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Histoire du Havre
Cet article résume l'histoire du Havre, une ville portuaire du nord-ouest de la France située sur la rive droite de l'estuaire de la Seine. Le Havre est situé dans le département de la Seine-Maritime et la région Haute-Normandie.
Sommaire
Avant François Ier
Quelques vestiges préhistoriques ont été exhumés dans l'estuaire et dans la forêt de Montgeon : des objets de bronze du néolithique ont été découverts à Graville. Le site du Grand Epaville a révélé des centaines d'outils datant du IIIe millénaire avant J.-C.
Dès l’Antiquité, le trafic fluviale sur la Seine était en relation avec le dynamisme des cités de l’estuaire (port de Caracotinum, ancêtre d'Harfleur). Une voie romaine reliait sans doute Lillebonne (Iuliobona - Juliobona) à Sainte-Adresse (Chef de Caux) et passait par le territoire actuel de la commune du Havre. Plusieurs sépultures romaines ont été retrouvées sur la côte d'Ingouville. Dans la forêt de Montgeon, l'ancien bois des Hallates, les archéologues ont découvert un cimetière laténien et une nécropole romaine. Dans une chapelle de l'abbaye de Graville, le sarcophage de sainte Honorine, long de deux mètres en craie du pays de Caux, a été redécouvert en 1867.
Pendant le Haut Moyen Âge, le port de l'Eure (ou Leurre) existait au sud-ouest d'Harfleur, sur le rive maritime de la Seine. Il servait d'abri aux navires en attendant la marée permettant d'entrer dans le port d'Harfleur. En 1040, Édouard le Confesseur réunit une importante flotte dans cet endroit. En 1339, le port de l'Eure fournit une flotte d'une quarantaine de navires à Philippe de Valois. On construit des fortifications qui n'empêchent pas la destruction du port pendant la Guerre de Cent Ans.
Au Moyen Âge classique, Paris devient la capitale du royaume et surtout la ville la plus peuplée. Il faut alors approvisionner la métropole et une partie du ravitaillement se fait pas la voie d’eau (produits pondéreux). Au XIe siècle, le port de Honfleur est créé, sur la rive sud de l’estuaire. Les navires trop chargés ne pouvant pas remonter la Seine, on utilise les avant-ports de Chef-de-Caux, Harfleur et Leurre. L’estuaire ne compte alors que quelques hameaux de pêcheurs et d’agriculteurs : Graville, Ingouville, hameau du Lieu-de-Grâce, Saint-Denis-Chef-de-Caux, Harfleur. Au XIIIe siècle on dresse la chapelle de Notre-Dame-des-Neiges au sud du site. Le château de Tourneville est la propriété du seigneur de Graville. Dès le XIe siècle existe l'église paroissiale de Saint-Julien de Rouelles, Saint-Denis de Sanvic ; Saint-Michel d'Ingouville au XIIIe siècle.
Les raisons de la construction d’un nouveau port sont les suivantes :
- L'ensablement des autres ports de la Basse-Seine et augmentation du volume des navires. À la fin du XVe siècle, les ports de Rouen, Harfleur et Honfleur semblaient de plus en plus inadaptés pour faire face à l’augmentation du trafic maritime, notamment avec le Nouveau Monde. La nécessité d’un port d’allège était donc de plus en plus vive, notamment pour les Rouennais.
- La crainte d’un débarquement anglais. Les rois de France, mais surtout les populations locales, avaient peur de l'arrivée de la flotte anglaise en Seine (la Guerre de Cent ans ne s’est achevée qu’en 1453, son souvenir est encore vivace !). Louis XI et Louis XII avaient envoyé des experts chargés de trouver un endroit pour construire de nouvelles fortifications. Mais aucun projet ne fut réalisé.
- L'ouverture vers le Nouveau Monde et ses opportunités économiques. François Ier était préoccupé par ses engagements militaires (soutien à l’Écosse contre le roi d’Angleterre) et économiques. C’est lui qui fonde le port et la ville du Havre (Franciscopolis).
