé en Guadeloupe en 1936. C'est le premier noir à accéder à un grade aussi élevé. En Guadeloupe, il met en pratique son esprit de conciliation dans un contexte social troublé. À l'occasion de la remise solennelle des prix le 1er juillet 1937 au lycée Carnot de Pointe-à-Pitre, il adresse à la jeunesse d'Outre-Mer son célèbre discours « Jouer le jeu » dont voici quelques extraits :

« Jouer le jeu, c'est être désintéressé
Jouer le jeu, c'est piétiner les préjugés, tous les préjugés et apprendre à baser l'échelle des valeurs sur les critères de l'esprit.
Jouer le jeu, c'est mépriser les intrigues et les cabales, ne jamais abdiquer, malgré les clameurs ou menaces, c'est poursuivre la route droite qu'on s'est tracée.
Jouer le jeu, c'est savoir tirer son chapeau devant les authentiques valeurs qui s'imposent et faire un pied-de-nez aux pédants et aux attardés.
Jouer le jeu, c'est aimer les hommes, tous les hommes et se dire qu'ils sont tous bâtis sur une commune mesure humaine qui est faite de qualités et de défauts.
Jouer le jeu, c'est mériter notre libération et signifier la sainteté, la pureté de notre esprit... »

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Devant la menace d'un futur conflit, il est nommé en 1938 gouverneur du Tchad, avec mission d'assurer la protection de la voie stratégique vers le Congo français ; il fait construire les routes qui devaient permettre en janvier 1943 à la colonne Leclerc de remonter rapidement à travers le Tibesti vers l'Afrique du Nord.

Dès le 18 juin 1940, Félix Éboué se déclare partisan du général de Gaulle, dont il a entendu l'appel à la radio. Le 26 août, à la mairie de Fort-Lamy, il proclame, avec le colonel Marchand, commandant militaire du territoire, le ralliement officiel du Tchad au général de Gaulle, donnant ainsi « le signal de redressement de l'empire tout entier » et une légitimité politique à la France libre, jusqu'alors dépourvue de tout territoire. René Pleven, envoyé du général de Gaulle assistait à cette proclamation. Le 15 octobre Félix Éboué reçoit de Gaulle à Fort-Lamy, qui va le nommer, le 12 novembre, gouverneur général de l'Afrique équatoriale française. Le 29 janvier 1941, il figure parmi les cinq premières personnes à recevoir du général de Gaulle la croix de l’ordre de la Libération. Il transforme l'AEF en une véritable plaque tournante géostratégique d'où partent les premières forces armées de la France libre, conduites par les généraux de Larminat, Kœnig et Leclerc.

Résidant à Brazzaville, il organise une armée de 40 000 hommes et accélère la production de guerre où il peut enfin appliquer la « politique indigène » qu'il a eu le temps de mûrir au cours de sa longue carrière.

Sa politique indigène 

À l'exemple de Lyautey, il souhaitait que les autochtones puissent conserver leurs traditions et pensait que l'appui des chefs coutumiers était indispensable. Il combattit pour l'insertion de la bourgeoisie indigène dans la gestion locale. Il a consigné toutes ses idées dans son étude intitulée La Nouvelle Politique indigène pour l'Afrique équatoriale française.

La conférence des hauts dirigeants administratifs des territoires africains tenue à Brazzaville le 22 janvier 1944 retient la thèse d'Éboué sur l'assimilation. Il ne voit pas les réalisations issues de cette conférence. Fatigué, il part se reposer en Égypte, après avoir séjourné en Syrie. Il meurt d'une congestion cérébrale au Caire le 17 mai 1944 entouré de sa femme, de sa fille et de son fils cadet .

