Réaction thermidorienne

Réaction thermidorienne

Terreur blanche (France)

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L'expression de terreur blanche[1], employée en référence à la Terreur de la Convention montagnarde, désigne les périodes de répression exercées généralement par des royalistes, dont la couleur emblématique est le blanc, contre leurs opposants.

Les premières « terreurs blanches » se déroulent dans le Sud-Est de la France, dans la vallée du Rhône, en 1795 et en 1799. En 1815, des groupes royalistes se livrent à des assassinats ou des massacres de militants, de personnalités révolutionnaires, de bonapartistes et de libéraux, avec la complicité des autorités qui mènent une répression légale.

Sommaire

Terreur blanche de 1795

La réaction thermidorienne

Jean-Lambert Tallien.

Après la chute de Robespierre, et quelques semaines où la coalition formée contre les robespierristes le 9-Thermidor semble s'unir dans la dénonciation d'un Robespierre roi, une lutte oppose, au sein de la Convention nationale, les partisans du maintien du gouvernement révolutionnaire, dirigiste, de la Terreur et de la constitution démocratique de l'an I, regroupant tous les Montagnards de l'an III, autour d'un Barère ou d'un Billaud-Varenne, et les tenants du libéralisme économique, du retour au gouvernement constitutionnel et de la rédaction d'une nouvelle constitution, fondée sur les principes de liberté et de propriété. Parmi ces derniers, on rencontre des montagnards « dantonistes », autour de Tallien, de Fréron ou de Merlin de Thionville, les députés du Marais, autour d'un Boissy d'Anglas ou d'un Sieyès et les survivants de la Gironde, réintégrés le 8 décembre 1794 et le 8 mars 1795 (78 députés reviennent siéger). De même, les anciens hébertistes connaissent un bref renouveau, après thermidor ; ils conservent les sections de Montreuil et des Gravilliers jusqu'à l'hiver.

Les Thermidoriens s'opposent sur le sens à donner au 9-Thermidor. Parmi ceux des Montagnards qui ont approuvé le 9-Thermidor, les excès de la Terreur doivent être imputés au seul Robespierre et à ses « complices ». Pour leurs adversaires, tous les terroristes - auxquels, d'ailleurs, appartenaient maints de ces députés, comme Tallien, Barras ou Fréron - sont des « tyrans » et des « buveurs de sang ». Dans ce cadre, tandis qu'une grande part des suspects - royalistes, fédéralistes, accapareurs - bénéficient d'un élargissement, de nombreux militants révolutionnaires sont arrêtés et les fonctionnaires soupçonnés de « complicité » avec le « tyran » (Robespierre) sont révoqués. Parallèlement, un certain nombre de procès de représentants en mission jugés pour leurs exactions (Carrier à Nantes ou Joseph Le Bon à Cambrai), du tribunal révolutionnaire de Paris (ouvert le 28 mars 1795), de la commission populaire d'Orange (clos par de multiples condamnations à mort le 25 juin 1795), poussés par les familles des victimes et les suspects mis en liberté, favorisent auprès de l'opinion l'image d'une Terreur violente et sanguinaire. Le gouvernement révolutionnaire est progressivement démantelé, avec l'établissement du renouvellement par quart tous les mois des membres du Comité de salut public et la diminution de ses attributions après Thermidor, puis sa disparition en 1795, la suppression du maximum le 24 décembre 1794 ou le rétablissement définitif de la Bourse de Paris le 10 octobre 1795.

Dans ce cadre, la presse modérée et royaliste se déchaîne contre les terroristes, de même que les pamphlétaires hébertistes, comme Gracchus Babeuf (du moins, jusque vers mi-novembre 1794, où l'on assiste à un retournement d'alliances, unissant jacobins et babouvistes). Le député Louis Fréron, représentant de la Convention dans le Midi avec Barras en 1793, où il s'était distingué par sa violence et ses rapines, fait reparaître à partir du 11 septembre 1794 l'Orateur du Peuple, dont il fait l'organe de la propagande réactionnaire et où il fait preuve d'un antijacobinisme virulent. De même, le royaliste Méhée de la Touche publie le pamphlet La Queue de Robespierre, et Ange Pitou répand dans les rues des refrains royalistes.

