Histoire du Pakistan

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Le Pakistan est l'un des deux États issus, avec l'Inde, de la disparition de l'Empire colonial britannique en Inde en 1947. Pour la période antérieure à 1885, voir l'histoire de l'Inde.

Sommaire

Vers l'indépendance

Le gouvernement britannique exerce directement le pouvoir en Inde à compter de la révolte des Cipayes de 1857 en révoquant les prérogatives de la Compagnie des Indes Orientales qui en était investie depuis 1756. Créé en 1885, le parti du Congrès représentait toutes les communautés religieuses, tant hindoues que musulmanes, selon un principe de laïcité. En réaction à ce principe de laïcité, la Ligue musulmane (All-India Muslim League) est créée en 1906 en vue de la préservation des intérêts des musulmans et d'un État réservé aux musulmans seuls.

Le nom Pakistan a une origine discutée. Il signifie « le pays des purs » en ourdou (pak, pur et stan, pays) mais pourrait aussi provenir de l'acronyme composé à partir du nom des provinces : Penjab, Afgania, Kashmir, Indus-Sind et BalouchisTAN.

Attribuée à Syed Ahmad Khan (1817-1898), homme politique musulman, ancien magistrat et créateur d'écoles et d'universités, l'idée d'un État séparé est formalisée par le poète et philosophe Allama Muhammad Iqbal (1877-1938) au cours d'un discours à la session annuelle de la Ligue musulmane en 1930 tenue à Allahabad. Le 23 mars 1940 à Lahore, la création d'un État séparé devient la position officielle de la Ligue musulmane, qui est présidée par Muhammad Ali Jinnah. Elle s'exprime dans ce qui sera appelée la déclaration de Lahore.

Fondation du Pakistan

La Seconde Guerre mondiale constitue un levier pour les nationalistes indiens, face à un gouvernement britannique qui souhaite la coopération indienne pendant le conflit. Gandhi et le Congrès lancent le mouvement Quit India auquel la Ligue musulmane ne s'associe pas formellement. Une période de violence incontrôlée s'ouvre en Inde, attisée par la terrible répression du mouvement de désobéissance civile de Gandhi et aggravée par une catastrophique famine qui fera deux à trois millions de morts au Bengale en 1943.

Partition et indépendance

Décidés à quitter l'Inde depuis 1945, les Britanniques sont confrontés en 1946 à la multiplication de heurts sanglants entre la communauté musulmane, d'une part, et les communautés sikh et hindoue, d'autre part. La Ligue musulmane, qui continue de réclamer la création d'un État distinct dans les zones à majorité musulmane, remporte la plupart des circonscriptions musulmanes aux élections de 1946. Les Britanniques se décident en faveur de la partition du pays, malgré l'opposition de Nehru et de Gandhi. En vertu de l'Indian Independence Act voté par le parlement britannique et entré en vigueur le 15 août 1947, le transfert de souveraineté s'accomplit de manière séparée pour l'Inde et le nouvel État du Pakistan le 15 août 1947 à 00h00. Le Pakistan comme l'Inde deviennent des États indépendants, membres du Commonwealth.

Le nouvel État est immédiatement divisé en deux régions distinctes, distantes de 1 700 km : le Pakistan oriental, qui deviendra le Bangladesh, et le Pakistan occidental composé du Sind, du Panjâb occidental, du Baloutchistan, des provinces frontalières du Nord-Ouest et d'un certain nombre de petits États.

La partition avec l'Inde entraîne de gigantesques déplacements de population. Plus de six millions de musulmans indiens se réfugient dans le nouvel état pendant qu'un nombre approximativement égal d'hindous et de sikhs quittent le Penjab pour l'Inde sur fond de violences et de massacres qui font plus de 500 000 victimes. La question communautaire ne sera d'ailleurs pas réglée par ces exodes, un tiers des musulmans continuant à vivre en Inde.

Élaboration de l'État et question du Cachemire

Muhammad Ali Jinnah, appelé Qaid-i-Azam (Le Grand Leader), devient Gouverneur général du nouvel État, son Premier ministre est Liaqat Ali Khan. Le Pakistan démarre sa vie nationale sans fonctionnaires qualifiés et sans infrastructure administrative dans la capitale improvisée de Karachi. Il faut pourtant prendre en charge les réfugiés, mettre en route une économie autonome, instituer et entraîner une armée dans un pays géographiquement éclaté.

