- Les débuts du football français
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Débuts du football français
1880-1893 : premiers pas
Inventé par les Britanniques, le football codifié à Londres en 1863 est d'abord pratiqué en France au nord d'une ligne Caen - Paris - Laon, principalement en milieu scolaire. Le football y est, dès les années 1880, un des jeux préférés des écoliers et lycéens. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce ne sont que très rarement les professeurs de gymnastique qui introduisent le jeu dans les cours de récréation. Les professeurs d'anglais, en revanche, rapportent ballons et règles du jeu de leurs voyages linguistiques outre-Manche.
Parallèlement à cette introduction en milieu scolaire, quelques Anglais font démonstration de leur sport au cours de rencontres qui marquèrent parfois longtemps les mémoires. Ainsi, les ports et les villes de passage connaissent ces rencontres précoces. Les Français sont rarement conviés à jouer et les Anglais repartent toujours avec leur ballon. Les retombées locales sur la diffusion du jeu sont quasi nulles.
Le football s'organisant rapidement en Angleterre (professionnalisme dès 1885), la France ne peut rester longtemps à l'écart de ce nouveau phénomène. D'autant qu'un large mouvement très anglophile marquant la bourgeoisie depuis le Second Empire aide activement à l'introduction en France de la pratique sportive (aviron, athlétisme...). Toutefois, ces premiers sportifs français sont exclusivement recrutés parmi les meilleures familles du pays. La pratique du sport est alors perçue comme une forme de privilège. Or le professionnalisme bouleverse les habitudes de cette élite guindée. Ainsi, en 1914, l'Angleterre compte plus de 400 clubs professionnels et 6.000 joueurs opèrent sous ce statut. 4.740 sont même syndiqués...
L'opposition très farouche des dirigeants du sport français face à ces dérives britanniques pèse très lourdement sur l'expansion du football en France. L'Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), fédération omnisports fondée en 1887, a vocation à gérer l'ensemble du sport français. Le football est clairement boycotté par l'USFSA en raison de la peur panique du professionnalisme, des transferts et des paris (perçus alors en France comme le pire des défauts anglais) que générait ce sport outre-Manche. En revanche, le premier championnat de France USFSA de « football-rugby » a lieu dès 1891... Plusieurs dizaines de formations de rugby sont alors recensées à Paris, surtout en milieu scolaire.
1894-1914 : de l'anarchie à l'Union sacrée
La toute fin des années 1880 et le début des années 1890 voient l'émergence des premiers clubs à Paris. Les Britanniques sont à l'origine des deux plus prestigieux : le Standard A.C. et les White-Rovers. Des étudiants français ayant effectués des voyages en Angleterre fondent également quelques clubs en quittant le cadre scolaire (Club français, A.S. Internationale...). En 1893, ces clubs parisiens menacent de se constituer en Ligue si l'U.S.F.S.A. s'entête à ne pas admettre le football. Le Standard et les White-Rovers sont déterminants dans cette reconnaissance. Ces derniers font même venir à Paris l'équipe anglaise de Marylebone (Pâques 1893).
L'U.S.F.S.A. préfère alors reconnaître le football et organiser son développement. Favorisant néanmoins ouvertement le rugby, qui a su rester amateur même en Angleterre, l'U.S.F.S.A. tente cependant de freiner l'expansion du football. Toutefois, le comité composé de dirigeants de clubs parisiens, mis en place pour gérer le football, reste vigilant et actif à Paris. Le premier championnat organisé sous son égide a lieu en avril-mai 1894 et met aux prises cinq clubs parisiens : Standard A.C., White-Rovers, Club Français, Neuilly et Asnières.
En 1895-96, on adopte la formule championnat, les deux premières éditions du championnat de France s'étant déroulées par élimination directe. Chaque rencontre a lieu sur terrain neutre, sans revanche. La première « Division 1 » de l'histoire du football français comprend neuf clubs parisiens : Standard A.C., White-Rovers, Club français, Neuilly, Asnières, United S.C., Paris Star, et l'U.A. 1er arrondissement. Après les deux triomphes du Standard, le Club Français enlève le titre en 1896. Depuis 1895, l'équipe victorieuse reçoit un trophée offert par M. Gordon-Bennett, directeur du New York Herald, grand pourvoyeur de trophées sportifs aux quatre coins de la planète.
