Guillaume Marie-Anne Brune

Guillaume Marie-Anne Brune
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Guillaume Marie-Anne Brune
Brune.jpg
Naissance 13 mai 1763
Brive-la-Gaillarde
Décès 2 août 1815 (à 52 ans)
Avignon
Origine Français
Allégeance Drapeau français Royaume des Français
Drapeau français République française
Drapeau de l'Empire français Empire français
Royaume de France Royaume de France
Drapeau français Empire français (Cent-Jours)
Arme Grande Armée
Grade Maréchal d'Empire
Années de service 1791 - 1815
Conflits Guerres de la Révolution
Guerres napoléonniennes
Commandement Armée d'Helvétie (1798)
Armée d'Italie (1798, 1800-1801)
Armée de Batavie (1799)
Armée de l'Ouest (1800)
Armée de réserve (1800)
IXe corps (Cent-Jours)
1er corps de réserve (1805-1806)
Faits d'armes Bataille de Brécourt
Bataille de Bergen
Bataille de Alkmaar
Bataille de Castricum
Distinctions Légion d'honneur
(Grand aigle)
Ordre de la Couronne de fer
(Chevalier)
Ordre de Saint-Louis
(Chevalier)
Hommages Nom gravé sous l'Arc de triomphe de l'Étoile
(23e colonne)
Autres fonctions Conseiller d'État
Ambassadeur auprès de la Sublime Porte
Gouverneur général des villes hanséatiques
Pair des Cent-Jours

Guillaume Marie-Anne Brune, né le 13 mai 1763 à Brive-la-Gaillarde et mort le 2 août 1815 à Avignon, est un maréchal d'Empire.

Sommaire

Biographie

Enfance corrézienne

Son père, Étienne, était avocat du roi au présidial de Brive et sa mère Jeanne de Vielbans appartenait à la petite noblesse[1].

Après avoir fini ses humanités au collège des Doctrinaires de Brive, à vingt ans, il partit à Paris poursuivre les études juridiques imposées par sa famille. Là, il s’inscrivit à l’école de droit et au Collège de France. Mais le jeune homme préfèrait fréquenter les salles de jeux, où il perdit quantité d’argent.

Ce fut alors qu’il devint ouvrier typographe pour pouvoir survivre. Toujours à court d’argent, Guillaume retourna à Brive en 1787, un séjour qui fut pour lui une totale déception[2]. Il décida alors d’entrer dans la République des Lettres. Il écrivit dans l’année qui suivit un Voyage pittoresque et sentimental dans plusieurs provinces occidentales de France, qui devait lui ouvrir une carrière de littérateur[3].

Révolution française

À Paris, Brune fit la connaissance de Marat, Fréron, Fabre d'Églantine et devint l’ami de Camille Desmoulins et de Danton. Avec eux et grâce à eux, il embrassa avec ardeur la cause de la Révolution, et s'inscrivit en 1791 au club des Cordeliers.

Pour défendre et populariser ses idées, en 1791, il acheta une petite imprimerie et devint rédacteur en chef d’un périodique, Le Journal Général de la Cour et de la Ville concernant tout ce qui est décidé à l’Assemblée nationale, ce qui se passe à l’Hôtel de Ville de Paris, dans les districts, au Châtelet, ainsi que les nouvelles authentiques de la province, les anecdotes et tout ce qui est relatif au château des Tuileries, plus connu sous son pseudonyme Le Petit Gauthier. Prêt aussi à défendre ses idéaux par les armes, le futur maréchal entra dans la garde nationale de Paris puis au 2e bataillon de volontaires de Seine-et-Oise. En octobre, il fut élu adjudant-major.

Guillaume Marie-Anne Brune, capitaine adjoint aux adjudants-généraux en 1792 (1763-1815), Auguste Vinchon, 1835.

Après un séjour à l'état-major du général Dumouriez dans l'armée du Nord, il devint, l'année suivante, adjoint aux adjudants-généraux ; adjudant-général et colonel en 1793.

Après avoir été nommé commissaire à l’Armée de Belgique, il devint chef d’état-major de Sepher. Brune fut chargé de réprimer la révolte fédéraliste. Commandant l'avant-garde contre le général Wimpfen, il triompha de lui à Pacy-sur-Eure qui lui permit de disperser les Fédéralistes de Normandie. De retour à l'armée du Nord, il fut nommé général de brigade, le 18 août 1793 et participa à la bataille d'Hondschoote.

Mais en décembre 1793, dénoncé par Tallien et Ysabeau, il fut proscrit par le Comité de Salut Public sous le prétexte d’avoir défendu le roi au cours des journées des 5 et 6 septembre et il ne dut son salut qu’au soutien indéfectible de Danton. De retour en grâce, au cours de l’automne 1795, il fut chargé de pacifier le Midi de la France en rétablissant l’ordre dans le Gard, la Drôme et le Vaucluse, troublé par les Compagnons de Jéhu. Sous les ordres du représentant Boursault, il imposa au début octobre l’état de siège à Avignon.

En 1795, après avoir commandé la place de Bordeaux, il participa à la répression de l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire, aux côtés de Barras et du général Bonaparte. Appelé par le Directoire à l’armée d’Italie, sa conduite à Arcole fut héroïque. Puis Brune, à la tête de l’avant-garde de la division Masséna, se distingua lors de la bataille de Rivoli, avant de s'illustrer à Saint-Michel, à Feltre, à Belluno, etc., et d'être nommé général de division sur le champ de bataille le 17 avril 1797.