Par ailleurs, les violences verbales et physiques contre tous ceux qui ressemblent de près ou de loin à un « jacobin » se multiplient, dans tout le pays. À Paris, Tallien et Fréron - on parle de la « jeunesse dorée de Fréron » - organisent des bandes de muscadins. 2 000 à 3 000 de ces muscadins, composés de suspects sortis de prisons, déserteurs, insoumis, journalistes, artistes, clercs, courtiers, petits commerçants vivant principalement sur la rive droite et baptisés « Collets noirs » en raison de leur tenue (un habit étriqué au col de velours noir - en signe de deuil, par rapport à la mort de Louis XVI -, avec 17 boutons de nacre - en l'honneur de Louis XVII - les basques taillées en queue de morue et la culotte serrée sous le genou, les cheveux tressés et retenus par des cadenettes, avec un gourdin plombé), affichent leur rejet de l'ordre révolutionnaire. Réunis en bande autour des chanteurs et compositeurs Pierre Garat et François Elleviou, d'Ange Pitou, du dramaturge Alphonse Martainville et du publiciste Isidore Langlois, emmenés par le marquis de Saint-Huruge, un aventurier, et prenant de plus en plus une orientation contre-révolutionnaire, ils mènent une agitation bruyante dans le quartier du Palais-Royal ; ils font du tapage dans les rues en chantant Le Réveil du Peuple, se réunissent dans les cafés royalistes, lisent des journaux comme Le Courrier républicain, La Quotidienne, Le Messager du Soir, interrompent les spectacles au théâtre pour chahuter un acteur réputé « terroriste », imposer une lecture ou un air, attaquent tous ceux qui, par leurs lectures, leurs propos, leur tenue correspondent plus ou moins à la description des jacobins, font la « chasse aux bustes », contraignant la Convention à dépanthéoniser Marat le 8 février 1795, enfin, multiplient les affrontements, dont certains dégénèrent en bagarres, en meurtres et en viols de jacobines.

Jean-Baptiste Louvet de Couvray.

Les bagarres se multiplient entre la jeunesse dorée et les républicains, jacobins ou non, particulièrement avec les soldats permissionnaires ou de l'Hôtel des Invalides, notamment le 19 septembre 1794, au Palais-Égalité (le Palais-Royal). Prenant prétexte de ces violences, les autorités ferment le Club des Jacobins en novembre 1794. Même le girondin Louvet de Couvray, qui dénonce aussi bien les royalistes que les jacobins dans son journal, la Sentinelle, est pris à partie par de jeunes royalistes dans sa librairie-imprimerie du Palais-Royal, en octobre 1795.

Les Jacobins, confrontés à la double hostilité des républicains modérés et des royalistes, et le peuple de Paris, touché par la disette qui frappe la capitale à l'hiver 1794-1795, et que la politique libérale de la Convention (qui réprouve la « taxation » du prix des grains) empêche d'enrayer, réagissent et se révoltent. Toutefois, les insurrections du 12 germinal et du 1er prairial an III (avril et mai 1795) échouent, et les autorités ordonnent le désarmement des terroristes (loi du 21 germinal), astreints à résidence ; 1 200 jacobins et sans-culottes sont arrêtés, à Paris. Ce sont les dernières insurrections populaires avant la révolution de 1830.

La Terreur blanche

Profitant de la réaction thermidorienne, avec le retour des religieux réfractaires et l'afflux d'émigrés, des mouvements de vengeance spontanée des royalistes, de familles de victimes de la Terreur et de catholiques fanatiques se développent au cours de l'année 1795, dans le sud-est de la France, plus particulièrement la vallée du Rhône, contre les anciens Jacobins, particulièrement des militants sans-culottes, appelés terroristes (ou « Mathevons » à Lyon, d'où le terme de « mathevonnade »).