Meilleure illustration de la multiplication des clubs, trois divisions sont mises en place à Paris dès 1897 ! Cette même année, le Paris Star initie l'organisation d'une coupe nationale réservée aux clubs n'alignant pas plus de trois joueurs étrangers (Coupe Manier). Une Coupe Dewar, ouverte à tous sans restriction, est immédiatement créée en réaction.
L'U.S.F.S.A. voit d'un très mauvais œil cette montée en puissance du football parisien. Déjà, l'Union interdit la pratique aux professeurs de gymnastique ; ce sont des professionnels du sport... Elle tente également de limiter le nombre de spectateurs afin de juguler l'émergence de « l'esprit club » au détriment de « l'esprit du sport ». Ces blocages portent leurs fruits, et, en 1899, la pratique du football n'a que faiblement progressé en France. Signalons tout de même la position de Mulhouse (alors en territoire allemand) et de Bordeaux où la pratique du football est avérée depuis le début des années 1890. Le rugby, à l'image de l'U.S.F.S.A., règne en maître absolu des sports collectifs, alors que le cyclisme est le sport national. Cette position du cyclisme avec 500.000 bicyclettes recensées en 1898, des courses organisées dès 1869, une presse spécialisée déjà vieille de trois décennies et des fédérations autrement plus puissantes que la chétive U.S.F.S.A. sont à signaler. À l'image du parc des Princes, stade vélodrome inauguré en 1897, la France s'est en effet couverte de quelques 300 de ces enceintes qui constitueront autant d'espaces propices à la pratique du football.
En Normandie et Nord-Picardie, la floraison des équipes scolaires et des compétitions interscolaires forme un terreau particulièrement riche pour l'installation de clubs extrascolaire. Devant la pression de ces provinciaux, l'U.S.F.S.A. ouvre les portes du championnat de France au Havre AC et à l'Iris Club lillois. Ainsi, en 1899, Havre A.C. doit affronter le champion de Paris (Club français) pour l'attribution du titre national. Les Parisiens contestent la légitimité de ce challenger, qui n'est pas champion de sa région, et la rencontre n'a pas lieu. Large vainqueur d'une sélection anglaise Southampton- Oxford, 7-1, Le Havre AC fait peur... Le club havrais pratique le football depuis 1894 (et pas depuis 1872 comme le prétend la légende), mais son effectif est quasi exclusivement composé de joueurs britanniques, rompus au jeu. L'USFSA, qui tient à garder l'ascendant sur le comité parisien qui gère le football dans la capitale, couronne alors Le Havre AC du titre de champion de France. La saison suivante, les deux mêmes finalistes se qualifient. Le Club Français accepte cette fois la confrontation. Le Havre vient d'être sacré premier champion de Normandie et s'impose en finale nationale, légitimant de façon éclatante l'entrée des clubs de province à la table des « grands ». Dans la foulée, les Havrais enlèvent le Challenge International réunissant principalement des clubs belges et français, en battant en finale... le Club français, 3-2.
Le Havre AC, donc, mais aussi le Racing Club de Roubaix, s'avèrent alors de coriaces adversaires face à l'armada des clubs parisiens. Ces clubs sont encore issus de la zone originelle du football français. Il faut en effet attendre les premières années du XXe siècle pour voir le football partir à l'assaut de l'Hexagone. Les clubs fleurissent alors aux quatre coins du pays et des sections football sont créées dans des clubs sportifs existants. Les ligues régionales de l'U.S.F.S.A. se constituent et le football devient un phénomène national. Ainsi, le 26 janvier 1902, l'hebdomadaire La Vie au Grand Air concède que le football mérite le titre de sport athlétique autant que le rugby tout en faisant remarquer qu'il est encore bien moins connu. On passe ainsi de 4 régions désignant un champion (Paris depuis 1894, Nord depuis 1898 et Normandie et Basse-Normandie depuis 1900) en 1902 à 13 dès 1904, Bretagne, Picardie et Champagne ouvrant leurs palmarès en 1903.