Un an plus tard, le nouveau promu se vit confier une intervention en Suisse pour soutenir les Vaudois révoltés contre le canton de Berne. Commandant l’armée d’Helvétie, il prit Fribourg et s’empara du « Trésor de Berne »[4] qui allait financer l’expédition d’Égypte[5]. Le 17 mars 1798, il adressa une lettre au Directoire l’informant de la soumission de la Suisse. Avec soulagement, face au pillage organisé qui l’éclaboussait, Brune reçut le commandement en chef de l’armée d'Italie en remplacement de Berthier et de Masséna[6].

Brune, le général de la Révolution

Au cours de l'été 1799, Brune fut envoyé défendre les côtes de la République batave. Le 19 septembre 1799, à la tête des forces françaises en Batavie, Brune repoussa une armée russo-britannique débarquée au Helder lors de la bataille de Bergen, puis à Castricum le 6 octobre 1799. Il força Frederick, duc d'York et Albany, général en chef de l’armée alliée, à la capitulation et lui fit signer la convention d'Alkmaar[7].

Mais le 4 décembre 1799, le gouvernement batave, persuadé que le général Brune voulait le renverser, le priva de son commandement[8]. Il fut alors nommé commandant en chef de l’armée de l'Ouest avec mission de mettre un terme à l'insurrection vendéenne. Peu après, les chefs Chouans se soumirent.

Après le 18 brumaire, le 25 décembre 1799, Guillaume Brune, qui était l’un des principaux collaborateurs du Premier Consul, entra au conseil d'État. À ce titre, il présida la section de la guerre entre 1801 et 1802.

Un an après, à la suite de la victoire de Marengo, Napoléon Bonaparte le nomma commandant en chef de l'armée d'Italie, en remplacement de Masséna. En août 1800, il s’empara de Vérone, de Vicence et signa l’armistice de Trévise. Enfin en décembre, le général Brune remporta sur les Autrichiens la « victoire de Monzambano » (bataille de Pozzolo).

Resté républicain

Mais ses faits d’armes n’enchantaient pas nécessairement Bonaparte qui venait d’être nommé consul à vie. Ce général, resté fervent républicain, le mettait mal à l’aise. En septembre 1802, il éloigna Brune en le nommant ambassadeur à Constantinople[9]. Avant son départ, Brune accepta d'être le parrain[10] du fils du général Dumas, l'écrivain Alexandre Dumas.

Guillaume Marie-Anne, comte de Brune, maréchal de France (1763-1815), Eugène Battaille, d'après Marie-Guillemine Benoist.

Le 18 mai 1804, le Sénat de la République française jugea utile et nécessaire de décerner la dignité impériale à Napoléon Bonaparte. Le lendemain, Napoléon Ier, empereur des Français, désigna ses premiers maréchaux. Brune fut parmi eux. Le nouveau maréchal d'Empire fut également fait grand aigle de la Légion d'honneur le 13 pluviôse an XIII[11]. Il quitta Constantinople et rentra en France.

Le 2 septembre 1805, l’empereur nomma Brune général en chef de l’armée du camp de Boulogne et de l'armée des côtes de l'Océan, puis, en 1806, gouverneur des villes hanséatiques.

Mais ce maréchal, parvenu au faîte de sa carrière militaire, continuait à inquiéter Napoléon avec ses opinions politiques. Être républicain sous l’Empire n’était plus de mise. L’empereur prit le premier prétexte venu pour le faire tomber en disgrâce. Celle-ci allait durer de 1807 aux Cent-Jours. En 1807, Brune, commandant du corps d’observation de la Grande Armée opérant contre la Prusse, fut chargé de conquérir la Poméranie. Le maréchal s'empara de Stralsund le 15 juillet puis de l’île de Rügen. Le 7 septembre, au cours d’une entrevue avec le roi de Suède, l’acte de capitulation rédigé par le maréchal ne cita pas « l’armée de Sa Majesté Impériale et Royale », mais « l’armée française ». Ce républicanisme déplut tellement à Napoléon que Brune fut mis en disponibilité jusqu’en 1814. Tout au long de cette disgrâce, son nom ne fut plus prononcé à la Cour impériale. Contraint et forcé, le 1er avril 1814, le maréchal se rallia aux Bourbons, qui rechignèrent pourtant à accepter ses services en 1814, même si Louis XVIII lui donna la croix de Saint-Louis.

Le traquenard d'Avignon

Guillaume Brune

Le maréchal Brune revint en grâce lors du retour de l’île d’Elbe. Le 16 avril 1815, le maréchal Davout, ministre de la Guerre, lui confia le commandement de la 8e division militaire sise à Marseille et d'un corps d’observation sur le Var, chargé de protéger la frontière avec le Piémont. Le maréchal avait sous ses ordres la 17e division d’infanterie, commandé par Verdier, le 14e chasseurs à cheval, de l’artillerie et du génie, soit au total : 5 544 hommes. Brune « accepta la tâche ingrate et difficile d’arrêter la guerre civile dans la Provence, dont les passions violentes avaient été déchaînées par les factions, et de défendre ce pays contre l’invasion des Anglais et des Autrichiens »[12].

À Sainte-Hélène, dans le Mémorial, Napoléon dit de lui :

« C’était un déprédateur intrépide et j’ai eu tort de ne pas me confier au maréchal Brune en 1815, il connaissait tous les vieux de la Révolution, il m’aurait organisé facilement 25 000 ou 30 000 fédérés qui eussent dominé la défection des Chambres. »

Le 2 juin, pour s’assurer la fidélité de celui qui avait toujours été plus un général de la Révolution qu’un maréchal d’Empire, Napoléon le nomma pair de France, faisant de Brune, ipso facto un comte de l'Empire[13].