Le Havre au XVIe siècle
1517, année de naissance du Havre
Guillaume Gouffier de Bonnivet, amiral de France, choisit le site d’implantation du nouveau port. Il confie le projet à Guyon le Roy, seigneur du Chillou, capitaine du port de Honfleur. L’avancée des travaux est retardée par l’instabilité du sol et les tempêtes. Mais dès octobre 1518, le port est utilisable et accueillait ses premiers navires. Le 8 octobre 1518, François Ier signe la charte de fondation de la ville. La « grosse tour » en défend l’entrée. Le site est entouré de marais, et il n’est pas question à l’origine de créer une ville dans ce milieu insalubre. Pourtant, sur l’initiative de Du Chillou, François Ier donne exemption de taille et de franc-salé aux futurs habitants du Havre. Les armes de la villes sont celles de François Ier : une salamandre. Le roi se déplace lui-même en août 1520 et rend les privilèges du Havre (essentiellement le quartier Notre-Dame) perpétuels. En 1525, la « mâle marée » détruit les premières constructions, fait une centaine de victimes sur une population de 600 âmes.
Extrait du décret royal du 7 février 1517 : « avons fait chercher en la coste de Normandie et pays de Caux lieu sûr et convenable, et nous ayant été rapporté par vous et notables personnages, en ce exprimés et entendus, que le lieu de grâce soit le plus propre et le plus aise de ladicte coste et pays de Caux à faire havre auquel lesdics vaisseaux puissent aisément arriver et seurement séjourner, et faire ledit havre en la forme qu’il appartient... »
Les fonctions du Havre au XVIe siècle
Une base militaire
En 1519, 4 000 hommes embarquent au Havre pour soutenir Christian II du Danemark contre les Suédois. En 1536, 16 000 soldats écossais débarquent au Havre pour aider François Ier. En 1545, une grande flotte destinée à l'attaque de l'île de Wight avec 175 à 250 navires se rassemble au Havre.
C'est sous François Ier que le premier chantier naval du Havre est ouvert en 1524. La Grande Françoise, un des plus gros bateaux de l'époque, est construit au Havre. Or, une fois terminé en 1533, il ne peut sortir du port car il est trop gros, le tirant d'eau est trop élevé (2 000 tonneaux). Il est donc démoli sur place.
Un port de pêche
En janvier 1544, la Catherine quitte le port pour partir à la pêche à la morue vers Terre-Neuve et devient ainsi le premier Terre-neuvier de l'histoire. Au XVIIe siècle, Le Havre est l'un des premiers ports français pour la morue verte. En 1653 débute la pêche à la baleine.
Une base de départ des aventuriers
En 1524, Giovanni da Verrazano part (de Dieppe ?) pour les Indes Occidentales et découvre le site de New York.
Le 12 juillet 1555, une expédition de 600 hommes dirigée par Villegagnon part du Havre pour fonder une colonie au Brésil (Fort-Coligny). Aujourd’hui encore, une place des cannibales rappelle ces liens anciens avec le Nouveau Monde. D’autres convois de huguenots embarquent au Havre pour l’Amérique.
En février 1562, une expédition quitte le port du Havre en direction de la Floride. Elle est dirigée par Jean Ribault et René de Laudonnière, avec 150 hommes, en majorité des protestants.
À la fin du XVIe siècle, la contrebande prend son essor et Le Havre voit arriver des produits américains comme des cuirs, du sucre et du tabac. Une des principaux acteurs de ce trafic interlope est un Havrais explorateur et cartographe, Guillaume Le Testu (1509-1573) : un quai au Havre porte toujours son nom. D’autres figures de la Course et de l’exploration de l’Amérique passèrent par Le Havre : le capitaine Guillaume de Champaigne (années 150-1580), le Normand Pierre Belain d'Esnambuc (1585-1637) qui prit possession de l’île antillaise de Saint-Christophe en 1626. Jacques Devaux est né au Havre ; il fut pilote et cartographe et en 1579 il explora la région de l’Amazone et fit des relevés des côtes américaines de 1585 à 1587.
Travaux pour une ville moderne
En 1536, les premiers travaux de construction de la future cathédrale Notre-Dame sont entrepris par Guillaume de Marceilles. En 1541, François Ier confie le projet d’urbanisme et de fortification à l’architecte italien Girolamo Bellarmato. Celui-ci a les pleins pouvoirs et organise le quartier Saint-François selon des normes précises (plan orthogonal, hauteur des maisons limitée). En 1551 débutent les travaux de l’église de la paroisse de Saint-François.