Point culminant de l'omnipotence de l'U.S.F.S.A., 1904 marque la fondation à Paris de la F.I.F.A. malgré le refus britannique. Or, une des pierres angulaires de la F.I.F.A. est de ne reconnaître qu'une fédération par pays. L'U.S.F.S.A. recevait ainsi l'investiture internationale pour gérer seule le football en France.
L'équipe de France est fondée de fait en 1904 par la création de la F.I.F.A.. Notons toutefois les cinq matches internationaux disputés par la sélection USFSA face à la Belgique et l'Angleterre amateurs entre 1900 et 1904 avec une victoire française en 1900 contre la Belgique (6-2) et quatre défaites contre l'Angleterre amateurs (1900: 4-0, 1903: 8-0, 1904: 6-1 et 11-4).
Prisonnier de son environnement (1905. Loi de séparation de l'Église et de l'État marquant le summum de la guerre froide religieuse qui divise alors notre pays), le football connaît un changement d'orientation majeure en 1905 avec la montée en puissance de la Fédération de Gymnastique Sportive des Patronages de France (F.G.S.P.F.) fondée en 1898. Sous l'impulsion du Dr Michaux, Charles Simon et Henri Delaunay, cette fédération regroupant les clubs sportifs mis en place au sein des patronages catholiques, décide de faire du football le sport référence. L'Étoile des Deux-Lacs, le Patronage Olier, les Bons Gars de Bordeaux ou l'A.J. Auxerre, sont les principaux animateurs des compétitions entre patronages. Le football est le sport qui monte et l'U.S.F.S.A. tente encore d'en limiter l'expansion ; la F.G.S.P.F. en profite pour attirer à elle toute une jeunesse avide de jouer, provoquant par contrecoup la réplique des clubs laïcs qui ne tiennent pas à abandonner aux seuls patronages le monopole du football.
En 1906, la Fédération Cycliste et Athlétique de France, dissidente de l'Union Vélocipédique de France, doit mettre en place un championnat de France de Football, les clubs qui la composent accueillant désormais majoritairement une section football.
D'autres ligues voient le jour à Paris (F.S.A.P.F. qui admet des clubs « pros » dès 1897!) ou en Province (F.A.S.O. dans le Sud-Ouest, entre autres). Citons l'Union des Sports de France, champion pro 1897, 1898 et 1899 ou l'Union Athlétique Batignolaise, champion pro de 1902 à 1905. Ces ligues professionnelles étaient évidemment dénigrées par les sportsmen typiques de la Belle Époque. Ces championnats pros de l'époque héroïque connurent toutefois un remarquable succès populaire à Paris et bénéficiaient d'une couverture importante dans la presse. L'étude de ces compétitions aujourd'hui totalement tombées dans l'oubli reste à faire. Il est vrai que la FFFA des années 20 fit tout pour en effacer le souvenir au nom de sa croisade anti-pro... Cette explosion du football français est très profitable à sa diffusion. Dès la saison 1905-1906, le football compte plus de 300 équipes pour quelque 3.850 joueurs alors que le rugby ne recense que 141 équipes et 2.115 joueurs.
Sur la scène internationale, la position de l'U.S.F.S.A. se fragilise. L'Union claque même la porte de la F.I.F.A. (juin 1908). L'Union avait choisi de soutenir la candidature de la fédération dissidente anglaise (Amateur Football Association) dont le cheval de bataille était l'abolition du professionnalisme. L'omnipotente F.A., membre à contrecœur de la F.I.F.A. depuis 1905, obtint aisément l'appui des autres membres (Bohème exceptée).
Devant ce développement anarchique, une première tentative d'union est testée avec la mise en place d'un Trophée de France en 1907 par le Comité français interfédéral. Groupant plusieurs fédérations, le C.F.I. est fondé par Charles Simon le 23 mars 1907. Admis en 1908 par la F.I.F.A. comme représentant de la France au grand désespoir des dirigeants de l'U.S.F.S.A., le C.F.I. prend un ascendant déterminant sur l'Union.