Le maréchal Brune arriva à Marseille le 21 avril et y instaura l'état de siège. Brune reçut la nouvelle de la défaite de Waterloo le 24 juin. Dans un communiqué en date du 4 juillet, il informa ses troupes de l’abdication de Napoléon et conclut son ordre du jour en proclamant : « Vive l’Empereur Napoléon II, vive à jamais la liberté française ! ». Apprenant le retour de Louis XVIII à Paris le 14 juillet, Brune continua de faire flotter le drapeau tricolore sur Toulon jusqu'au 31 juillet 1815[14]. Il fit allégeance à son concitoyen de Brive, le futur amiral Grivel, chargé de mission auprès du marquis de Rivière. Brune adressa alors son dernier message aux soldats de la 8e division :

« La patrie a droit à tous nos sacrifices, elle ordonne que nous renoncions à ces drapeaux qui nous rappellent tant de victoires, qu’ils reçoivent mes douloureux adieux… »

Relevé de son commandement militaire de Toulon, il fut appelé à Paris pour rendre compte au roi de la mission que lui avait confié l’empereur[15].

Il était prévu que le maréchal Brune embarquât sur une goélette, préparée par Duperré et Grivel, pour regagner Paris par Le Havre. Mais Brune, jugeant cette idée peu digne d’un maréchal de France, choisit de partir par la route et décida de rejoindre la capitale par la vallée du Rhône. Il quitta son poste le 1er août, après avoir remis son commandement au général Partouneaux et à l’amiral Ganteaume.

Le 31 juillet 1815, le drapeau tricolore qu’avait fait flotter Brune à Toulon fut descendu et retiré sur ordre de Partouneaux et Ganteaume. À ce sujet, il y a dans les archives officielles un rapport anonyme de juillet 1815 : « Ordre de faire saisir le maréchal Brune qui persiste à faire maintenir la cocarde et le drapeau tricolore à Toulon ». Ce fut cet acte de bravoure qui lui valut d'être victime d'un dramatique épisode de la Terreur blanche.

Avant son départ de Toulon, vers deux heures du matin, Brune reçut du marquis de Rivière un laissez-passer lui permettant de rejoindre Paris. Le maréchal partit sous bonne escorte[16]. La première étape prévue était Avignon. Mais lors de la traversée d’Aix-en-Provence, reconnu par un groupe royaliste, il fut menacé et insulté[17]. Faisant fi de cette première alerte, au relais de Saint-Andiol, Brune congédia son escorte du 14e chasseurs dont les chevaux étaient harassés. Arrivé à Cavaillon, il fut informé que de toute façon ses soldats avaient reçu l’ordre de revenir vers Toulon[18].

L'ancienne place de la Comédie, actuelle place Crillon, où le maréchal Brune tomba dans un traquenard

Il continua pourtant sa route avec ses trois aides de camp Alard, Bourgoin et Degand, son secrétaire Le Guen, ainsi que le général de Loverdo[19]. Vaguement informés des troubles d’Avignon, ceux-ci l’engageaient à éviter cette ville[20]. On pouvait gagner Orange par la route de l’Isle-sur-la-Sorgue, mais le maître de poste s’y opposa déclarant qu’il lui fallait passer par Avignon pour relayer.

Simplement accompagné par Bourgoin et Degand, le convoi, réduit à deux voitures, une calèche et un cabriolet, arriva au pied des remparts d'Avignon le 2 août et pénètra dans la cité par la porte de l’Oulle à dix heures du matin. Il s’arrêta sur la place de la Comédie où se trouvait le relais de poste. L’heure exacte est connue grâce au rapport du capitaine Casimir Verger. Celui-ci, pris d’un zèle intempestif, décida d’examiner à la loupe les papiers de route bloquant le maréchal et son équipage pendant assez longtemps pour que Brune soit reconnu par « une tourbe d’insensés qui se décoraient du nom de royalistes »[21].

La nouvelle fit le tour de la ville. Pendant que l’on changeait les chevaux, un attroupement se forma autour de la voiture du maréchal. Ces excités – appelés verdets et trestaillons – étaient conduits par le négociant Soullier, un royaliste connu par sa violence et son irascibilité. Celui-ci accusa Brune d’avoir porté au bout d’une pique la tête de la princesse de Lamballe. Cette accusation était totalement mensongère[22].

Dans le même temps, le major Lambot, chef d’escadron de gendarmerie, prévenu par le chef de poste Verger, se fit apporter les passeports du maréchal et de sa suite afin de les vérifier et de les viser. Le départ était ainsi suspendu le temps de procéder à ces longues formalités[23]. Cela fut suffisant pour que la voiture de Brune fût prise à parti par une foule qui augmentait de minute en minute. Elle était bloquée devant l’hôtel du Palais Royal contigu au relais de poste[24]

Sans s’inquiéter outre mesure et afin de ne pas se retarder, le maréchal réclama juste quelques pêches à manger. La foule devenait de plus en plus nombreuse et vindicative. L’épouse de l’aubergiste du Palais-Royal, la dame Molin, craignant le pire, le fit immédiatement pénétrer à l’intérieur. Elle l’informa que le nouveau préfet, le baron de Saint-Chamans, arrivé le matin même à six heures se trouvait chez elle et lui conseilla de se réfugier dans son appartement. Ce que fit Brune.