Le Havre dans les guerres de religion
La Réforme connaît un relatif succès en Normandie : les petits nobles du pays de Caux sont influencés et un temple protestant est construit au Havre dès 1561. Le 8 mai 1562, les réformés investissent Le Havre. Redoutant une contre-attaque des armées royales, ils se tournent vers les Anglais qui envoient des troupes : 6000 fantassins et 300 cavaliers commandés par le comte de Warwick. Les occupants construisent le fort Warwick et quatre bastions en vertu du traité de Hampton-Court. Les Anglais utilisent, en plus du fort, la tour de l'actuelle cathédrale pour bombarder les positions françaises qui sont sur les hauteurs. Les troupes de Charles IX, commandées par le connétable de Montmorency, attaquent Le Havre et les Anglais sont finalement chassés (juillet 1563). Le fort Warwick est détruit sur les ordres du roi de France. En 1603, Henri IV visite la ville et la future cathédrale.
Les XVIIe et XVIIIe siècles
Le Havre, forteresse de l’estuaire
La modernisation du port débute au XVIIe siècle, sur ordre du cardinal de Richelieu, gouverneur de la ville : construction d’un arsenal et d’une forteresse, remparts renforcés. Le sieur d’Argencourt prit en main le chantier de la forteresse. Il fit bâtir 4 bastions. La citadelle était de forme carrée et abritait 8 corps de casernes composés de 240 chambres de 15 hommes chacune. Le pavillon du gouverneur était situé sur le côté sud de l’édifice. En 1650, Mazarin y fait emprisonner les princes frondeurs (Longueville, Conti et Condé). À la fin du XVIIIe siècle, la citadelle fut abandonnée et n’était plus qu’une simple caserne.
Développement économique sous l’impulsion des gouvernants (XVIIe – XVIIIe siècles)=
Le Havre affirme sa vocation maritime et internationale au cours du XVIIe siècle : la compagnie des Indes s’y installe dès 1642. Le port du Havre importe des produits exotiques (sucre, coton, tabac, café, et diverses épices). La traite des Noirs enrichit les négociants havrais au XVIIIe siècle.
Les guerres de Louis XIV et de Louis XV interrompent momentanément l'essor du Havre : Le 25 juillet 1694, la ville subit un bombardement par la marine anglaise : 300 maisons sont détruites. Le 4 juillet 1759, le port et la ville sont bombardés par la flotte britannique. Quatre vingt treize maisons sont à nouveau détruites. En 1749, Madame de Pompadour veut voir la mer : Louis XV choisit Le Havre pour exaucer son désir. Ce fut une visite ruineuse pour les finances de la ville. Mais ces crises n’effacent pas la prospérité du Havre qui devient deuxième port colonial français et pour la traite dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
La première conséquence de l’essor économique est un accroissement de la population (20 000 habitants en 1789) mais aussi des transformations dans le port et la ville : installation d’une manufacture de tabac dans le quartier Saint-François, expansion des chantiers navals. Les Havrais surélèvent leurs maisons (rue Dauphine par exemple), construisent dans les cours. L’hygiène est mauvaise, les épidémies fréquentes. Lors d’une visite de Louis XVI en 1786, le roi approuve le projet d’extension de la ville : c’est Lamandé qui se charge de multiplier par quatre la surface de la ville.
L’essor économique profite aux grandes familles d’armateurs et de négociants tels les Fouache et les Begouen qui se font construire de belles demeures sur la « Côte » d'Ingouville. Entre 1785 et 1789 est construit le théâtre des Barres.
A cause des bombardements de 1944, il ne reste presque plus rien des anciennes demeures de l’époque moderne. Néanmoins, le terrier de 1747 et les dessins et l’Histoire des rues du Havre (1876) permettent aux historiens de se faire une idée du visage de la ville aux XVI-XVIIIe siècles.