Exploitant réactions paysannes, vengeances populaires et actions contre-révolutionnaires, qui créent un climat de violence, des chefs contre-révolutionnaires - Saint-Christol, Arnaud de Lestang[2], Duclaux de Bésignan[3], l'ardéchois Dominique Allier[4] - recrutent parmi les jeunes gens mécontents, les anciens fédéralistes, les déserteurs et les criminels, dans un esprit de clientélisme. À Lyon, l'agent anglais Wickham, installé en Suisse, établit dans la ville une agence de propagande qui recrute des contre-révolutionnaires, comme Imbert-Colomès ou le « marquis » de Bésignan[5], et prépare une nouvelle insurrection avec Précy. Les bandes royalistes des Compagnies de Jéhu (ou de Jésus) et du Soleil, pourchassent et massacrent jacobins, républicains, prêtres constitutionnels, protestants (pour des raisons socio-économiques et politiques autant que religieuses), détenus politiques des prisons, à Lons-le-Saunier, Bourg, Lyon, Saint-Étienne, Aix, Marseille, Toulon, Tarascon, etc., généralement avec la complicité des autorités municipales et départementales, quand ce n'est pas des représentants en mission, qui s'appuient sur les royalistes dans leur lutte contre les Jacobins.

D'autres bandes sont dénoncées, qu'il s'agisse des « Triqueurs », du « Vibou » ou d'un groupe de gardes nationaux « chouans » dans le Gard regroupant nobles émigrés et « éléments populaires ». Grâce à des listes de dénonciation, elles s'attaquent aux anciens agents de l'administration et aux correspondants des sociétés populaires. Il semble que ces bandes étaient assez centralisées, le centre principal de coordination étant Lyon.

En prenant en compte le fait que les poursuites contre les auteurs des massacres étaient assez molles et les victimes parfois difficiles à identifier, on considère que 3 % des massacreurs étaient nobles, 14 % des notables et les maires des bourgs, 12 % des négociants et des professions libérales, 44 % des artisans et des boutiquiers. Par ailleurs, les paysans étaient nombreux dans les massacres commis sur les routes. De leur côté, les victimes, appartiennent dans l'ensemble à une couche plus populaire de la société - « artisans et laboureurs » à Tarascon, sans-culottes marseillais, ouvriers de l'arsenal de Toulon - et paient leur engagement révolutionnaires - 42 % sont des soldats, gendarmes, volontaires ou requis, 34 % d'anciens administrateurs et cadres jacobins, 12 % des prêtres constitutionnels et/ou abdicataires, comme le curé de Barbentane, jeté dans la Durance pieds et poings liés[6].

La Terreur blanche a lieu essentiellement dans la vallée du Rhône et le Midi de la France. D'autres bastions fédéralistes comme la Normandie ou Bordeaux ignorent, au contraire, ce phénomène. Cette localisation s'explique de grands antagonismes socio-politiques à Toulon et à Lyon, où ils opposent les fabricants en soie et les canuts. Dans la Basse-Provence occidentale et le Comtat-Venaissin - zone qualifiée de « Vendée provençale » -, des clans opposés se forment dès 1790, se radicalisant en 1793[6].

, outre la proximité de la frontière, qui facilite les infiltrations, il faut prendre en compte la violence de la guerre civile qui a opposé l'armée et les gardes nationaux républicains aux forces royalistes et fédéralistes en 1793, qui n'a d'équivalent que la guerre de Vendée. D'ailleurs, Agricol Viala, victime des royalistes près d'Avignon, est l'un des principaux martyrs de la République avec Joseph Bara. Surtout, la répression des insurrections de Lyon et du Midi avait été l'occasion d'excès sanglants (la mitraillade de prisonniers à Lyon, ordonnée par Fouché et Collot d'Herbois, l'exécution de 63 habitants de Bédoin...).

L'effondrement des structures du pouvoir jacobin et la faiblesse des autorités thermidoriennes laissent une bonne place aux modérés, voire aux royalistes. De même, la proximité de la frontière favorise les infiltrations. Face aux partisans locaux de la cause royaliste - muscadins, clergé réfractaire et parents des personnes exécutées depuis 1793 - le gros des troupes royalistes est constitué, à Lyon, de nobles, de prêtres ou d'avennturiers étrangers à la ville, réfugiés ou arrivés clandestinement de l'étranger[7]. Surtout, les journées insurrectionnelles parisiennes font craindre une flambée jacobine. Quand les sans-culottes de Toulon se soulèvent, fin floréal, et marchent sur Marseille pour délivrer les détenus, la peur s'empare des modérés, qui craignent de vivre de nouvelles journées de septembre et organisent une forme de contre-révolution préventive[8].

