Crise des missiles de cuba

Crise des missiles de cuba

Crise des missiles de Cuba

Photographie aérienne des missiles nucléaires soviétiques installés à Cuba

La crise de Cuba (aussi appelée crise des missiles – ou fuséesnucléaires de Cuba, affaire des missiles/fusées de Cuba, ou simplement crise/affaire des missiles/fusées) est une série d'événements survenue du 16 octobre au 28 octobre 1962 et qui, ayant opposé les États-Unis et l'Union soviétique au sujet des missiles nucléaires soviétiques pointés sur le territoire des États-Unis depuis l'île de Cuba, plaça le monde au bord de la guerre nucléaire. La Crise de Cuba est une limite à la coexistence pacifique.

Sommaire

Événements précurseurs de la crise

Durant les années 1950, les États-Unis avaient une grande influence sur la politique de la République de Cuba, devenue indépendante vis-à-vis de l'Espagne en 1898 suite à la guerre hispano-américaine. En janvier 1959, le dictateur Fulgencio Batista est renversé par une guérilla, menée par Che Guevara et Fidel Castro et soutenue par la majorité du peuple cubain. Fidel Castro, parvenu au pouvoir, entreprend une réforme agraire le 17 mai 1959, et en octobre 1960 nationalise les intérêts américains à Cuba.

Les représailles américaines, notamment à l'instigation et sous la pression de la United Fruit Co (entreprise bananière qui compte parmi les entreprises nationalisées de l'île), commencent cinq mois plus tard :

  • Le 21 octobre, un bimoteur contre-révolutionnaire mitraille La Havane, provoquant deux morts et une cinquantaine de blessés, tandis qu’un autre petit avion largue de la propagande subversive.

Ces représailles sont suivies, le 17 avril 1961, par un débarquement de 1 400 hommes soutenus par une force aérienne, dans la baie des Cochons. Il s'agit, pour la plupart, d'exilés cubains anti-castristes entraînés par la CIA dans un camp au Guatemala, dans le cadre d'une opération financée par l'administration Eisenhower. Différentes villes sont bombardées, mais les forces castristes viennent à bout de cette invasion. Très peu de combattants furent tués. Les autres, définis par Fidel Castro comme des gusanos (« vermine »), sont faits prisonniers pour pouvoir échanger leur liberté contre des médicaments.

Le 20 janvier 1961, J.F. Kennedy, qui succède à D. Eisenhower, déclare assumer la pleine responsabilité de cette action. En novembre 1961, les États-Unis déploient 15 missiles Jupiter en Turquie et 30 autres en Italie, lesquels sont capables d'atteindre le territoire soviétique. Commence également, le 7 février 1962, un embargo contre Cuba, lequel est toujours d'actualité aujourd'hui.

Début de la crise

Les opérations soviétiques Anadyr et Kama

En mai 1962, Krouchtchev déclenche l'Opération Anadyr : il envoie 50 000 soldats, 36 missiles nucléaires SS-4 et 2 SS-5 ainsi que 4 sous-marins à Cuba pour prévenir les Etats-Unis de la tentation d'envahir l'île.

Cette île, devenue alliée de l'Union soviétique et considérée par les Américains comme ennemie, est partiellement contrôlée par l'armée des États-Unis qui ont une base à Guantánamo. Toutefois, Cuba se trouve à moins de 200 km de la Floride, ce qui rend le territoire des États-Unis vulnérable à ces missiles, ceux-ci ne pouvant être détectés suffisamment à l'avance pour garantir la riposte immédiate exigée par la politique de dissuasion.

Le 2 octobre 1962 débute l'opération Kama : quatre sous-marins d'attaque diesel-électrique de classe Foxtrot de la marine soviétique appareillent de la presqu'île de Kola, avec à leur bord des torpilles nucléaires (leur utilisation aurait pu déclencher une guerre nucléaire à l'initiative de l'URSS ; la nature nucléaire de ces torpilles ne fut révélée qu'en 2001). Les commandants Shumkov, Ketov, Savisky et Dubivko avaient pour mission de rejoindre le convoi de cargos soviétiques qui faisait route vers Cuba, avec à leur bord les missiles nucléaires destinés à compléter le dispositif déjà en place sur l'île. Ils avaient pour mission de protéger le convoi, si besoin au prix du torpillage des navires qui tenteraient de s'interposer.