Parallèlement, le dirigeant hindou du Jammu-et-Cachemire, le mahârâja Hari Singh, de la dynastie Dogrâ, demande l'assistance de l'armée indienne : le petit État fait l'objet d'incursions de tribus pathanes venues du Pakistan et appuyées par une partie de la population locale. Le mahârâja décide, le 26 octobre 1947, de se rattacher à l'Inde alors que 78 % de ses sujets sont musulmans. Le Pakistan n'accepte pas cette décision qui marque le début d'un enchaînement de conflits indo-pakistanais alors que l'Inde occupe les deux-tiers du Cachemire. Un cessez-le feu est négocié sous l'égide de l'ONU, il entre en vigueur le 1er janvier 1949. La proposition de l'ONU d'organiser un référendum reste vaine. Une ligne de démarcation temporaire est adoptée, appelée « ligne de contrôle » ou LOC (Line of Control) : les deux-tiers du Cachemire forment l'État fédéré indien du Jammu-et-Cachemire (capitale Srinagar) ; le Pakistan administre le dernier tiers, qui prend le nom d'Azad Cachemire (« Cachemire libre », capitale Muzaffarabad) et les Territoires du Nord (capitale Gilgit).

La tentative démocratique (1947 - 1958)

D'emblée, le pays souffre d'instabilité au plan politique et est confronté à de grandes difficultés économiques. Jinnah meurt en 1948 et le Premier ministre Liaqat Ali Khan est assassiné le 16 octobre 1951 par un fanatique afghan. Le pays souffre d'une absence de leaders que ni les Premiers ministres Nazimuddin (1951-1953) et Muhammad Ali (1953-1955), ni le Gouverneur général Ghulam Muhammad (1951-55), ne parviennent à combler.

Un fort mécontentement gagne le Pakistan oriental, qui se sent peu pris en compte par un gouvernement fédéral géographiquement très éloigné. La Ligue musulmane y essuie des débâcles électorales, notamment en 1954 : de nouvelles élections sont organisées qui conduisent en 1955 à une nouvelle Assemblée nationale qui n'est plus dominée par la Ligue musulmane. Chaudhri Muhammad Ali devient Premier ministre et Iskander Mirza Gouverneur général du pays. L'Assemblée élabore une nouvelle Constitution.

Le Pakistan devient la première république islamique au monde après la promulgation de cette Constitution le 23 mars 1956 et Mirza est élu président à titre provisoire. Mais l'instabilité politique demeure en l'absence d'une majorité nette à l'Assemblée qui entraîne de fréquents changements de gouvernement, instabilité qui se nourrit également d'une corruption généralisée du milieu politique et de la persistance de conditions économiques précaires, en dépit de l'aide internationale.

Face à l'impossibilité de réduire l'agitation au Pakistan oriental, le président Mirza se tourne vers le général Muhammad Ayub Khan, commandant en chef des forces armées. Le 8 octobre 1958, Mirza abroge la Constitution et proclame la loi martiale.

Loi des armes et création du Bangladesh (1958 - 1972)

Le régime Ayub

Vingt jours plus tard, les militaires contraignent le président Mirza à l'exil et le général Muhammad Ayub Khan prend le contrôle de la dictature militaire. Un important train de réformes est engagé : réforme agraire (9 000 km² redistribués à 150 000 fermiers), plan de développement économique, restrictions sur la polygamie et le divorce et, en 1962, une nouvelle Constitution qui institue notamment deux langues officielles, le bengalî et l'ourdou. Islamabad devient la capitale nationale et Dhâkâ, au Pakistan oriental, la capitale législative.

Les troubles persistent au Pakistan oriental où la Ligue Awami fédère les mécontentements au détriment de la Ligue musulmane. En dépit de quelques avancées diplomatiques, les relations avec l'Inde sont toujours exécrables, en partie à cause de la question du Cachemire et en partie en raison des conflits communautaires qui continuent de déchirer l'Inde, notamment dans le Madhya Pradesh où plusieurs milliers de musulmans sont massacrés en 1961. Les relations avec l'Afghanistan se dégradent aussi entre 1961 et 1963 après une série d'incidents frontaliers, attisés par l'URSS qui souhaite la création d'un Pashtunistan indépendant.

