Crise congolaise

Crise congolaise
Page d'aide sur l'homonymie Ne pas confondre avec la Première guerre du Congo, 1996-1997, ou la Deuxième guerre du Congo, 1998-2002

La Crise congolaise (1960-1965) fut une période de troubles au cours de la Première république du Congo-Kinshasa, qui débuta avec l'indépendance nationale contre la tutelle de la Belgique, et finit avec la prise du pouvoir de Joseph Mobutu. La crise prit diverses formes, dont des luttes anti-coloniales, des affrontements interethniques, une guerre sécessionniste avec la province du Katanga, une opération de maintien de la paix des Nations unies, et une guerre froide quand le pays servit de théâtre aux luttes d'influences entre les États-Unis et l'Union des républiques socialistes soviétiques. Deux disparitions importantes marqueront cette crise : le Premier ministre Patrice Lumumba, assassiné en 1961, et celle du secrétaire général des Nations unies, Dag Hammarskjöld, décédé dans un accident d'avion.

Sommaire

Contexte

Avant l'établissement de la Première république en 1960, les élites congolaises avaient formé des organisations semi-politiques qui se constituèrent progressivement en partis politiques réels militant pour l'indépendance. Ces organisations avaient généralement pour base l'une de ces trois origines : communauté ethnique, communauté d'études, intellectualisme urbain.

La plus importante de ces organisations était l'Alliance des Bakongo (ABAKO), fondée en 1950, qui était une association ethnique fondée pour promouvoir les intérêts et la langue des Bakongo (ou Kongo). L'ABAKO, dirigée par Joseph Kasa-Vubu au cours de la crise, fut à la tête des demandes les plus insistantes pour l'indépendance et le fédéralisme. D'autres organisations moins connues étaient Liboke lya Bangala, qui défendait les ethnies proches des Bangala, et la Fédékaléo – qui comprenait des personnes originaires du Kasaï. Cette dernière se scinda par après en différentes organisations plus petites. Bien que ces organisations défendaient des intérêts issus des provinces, elles étaient cependant basées à Léopoldville, une des raisons d'être de leur création étant la nécessité de maintenir des liens entre les groupes d'origine et les nombreux immigrés dans la capitale.

D'autres groupes étaient les différentes associations Alumni —dont les membres se recrutaient parmi les anciens étudiants des écoles catholiques congolaises. De nombreux dirigeants politiques venaient de ces associations, dont les réseaux étaient fort développés.

La troisième origine de ces groupes politiques était les Cercles, des associations qui se développèrent dans les villes congolaises, qui avaient l'ambition de développer la solidarité entre les évolués (élites éduquées). Selon Patrice Lumumba, le leader des cercles de Stanleyville, les cercles furent créés pour "développer la formation intellectuelle, sociale, morale et physique" des évolués.

Le plan de 30 ans

Au début des années 1950, la Belgique fut progressivement mise sous pression pour transformer le Congo belge en un état souverain. La Belgique avait en effet signé l'article 73 de la Charte des Nations unies, qui encourageait l'autodétermination des peuples, et les super-puissances poussaient également à une révision du statut du Congo. Les gouvernements belges ne s'aventurèrent cependant pas davantage en cette direction. Cependant, le professeur A.J. Van Bilsen publia en 1955 une étude intitulée Plan de 30 ans pour l'émancipation politique de l'Afrique belge. La durée attendue pour le déroulement de ce plan, était la durée qu'escomptait Van Bilsen pour la formation et la mise en place d'élites locales capables d'assurer la gestion de l'État. Le gouvernement belge et de nombreux évolués étaient sceptiques à propos de ce plan, les premiers refroidis par la perspective d'abandonner le pays, et les seconds par l'importance de la durée de cette transition. Un groupe d'évolués catholiques répondit cependant positivement à ce plan par un manifeste publié dans un journal congolais, la Conscience Africaine, le seul point contesté étant la faiblesse de la participation locale dans la mise en place de ce plan. L'association ethnique ABAKO décida de prendre ses marques à l'égard de ce plan, en partie à cause du fait que nombre de ces évolués catholiques n'étaient pas d'origine ethnique Bakongo dont l'ABAKO défendait les intérêts, mais aussi parce qu'elle défendait des positions plus radicales, et moins graduelles quant à la fin du colonialisme. L'ABAKO demandait la mise en place immédiate d'un pouvoir indépendant pour le Congo.