Outre les crimes politiques, ces massacres relèvent aussi pour une bonne part d'opérations crapuleuses, de revanches entre membres d'une communauté ou d'anciens antagonismes propres au Sud-Est, accablant protestants ou acquéreurs de biens nationaux. Ainsi, les autorités, menacées par la violence populaire de la confession religieuse adverse, n'hésitent pas à la détourner sur les anciens terroristes. Ces violences vont de l'insulte à l'assassinat de prisonniers (une centaine de victimes à Marseille ou à Avignon, une soixantaine à Aix, 47 à Tarascon, 55 entre Orange et Pont-Saint-Esprit, peut-être 2 000 au total), en passant par des attaques personnelles, des pillages, des emprisonnements et des mises à mort individuelles (notamment par lapidation). Publics, ces actes se déroulent devant des spectateurs, dans la tradition des charivaris ou des farandoles[9].

Si les assassinats se prolongent durant tout le Directoire, 1795 représente un summum. Sur 415 meurtres perpétrés de l'an III à l'an V dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, le Var et les Basses-Alpes, 66 % le sont en trois mois, de floréal à messidor an III. Après le soulèvement jacobin de Toulon le 28 floréal et l'insurrection du 1er prairial an III, les massacres atteignent un sommet en prairial avec 50 % des massacres provençaux[6].

De la Haute-Loire aux Bouches-du-Rhône, les tueurs traquent les républicains, souvent désignés par un juge de paix ou un aubergiste. Chaque jour et chaque nuit, des jacobins sont assaillis, blessés, voire jetés dans le Rhône.

À Lyon, la terreur blanche se prolonge, avec son cortège de violences, d'assassinats collectifs d'anciens responsables terroristes lyonnais et d'éliminations de dénonciateurs suite à la publication de la Liste générale des dénonciateurs et des dénoncés de la ville de Lyon en février 1795, jusqu'à la mise en état de siège de la ville en février 1798[7].

À Saint-Étienne, après la libération de nombreux suspects en fructidor an II, parmi lesquels se trouvent de nombreux notables de la ville, ainsi que les épurations successives de la mairie et du directoire du département, qui voient l'arrivée, entre décembre 1794 et janvier 1796 de personnalités compromises dans la subversion royaliste, la chasse aux Jacobins est lancée dès mars 1795. Le 12 et 13 mars 1797, encore, des muscadins, armés jusqu'aux dents, font régner la terreur dans les rues de la ville et, faisant irruption dans le cabaret Verrier, point de rencontres de Jacobins, tuent trois personnes, blessent mortellement un officier municipal, Mory, et manquent d'en tuer un autre. Le 12 nivôse an VI, le maire, Jean-Baptiste Bonnaud, est frappé à la tête vers huit du soir par deux individus, deux jours après avoir envoyé la police perquisitionner dans la maison de l'entrepreneur Jovin, où un prêtre réfractaire avait installé une chapelle clandestine. Le gouvernement finit pas mettre la ville en état de siège le 28 mars 1798, et celui-ci doit être maintenu jusqu'au 22 avril 1800[10].

Coup d'arrêt au royalisme

Louis Fréron.

Après le débarquement manqué des émigrés à Quiberon en juin-juillet 1795, et l'échec de l'insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), la Convention prend conscience de la menace royaliste et réagit en envoyant Fréron, qui réprime partiellement la Terreur blanche à la fin de 1795, avant son rappel, en janvier 1796.