John McCone, directeur de la CIA, rend compte au Conseil de sécurité nationale que, compte tenu des mauvaises conditions météo, les prises de vues par les avions de reconnaissance Lockheed U-2 sont impossibles. Le 13 octobre, les sous-marins soviétiques franchissent la « barrière AçoresTerre-Neuve », après avoir essuyé, le 9 octobre, une tempête qui a causé des avaries à bord.

La découverte des rampes de lancement et le blocus

Photo aérienne d'un site de lancement prise le 17 octobre 1962

Le 14 octobre, le commandant Rudolf Anderson Jr., à bord de son U-2 (un avion de reconnaissance), survole les sites d'installation des missiles et prend des photographies aériennes. Le lendemain, la lecture des films révèle aux États-Unis que l'URSS est en train d'installer des missiles SS-4 à tête nucléaire à Cuba. Rampes de lancement, missiles, bombardiers, fusées et conseillers soviétiques sont repérés à Cuba. On repère également 26 navires soviétiques transportant des ogives nucléaires (opérationnelles en 10 jours) en route vers l'île.

Le 16 octobre, le Président Kennedy informé convoque le Conseil de sécurité nationale. Kennedy prône une action militaire directe. Robert McNamara propose un blocus maritime de l'île jusqu'au retrait des missiles de Cuba.

Le 22 octobre, alors que le commandant Anderson Jr. annonce que la mise en place du blocus maritime prendra environ 149 jours, McCone informe le Président de la présence de quatre sous-marins soviétiques. Kennedy demande à Khrouchtchev l'arrêt des opérations en cours, annonce au peuple américain la teneur des informations révélées par l'avion U2 et les mesures de blocus naval décidées. Le lendemain, il signe l'ordre de blocus. Les sous-marins soviétiques atteignent la ligne de blocus en même temps que les navires de la flotte US. Moscou ne peut en être informé à cause de la saturation des réseaux de communication. La liaison enfin rétablie, les commandants des sous-marins reçoivent de Moscou l'ordre de poursuivre leur route. Kennedy, lui, obtient la promesse que la France, le Royaume-Uni et les autres nations occidentales le soutiendront en cas de guerre contre l'URSS. Le Canada est un peu tardif en raison de l'animosité entre le Premier Ministre Diefenbaker et Kennedy, mais le Ministre de la Défense du Canada met en état d'alerte les forces maritimes, aériennes et terrestres canadiennes sans avertir le Premier Ministre.

Le 24 octobre, à 10h00, le blocus est en place. Trente cargos soviétiques sont en route. Parmi eux, quatre ont des missiles nucléaires dans leurs soutes. Deux arrivent sur la ligne de blocus : le Khemov et le Gagarine. À 10h25, les cargos stoppent. Khrouchtchev juge inutile de rompre le blocus. Les missiles déjà en place à Cuba suffisent.

Le 25 octobre, douze cargos rebroussent chemin. Les autres poursuivent leur route.

Le 26 octobre, Khrouchtchev fait savoir à Kennedy, par le biais d'un homme d'affaires américain de retour aux États-Unis suite à un voyage à Moscou, qu'il continuera son action : « Si les États-Unis veulent la guerre, alors nous nous retrouverons en enfer. »

Un des sous-marins soviétiques est détecté au sonar par les Américains. La chasse est lancée.

Le 27 octobre, l’U2 du commandant Anderson Jr. est abattu. Khrouchtchev n'avait pas donné cet ordre. Il ne souhaitait pas accomplir le premier geste. Mais le Conseil national de Sécurité analyse cette action comme une escalade. Kennedy donne l'ordre en cas de nouvelle agression de bombarder les sites de missiles.

Le 27 octobre, lettre (...) de Khrouchtchev lui même, qui laisse entendre que celui-ci est prêt à négocier.

Le 28 octobre au matin, deuxième lettre de Khrouchtchev (mais rédigée par le Politburo) laisse entendre qu'aucune négociation ne peut se faire. Le même jour, la CIA annonce que 24 missiles sont désormais opérationnels et pointés sur des points précis du sol américain.

Khrouchtchev annonce sur Radio Moscou qu'il donne l'ordre de démanteler les sites de missiles. La chasse aux sous-marins bat son plein. Deux d'entre eux font surface, batteries à plat, pour les recharger. Ils font comprendre aux navires de la Navy de ne pas les provoquer. Le Dubivko, lors d'une manœuvre, se fait arracher son mat d'antenne par un de ses poursuivants. Il prend cette action comme une manœuvre délibérée. Le Shumkov est toujours en plongée. Trois grenades d'exercice sont lancées par son poursuivant pour lui intimer l'ordre de faire surface. Il choisit de plonger en lançant un leurre. Le bruit de ce dernier est pris pour un lancement de torpille, puis sa manœuvre d'évasion est éventée. À bout de ses réserves d'oxygène, Le Shumkov fait surface au milieu de quatre contre-torpilleurs de la Navy. Rendant compte de la situation à Moscou, il se voit intimer l'ordre de se tenir en mesure de réagir. Une torpille nucléaire est insérée dans le tube lance-torpille numéro 1.