Le Trophée de France oppose en fin de saison les champions des différentes ligues. L'U.S.F.S.A. se refuse à y prendre part. Certains clubs parisiens de l'Union se lassent alors de l'attitude bornée de leur fédération. En 1910, la L.F.A. (Ligue de Football Association) est lancée par des clubs dissidents de l'U.S.F.S.A. comme le Red Star (Jules Rimet, président-fondateur) et le CA Paris. La L.F.A. adhère évidemment au C.F.I.
L'équipe de France connaît des résultats très chaotiques, en grande partie en raison de ces querelles ne permettant pas d'aligner les meilleurs joueurs du pays. Ainsi, un classement publié le 25 décembre 1909 par le bi-hebdomadaire Football et Sports Athlétiques place la France au 6e rang des nations continentales derrière le Danemark, la Bohème, la Hollande, la Belgique, l'Allemagne, et à égalité avec la Suisse. Le journaliste précise que l'Italie, l'Espagne et le Luxembourg ne sont pas classés car « le sport de ballon rond n'est encore qu'à l'état embryonnaire ».
Les Britanniques restent évidemment les rois du jeu et exportent leur dernière innovation : l'entraîneur. Ce nouveau maillon essentiel de la vie d'un club, interface entre l'équipe et son « propriétaire », responsable des entraînements, de la composition de l'équipe et des choix tactiques, dépossède le capitaine d'une grande partie de ses attributions et de son prestige. La grande majorité des clubs français attendra toutefois l'entre-deux-guerres et parfois même les années 1950 pour se doter d'un entraîneur. On notera, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, un fort contingent d'entraîneurs britanniques recrutés par les clubs de l'Hexagone.
Association de fait, reconnue par le préfet puis par une fédération, les clubs de football les plus anciens profitèrent à plein de l'adoption, en 1901, de la loi sur les associations à but non lucratif. Fondés majoritairement par des pratiquants, les clubs de l'époque héroïque sont rarement dirigés par des personnes de plus de 30 ans. Très vite, la moyenne d'âge des dirigeants s'élève pour dépasser allègrement les 60 ans dès avant 1914...
Engagés dans la course au transferts, aux primes et à la victoire, les clubs voient rapidement croître leurs besoins financiers. Les premières foules entraînent déjà publicité et produits dérivés. Logiquement, ce sont de riches mécènes ou des sociétés désirant assurer leur promotion ou aider un spectacle prisé par ses ouvriers, qui prennent en main le contrôle des clubs. Ce mouvement engagé dès avant la Grande Guerre s'amplifie entre les deux guerres. Autre partenaire important du football, la presse écrite connaît une explosion de titres et une presse spécialisée apparaît, le bi-hebdomadaire Football et sports athlétiques notamment. Le football entre également massivement dans les colonnes de la presse généraliste. Voir : Football et presse écrite en France.
« La paix est faite » titre le quotidien sportif L'Auto du 5 janvier 1913. Suivant l'exemple donné en Angleterre par l'A.F.A. qui trouve un accord avec la toute puissante F.A., l'U.S.F.S.A. rejoint finalement le C.F.I. ; son champion, l'Olympique Lillois, s'adjuge d'ailleurs le Trophée de France au printemps 1914.
1914-1918 : le football et la Grande Guerre
À cette date, la réunification du football français est effective, mais la Grande Guerre éclate. Près de 200.000 joueurs sont alors licenciés en France pour plus de 2.000 clubs. À l'ouverture du conflit, nombre de clubs cessent leurs activités, leurs joueurs étant partis au front. Les imposants monuments aux morts érigés par les clubs à la mémoire de leurs membres tombés au champ d'honneur témoignent de l'hécatombe d'un pan entier de la jeunesse du pays. Toutefois, quelques compétitions sont tout de même mises en place durant le conflit. Le football est même pratiqué par les poilus sur le front. C'est le passe-temps préféré des combattants, les Britanniques étant d'excellents ambassadeurs. On voit ainsi se multiplier les rencontres (toujours acharnées !) entre différentes unités. Certaines opérations s'effectuent même « balle au pied », les combattants se passant le ballon tout en chargeant les lignes ennemies.