Après un épisode de guerre ouverte en 1965 au Cachemire, le président Ayub Khan et le Premier ministre indien Lal Bahadur Shastri s'accordent en 1966 dans la Déclaration de Tachkent, sous les auspices de l'Union soviétique, quoique le problème du Cachemire ne soit pas résolu. Zulfikar Alî Bhutto démissionne de son poste de ministre des Affaires étrangères et s'oppose à Ayub Khan et à l'abandon du Cachemire. Il est à l'origine du « Pakistan Peoples Party » (Parti du peuple pakistanais), connu sous le nom de PPP et proche de la philosophie socialiste.

Le président Ayub Khan démissionne en mars 1969 après de terribles émeutes internes à la fin de l'année 1968 et transmet le pouvoir au général Muhammad Yahya Khan qui décrète à nouveau la loi martiale.

Troisième Guerre indo-pakistanaise, guerre civile et création du Bangladesh

Aux élections législatives de 1970, la Ligue Awami de Mujibur Rahman remporte un écrasant succès en s'emparant de 160 des 163 sièges attribués au Pakistan oriental, cependant que le PPP de Bhutto domine le reste de l'Assemblée. L'entrée en session de la nouvelle Assemblée Nationale est repoussée deux fois par Yahya qui finit par annuler les résultats des élections. La Ligue Awami est interdite et, accusée de trahison, Sheikh Mujib-ur-Rahman est incarcéré au Pakistan occidental.

Sous le nom de Bangladesh, le Pakistan oriental déclare alors son indépendance le 26 mars 1971. Il se voit imposer la loi martiale et est occupé par l'armée pakistanaise. La guerre civile éclate : 10 millions de réfugiés se précipitent en Inde, des centaines de milliers de civils sont tués. L'Inde soutient le Bangladesh et envoie des troupes le 3 décembre 1971. Après une guerre de quinze jours, qui est la Troisième Guerre indo-pakistanaise entre les deux pays, les troupes pakistanaises se rendent le 16 décembre 1971 et un cessez-le-feu est décrété sur tous les fronts. Un accord signé à Shimla en juillet 1972 permettra d'apaiser les tensions. Sheikh Mujib-ur-Rahman est libéré et autorisé à rentrer au Bangladesh. Le Pakistan reconnaîtra le Bangladesh en 1974.

Ali Bhutto (1972 - 1977)

À la suite de la défaite face à l'Inde, Yahya démissionne de ses fonctions de Président au bénéfice de Zulfikar Alî Bhutto. En 1973, une nouvelle Constitution est adoptée, de type fédéral. La fonction de président devient purement honorifique, l'essentiel des pouvoirs repose entre les mains du Premier ministre. L'Assemblée nationale investit Bhutto au poste de Premier ministre par 108 voix sur 146.

Dès 1972, Bhutto entame un vaste programme de nationalisations portant notamment sur les industries de base et met en œuvre une ambitieuse réforme agraire. Toutes les banques sont nationalisées le 1er janvier 1974. Les militaires sont retirés des postes décisionnaires politiques mais, en signe d'apaisement, le budget de la Défense est porté à 6 % du PIB. Les mécontentements surgissent pourtant : les chefs d'entreprises ressentent durement les nationalisations ; les religieux n'acceptent pas cette politique socialiste.

Neuf importants partis d'opposition font alliance contre le PPP sous le nom de « Pakistan National Alliance » (Alliance nationale du Pakistan) ou PNA. Aux élections générales de 1977, les secondes de l'histoire du Pakistan, le PPP l'emporte cependant largement, avec 150 sièges sur 200. Le PNA conteste violemment ces résultats marqués, selon lui, par la fraude et les pressions. Des manifestations et des émeutes sont déclenchées dans le pays.

Face à ce blocage et affirmant ne pouvoir choisir une autre solution, le général Muhammad Zia-ul-Haq décide d'imposer la loi martiale au pays le 5 juillet 1977.