Saint-Chamans, descendu sur la place, tenta vainement de calmer la foule. Il conseilla alors au maréchal de quitter sans délai Avignon lui promettant de lui faire parvenir son passeport par un gendarme. En dépit de l’opposition de la foule, et grâce à une nouvelle intervention du préfet, Brune put enfin se remettre en route. Le convoi partit poursuivi par une foule hurlante. Pour sortir d’Avignon, les voitures coupèrent par l’intérieur des remparts, permettant à Soullier et à ses émeutiers de les bloquer à nouveau. La calèche du maréchal fut criblée de pierres. Une quinzaine d’hommes armés se jetèrent à la tête des chevaux en criant : « À mort ! Au Rhône ! À mort l’assassin ! »

Prévenu, le préfet arriva en compagnie de Boudard, son conseiller de préfecture, de Bressy-Poutinçon, le commissaire de police et du capitaine Verger qui rapportait enfin les passeports. Tous tentèrent de calmer la foule de portefaix, de mariniers et de manouvriers ou tout au moins de la retenir ou de lui faire entendre raison. Peine perdue. Ce fut alors qu’un portefaix saisit le fusil d’un garde national en criant : « Donne, donne, que je le tue comme Calvet !  »[25].

Gardant son calme et son sang-froid, le maréchal se laissa convaincre par le préfet de retourner place de la Comédie où, lui fut-il expliqué, il serait plus en sécurité. Le postillon, blessé à la tête, fut contraint de descendre et de tirer ses chevaux par la bride. Verger, épée à la main, avait toutes les peines à frayer un passage au convoi. Arrivés devant l’hôtel, tous se précipitèrent à l’intérieur pendant que les portes étaient promptement fermées.

Brune se réfugia à nouveau chez le préfet. Mais la chambre de celui-ci donnant sur la cour, des hommes de Soullier aperçurent le maréchal et le mirent aussitôt en joue. L’aubergiste Molin l’invita à s’installer au premier étage dans une chambre donnant sur l’intérieur. Degand et Bourgoin entrés dans l’hôtel par une autre porte furent installés dans une salle basse sous la garde d’hommes armés. Dehors, verdets et trestaillons, au nombre de 3 000, tentaient d’enfoncer les portes et accumulaient des fagots pour mettre le feu à l’hôtel.

Le maire d’Avignon tente de sauver le maréchal

Prévenu tardivement, Guillaume Puy, le maire d’Avignon, arriva ceint de son écharpe. Il se mit en travers de la porte d’entrée et cria :

« Braves Avignonnais, venez à mon secours ! Empêchez que la ville d’Avignon ne soit souillée de nouveaux crimes. »

Non seulement, il ne fut pas écouté mais, menacé, le maire, fort pâle, rejoignit alors le préfet qu’il rencontrait pour la première fois.

Saint-Chamans l’avertit qu’il venait de donner ordre au major Lambot de rassembler tout ce qu’il y avait de forces armées en ville. Surpris, Guillaume Puy l’informa qu’il ne pouvait ignorer que les gardes nationaux, les chasseurs d’Angoulême, les fantassins du Royal-Louis étaient plus disposés à seconder l’émeute qu’à la réprimer.

Statue de Guillaume Puy, dominant la fontaine de la place Louis Pasteur à Avignon

La gendarmerie, seul corps sur lequel on pouvait compter, se rangea dans un coin de la place de la Comédie et fut accueillie par des huées. Cette diversion permit toutefois au maire de se rendre auprès du maréchal. Mais Lambot fit reculer ses gendarmes sous prétexte d’éviter toute provocation[26].

Des gardes nationaux remplacèrent les gendarmes. Face à l’hôtel du Palais-Royal, ils firent mine de charger la foule qui, reculant à peine, regagna aussitôt le terrain perdu. Le préfet Saint-Chamans et le maire d’Avignon décidèrent alors de placer devant l’hôtel une trentaine de personnes disposées à défendre le maréchal.

Guillaume Puy, courageusement, demanda à sortir pour essayer à nouveau de calmer les émeutiers. Mal protégé, il fut bousculé, renversé, foulé aux pieds. Le conseiller Montagnat tenta sa chance mais battit en retraite sous les menaces. À son tour, le major Lambot harangua la foule qui braillait : « L’an dernier si on nous avait laissé nous aurions tué Bonaparte »[27].

À ce moment-là, sur la place et aux abords s’agglutinaient près de quatre mille personnes. Brune, de sa chambre, entendait les vociférations. Quant aux chasseurs d’Angoulême chargés de sa surveillance, la plupart tenaient des propos menaçants à son égard. La gorge sèche, le maréchal demanda alors à la dame Molin du vin de Bordeaux et une carafe d’eau. Il la pria aussi de lui apporter ses pistolets qui étaient restés dans sa voiture, affirmant qu'il se refusait à ce que « la plus vile canaille portât la main sur un maréchal de France et préférant mourir de sa main que de celle de ces furieux ».

La tenancière n’osa pas aller chercher ces armes. Au préfet qui vint le voir puis au commandant de la garde nationale Hugues, il réclama à nouveau mais vainement ses pistolets. Furieux, Brune s’adressa alors à un sous-lieutenant de la milice, nommé Boudon : « Donne-moi ton sabre, tu verras comment sait mourir un brave ! »

Les autorités, tout en sachant que l’attaque était imminente, le rassuraient en lui certifiant qu’elles tenaient la situation bien en main et que toutes les mesures nécessaires à sa sécurité avaient été prises. Le maréchal demanda alors du papier pour écrire. Pendant ce temps, des échelles avaient été dressées permettant à plusieurs émeutiers de monter sur les toits. Sous la conduite de Soullier, ils réussirent à s’introduire dans les combles de l’hôtel et à descendre au premier étage. La porte de Brune étant restée entrouverte, une quinzaine de personnes s’introduisit dans sa chambre.