La Grande Guerre marque profondément notre pays. La France est victorieuse mais exsangue. L'Union sacrée décrétée durant cette période trouve une belle illustration avec la création en 1919 de la Fédération Française de Football Association par réunion des différentes ligues et fédérations gérant le football dans notre pays. La F.F.F. prend la place du C.F.I. à la F.I.F.A.
La Coupe de France (ou Coupe Charles Simon, mort au front en 1915), créée en 1917, est alors la seule épreuve à caractère national. C'est la conséquence de l'accord signé entre le C.F.I. et la société Hachette, sponsor de l'épreuve, qui interdit la mise en place d'une autre compétition à caractère national pendant dix ans. S'ouvre alors l'ère des ligues régionales.
À noter que le football a une mauvaise image en Angleterre pendant la guerre suite au refus des clubs professionnels de stopper leur championnat. Il y eut donc une saison 1914-1915 en Angleterre, mais pas en France, où tous les clubs, du plus grand au plus petit, stoppent leurs activités en 1914. En revanche, la guerre achevée, les plus tenaces partisans français de l'amateurisme ne manqueront d'utiliser l'exemple des footballeurs anglais en 1914 pour étayer leurs théories anti-pro.
1918-1932 : L'age d'or des Ligues Régionales
Les Ligues régionales se créent à l'initiative des clubs, souvent sur les ruines des comités régionaux de l'U.S.F.S.A. La Ligue du Nord est la première fondée (1918). En 1921, 18 ligues régionales se partagent le territoire national. Les championnats de Division d'Honneur qu'elles organisent permettent l'émergence de nombreux clubs cultivant les rivalités locales.
Les clubs à caractère corporatif défrayent rapidement la chronique et les clubs « civils » demandent leur retrait des compétitions. La Fédération tranche en interdisant les noms à caractère corpo. Le Club Athlétique de la Société Générale devient Club Athlétique des Sports Généraux, par exemple. Toutefois, rien n'interdit à une entreprise ou à un groupe d'entreprises de soutenir un club : Peugeot à Sochaux ou Casino à Saint-Étienne, notamment. Pour les clubs refusant cet abandon d'une partie de leur identité, des compétitions corpo sont mises en place.
La Coupe de France s'affirme, surtout de 1920 à 1932, comme la compétition référence par excellence. Dès cette période, les grands clubs tentent de limiter le nombre des inscrits afin d'en faire une compétition élitiste. C'est pourtant son caractère ouvert qui fait la grandeur de cette Coupe nationale à la réputation sans égale sur tout le continent. Même les poussives tentatives de mise en place d'un championnat de France à la fin des années 1920 ne font que peu d'ombre à la Coupe Charles Simon. Ce championnat de France opposait pourtant les champions régionaux mais intéressa peu joueurs et spectateurs. Le champion, c'était alors le vainqueur de la Coupe de France !
L'amateurisme est toujours de rigueur dans les années 20 et le débat houleux à son sujet. La Ligue de Paris est particulièrement rigide sur ce point et traque l'amateurisme marron. C'est beaucoup moins vrai en province... Ainsi, en 1922, le tenace Frantz Reichel (Racing club de France) prophétise que « le football professionnel anglais périra s'il reste cantonné sur le sol britannique »...
1932-1939. Le football français découvre le professionnalisme
Le football français résiste au professionnalisme jusqu'en 1932. Les pères fondateurs du professionnalisme français sont Georges Bayrou, Emmanuel Gambardella et Gabriel Hanot.