Les derniers témoignages de l'architecture de la ville sont :
- l’ancien palais de Justice, aujourd’hui le Museum d’histoire naturelle, qui date de 1760 ;
- l’hôtel Brocques, du nom d’une grande famille havraise, qui date de 1740, dans le quartier Saint François ;
- l’hôtel Dupasseur, 52 rue Dauphine, qui a été construit au milieu du XVIIIe siècle ;
- la maison de l’Armateur (fin du XVIIIe siècle), désormais ouverte au public, qui est un hôtel particulier de plusieurs étages organisés autour d'un puits de lumière ;
- l’hôtel Dubocage de Bléville, aujourd’hui musée de l’ancien Havre et qui date du (XVIIe siècle-début du XVIIIe siècle) ;
- une maison fortement remaniée, 88 rue de Bretagne(Saint-François), qui date du XVIe siècle ;
- les maisons jumelées, 91 et 93 rue Dauphine, du XVIIIe siècle ;
- les trois maisons du quai de Lisle des (XVIIe et XVIIIe siècles) ;
- la maison de commerce Roger Lewis et Monod, 60 et 62 rue dauphine, de la fin du XVIIIe siècle.
Les maisons du XVIe siècle étaient à deux étages carrés avec encorbellement. Elles étaient construites en pans de bois essentés d’ardoises. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les maisons sont surélevées et comptent jusqu’à quatre étages. Elles sont desservies par des passages couverts. Les négociants havrais font construire des hôtels en briques recouvertes d’un enduit imitant la pierre de taille.
Le Havre, porte vers l’Amérique
Les relations entre le port normand et la côte est de l’Amérique du Nord se multiplient pendant la guerre d’indépendance américaine. En 1779, le marquis de Lafayette quitte la France par Le Havre pour s’engager auprès des insurgés américains. Des troupes, des munitions et des armes sont envoyées par le port vers les nouveaux États-Unis. En 1784 est établie la première ligne régulière Le Havre-New York. Durant l’été 1785, Benjamin Franklin fait escale au Havre. En 1831, Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont s'embarquaient pour l'Amérique pour y étudier le système pénitentiaire américain.
Le Havre pendant la période révolutionnaire (1789-1815)
Entre 1789 et 1793, le port du Havre est le deuxième en France, après celui de Nantes. Le commerce triangulaire se poursuit jusqu'à la guerre et l'abolition de la traite. Le port reste toujours un enjeu stratégique à cause du commerce des céréales (ravitaillement de Paris) et de sa proximité avec l'ennemi britannique. L'année 1793 fut difficile pour la France comme pour Le Havre à cause de la guerre, des insurrections fédéralistes et du marasme économique. La Terreur religieuse transforme la cathédrale Notre-Dame en temple de la Raison. Durant cette même année, le 20 novembre 1793 (29 brumaire An II), Le Hâvre de Grâce prend le nom du Hâvre de Marat puis rapidement celui de Hâvre-Marat, en l'honneur du révolutionnaire Jean-Paul Marat, assassiné par Charlotte Corday. Le 13 janvier 1795 (23 nivôse An III), Le Hâvre-Marat devient Le Hâvre.
La ville acquiert le statut de sous-préfecture par la réforme administrative de l'An VIII. Sous l'empire, Napoléon Ier vient au Havre et ordonne la construction de forts. A cause de la guerre contre la Grande-Bretagne et du blocus, l'activité du port se réduit et celle des corsaires s'accroît. La population du Havre diminue jusqu'à 16 000 habitants.
La prospérité du Havre au XIXe siècle
L'arrêt des guerres révolutionnaires et napoléoniennes permet au commerce de reprendre normalement à mesure que s'éloigne la menace britannique. Le contexte de paix retrouvée et d'essor économique entraîne un afflux important de population. Les Havrais sont vite à l'étroit dans les murailles et de nouveaux quartiers apparaissent. Mais beaucoup d'indigents s'entassent dans le quartier insalubre de Saint-François. Les épidémies de choléra, de typhoïde et de "fièvres" font plusieurs centaines de morts dans les années 1830-1850. L'alcoolisme et la mortalité infantile font des ravages dans les classes les plus pauvres. Quant aux riches négociants havrais, ils sont très minoritaires mais de plus en plus nombreux ; ils se font construire de belles résidences en dehors des remparts, sur la "Côte". Mais les fortunes construites rapidement peuvent disparaître aussi vite et provoquer des ruines retentissantes. Tout au long du XIXe siècle, l'aspect cosmopolite de la cité portuaire ne fait que se renforcer : dans les temps de prospérité maritime, la main d'œuvre du Pays de Caux est poussée vers Le Havre à cause de la crise du tissage. L'implantation d'une large communauté bretonne (10 % de la population havraise à la fin du XIXe siècle) modifie la vie culturelle du Havre. La réussite économique de la ville attire des entrepreneurs anglo-saxons et nordiques. On rencontre des Italiens, des Polonais puis des Maghrébins sur les quais et dans les usines.