Le 29 octobre, l'URSS recule et fait retirer ses navires. Elle promet également d'enlever toutes ses installations. En contrepartie, les États-Unis s'engagent à ne pas attaquer Cuba et à démonter leurs 15 fusées PGM-19 Jupiter installées en Turquie (et donc pointées vers le bloc de l'Est).

Le 1er novembre, trois des quatre sous-marins sont détectés. Le Ketov est toujours introuvable. Les sous-marins sont raccompagnés en haute mer. Le 7 novembre, Khrouchtchev accepte que les cargos soient inspectés par les navires de la Navy. La crise est évitée de peu. On ne saura qu'en 2001 que les sous-marins soviétiques étaient armés de torpilles à tête nucléaire.

Fin de la crise

Rembarquement des missiles soviétiques à Cuba

Le retrait des missiles fut décidé par Krouchtchev le 26 octobre après engagement écrit de non-invasion de Cuba par le président Kennedy. Cette clause de non-engagement est vue aujourd'hui comme un point très important de la négociation : il aurait accéléré la sortie de crise en permettant aux Soviétiques d'éviter l'humiliation.

Les Soviétiques retirent leurs missiles de Cuba et les États-Unis les missiles Jupiter de Turquie. Cependant, l'URSS ne gagnait pas autant qu'elle le croyait car le retrait des Jupiter avait été décidé par Kennedy en 1961 suite à la mise en service des premiers ICBM et SNLE beaucoup moins vulnérables. Les Jupiter furent retirés du service en 1963. Cependant, l'URSS garda son influence sur Cuba qui resta communiste et évita un éventuel renversement du régime de la part des Américains.

Les deux gouvernements décident de mettre en place le « téléphone rouge » pour avoir une relation directe.

Bilan de la crise

Le retrait des armements de Cuba fut largement tenue pour un succès personnel de John Fitzgerald Kennedy, assassiné quelques mois plus tard.

La crise de Cuba fut considérée à l'Ouest comme un sérieux échec pour Khrouchtchev, qui fit perdre du crédit de l'URSS dans le Tiers-Monde. Les Chinois accusèrent l'URSS d'« aventuristes » et de « capitularistes ». Au sein de l'URSS, la perte de crédit de Khrouchtchev va contribuer à son renversement, qui aura lieu en 1964.

L'URSS obtint cependant l'assurance que les États-Unis ne tenteraient plus de renverser le régime de Fidel Castro et symboliquement, car le retrait de l'ensemble des missiles Jupiter avait été décidé avant le début de la crise, la suppression des bases de missiles balistiques en Turquie.

La crise de Cuba est le paroxysme de la guerre froide. La concession (très médiatisée) de Khrouchtchev et celle (discrète et symbolique) de Kennedy ont engagé le mouvement de détente.

La crise de Cuba en théorie des jeux

L'affaire des missiles est devenue depuis un cas d'école en théorie des jeux à somme non-nulle. Chaque étape en est minutieusement examinée avec inventaire des réponses possibles de chaque partie, et des risques associés. L'étude suggère que la crise ne pouvait se résoudre de façon rationnelle que comme elle l'a été.

Chronologie des événements

Les États-Unis qui participèrent à l'indépendance de Cuba vis-à-vis de l'Espagne, gardèrent le contrôle sur l'île jusqu'en 1902. Ils gardèrent ensuite un contrôle indirect de l'île, jusqu'à la révolution castriste.

Voir aussi

Lien interne

Liens externes

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Filmographie

Bibliographie

  • 13 jours : la crise des missiles de Cuba, Robert Kennedy, Grasset, nouvelle édition 2001 (ISBN 2246623111)
  • L'Europe et la crise de Cuba, Charles Cogan, Armand Colin, 2003 (ISBN 2200213271)
  • Cuba. De la Révolution à la Crise des fusées, Claude Delmas, Éditions Complexe, 2006, (ISBN 2804801233)
  • (en) Defcon-2: Standing on the Brink of Nuclear War During the Cuban Missile Crisis, Norman Polmar, John D. Gresham , John Wiley & Sons, 2006, (ISBN 0471670227)
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