Inexorable évolution, l'instauration du professionnalisme entraîne un resserrement de l'élite, nombre de clubs n'étant plus capables de suivre le rythme financier imposé. On s'arrangeait, avant 1932, pour rémunérer discrètement les joueurs ou leur trouver un emploi de complaisance. Avec l'officialisation du professionnalisme, ces pratiques restent l'apanage des clubs amateurs. Le rugby à XV, qui a tardivement admis le professionnalisme, connaît en cette fin de XXe siècle les mêmes problèmes. Ainsi, plusieurs joueurs de ballon ovale déclaraient récemment qu'ils gagnaient plus sous l'ère amateur que sous le label pro ! C'est cette « transition professionnelle » que connut le football français durant les années 1930, en pleine crise économique. Conséquence de cette situation, certains joueurs évoluent sous des pseudonymes afin de conserver leur emploi. Citons ici l'international Mercier, de son vrai nom Furois ou le juge Adolphe Touffait qui évolue au Stade rennais sous le nom de Delourme de 1933 à 1936.
L'instauration du professionnalisme en 1932 ne modifie pourtant pas le cadre légal des clubs. Seule différence avec les milliers de clubs restés amateurs, les clubs pros sont des associations type 1901 autorisées par la F.F.F.A. à aligner des joueurs rémunérés. On parle de « clubs autorisés ».
Favorisant le resserrement de l'élite, l'instauration du professionnalisme coïncide avec la mise en place d'un championnat à caractère national. Face à l'émergence de ce championnat pro, les ligues régionales perdent de leur prestige, les meilleurs clubs quittant leurs championnats de Division d'Honneur (D.H.). On comprend les réticences de certains dirigeants de ligues tel Jooris à Lille.
Pas moins de 50 clubs présentent leur candidature au statut professionnel. 20 seulement sont sélectionnés. Une première division à deux groupes de dix clubs est alors mise en place (1932-33). Dès la saison suivante, 17 clubs sont admis à rejoindre les pros et une Division 2 est mise sur pied. Une Division 3 voit même le jour en 1936-1937, mais n'est pas reconduite. L'ouverture du football français au professionnalisme a pour conséquence de voir notre football rentrer de plain-pied sur le marché des transferts européens. Les joueurs britanniques, bien sûr, mais aussi ceux originaires d'Europe centrale (Autriche au premier chef) sont nombreux à rejoindre les clubs français désormais professionnels qui comptent ainsi dans leurs rangs quelques-uns des meilleurs joueurs de la planète : citons ici Rodolphe Hiden, André Abegglen et Larbi Ben Barek. Ainsi, lors de la première édition du championnat pro (1932-33), sur 387 joueurs ayant le statut professionnel, 113 étaient des étrangers (29%) ; 35% la saison suivante. Le nombre des étrangers fut rapidement ramené à trois puis à deux (1938) par équipe afin de ne pas compromettre l'émergence de talents du cru....
La presse de l'entre-deux-guerres reste étrangement en retrait vis-à-vis du football, pourtant désormais sport national. L'Auto multiplie ainsi ses unes sur le cyclisme, les courses automobiles et le rugby, négligeant clairement le football. Meilleure illustration de cet état de fait, L'Auto préféra titrer sur le Grand Prix automobile d'Italie au lendemain de la première journée du premier championnat pro...
Le média émergeant de l'entre-deux-guerres est la radio. Les rencontres sont couvertes en direct sur les ondes dès les années 1920 et les stations deviennent sponsors d'épreuves ou de clubs. Mais déjà se pose le délicat problème de la concurrence entre radio et affluence... Par ailleurs, la guerre des images déjà en place dès avant la Grande Guerre fait toujours rage. Elle oppose les différentes compagnies d'actualités cinématographiques.
Sur la scène européenne, les clubs français sont considérés comme sérieux. La réputation de clubs comme le Red Star ou le Racing Club de Paris franchit largement les frontières. Arsenal, alors au fait de sa gloire, accepte l'invitation annuelle des Pingouins du RCP pour disputer un match de charité. Le Racing-Arsenal devient un classique du calendrier (le plus souvent le 11 novembre, à partir de 1930) et reprend dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
L'entre-deux-guerres marque la fin de la prédominance parisienne sur le football national. En 1924, une équipe de province (OM) arrache la Coupe de France à l'armada des clubs parisiens. En 1932, quatre clubs de la capitale seulement franchissent le pas du professionnalisme. Le Racing répudie le désormais RC Paris tandis que le Stade français se refuse obstinément admettre cette révolution... Le Club Français et l'US Suisse abandonnent rapidement l'élite pro suite à la vertigineuse chute des leurs affluences.