Le négociant royaliste l’interpella en l’accusant à nouveau d’avoir assassiné la princesse de Lamballe. Il conclut en lançant : « Le moment approche où tu vas recevoir la peine due à tes crimes ». Le maréchal ignora le provocateur et continua d'écrire une ultime lettre à son épouse Angélique[28].

Portefaix du Rhône, par Millin, 1807-1811

Ce fut alors qu’un portefaix, Guindon, dit Roquefort, un taffetassier, Louis Fargue, suivis de trois ou quatre individus arrivèrent à leur tour sur le palier. Sur un signe de Guindon, ils entrèrent en proférant des menaces. Brune fit face en découvrant sa poitrine. Fargue le visa de son pistolet. D’un geste de la main, le maréchal détourna l’arme. La balle lui érafla le front, emportant une touffe de cheveux, et se logea dans une poutre du plafond.

Fargue appuya son second pistolet sur la poitrine du maréchal et pressa la gâchette, mais l’arme de l’ouvrier soyeux s’enraya. Roquefort, furieux, passa dans le dos du maréchal, cala sa carabine sur l’épaule d’un de ses complices et tira. La balle pénétra par la nuque, brisa la colonne vertébrale et trancha la carotide. Brune tomba foudroyé, face contre terre, dans une mare de sang. Il était environ trois heures de l’après-midi. Après cet exploit, Guindon apparut triomphant au balcon et clama : « Acò es fa ! »[29].

La foule s’arrêta de hurler à la mort pour hurler sa joie. L'hôtel du Palais Royal, où venait d'être assassiné le maréchal, se trouvait au 21 de l'actuelle place Crillon, (ex place de la Comédie), près de la porte de l'Oulle. Une plaque commémore cet évènement.

Le cadavre fut examiné par l’officier de santé Dominique Martin assisté du conseiller Beauregard. Ils dénombrèrent deux blessures, l’une située à la partie antérieure droite du larynx, l’autre entre les deux épaules à la hauteur de la quatrième vertèbre cervicale. Leur place ne laissait aucun doute sur l’assassinat. Pourtant le juge d’instruction Piot et le capitaine Verger rédigèrent aussitôt un procès-verbal concluant au suicide[30]. Le procès-verbal fut alors contresigné par le préfet, le procureur du roi, le commissaire de police et plusieurs officiers, tous conscients de ratifier un faux. Seuls le maire Guillaume Puy, son adjoint Beulac et Alard, le chirurgien du maréchal, refusèrent d’apposer leurs noms sur cet acte mensonger. Indigné, le premier magistrat d’Avignon déclara que ce faux était une tache éternelle pour sa ville. Soullier le repoussa en le menaçant : « Après avoir frappé sur les noirs, on pourrait bien frapper sur les gris ! ». Anéanti et écœuré, Guillaume Puy se retira dans la maison commune, échappant au pillage qui suivit cet assassinat[31].

Un peuple égaré jusqu’au délire

Plaque commémorative sur la façade de la maison où a été assassiné le maréchal

Si les meurtriers avaient négligé de fouiller le cadavre sur lequel on retrouva les 27 500 francs, un cachet d’argent et une montre, en revanche, les bagages du maréchal furent consciencieusement pillés et la foule s’en partagea le contenu. Dans la chambre même, un domestique arracha les bottes à la russe du défunt en guise de trophée.

Tandis qu'on pillait les voitures du convoi, le major Lambot redescendit sur la place et s'adressa à la foule : « Braves Avignonnais, cet homme-là s’est rendu justice à lui-même. Il est mort ! N’imitez pas les cannibales de la Révolution. Retirez-vous ! ». Le corps de Brune fut sorti de l’hôtel afin de prouver aux émeutiers qu’il était bien mort. Le juge Piot et le capitaine Verger décidèrent de le faire inhumer immédiatement. Aussitôt, des fossoyeurs placèrent le cadavre sur un brancard, le recouvrirent d’un linceul et s’acheminèrent vers le cimetière Saint-Roch sous la seule protection d’une quinzaine d’hommes de la garde nationale.

Saluée par des huées, la dépouille du maréchal Brune fut jetée hors du brancard, traînée par les pieds et rouée de coups. Au milieu des éclats de rire, le corps du maréchal fut percé de cent coups de poignard. Arrivé au pont de bois, on le précipita dans le Rhône et quand il refit surface, pastichant les honneurs militaires, des excités le fusillèrent pendant plus d’une heure. C'est alors qu’une main anonyme écrivit à la craie sur une poutre du parapet : « Ici est le cimetière du Maréchal Brune. II août MDCCCXV  »[32].

Incapables d’assouvir leur haine, des irréductibles allèrent jusqu’à suivre le corps emporté par les flots, ne permettant à quiconque de le retirer des eaux[33]. Durant plusieurs jours le cadavre continua de flotter à la surface du Rhône. Un matin, le jardinier Amédée Pichot retrouva un corps méconnaissable et l’enterra sur les terres du baron de Chartrouse, près de Tarascon. Durant deux ans, la maréchale Brune multiplia les enquêtes pour localiser la sépulture.

Le 5 décembre 1817, Chartrouse retrouva le corps et le fit parvenir à la maréchale à son château de Saint-Just-Sauvage. Le cercueil resta plusieurs années au milieu d’un salon, car sa veuve avait juré de le conserver là tant qu’elle n’aurait pas obtenu justice[34].