La ville et son port se transforment grâce à de grands travaux d'aménagement, en partie financée par l'état, qui s'étalent tout au long du XIXe siècle, parfois interrompus par les crises politiques ou économiques. Ainsi plusieurs projets sont menés à bien comme la construction d'une bourse et du bassin du commerce dès la première moitié du siècle. L'installation progressive de l'éclairage au gaz à partir de 1836, de l'enlèvement des ordures (1844) et des égouts dénote un souci de modernisation urbaine. Au milieu du siècle, les vieux remparts sont rasés et les communes limitrophes sont annexées : par conséquent, la population de la ville du Havre augmente brusquement.
La période 1850-1914 constitue l'âge d'or du Havre ; en effet, si l'on met de côté quelques années de dépression (guerre de Sécession, guerre franco-prussienne), le commerce explose et la ville s'embellit de constructions édilitaires (grands boulevards, hôtel-de-ville, palais de justice, nouvelle bourse).
Les effets de la révolution industrielle sont de plus en plus visibles au Havre : en 1841, on trouvait 32 navires à vapeur dans le port. La première drague à vapeur est utilisée en 1831. Les chantiers de construction navale se développent. Frédéric Sauvage met au point ses premières hélices au Havre en 1833. Le chemin de fer qui arrive en 1847 permet de désenclaver Le Havre. Les docks sont construits à la même époque, de même que des magasins généraux. À la veille de la Première Guerre mondiale, Le Havre est le premier port européen pour le café ; il importe quelques 250 000 tonnes de coton et 100 000 tonnes de pétrole.
Le secteur industriel existe, mais reste minoritaire au XIXe siècle : les usines sont en relation avec le trafic portuaire (chantiers navals, raffineries de sucre, fabriques de cordes ...). Le secteur bancaire se développe, même s'il demeure largement tributaire de l'extérieur. La ville compte peu de professions libérale et de fonctionnaires. Le nombre d'écoles reste insuffisant jusque dans les années 1870.
Le port est toujours la porte de l'Amérique : il reçoit des produits tropicaux (café, coton). Le cabotage européen apporte du bois, de la houille et du blé d'Europe du Nord, du vin et de l'huile de Méditerranée. L'abolition de la traite des Noirs entraîne peu à peu une modification des trafics. Le Havre reste un point de passage pour les candidats à l'émigration vers les États-Unis. Les voyages transatlantiques deviennent importants dans la deuxième moitié du XIXe siècle. En 1913, sur les 741 000 passagers qui transitent par Le Havre, 150 000 voyagent vers les États-Unis. C'est le début de l'ère des paquebots qui feront le fierté des Havrais.
Depuis les années 1830, Le Havre est une station balnéaire fréquentée par les Parisiens. La création des bains maritimes remonte à cette époque. C'est en 1890 que le boulevard maritime est construit, dominé par la villa maritime qui est contemporaine. Le casino Marie-Christine (1912) et le palais des Régates (1906) rassemblent la bourgeoisie. Guy de Maupassant nous livre des renseignements précieux sur l'atmosphère de la ville dans ses œuvres (en particulier dans Pierre et Jean). La fin du XIXe siècle et la Belle époque annoncent cependant des tensions sociales exacerbées par l'inflation et le chômage. À partir de 1886, l'agitation ouvrière, que soutiennent les socialistes de plus en plus influents, secoue la ville. L'affaire Jules Durand est symptomatique de ce contexte. Les conséquences de la Première Guerre mondiale ne vont qu'amplifier ces confrontations.