À partir de ce moment, les modérés de la Convention thermidorienne cherchent à retrouver l'union de tous les républicains contre la menace royaliste. Le 24 juin, déjà, les Lyonnais sont sommés de rendre leurs armes, de chasser les étrangers et de livrer émigrés et assassins. Menacée par l'arrivée de 12 000 hommes sous les ordres de Kellermann, la ville finit par se soumettre. Les officiers jacobins destitués sont réintégrés dans l'armée (notamment Jean Antoine Rossignol, mais aussi Napoléon Bonaparte, dont l'action lors de l'insurrection de Vendémiaire relance la carrière), les poursuites contre les Montagnards sont interrompues, par le décret du 13 octobre ; une amnistie générale « pour les faits proprement relatifs à la Révolution » (dont sont exclus les émigrés, les déportés, les accusés de vendémiaire, ainsi que les faussaires) est votée le 26 octobre 1795. Le club du Panthéon, composé d'anciens terroristes et de Jacobins inconditionnels, tous issus de la petite bourgeoisie, ouvre ses portes le 6 novembre. Toutefois, les succès de la gauche inquiètent le nouveau gouvernement, où figure le modéré Carnot, et une nouvelle politique antijacobine est menée à partir de janvier 1796, notamment avec la découverte de la conjuration des Égaux, en mai 1796. De fait, entre 1795 et 1799, le Directoire ne cessera d'osciller entre une lutte contre les royalistes et les jacobins.

Chronologie

  • 14 février 1795 - Lyon. Joseph Fernex, juge de la Commission révolutionnaire en prison depuis Thermidor, est massacré et jeté dans le Rhône par une foule de « réacteurs », en plein jour. Début de la Terreur blanche à Lyon, menée par une société secrète, les Compagnons de Jéhu, ou de Jésus.
  • 19 avril 1795 - Ain. Six terroristes, que l'on conduisait à Lons-le-Saunier, sont massacrés à une demi-lieue de la ville.
  • 24 avril 1795 - Lyon. Rafle antijacobine. Visites domiciliaires et aux perquisitions au domicile des Jacobins ordonnées par le représentant en mission Boisset, en application des mesures de désarmement prises par le comité de sûreté générale, une grande partie des « suspects » sont relâchés.
  • Mai 1795. La Terreur blanche s'abat sur le pays. Les journées de Germinal lui ont donné un regain de vigueur en brisant les derniers velléités de la résistance des sans-culottes. Dans la vallée du Rhône et dans tout le Sud-Est, on assiste aux tueries les plus abominables. Là, on rend publiques des listes de citoyens connus pour leur républicanisme, afin de les désigner à la vindicte sanglante des nouveaux terroristes. Recrutés généralement au sein d'aristocratie, groupés en organisations secrètes, la compagnie du Soleil à Marseille ou les compagnons de Jéhu à Lyon, les royalistes emploient des mercenaires qui les secondent dans leur besogne. Ailleurs, la répression est moins terrible. Elle se traduit plutôt par un harcèlement incessant. Représentants en mission, administrateurs de districts, membres des tribunaux révolutionnaires et des comités de surveillance font l'objet de poursuites judiciaires engagées sur la foi de dénonciations. Dans toutes les villes, des Muscadins se distinguent par leurs agissements, qui laissent les autorités locales indifférentes.
  • 4 mai 1795 - Lyon. Plusieurs milliers d'émeutiers envahissent les prisons de la ville et égorgent plus de 100 Jacobins détenus[7], dont le comédien Antoine Dorfeuille, ex-président du Tribunal révolutionnaire.