Enfin, en 1821, année même de la mort de Napoléon, et après de multiples démarches, la Cour de Riom déclara Fargue et Guindon coupables de l’assassinat. Le portefaix, en fuite, fut condamné à mort par contumace ; quant au taffetassier, il était mort.

Le maréchal fut inhumé le 13 janvier 1829, sous une tombe pyramidale dans le cimetière de Saint-Just-Sauvage (Marne). Sa veuve Angélique Nicole Pierre repose à ses côtés.

Iconographie

Une médaille à l'effigie de Brune fut exécutée en 1800 par le graveur Franz Joseph Salwirk sur commande des habitants de Vérone. Un exemplaire en est conservé au musée Carnavalet (ND 2746).

Notes et références

  1. Sur sa maison natale au 11 de la rue Majour, une plaque commémorative porte l’inscription suivante: LE 13 MARS 1763 / EST NÉ DANS CETTE MAISON / GUILLAUME-MARIE ANNE BRUNE / FILS D’ÉTIENNE, AVOCAT / ET DE / JEANNE DE VIELBANS. / UNE DE NOS PLUS BELLES GLOIRES MILITAIRES. / SIMPLE GRENADIER EN 1790, / MARÉCHAL DE FRANCE EN MAI 1804. / ASSASSINÉ À AVIGNON LE 2 AOÛT 1815. / DÉLIBÉRATION DU CONSEIL MUNICIPAL / DU 9 JUILLET 1902. La ville de Brive lui a fait l’honneur d’une belle statue qui orne la place du 14 Juillet sur le socle de laquelle on lit : À BRUNE, NÉ À BRIVE LE 13 MARS 1763, ASSASSINÉ À AVIGNON LE 2 AOÛT 1815, SES FRÈRES D’ARMES, SES CONCITOYENS.La maison natale et la statue du maréchal à Brive
  2. Ce fut le dernier séjour de Brune à Brive à l’exception de son retour triomphal en 1809.
  3. L’abbé Arbellot dans sa Biographie des Hommes Illustres de l’ancienne province du Limousin signale que la relation de ce voyage, publiée sous le voile de l’anonyme, forme un recueil de poésies légères d’un style fort gracieux.
  4. 30 millions d'après Jacques Bainville dans son Napoléon, chapitre 8
  5. Brune tenta de maintenir la discipline et d’empêcher les pillages comme le prouve sa déclaration à l’armée en date du 9 mars 1798. Mais pour préparer sa campagne d’Italie, le Directoire imposa à la Suisse de lourds tributs. Brune s’irrita contre les commissaires français chargés de dépouiller les Helvètes. L’un d’eux, Rapinat, beau-frère du Directeur suisse Rewbell, se montra si efficace que Paris chanta : « Le pauvre Suisse qu’on ruine / Voudrait bien qu’on décidât / Si Rapinat vient de rapine, / Ou rapine de Rapinat ». Quant à Brune, un jugement de la Cour des Comptes, en 1819, confirma qu’il avait bien fait parvenir l’intégralité du « Trésor de Berne » au Directoire.
  6. Le 28 mars 1798, remplacé par le général Schawenbourg, Brune quitta Berne pour l’Italie. Le 4 mai, plus d’un mois après son départ, l’armée française d’Helvétie commit des exactions à Einsiedeln. Vers le 15 du même mois, Sion subit un sort identique. Le 9 septembre, ce fut Schawenbourg, lui-même, qui encouragea mises à sac et pillages à Stanz. Le nom de Brune se trouva bizarrement mêlé à ces affaires et le Directoire, tout en lui reprochant son manque de scrupules, le nomma néanmoins commandant en chef de l’armée de Hollande.
  7. La conduite de Brune lui valut une armure complète offerte par Bonaparte. Napoléon dans le Mémorial de Sainte-Hélène se souviendra : « Je rends justice au maréchal Brune ; il a bien fait en Hollande ; la bataille d’Alkmaar a sauvé la République d’un grand péril ».
  8. Simon Schama, Patriots and Liberators, 2005, p. 399.
  9. Si Brune, au cours de son séjour de deux ans auprès de la Sublime Porte, ne parvint pas à rétablir l’alliance avec le sultan, il réussit à nouer les premières relations avec la Perse.
  10. Mes mémoires, Alexandre Dumas, ed. Calmann Lévy, 1863 Mes mémoires, Googlebooks
  11. Testu, Almanach impérial pour l'année 1810 : présenté à S.M. l'Empereur et Roi par Testu, Paris, Testu, 1810 [lire en ligne (page consultée le 2 octobre 2009)] 
  12. Vermeil de Conchard, op. cit.
  13. Brune sur napoleon-monuments.eu
  14. Ce fut le 22 juillet seulement, que le maréchal Brune se résigna à reconnaître Louis XVIII et à remettre son commandement au marquis de Rivière, commissaire extraordinaire du roi nommé par le duc d’Angoulême.
  15. En dépit des ordres du roi d’ouvrir toutes les villes et d’accueillir les alliés, le maréchal Brune avait défendu Toulon et empêché les Anglais de prendre ce port.
  16. Au laissez-passer à présenter aux alliés autrichiens et sardes qui occupaient la Provence, le marquis de Rivière avait joint une copie certifiée conforme d’un rapport pour le roi exposant l’honorable conduite du maréchal. Composée de quarante chasseurs avec un officier sous les ordres du comte de Maupas, attaché à l’état-major du commissaire royal, l’escorte du 14e chasseurs devait protéger Brune aussi longtemps qu’il le jugerait nécessaire.
  17. Le maréchal Brune, inconsciemment ou pas, jouait la provocation. Si son tricorne était garni de plumes blanches, avec ganse et galon d’or, cocarde blanche et il y arborait son bouton de maréchal. Afin de passer inaperçu, il avait choisi une tenue bourgeoise on ne peut plus voyante. Il s’était vêtu d’un habit de drap gris foncé, d’un gilet de basin blanc et d’un pantalon bleu collant. Sa chemise était de toile fine, une cravate de taffetas noir entourait son cou et des bottes à la russe où brillaient des éperons d’argent complétaient son accoutrement.