Le temps des guerres (1914-1945)
Le bilan humain de la Première Guerre mondiale est lourd pour la cité : environ 6 000 morts havrais, pour la plupart des soldats partis au combat. La ville a été épargnée par les destructions massives, car le front se situait beaucoup plus au nord. Plusieurs navires ont néanmoins été torpillés par les sous-marins allemands, dans la rade du Havre. Un des faits notables de la guerre a été l'installation du gouvernement belge à Sainte-Adresse, dans la banlieue du Havre, contraint de fuir l'occupation allemande. La ville servit de base arrière pour l'Entente, notamment pour les navires de guerre britanniques.
La période de l'entre-deux-guerres est marquée par l'arrêt de la croissance démographique, l'agitation sociale et la crise économique :
- Au sortir de la guerre, l'inflation ruine de nombreux rentiers. La ville est devenue largement ouvrière. Les pénurie et la vie chère provoquent la grande grève de 1922 au cours de laquelle l'état de siège est proclamé. En 1936, l'usine Bréguet du Havre est occupée par les grévistes : c'est la première grève du mouvement ouvrier sous le Front populaire.
- Sur le plan économique, la forte croissance de la deuxième moitié du XIXe siècle semble révolue. Les ports du Nord de l'Europe concurrencent sérieusement Le Havre et les grands travaux d'aménagement portuaire sont ralentis. Les importations de pétrole continuent d'augmenter et des raffineries voient le jour à l'est du Havre. La crise mondiale de 1929 et les mesures protectionnistes n'encouragent pas le développement du commerce. Seul le secteur du voyage se porte relativement bien, avec 500 000 voyageurs transportés en 1930. Le paquebot Le Normandie part pour New York en 1935. Mais rapidement se profilent les menaces de guerre et le danger nazi.
Les Allemands ont occupé Le Havre à partir du printemps 1940, avec une garnison qui a compté jusqu'à 40 000 soldats. Ils l'ont transformé en base militaire et aménagé la Festung Le Havre, ligne de casemates, blokhaus et batteries d'artilleries. Ce dispositif était intégré au mur de l'Atlantique. Pour les Havrais, la vie quotidienne fut difficile à cause des pénuries, de la censure, des bombardements et de la politique antisémite : ainsi, le maire Léon Meyer est contraint de quitter son poste à cause de ses origines juives ; de nombreux havrais quittent la ville. La résistance havraise s'est constituée autour de plusieurs noyaux comme le groupe du lycée du Havre ou encore celui du Vagabond Bien-Aimé. Ces groupes ont participé au renseignement des Britanniques et à des actions de sabotage en vue du débarquement du 6 juin. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Le Havre subit 132 bombardements planifiés par les Alliés ; les nazis ont également détruit les infrastructures portuaires et coulé des navires avant de quitter la ville. Mais les destructions les plus importantes surviennent les 5 et 6 septembre 1944 « opération Astonia » lorsque les Alliés bombardent le centre-ville et le port pour affaiblir l'occupation nazie. L'objectif était de faciliter le ravitaillement et la progression des troupes alliées débarquées trois mois plus tôt en Basse-Normandie. Le bilan des bombardements est lourd : 5 000 morts, 80 000 sans-abris, 150 hectares rasés, 12 500 immeubles détruits. Le centre-ville est réduit en gravats. Le port n'avait plus que quelques sections de quais intactes. 350 épaves gisaient au fond de l'eau ; la rade ainsi que l'estuaire étaient minés.
Histoire récente du Havre
La reconstruction
Voir les articles Centre-ville reconstruit du Havre et Auguste Perret.
Les difficultés économiques
Elles sont dues à la désindustrialisation marquée par la fermeture des ACH par exemple et aux transformations du commerce portuaire. La crise pétrolière explique aussi le marasme industriel depuis le milieu des années 1970. Le Havre est d'ailleurs resté un bastion communiste jusque dans les années 1990. Depuis, la ville s'est engagée dans un processus de reconversion (voir ci-après).
Voir aussi
Bibliographie
- Joseph Morlent, « Album du voyageur au Havre et aux environs », Le Havre, 1841. [lire en ligne]
- Nicolas Verdier, « Variations sur le territoire. Analyse comparée de travaux urbains : Le Havre 1789-1894 », Annales, 2002, n° 4, pp. 1031-1065. [lire en ligne]
Articles connexes
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