Le régime militaire Zia (1977 - 1988)

Processus d'islamisation

Ali Bhutto est arrêté, jugé et condamné à mort pour le prétendu meurtre du père d'un des dissidents du Parti du peuple pakistanais. Après avoir promis des élections pendant plusieurs mois, le général Zia-ul-Haq annonce finalement en 1979 la dissolution des partis politiques. Bhutto est exécuté par pendaison le 4 avril 1979.

Zia entame un processus d'islamisation du système juridique, tandis que le Pakistan, qui soutient les Moudjahiddins afghans dans le conflit afghano-soviétique, est fortement appuyé par les États-Unis et une bonne partie des États dits « occidentaux »[1].

Zia continua le programme nucléaire pakistanais, programme qui aboutit en 1998 à un essai nucléaire réussi, relançant le conflit avec l'Inde à propos entre autres du Cachemire.

Contrairement à Ali Bhutto, attiré par la laïcité, le général Zia eut la volonté d'instaurer un « État islamique » en s'appuyant sur les mollahs : il interdit les taux d'intérêts bancaires, instaura l'aumône obligatoire (zakat) dans le droit positif, les châtiments publics, obligea les femmes à se voiler à la télévision… Une cour fédérale de la Chariah est créée pour statuer sur les affaires selon les préceptes du Coran et de la Sunna. Les blasphèmes contre Mahomet sont théoriquement punis de mort et non plus de la prison à vie.

Une Majlis-i-Shoora remplace l'Assemblée Nationale en 1980, perdant ses fonctions législatives pour devenir une assemblée de conseil du Président. L'arabe et les études islamiques deviennent des matières obligatoires dans la plupart des enseignements supérieurs. Dans l'armée, les théologiens obtiennent le grade d'officier afin d'attirer les meilleurs éléments des universités et des institutions religieuses. Ces initiatives de Zia en faveur d'une islamisation du pays ont un impact à long terme. La zakat est toujours en vigueur ainsi qu'un grand nombre d'autres textes.

Le Pakistan moderne régressa, bien que les règles du droit pénal musulman instaurées ne furent finalement que peu appliquées[2]. Le général Zia voulut même aller plus loin en tentant de réinstaurer le califat (autorité musulmane commune) qui avait été aboli le 3 mars 1924 par le président turc Mustapha Kemal. La majorité des oulémas se sont cependant opposés à son projet[3].

Les partis du centre et de gauche, sous l'impulsion du PPP, créent le Mouvement pour la restauration de la démocratie (« Movement for Restoration of Democracy »), ou MRD, le 6 février 1981. Le MRD réclame la fin de la loi martiale, de nouvelles élections et le retour à la Constitution de 1973. En 1984, Zia lance un référendum national sur la question de l'islamisation du pays en posant une question juridiquement complexe : elle revient en fait à demander s'il est souhaitable que le Pakistan soit un État islamique, et en cas de vote affirmatif placerait Zia en position de président de la République du Pakistan pour 5 ans. Le mécanisme est donc proche d'un véritable plébiscite. Le référendum se tient en décembre 1984 et, boycotté par le MRD, voit la victoire du « oui ».

Restauration d'un ordre constitutionnel

Les élections de 1985, également boycottées par le MRD, permettent la restauration d'une Assemblée nationale dotée de pouvoirs législatifs, le président Zia-ul-Haq nomme Muhammad Khan Junejo Premier ministre le 20 mars 1985. La loi martiale est levée. En dépit d'efforts sensibles, Junejo ne parvient pas à réformer la conduite de l'État compte tenu de l'emprise de Zia dont il tente vainement de se détacher. Passé au Sénat le 14 novembre 1985, le 8e amendement à la Constitution donne en effet au président le droit de nommer le Premier ministre, les gouverneurs de provinces, les hauts magistrats. Il peut demander au Premier ministre d'obtenir un vote de confiance de l'Assemblée et nommer un gouvernement par intérim. Le pouvoir le plus controversé du président est celui discrétionnaire de dissoudre l'Assemblée nationale. Ces modifications changent radicalement la nature du régime ; de nature parlementaire, il devient présidentiel.