  18. Il est aujourd’hui prouvé que l’ordre venait de la ville d’Avignon occupée par les royalistes.
  19. Alard était chirurgien et médecin militaire, Bourgoin, chef d’escadron et Degand, capitaine. À leurs côtés, le général-comte Loverdo qui, lors de la Restauration, commandait pour les Bourbons le département des Basses-Alpes avec le grade de maréchal de camp. À la tête du bataillon du 87e et de plusieurs brigades de gendarmerie, il n’avait pu bloquer le passage de Napoléon à Sisteron.
  20. La ville d’Avignon, contrôlée par les fédérés et la troupe régulière, était sous pression alors que partout alentour à Beaucaire, Orgon, Cavaillon, Carpentras, Orange et Villeneuve-lès-Avignon flottaient les drapeaux blancs. Ce fut le 15 juillet 1815 que les Avignonnais apprirent par affiche le retour de Louis XVIII à Paris. Tandis qu’une partie de la population pavoisait, brandissant des centaines de drapeaux blancs aux fenêtres, des scènes de désordre et de violence furent déclenchées par les royalistes. Le général Cassan, commandant la place, jugeant toute résistance impossible, réunit ses officiers supérieurs et leur proposa de reconnaître le roi. Face à leur refus, il décida d’évacuer Avignon. Le lendemain, Cassan et sa colonne (le bataillon du 13e de ligne, le bataillon du 35e et un bataillon de retraités) se dirigèrent vers Pont-Saint-Esprit. Au carrefour des routes d’Orange et de Carpentras, ils croisèrent une troupe de huit cents paysans armés et de «gens en guenille, à faces de bandits, constituant le corps du Royal-Louis, formé à Carpentras par le major Lambot avec d’anciens miquelets, des tâcherons, des vagabonds ». Cette armée royaliste se dirigeait vers Avignon. Lambot était un chef d’escadron de gendarmerie qui avait été envoyé de Marseille par le marquis de Rivière pour prendre le commandement de toute la contrée insurgée. Il fit son entrée dans Avignon à la tête de «bandes indisciplinées qui ne rêvaient que de meurtres et pillages. Le désordre s’installa et les royalistes du lieu se firent complices de ces volontaires » (René de La Croix, duc de Castries).
  21. Cette formule aussi alambiquée qu’insolite est de la plume de l’abbé Arbellot. Cette bande de nervis royalistes – les Verdets ou Trestaillons – qui terrorisait leurs concitoyens soupçonnés d’être ou d’avoir été favorables à la République ou à l’Empire était sous les ordres du négociant Soullier, dont le père était président du tribunal et de la Chambre de Commerce. Dès la mi-juillet, ce fils de notable, assuré de l’impunité, et son compère Lambot firent régner la terreur blanche dans la cité papale. Leur place forte était le quartier des Fusteries (rue Grande et Petite Fusterie) surnommé La Vendée. Ils saccagèrent le Café de l’Oulle et celui du Méridien. Vingt maisons furent pillées, dix autres incendiées, dont la corderie de Fabre, dit Montagne, qui brûla pendant deux jours au pré de Notre-Dame des Sept-Douleurs. Des centaines de personnes, invalides, fédérés, frères, pères et femmes de fédérés, furent incarcérés et torturés. Il y eut des fusillés et des noyés dans le Rhône. Un boulanger fut précipité dans son pétrin ardent… Le quartier le plus visé était celui de la Balance, au pied du palais des papes (rebaptisé l’île d’Elbe), où résidaient artisans et cultivateurs partisans de Napoléon. Guillaume Puy, le maire d’Avignon, et son Conseil municipal dénoncèrent ces violences dues « à l’ouvrage de ces gens qui sont pour ainsi dire sans patrie et sans famille » et invitèrent tous leurs concitoyens à les surveiller avec zèle. Les environs d’Avignon subirent les exactions de la bande du sinistre Pointu. Ces malfrats se jetèrent sur les communes de Sorgues, Entraigues et Saint-Rémy-en-Provence. D’autres crimes ensanglantèrent Carpentras, Roussillon, Roquemaure et Loriol. Quelques-uns de ces assassins furent arrêtés et déférés à la justice. Par crainte, les juges se refusèrent à les condamner.
  22. Lors des émeutes du 2 septembre 1792, Brune, qui était capitaine adjoint aux adjudants-généraux, se trouvait alors à Rodenac, près de Thionville, au nord-est de la France. On sait que ce furent les dénommés Charlat et Grison qui brandirent la tête et le cœur de l’infortunée princesse. Pour éviter d’être jugé, Charlat s’engagea dans l’armée où ses compagnons le firent passer de vie à trépas sans autre forme de procès. Quant à Grison, il fut condamné à mort et exécuté à Troyes.
  23. Lambot justifia son zèle en expliquant qu’il espérait ainsi voir se transformer en définitive son accréditation provisoire qu’il tenait du marquis de Rivière. Cet officier de gendarmerie a été ainsi noté : « Soldat sans élévation d’âme, dont l’ambition est encore plus avide que son royalisme n’est ardent ».