  • 5 mai 1795 - Drillon, ancien membre du comité de surveillance de Saint-Étienne, est tué d'un coup de pistolet dans la rue de Lyon[10].
  • 8 mai 1795 - Saint-Étienne. L'ancien maire jacobin Johannot est abattu rue des Fossés dans des circonstances obscures par des membres de la Compagnie de Jéhu[10].
  • 10 mai 1795 - Aix-en-Provence. Alors qu'on instruit le procès des insurgés marseillais de septembre 1794, la prison est envahie et 40 détenus sabrés[6].
  • 17 mai 1795 - Var. Les Jacobins de Toulon s'emparent de la ville qu'ils vont contrôler jusqu'au 23.
  • Dans la nuit du 24 au 25 mai 1795, à Tarascon, après l'incarcération au château de Tarascon, le 23 mai, de plus de 100 personnes suspectes de sympathie pour les « rebelles » toulonnais, 24 sont égorgées et jetées dans le Rhône[6].
  • 3 juin 1795 - Saint-Étienne. Robert dit la Guille est arrêté et « traité inhumainement dans la rue du Chambon » avant d'être massacré par des membres de la compagnie de Jéhu. Le même soir, 200 à 300 individus, munis d'un ordre de Jean-François Courbon de Montviol ordonnant le transfert des prisonniers à Feurs, prennent d'assaut la prison Sainte-Marie, enfoncent la porte, barricadée par les détenus, « instruits qu'on devait venir cette nuit pour les assassiner », massacrent Ducros, originaire de Jonzieux, qui résiste à l'aide d'un petit couteau, à coups de pistolets, de sabres et de baïonnettes et emmènent les autres. Quelques-uns parviennent à s'échapper grâce à des complicités. Les autres sont emmenés au Treuil, où on les abat à bout pourtant, avant de les achever à l'arme blanche. Un charbonnier de Saint-Chamond, Escomel, survit miraculeusement[10].
  • 5 juin 1795 - Marseille. Des « jeunes gens » armés de sabres et d'un canon à mitraille tuent 107 prisonniers jacobins, anciens insurgés de Toulon ou révolutionnaires marseillais, au fort Saint-Jean. Le représentant en mission Cadroy fait tout son possible pour ralentir l'intervention de la garde nationale[6].
  • 24 juin 1795 - Paris. À la Convention, Marie-Joseph Chénier dénonce la Terreur blanche qui ravage Lyon et le midi de la France et déclare: « C'est à Lyon qu'est le fil électrique qui menace d'embraser le Midi[6]. »
  • 27 juin 1795 - Avignon. Les membres du tribunal révolutionnaire d'Orange sont massacrés, et leurs corps jetés dans le Rhône.
  • 9 juillet 1795 - Avignon. Vengeance contre le tribunal d'Orange. Un greffier du tribunal, unique survivant du massacre du 27 juin, un complément d'information ayant été demandé, est condamné à vingt ans de fers et six heures d'exposition. Mais, menacé d'être massacré par la foule lors de l'exposition, il obtient des juges que l'exposition soit commuée en quatre ans de fers supplémentaires.
  • 14 août 1795 - Aix-en-Provence. Les compagnons du Soleil massacrent quinze terroristes.
  • 28 septembre 1795 - Avignon. À la suite d'une altercation avec des soldats, la garde nationale locale, en grande partie royaliste, se soulève et oblige le représentant Boursault et la garnison à quitter la ville.
  • 12 octobre 1795. Réintégration dans l'armée des officiers jacobins destitués.
  • 13 octobre 1795. Décret de la Convention arrêtant les poursuites contre les Montagnards.
  • 6 novembre 1795 - Marseille. Envoyé par la Convention au mois d'octobre, Fréron arrive dans la ville, où il est chargé d'arrêter les massacreurs royalistes. Il décide de destituer la municipalité et d'épurer les autorités départementales[11].