Les tensions sur la question afghane s'accumulent entre le président Zia et le Premier ministre Junejo. En 1979, quand les forces soviétiques avaient envahi l'Afghanistan, Zia s'était posé en rempart contre le communisme et le pays fit face à un afflux massif de réfugiés afghans. Les États-Unis avaient répondu à l'invasion soviétique en accordant d'énormes aides, financières et matérielles, au régime anti-communiste afghan et aux moudjahidinnes mais aussi au bénéfice du Pakistan lui-même, profitant du statut de « Most Favored Nation », dont l'armée devient mieux équipée. Parallèlement la constitution d'un axe Chine-Pakistan inquiète et Moscou et Washington . L'évolution démocratique du régime s'explique d'ailleurs sans doute par les pressions américaines accompagnant le versement des aides. Cependant, l'exode massif des civils afghans au Pakistan entraîne de terribles difficultés pour un pays à l'économie précaire et à l'organisation politique instable. Junejo tente de dégager un consensus national, en consultant l'ensemble des forces politiques pakistanaises, y compris Benazir Bhutto qui a succédé à son père à la tête du PPP. Cette démarche est désapprouvée par Zia. Le gouvernement Junejo chute au premier prétexte, après avoir essayé de lancer une enquête sur le fiasco militaire de Camp Ojheri près d'Islamabad du 10 avril 1988, qui entraîna la mort d'un très grand nombre de civils. Le général Zia utilise son pouvoir constitutionnel au motif que le gouvernement Junejo ne peut plus fonctionner conformément à la Constitution compte tenu du degré des désordres judiciaires et publics. L'ensemble des assemblées fédérales et provinciales sont également dissoutes, avec leurs directions.

Un coup de théâtre bouleverse cependant le paysage politique : le 17 août 1988, l'avion transportant le président Zia, l'ambassadeur américain Arnold Raphael, le général américain Herbert Wassom et vingt-huit officiers pakistanais s'écrase après une visite sur une base militaire. Conformément à la Constitution, le président du Sénat, Ghulam Ishaq Khan, est investi des pouvoirs par intérim et annonce la tenue d'élections pour novembre 1988.

Une démocratie incertaine (1988 - 1999)

Ghulam Ishaq Khan / Benazir Bhutto (1988 - 1990)

Le Parti du peuple pakistanais remporte les élections de novembre 1988, sans bénéficier cependant d'une majorité absolue. Grâce à l'appui de petits partis, Benazir Bhutto est nommée Premier ministre puis investie par l'Assemblée nationale. C'est la première femme d'un État islamique à exercer cette responsabilité. En dépit d'une forte légitimité populaire, Bhutto est confrontée à de nombreuses difficultés : troubles violents inter-ethniques dans les régions, persistance des problèmes liées à l'occupation soviétique en Afghanistan, tensions continues avec l'Inde qui peinent à se résoudre diplomatiquement. Les militaires hésitent à soutenir un régime qui a toute l'apparence de la corruption et de l'inefficacité. La coalition gouvernementale se délite, les petits partis votent une motion de défiance, et un conflit éclate entre le président Ghulam Ishaq Khan et son Premier ministre au sujet des nominations des militaires de haut rang et des hauts magistrats. Le 6 août 1990, le président Khan démet de ses fonctions Bhutto et son gouvernement, dissout l'Assemblée nationale et les assemblées provinciales.

Ghulam Ishaq Khan / Mian Muhammad Nawaz Sharif (1990 - 1993)

Nawaz Sharif en 1998.

Les élections de novembre 1990 voient la victoire de la coalition menée par Nawaz Sharif, ancien ministre en chef du Penjab et dirigeant de l'Islamic Democratic Alliance, ou IJI (Alliance démocratique islamique). L'IJI dispose d'une légère majorité absolue à l'Assemblée nationale et bénéficie à la fois du soutien des militaires et du président Ghulam Ishaq Khan.

Sharif met en œuvre un programme de privatisation, de dérégulation et d'encouragement au secteur privé et à l'investissement étranger pour stimuler la croissance. Les effets de ce programme sont cependant diminués par la réduction drastique de l'aide américaine en vertu du Pressler Amendment, qui a pour objet d'empêcher la poursuite du projet d'armement nucléaire pakistanais. Parallèlement à l'action gouvernementale de modernisation de l'économie, le Parlement approuve en mai 1991 un projet de loi renforçant le statut de la charia (šarīʿaʰ, charî‘a شَرِيعَة) dans le pays.