  24. L’Hôtel du Palais Royal (ex Auberge du Palais National) qui jouxtait le relais de poste. C’était le plus huppé d’Avignon. C'est là que par deux fois, descendit Bonaparte en 1778 et 1779, puis le pape Pie VII en 1809, mais ce fut Stendhal qui le rendit célèbre en 1837 dans ses Mémoires d’un touriste. A contrario, Alexandre Dumas, filleul du maréchal Brune, dans Les Compagnons de Jehu, dressa un portrait au vitriol de la cité papale où avait été assassiné son parrain !
  25. Le matin même, le citoyen Calvet, accusé par les Verdets et les Trestaillons d’être un fédéré, avait été poursuivi, tué et son corps jeté dans le Rhône.
  26. Pris d’un nouveau zèle, le commandant de gendarmerie fit reculer ses hommes de près de 500 mètres en les cantonnant rue Joseph Vernet (alors rue de la Calade) près de la chapelle de l'Oratoire. Marc Maynègre a souligné : « Ce lieu, sciemment choisi, bien éloigné du rassemblement, permit de laisser le champ libre aux noirs desseins des promoteurs de l’attentat. Par cette initiative, on ne peut plus coupable, Lambot rendait le crime inévitable ».
  27. Lors du passage de l’Empereur à Avignon le 25 avril 1814, alors qu’il était en route vers l’île d’Elbe, la foule, à la tête de laquelle se trouvaient d’anciens détenus espagnols récemment libérés, tenta de s’emparer de lui aux cris de « À bas le tyran ! » Napoléon ne dut d’avoir la vie sauve qu’au sang-froid d’un capitaine de la Garde Urbaine, Louis Montagnat, qui réussit à éviter tout incident puis à faire dégager par ses hommes la voiture impériale qui put continuer au grand galop sa route vers l’exil.
  28. René de La Croix, duc de Castries indique que Brune rédigea une première lettre pour son épouse mais qu’il la déchira. Une seconde fut écrite au comte de Nugent, général en chef des armées autrichiennes.
  29. « La chose est faite ! ».
  30. Vermeil de Conchard écrit que «les auteurs ou complices de l’assassinat s’étaient empressés de faire croire à un suicide, pour couvrir l’odieux de leur attentat et se mettre à l’abri des poursuites de la justice ». Antoine de Carli, plus précis, parle «d’un complot entre gens de haut lignage. C’est pourquoi, après la catastrophe, magistrats, fonctionnaires et officiers royalistes estimèrent opportun d'opter pour une solution prudente qui ménageait l’avenir : par raison d’Etat, tous décidèrent d’accréditer l’infâme version du suicide. On propagea donc, non sans zèle, le fait, on l’estampilla officiellement et les inspirateurs du procès-verbal, la conscience apaisée, se reposèrent pleins de confiance en l’immutabilité de leur triste détermination ».
  31. Marc Maynègre, de l’Académie du Vaucluse, est le premier historien de cette période à avoir mis en exergue le rôle joué par Guillaume Puy, en tant que maire d’Avignon, pour sauver le maréchal Brune. Celui que Napoléon appela le maire modèle, était né le 29 janvier 1751 d’un père trésorier général du pape à Avignon. Il en devint maire pour la première fois le 26 mars 1795 et le resta sous l’Empire, la Restauration, les Cent Jours et la seconde Restauration. Le préfet Saint-Chamans écrivit à son sujet, le 19 août 1815, à son ministre de l’Intérieur : « Il n’est et ne sera jamais l’homme du gouvernement, c’est l’homme de la ville, il ne tenait pas à Bonaparte, il ne tient pas au roi, il ne voit que le bien d’Avignon. »
  32. Marc Maynègre précise que cette inscription fut ensuite gravée et resta longtemps visible.
  33. Marc Maynègre indique que deux anciens grognards ayant reconnu leur maréchal échoué sur la berge voulurent lui donner une sépulture. Des Verdets et des Trestaillons surgirent et, pris d’une rage nouvelle, le déterrèrent et l’exposèrent sur un rocher afin que le cadavre devienne la proie des charognards. Ils montèrent quelque temps la garde puis incommodés par l’odeur rejetèrent la dépouille au Rhône.
  34. La maréchale ne voulut jamais admettre la version officielle et mensongère du suicide. Avec un courage admirable, en dépit de la terreur blanche qui continuait à sévir, elle entreprit de défendre la mémoire de son époux. Elle obtint du roi le droit de poursuivre les assassins et, à Riom, le 25 février 1821, il fut reconnu que le maréchal n’avait pas porté la tête de la princesse de Lamballe, qu’il n’était pas coupable de malversations et qu’il ne s’était pas suicidé.

Bibliographie

  • Alexandre Dumas, Impressions de voyage. Midi de la France, préface de C. Schopp, Éd. Michel Lévy frères, Paris, 1851, rééd. François Bourin, 1991. Impressions de voyage. Midi de la France sur Google books, Le maréchal Brune, pp. 229 et passim.
  • Vermeil de Conchard, Le Maréchal Brune. Études historiques d’après des documents anciens, nouveaux et inédits, Paris, 1935.
  • Antoine de Carli, Quelques documents inédits sur l’assassinat du Maréchal Brune, Avignon, 1942.
  • René de La Croix, « duc de Castries », La Terreur blanche. L’épuration de 1815, Paris, 1981.
  • Marc Maynègre, Le maréchal Brune in De la Porte Limbert au Portail Peint. Histoire et anecdotes d’un vieux quartier d’Avignon, Sorgues, 1991.

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