Terreur blanche de 1799

Après le coup d'État du 18 fructidor an V, le mouvement royaliste se réorganise, principalement à Bordeaux, Narbonne, Montpellier et Toulouse. Ils manquent d'armes et de recrues sûres et attendent que les armées coalisées menacent les frontières, et ils doivent attendre, avant de lancer une offensive commune dans l'Ouest et le Sud-Ouest. Toutefois, dès l'automne 1798, des affrontements opposent républicains et royalistes, et des cantons ruraux entrent en dissidence. Cette agitation est favorisée par la loi Jourdan instituant la conscription ; de nombreuses désertions suivent la levée d'avril 1799 et des bandes se forment.

Confronté aux pires difficultés sur tous les fronts, le Directoire ne peut envoyer l'armée pour rétablir l'ordre. Cependant, dans le Sud-Ouest, les autorités jacobines n'ont pas fait l'objet du même démantèlement que dans la vallée du Rhône. Maintenus à la tête des municipalités par les dernières élections, ils organisent la résistance.

Le 5 août, les royalistes du général Rougé, en Haute-Garonne, passent à l'attaque. Mais la ville de Toulouse est bien gardée par les républicains, et les royalistes occupent la campagne environnante. Le 9 août, Toulouse est dégagé. À Bordeaux, l'offensive prématurée des Toulousains ruine les efforts des royalistes de Dupont-Constant, de même que dans les Landes et dans les Basses-Pyrénées. En revanche, le Gers, l'Ariège et la Haute-Garonne sont en état d'insurrection, le 10 août. Après l'arrivée de renforts du Lot et du Tarn, les républicains passent à l'offensive à partir du 20 et battent facilement les bandes royalistes, mal armées et mal organisées.

Après la victoire des forces républicaines, la répression est modérée : seuls onze insurgés sont exécutés, dans les mois qui suivent. La plupart sont bientôt libérés.

Dans le même temps, la chouannerie reprend dans l'Ouest (en Normandie, en Bretagne, dans le Maine), mais les forces royalistes sont désunies, et une agitation diffuse perdure jusqu'en 1800. Certains ont qualifié ces résurgences de violences, d'une bien moindre intensité, de Terreur blanche[12].

Terreur blanche de 1815

Article détaillé : Terreur blanche de 1815.

La seconde terreur blanche, consécutive à la défaite de Napoléon Ier à Waterloo le 18 juin 1815, est encore plus violente.

Elle désigne les massacres qui se sont répandus dans l'été 1815 dans les provinces de l'Ouest et surtout dans le midi de la France. Des bandes de Verdets, émeutiers aux couleurs du comte d'Artois, se mettent à poursuivre et à tuer les protestants et les anciens Jacobins. À Marseille, plusieurs Bonapartistes, ainsi que les Mamelouks ramenés quinze ans plus tôt avec les Français de la campagne d'Égypte, sont sauvagement exécutés. Ce mouvement n'épargne même pas de bons serviteurs de Louis XVIII, ainsi le général Ramel, commandant de la place de Toulouse, qui refusait de valider sans garantie les grades des volontaires royaux ; il est assassiné sans que les autorités notamment le maire Villèle et le préfet Rémusat aient pu intervenir.

Dans ces conditions, le meurtre du maréchal Brune, qui avait fait flotter le drapeau tricolore à Toulon, assassiné à Avignon le 22 août 1815, semble être une manifestation normale aux autorités, qui ne cherchent guère les responsables.

En marge de ces excès, des lois d'exception rétroactives justifient le châtiment des responsables et des complices des Cent-Jours dont le succès est attribué à une vaste conspiration militaire. Exceptés de l'amnistie du 28 juin 1815, les responsables sont traduits en conseil de guerre et sommairement condamnés et exécutés, notamment les Frères Faucher à Bordeaux et le général de la Bédoyère, dont l'attitude avait assuré l'entrée de Napoléon à Grenoble. Mais aussi le maréchal Ney, condamné à mort par la Chambre des Pairs et exécuté le 7 décembre 1815. Fouché ne sera pas épargné banni pour avoir voté la mort de Louis XVI et avoir accepté durant les Cent-Jours la fonction de ministre de la Police, qui permettait ainsi le retour du roi.

C'est dans ces conditions qu'est élue les 14 et 22 août 1815 la chambre introuvable dominée par les Ultras, elle pousse le gouvernement au renforcement de la terreur. Ces excès font craindre au roi une nouvelle révolution, et il met fin à la terreur blanche en dissolvant la Chambre ultra-royaliste, dite « introuvable », le 5 septembre 1816.

Les répressions des journées de Juin 1848 et de la Commune de Paris (1871)

Article détaillé : journées de Juin.
Articles détaillés : Commune de Paris (1871) et Semaine sanglante.

Elles sont parfois qualifiées de « terreur blanche »[13].