Famille

Le 14 juin 1922, au cours d'un de ses congés en Guyane, Félix Éboué s'est marié à Saint-Laurent-du-Maroni avec Charlotte Andrée Eugénie Tell (1891-1972, notamment conseillère de la République -sénatrice-, sous la IVe République), institutrice de sept ans sa cadette et amie de sa sœur[2] Cornélie (devenue Madame Félix Albert Gratien et qui repose actuellement au cimetière de Thiais près de Paris avec ses enfants Aurélia et Yves Gratien). Le couple a eu deux enfants :

  1. Ginette, née le 1er mars 1923 à Paris et décédée en 1992, qui a été mariée de 1946 à 1956 au président sénégalais et poète Léopold Senghor ;
  2. Charles Yves Joseph, né le 14 mai 1924 à Bangassou, en Oubangui-Chari (Afrique équatoriale française, actuelle République Centrafricaine), été pilote d'avion en Égypte, en Indochine et en Nouvelle-Calédonie.

Félix Éboué a eu deux autres fils de précédentes unions :

  1. Henry, né le 14 juillet 1912 à Bouka en Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine), décédé le 5 juin 1972 à Paris ;
  2. Robert, né le 18 mai 1919 à Bambari en Oubangui-Chari [3], décédé le 12 janvier 2011 à l'âge de 91 ans, dont le corps repose au cimetière des Claye-sous-Bois, près de l'église Saint-Martin des Clayes-sous-Bois (Yvelines). Il a eu deux fils, Christian et Bertin, ainsi qu'une fille, Sylvie.

Tous ses enfants ont combattu dans les Forces françaises libres, Henry et Robert dans la 1re DFL à partir de 1942, Charles dans les Forces aériennes françaises libres, Ginette dans les volontaires féminines. Henry Éboué s'est évadé d'un camp de prisonniers allemand probablement en 1942.

Hommages rendus à Félix Éboué

À Paris

Masque mortuaire de Félix Éboué au Musée de l'Ordre de la Libération.

Léopold Sédar Senghor, qui a épousé sa fille, lui a dédié un poème de son recueil Hosties Noires, qu'il écrit à Paris en 1942.

En 1946, Jacques Soustelle, Ministre de la France d'Outre-Mer, en présence de Madame Eboué, de Gaston Monnerville, de Gaston Palewski représentant le général de Gaulle, inaugura, dans la cour d'honneur du Ministère de la France d'Outre-Mer, une plaque commémorative en l'honneur de Félix Eboué.

Sur l'initiative du Gouvernement, la promotion 1947 de l'École de la France d'outre-mer fut solennellement baptisée : « Promotion du Gouverneur Félix Éboué ».

En 1947, le Conseil Municipal de la ville de Paris décida de donner le nom de place Félix-Éboué à l'ancienne place Daumesnil. Et en 1977 le Conseil de Paris a aussi donné le nom de rue Eugénie-Éboué à une voie nouvelle, pour honorer son épouse.

La France, par la loi du 28 septembre 1948 ordonna que soient inhumés au Temple de l'Immortalité (Panthéon de Paris) les restes du Premier Résistant de la France d'Outre-Mer. La dépouille mortelle de Félix Éboué fut débarquée le 2 mai 1949 à Marseille qui lui fit un émouvant accueil. Le vendredi 20 mai 1949, il a été inhumé au Panthéon en compagnie de Victor Schœlcher.

Gaston Monnerville président du Conseil de la République rappellera à cet instant que "c'est (un) message d'humanité qui a guidé Félix Éboué, et nous tous, Résistants d'outre-mer, à l'heure où le fanatisme bestial menaçait d'éteindre les lumières de l'esprit et où, avec la France, risquait de sombrer la liberté"[4]. Cela a fait de lui la première personne noire à y reposer.

Il a de plus été décoré du titre de Compagnon de la Libération. De Gaulle l'a décrit comme « un de ces noirs ardemment français ».