La coalition gouvernementale ne parvient cependant pas à concilier les objectifs contradictoires des partis qui la composent, des accusations de corruption sont lancées contre le Premier ministre Nawaz Sharif. Celui-ci est démit de ses fonctions par le président Ghulam Ishaq Khan en avril 1993 pour mauvaise administration, corruption et népotisme. La Cour suprême casse cette décision en mai 1993 et rétablit Sharif et son gouvernement. La crise se résout par la démission des deux hommes le 18 juillet 1993.

Retour de Benazir Bhutto (1993)

Le pays connaît un court intérim avec le gouvernement de Moin Qureshi, ancien vice-président de la Banque mondiale, qui réussit à adopter en très peu de temps un train de réformes économiques et sociales qui font l'admiration de la communauté internationale et sont fortement soutenues au plan interne.

Les élections législatives de l'automne 1993 ramènent Benazir Bhutto au poste de Premier ministre le 19 octobre 1993 avec le soutien d'une nouvelle coalition gouvernementale, plus fragile encore que la précédente en raison du nécessaire soutien de plusieurs petits partis indépendants. Ce retour du PPP au premier rang est encore renforcé par l'élection de Farooq Leghari, proche de Bhutto, au poste de président. Cette majorité est cependant puissamment combattue par le parti de Nawaz Sharif - qui lance plusieurs grèves générales dans le pays - et rapidement discréditée par une administration provinciale incertaine. En 1995, une quarantaine d'officiers sont arrêtés, accusés de préparer une révolution islamique. Au plan international, Bhutto parvient à se rapprocher des États-Unis mais la poursuite du programme d'expérimentation nucléaire ravive les tensions avec l'Inde. Après une série de crises politiques, Bhutto est à nouveau limogée en 1996 : le président Leghari lui reproche des faits de corruption et une mauvaise gestion économique.

Retour de Nawaz Sharif (1997)

Le parti de Nawaz Sharif remporte largement les élections législatives de février 1997, il obtient une majorité des deux-tiers à l'Assemblée nationale. Sharif s'attache dès mars 1997 à amoindrir le 8e amendement de la Constitution, arme formidable du président lui permettant de démettre des gouvernements élus, de dissoudre l'Assemblée nationale et de nommer aux hauts postes des militaires. La Cour suprême bloque ces initiatives, elle relance une enquête pour corruption contre le Premier ministre. La réforme, finalement adoptée, provoque la chute du président Leghari, qui démissionne en décembre 1997, et la révocation du président de la Cour suprême. Muhammad Rafiq Tarar, proche de Sharif, est élu président en 1998, pour un poste devenu alors surtout honorifique, la majorité du pouvoir étant désormais entre les mains du Premier ministre, comme le prévoyait la Constitution de 1973 avant le coup d’État du général Zia. Le 14e amendement à Constitution, voté fin 1997, soumet les parlementaires à une très stricte discipline parlementaire, renforçant davantage la position du Premier ministre. D'un autre côté, l'expression des droits politiques est progressivement restreinte. Une campagne de dénigrement est lancée contre les opposants au régime, la presse est muselée, des journalistes réputés sont arrêtés et battus.

Sur le plan international, l'Inde procède à cinq explosions nucléaires souterraines en mai 1998 qui provoque en réponse une série de tests nucléaires au Pakistan, dans le Baloutchistan. Les États-Unis imposent des sanctions économiques aux deux États. Un nouveau conflit avec l'Inde au sujet du Cachemire éclate à l'été 1999. Des combattants cashmiris, appuyés par les troupes pakistanaises, lancent une série de raids victorieux près de la ville de Kargil. Après des semaines de combats, les combattants finissent par se retirer du territoire sous contrôle indien en août 1999.

Le 12 octobre 1999, après que Sharif tenta de limoger le général Pervez Musharraf, chef d'état-major des armées, un coup d'État militaire mené par ce dernier chasse le Premier ministre et suspend la Constitution : le terme loi martiale n'est pas employé mais c'est bien une nouvelle période de domination militaire qui commence.