Notes et références

  1. Expression employée par l'essentiel des historiens, même si Jean Tulard la juge « un peu abusive » dans son Histoire et dictionnaire de la révolution française.
  2. Gabriel-Marie-Laurent Arnaud de Lestang, connu sous le nom de « marquis de Lestang », né à Saint-Paul-Trois-Châteaux le 8 février 1764, il se met en août 1795 à la tête d'une bande royaliste, avec son intendant Job Aymé, dans les environs de Montélimar. Capturé, il est jugé à Avignon par un conseil de guerre, qui le condamne à mort, et fusillé à Avignon le 13 juin 1796. Voir Adolphe de Coston, Histoire de Montélimar et des familles principales qui ont habité cette ville, Éditions du Palais royal, 1973, tome IV, p. 329 (ISBN 2777700311).
  3. Pierre-Charles-Joseph-Marie Duclaux de Bésignan, né le 2 avril 1759 à Mirabel-aux-Baronnies (Drôme), mort en émigration en 1806, il lève une bande dans les montagnes du Forez.
  4. Daniel Martin, L'Identité de l'Auvergne, Éditions Créer, 2002, 717 pages, p. 324 (ISBN 2909797708).
  5. Adolphe Rochas, Biographie du Dauphiné, contenant l'histoire des hommes nés dans cette province, Paris, charavay, 1856, tome 1, p. 335
  6. a , b , c , d , e , f  et g Françoise Brunel, « Terreur blanche », dans Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989 (rééd. Quadrige, 2005, p. 1025-1026.
  7. a , b  et c Michel Vergé-Franceschi, Jean-Pierre Poussou, Ruptures de la fin du XVIIIe siècle, Presses Paris Sorbonne, p. 92-93.
  8. Denis Woronoff, La République bourgeoise de Thermidor à Brumaire, 1794-1799, Le Seuil, collection Points, 2004, p. 34-35
  9. Voir :
    • Jean-Clément Martin, Contre-Révolution, Révolution et Nation en France. 1789-1799
    • Jean-Paul Bertaud, Initiation à la Révolution française
    • Denis Woronoff, La République bourgeoise de Thermidor à Brumaire
  10. a , b , c  et d Gérard Thermeau, Saint-Étienne et son agglomération: à l'aube de la révolution industrielle, Université de Saint-Étienne, 2002, 446 pages, p. 37-42 (ISBN 2862722189).
  11. Chronologie de la Révolution française: 1795, tiré de Jean Favier (dir.), Chronique de la Révolution française, Larousse, 1988, 704 pages.
  12. supra Tulard
    Sur l'insurrection royaliste dans l'Ouest et le sud-Ouest, voir :
    *Denis Woronoff, La République bourgeoise de Thermidor à Brumaire
    *Jean-Clément Martin, Contre-Révolution, Révolution et Nation en France. 1789-1799
  13. Maurice Duverger, in Institutions politiques.

Bibliographie

Ouvrages
  • Alphonse Aulard, Paris, pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire, 5 volumes, 1898-1907
  • Antoine de Baecque et Claude Langlois, La caricature révolutionnaire et contre-révolutionnaire, 2 volumes, CNRS, 1988
  • Jean-Paul Bertaud, Initiation à la Révolution française, Perrin, 1989
  • Alain Decaux, André Castelot (dir.), Le Grand dictionnaire d'histoire de France, Librairie Perrin, 1979
  • Jacques Godechot, La contre-révolution, PUF, (1961), 1984
  • Georges Lefebvre :
    • La Révolution française, PUF, (1930), 7e édition, 1989
    • La France sous le Directoire. 1795-1799, éditions sociales, 1977
  • Jean-Clément Martin :
    • Violence et Révolution. Essai sur la naissance d'un mythe national, éditions du Seuil, 2006
    • Contre-Révolution, Révolution et Nation en France. 1789-1799, éditions du Seuil, 1998
    • La France en Révolution. 1789-1799, Belin sup, 1990
  • Michel Vovelle, La Révolution française, Armand Colin, Cursus, 1992
  • Denis Woronoff, La République bourgeoise de Thermidor à Brumaire, tome 3 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, éditions du Seuil, 1972
Dictionnaires historiques
  • François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, 1992
  • Albert Soboul (dir.) Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 1989 (rééd. 2005)
Colloques
  • La République directoriale (dir. Philippe Bourdin et Bernard Gainot), colloque de Clermont-Ferrand (1997), 1998
  • Le tournant de l’an III : réaction et terreur blanche dans la France révolutionnaire, colloque d'Aix-en-Provence (1995), CTHS, 1997
  • Religion, révolution et contre-révolution dans le midi, Colloque international de Nîmes, 1990
  • Les résistances à la Révolution, Colloque de Rennes (1985), 1987

Liens externes

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