Pour perpétuer, à l'intérieur de l'École de la France d'outre-mer le souvenir de l'élève-administrateur de 1908, le samedi 21 janvier 1950 en présence notamment de Gaston Monnerville, de Madame Éboué et de Madame Pavie (veuve du fondateur de l'École Coloniale en 1889), un marbre fut dévoilé où l'on lit cette inscription :

« À LA MÉMOIRE DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL FÉLIX ÉBOUÉ
PREMIER RÉSISTANT DE LA FRANCE D'OUTRE-MER
NÉ À CAYENNE LE 26 DÉCEMBRE 1884 BREVETÉ DE L'ÉCOLE COLONIALE (1908)
DÉCÉDÉ AU CAIRE LE 17 MAI 1944
TRANSFÉRÉ A L'ÉCOLE, PUIS AU PANTHÉON LE 20 MAI 1949 »

À Cayenne

Statue de Félix Éboué à Cayenne

Le 14 juillet 1944 eut lieu, l'attribution du nom de Félix Éboué à la rue Richelieu qui passe devant sa maison natale. La Guyane lui a dédié un lycée à Cayenne inauguré le 3 novembre 1944 dans le bâtiment même ou Éboué a débuté ses études au collège, une salle de la préfecture et lui a dédié un musée situé dans sa maison natale.

Le 13 mars 1946 fut inauguré sur la place des Palmistes à Cayenne une statue à son effigie réalisée par le sculpteur Maurice Gardon. Les inscriptions qui figurent sous la statue de Félix Éboué sont d'André Malraux (d'après l'épitaphe de Simonide la bataille des Thermopyles (-480)) :

« Étranger, va dire à Lacédémone que ceux qui sont morts ici sont tombés sous sa loi. Passant, va dire aux Enfants de notre Pays :
De ce qui fut le visage désespéré de la France, les yeux de l'homme qui repose ici, n'ont jamais reflété que les traits du courage et de la liberté. »

Le 11 décembre 2009, l'Assemblée Générale de la Chambre de commerce et d'industrie de la Guyane vote le changement de nom de l'Aéroport international de Rochambeau, qui deviendra l'Aéroport International Félix Éboué au cours de l'année 2010. Un site pétition a été mis en ligne, depuis le 6 avril 2010 afin de promouvoir ce changement de nom.

À Brazzaville

La capitale du Congo et ancienne capitale de l'AEF conserve le souvenir de l'ancien Gouverneur Général:

  • Statue de Félix Éboué par le sculpteur Jonchère, posée en 1957 devant le stade qui porte son nom.
  • L'ancienne Avenue Félix Faure est devenue après la Guerre l'Avenue Félix Éboué (quartier de la Plaine).
  • Le stade au rond point du quartier de Poto-Poto porte son nom.
  • Au Palais du Peuple, ancien palais du Gouvernement Général et actuelle Présidence, a été reconstitué son bureau.

À Ndjamena (l'ancienne Fort-Lamy)

  • Lycée Félix Éboué (public)

Monument Éboué-Leclerc

À Fessenheim

  • Collège Félix Éboué (public)

Notes et références

  1. http://www.scuf.org/histoire-eboue.htm
  2. Georges Renauld, Félix Éboué & Eugénie Éboué-Tell: défenseurs des peuples noirs, Détrad-aVs, 2007, 189 pages, p. 38.
  3. Élie Castor, Raymond Tarcy, Félix Éboué, L'Harmattan, 1984, p. 10.
  4. http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/page/affichegh.php?idGH=225&idLang=nl

Bibliographie

  • Élie Castor, Raymond Tarcy, Félix Éboué: gouverneur et philosophe, L'Harmattan, 1984, 359 p. (ISBN 2-85802-426-7) 
  • René Maran, Félix Eboué: grand commis et loyal serviteur, 1885-1944, L'Harmattan, 2007, 101 p. (ISBN 9782296039193) 
  • Albert M'Paka, Félix Eboué, 1884-1944, gouverneur général de l'Afrique équatoriale française, premier résistant de l'Empire, grand Français, grand Africain, L'Harmattan, 2008, 344 p. (ISBN 9782296061873) 
  • Josette Rivallain (dir.) et Hélène d'Almeida-Topor (dir.), Éboué, soixante ans après : actes du Colloque organisé en 2004, Publications de la SFHOM, 2008, 432 p. (ISBN 9782859700393) 
  • (en) Brian Weinstein, Éboué, Oxford University Press, 1972, 350 p. 

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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