L'indépendance

À partir de 1955, la Belgique prit l’initiative de décoloniser le Congo, l’indépendance était prévue entre 1980 et 2000 mais l’indépendance des colonies françaises et les émeutes du 4 janvier 1959 accélérèrent ce processus. Au cours d’une table ronde de Bruxelles, l’indépendance fut fixée au 30 juin 1960. Il n'y avait alors que trente universitaires diplômés, mais 466 étudiants congolais dans les deux premières universités d'Afrique centrale (à Léopoldville et à Elisabethville) et 76 dans certaines universités européennes. Au surplus, le Congo comptait plus d'un milliers de diplômés en médecine, pédagogie, agronomie, science vétérinaire, en technologie et en théologie, et le taux de scolarisation (55%) y était le plus haut de tous les pays tropicaux, ainsi que le nombre d'écoles par rapport à la population (une pour 75 élèves), le plus haut niveau d'instruction (50 à 55%) et les plus fortes dépenses pour l'enseignement (en 1958 et 1959, 2 100 millions de francs annuellement, soit 15% du budget)[1].

Le 29 juin 1960, une tentative de proclamer l’indépendance du Katanga fut déjouée par les services secrets belges.
L’indépendance de la République du Congo (Congo-Léopoldville) fut proclamée le 30 juin 1960, avec Joseph Kasa-Vubu comme Président et Patrice Lumumba comme Premier ministre. Le pays partageait son nom avec celui de la République du Congo à l'ouest, une colonie française ayant gagné son indépendance en 1960 également, et elles étaient distinguées par le nom de leur capitale, Congo (Léopoldville) et Congo (Brazzaville).

Déroulement de la crise

Carte des parties contrôlées par les acteurs de la crise congolaise : en jaune, le gouvernement de Léopoldville ; en rouge le gouvernement de rébellion basé à Stanleyville ; en vert le Katanga autonome ; en bleu le Kasaï indépendant.

La première république

Mutineries

Malgré la proclamation de l'indépendance politique, le nouvel État ne disposait que de peu d'officiers nationaux, et des officiers étrangers restèrent en place en l'attente de la formation des élites nationales. Le 5 juillet 1960, l'armée (la Force Publique) basée à proximité de Léopoldville se mutina contre les officiers blancs et attaqua différentes cibles européennes. Il y eut de nombreuses exactions, dont des meurtres et des viols. Ceci causa une grande inquiétude, car 100 000 Européens vivaient au Congo, la plupart dans la capitale, et cet événement brisa la crédibilité du nouveau gouvernement qui se montrait incapable de contrôler sa propre armée.

Ceci conduisit immédiatement à une intervention militaire au Congo par la Belgique pour assurer la sécurité de ses citoyens. Le retour des forces militaires belges était une violation claire de la souveraineté nationale du nouvel État, l'aide de la Belgique n'ayant pas été demandée.

La sécession du Katanga

La province méridionale du Katanga, riche en minerais de toute nature, déclara son indépendance sous le nom d'État du Katanga. Son dirigeant, Moïse Tshombe, était un ennemi de longue date de Patrice Lumumba. Tshombe était un proche des compagnies industrielles et minières qui exploitaient notamment dans la province le cuivre, l'or et l'uranium, et qui craignaient de voir disparaître la source même de leur existence, car il croyaient que Lumumba allait nationaliser les mines du pays. Sans le Katanga, le Congo voyait son économie amputée.

Tshombe proclama, le 11 juillet, l’indépendance du Katanga et se proclama, lui-même, par la même occasion, président du nouvel État du Katanga.

Les Katangais d’origine (Lunda, Minungu, Basonge ...) commencèrent immédiatement, sous l’égide de Tshombe et Godefroid Munongo, à persécuter les Katangais d’origine kasaïenne, ceux-ci furent tués ou expulsés au Kasaï notamment dans la ville de Bakwanga (aujourd’hui Mbuji-Mayi).

L'assassinat de Lumumba

Soixante-sept jours après sa prise de pouvoir, Patrice Lumumba fut démis par le Président Joseph Kasa-Vubu. Lumumba, à son tour, essaya vainement de destituer Kasa-Vubu. Lumumba fut dès lors placé en résidence surveillée à la résidence du Premier ministre.

Lumumba décida alors de s'échapper. Il quitta sa résidence caché dans la voiture diplomatique d'un visiteur, il prit la route en direction de Stanleyville. Joseph Mobutu, à la tête de l'armée, lança ses troupes à sa poursuite. Lumumba fut finalement rattrapé alors qu'il traversait la rivière Sankuru, et capturé par des soldats fidèles à Mobutu.

Lumumba appela les troupes locales des Nations unies à son secours. Celle-ci refusèrent de lui venir en aide sur ordre du commandement de New York. Il fut d'abord amené à Léopoldville, où il fut battu et humilié devant journalistes et diplomates.

D'autres mauvais traitements suivirent à la villa de Mobutu. Le Premier ministre élu fut battu devant les caméras de télévision. Lumumba fut ensuite transféré à Thysville, à 150 kilomètres de Léopoldville avec deux de ses ministres Okito et Mpolo

Les Belges décidèrent d'une issue plus brutale par télégraphe, en livrant Lumumba à son pire ennemi, le Président du Katanga Moïse Tshombe. Le télégramme disait : « Il faut livrer Satan au juif ».