Miné par des problèmes financiers inhérents au passage au professionnalisme et à la multiplication des longs déplacements, la guerre fauche le football professionnel alors seulement âgé de 7 ans. Un « effet Coupe du Monde » avait même été noté depuis le mondial français de 1938, laissant présager d'un avenir radieux.
1939-1945. La Guerre et ses conséquences
Pendant la guerre, les compétitions sont maintenues, vaille que vaille, mais le professionnalisme est très mal vu par le régime de Vichy. Dès 1940, MM Borotra et Ybarnegaray demandent sa suppression. Le commissaire aux sports, le colonel Pascot, liquide finalement le football professionnel français en 1943. Il crée des équipes régionales, décapitant les clubs pros. La Libération intervient dès la saison suivante et le football français retrouve rapidement un visage plus normal.
Mis à mal pendant la guerre, et très déçu par l'attitude de la FFFA, le football professionnel français se dote d'une structure propre: Le Groupement des Clubs Autorisés, qui voit le jour dès le 27 octobre 1944. Le 23 novembre 1957, le Groupement prend le nom de Ligue Nationale du Football. Le terme de « Groupement » reste toutefois encore largement utilisé jusqu'au cœur des années 1970.
La saison de la Libération est rendue chaotique par la poursuite des combats mais aussi et surtout à cause des très graves dysfonctionnements du système ferroviaire. Aussi, on reprend le modèle de la saison 1942-1943 avec une D1 à deux groupes, un au Nord, l'autre au sud. Les Nordistes attendent le mois de décembre pour débuter la saison dont le calendrier se trouve encore modifié par un hiver rigoureux... Le 17 juin 1945, Rouen et Lyon s'affrontent enfin en finale nationale : les Diables Rouges rouennais s'imposent 4-0. À l'occasion de ces matches de championnat, les clubs ont déposé une pluie de réclamations . Aussi, il est bien délicat de proposer aujourd'hui un classement officiel de cette saison qui tienne compte de tous les points gagnés ou perdus sur tapis vert... À l'entame de la saison suivante, il était encore impossible de dresser un tel classement comme l'indique le guide de la saison de l'hebdomadaire Football qui préfère s'en tenir aux résultats acquis sur le terrain! L'étude de cette saison est d'autant plus compliquée qu'une suspension des journaux sportifs est décrétée par le Ministère de l'Information du 15 avril 1945 au 23 février 1946...
Par convention, on conserve au palmarès des clubs les victoires en Coupe de France de guerre, mais pas les titres de champions! Il est vrai que le championnat de la « drôle de guerre » ne fut jamais achevé, tandis que ceux de 1941, 1942 et 1943 couronnèrent un champion au Nord, un autre au Sud. En 1944, les équipes régionales du régime de Vichy sont à l'œuvre. La confusion de la saison de la Libération et l'impossibilité pour les clubs de l'Est d'y prendre part (combats obligent) expliquent le reclassement de cette compétition comme le dernier des « championnats de guerre ».
La refonte de la Division 1 est le sujet numéro 1 de l'été 1945. Qui repart ? Et à quel titre ? Certains clubs ont fusionné pendant la guerre : Lille et Fives d'une part, les deux Roubaix et Tourcoing d'autre part. Des places se libèrent, d'autant que l'élite passe de 16 à 18 clubs. On se réfère ainsi aux résultats du dernier championnat pour admettre directement en D1 les clubs de Lyon, Bordeaux et Reims. Reims (4e du groupe Nord) est préféré à Clermont (4e du groupe sud) en raison de ses bons résultats durant les saisons de guerre.
Bibliographie
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- Wahl Alfred, Les archives du football, Paris, Gallimard/Julliard, mars 1989.
- Wahl Alfred et Lanfranchi Pierre, Les footballeurs professionnels des années trente à nos jours, Paris, Hachette, février 1995.
Voir aussi
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