Lumumba et ses ministres furent battus également au cours du vol qui les emmenaient à Élisabethville le 17 janvier 1961. Ils furent livrés aux soldats Katangais , et conduit à la Villa Brouwe où l’attendaient Tshombe et ses ministres, ceux-ci les giflèrent et leur crachèrent au visage. Ils furent gardés et brutalisés à plusieurs reprises. Après cela le Président Tshombe et son cabinet statuèrent sur leur sort.

La même nuit, Lumumba fut emmené dans la savane hors de la ville. Le convoi s'arrêta à côté d'un grand arbre. Trois pelotons d'exécution avaient été également amenés, commandés par un officier belge. Un autre officier belge commanda le peloton d'exécution. Lumumba et deux de ses compagnons issus du gouvernement furent alignés contre l'arbre et exécutés. Le Président Tshombe et deux de ses ministres assistèrent aux exécutions successives. Le corps des trois individus furent ensuite coupés en morceaux, trempés dans de l’acide et brûlés.

Rien ne fut dit pendant trois semaines, même si la rumeur de leur mort se propagea rapidement. La mort de Lumumba fut annoncée sur une radio katangaise, et travestie sous une histoire peu plausible incluant une évasion et un assassinat par des villageois hors contrôle.

Mobutu et la Deuxième république

En 1965, Joseph Mobutu prit le pouvoir avec l'accord des pays occidentaux, qui le voyaient comme un rempart contre le communisme en Afrique. Il instaura un parti unique, à l'exclusion de toutes les autres formations politiques.

À cette époque, Che Guevara arriva au Congo. Che se plaça sous le commandement du jeune Laurent-Désiré Kabila qui opérait dans la région de Fizi, qui prit le pouvoir quelque 30 années plus tard. Selon Che Guevara, son aventure congolaise fut un fiasco, et il retourna rapidement à Cuba.

Au cours des trois décennies suivantes, Mobutu fut à la tête de l'un des régimes africains les plus durs, corrompus et dictatoriaux.

Bien que le pays soit riche en ressources naturelles comme le cuivre l'or et les diamants, une grande partie de la population continuait à vivre dans la pauvreté. Mais Mobutu amassait une fortune personnelle estimée à 5 milliards de dollars.

Après avoir changé le nom de la région en Zaïre en 1971, Mobutu poursuivit les purges des restes du colonialisme. En plus de changer le nom de la région et de beaucoup de villes, les plus grandes industries furent nationalisées. Beaucoup de personnes éliminèrent leur nom occidental.

Comme la situation économique et politique empirait, Kabila, une nouvelle fois, commença un mouvement militaire à partir de l’est du Zaïre en octobre 1996 pour le déposer. Comme la rébellion avançait, pour la vaincre, Mobutu revint d'Europe où il suivait un traitement médical.

Mais en mai, avec son régime à la traîne, Mobutu s'enfuit au Togo et ensuite au Maroc. La France refusa son séjour pour traitement médical. Moins de quatre mois après le début de son exil, Mobutu mourut en septembre 1997 au Maroc.

Voir également

Liens externes

Bibliographie

En français

  • Bouvier, P., L'accession du Congo-Belge à l'indépendance, Bruxelles, ULB, 1965.
  • Braeckman, C. et alii, Congo-Zaïre : la colonisation, l'indépendance, le régime Mobutu et demain, Bruxelles, GRIP, 1990.
  • Gérard-Libois, J., Sécession au Katanga, Bruxelles, CRISP, 1963.

En anglais

  • De Witte, Ludo. (2001) The Assassination of Lumumba, Verso. Publication of book resulted in Belgian parliamentary commission and official apology from Belgium for role in the assassination of Lumumba.
  • Epstein, Howard (ed). (1974) Revolt in the Congo, 1960-1964, Armor Books. Essays by various authors.
  • George Martelli, Leopold to Lumumba : a history of the Belgian Congo, 1877-1960..
  • Gondola, Ch. Didier. (2002) The History of Congo, Greenwood Press, ISBN 0-313-31696-1.
  • Kanza, Thomas. (1979) The Rise and Fall of Patrice Lumumba, Schenkman.
  • Legum, Colin. (1961) Congo Disaster, Penguin Books.
  • Lemarchand, René, (1964) Political Awakening in the Belgian Congo, University of California Press.
  • Lumumba, Patrice. (1962) Congo, My Country, Pall Mall Press. Speeches and selected writing by Lumumba.
  • Weiss, Herbert. (1967) Political Protest in the Congo: The Parti Solidaire Africain during the Independence Struggle, Princeton University Press.
  • Weissman, Stephen R. (1974) American Foreign Policy in the Congo, 1960-1964, Cornell University Press.

Notes et références

  1. George Martelli, Leopold to Lumumba : a history of the Belgian Congo, 1877-1960..