La présidence de Pervez Musharraf (1999 - 2008)

Nawaz Sharif est accusé de trahison puis condamné en avril 2000 à la prison à vie. La peine sera commuée en décembre 2000 et Sharif exilé en Arabie saoudite. Pervez Musharraf se proclame président en juin 2001. Après l'attaque terroriste du 11 septembre 2001 aux États-Unis, organisée par le mouvement islamique Al-Qaida, on s'attendait à ce que le gouvernement américain lève les sanctions économiques contre le Pakistan, mais il ne fait que rééchelonner le remboursement de la dette dans un premier temps. Il l'incite pourtant à la coopération pour lutter contre Ben Laden et le régime Taliban en Afghanistan.

Le rattachement du Pakistan aux intérêts américains provoque des émeutes islamistes sévèrement réprimées, notamment en bordure de frontière afghane, où vit une forte communauté de réfugiés. En janvier 2002, Musharraf critique l'extrémisme religieux et ses effets sur la société pakistanaise ; il décide de ne plus tolérer aucun groupe « engagé dans le terrorisme ». Un plébiscite tenu en avril 2002 légitime sa position pour 9 ans à la tête du pays, quoique la sincérité du scrutin ait été sérieusement mise en doute.

Les élections d'octobre 2002 sont un succès relatif pour le parti soutenant Pervez Musharraf, la Ligue musulmane du Pakistan (Q), constituée de beaucoup de membres ayant quitté le parti de Nawaz Sharif. Pour l'opposition, le PPP de Benazir Bhutto réalise un bon score de 25,8 % des voix, légèrement plus que la Ligue, mais n'est que deuxième en termes de sièges. En revanche, la Muttahida Majlis-e-Amal (coalition de parti islamiste) réalise 11,3 % des voix mais un très bon score dans les circonscriptions. Quant au parti de Nawaz Sharif, il est complètement marginalisé. Musharraf fait l'objet de deux tentatives d'assassinats en décembre 2003, mois au cours duquel il passe un accord avec les partis islamiques pour revenir partiellement sur les amendements à la Constitution. Le 17e amendement à Constitution renforce considérablement les pouvoirs du président au détriment du Premier ministre et interdit à tout Premier ministre de réaliser plus de deux mandats, même non consécutif, empêchant tout retour de Nawaz Sharif et Benazir Bhutto.

Parallèlement, l'économie pakistanaise jouit d'un fort dynamisme. Le Pakistan se trouve parmi les trois premières économies à croissance les plus rapides. Par ailleurs, l'indice boursier KSE (Karachi Stock Exchange) a été déclaré l'indice boursier le plus performant en 2005.

Retour de Benazir Bhutto

Le 18 octobre 2007, Benazir Bhutto rentre au Pakistan après un exil de 9 ans grâce à un accord d'amnistie avec le président Musharraf. Une première tentative d'assassinat a lieu le jour même et tue 140 personnes dans des attentats à la bombe dans le cortège qui fêtait le retour de Bhutto. Cette dernière accuse les services secrets (ISI) et le pouvoir de Musharraf dans plusieurs lettres. Elle se fera assassiner finalement le 27 décembre 2007 après un meeting à Rawalpindi[4].

Retour de la démocratie (2008 - )

L'assassinat de Benazir Bhutto provoque de très importants troubles, le président Musharraf annonce un deuil national de trois jours, et près de 600 000 personnes seront présentes lors de son inhumation le 28 décembre dans un village près de Larkana.

Les élections législatives de 2008, reportées de près d'un mois, ont lieu le 18 février. Elles conduisent à la victoire du Parti du peuple pakistanais qui forme une coalition avec la Ligue Musulmane du Pakistan de Nawaz Sharif notamment. Le 25 mars, Youssouf Raza Gilani est investi Premier ministre par l'Assemblée nationale, et les partis de la coalition se mettent d'accord pour lancer une procédure de destitution contre Pervez Musharraf. Ce dernier démissionne le 18 août.

Le 6 septembre 2008, Asif Ali Zardari est élu président du Pakistan par le collège électoral. Depuis, le gouvernement pakistanais a lancé trois nouvelles offensives contre les insurgés islamistes, et a obtenu un soutien financier plus fort des États-Unis.

Enjeux et perspectives d'aujourd'hui

Le Pakistan n'a jusqu'à aujourd'hui jamais réussi à établir un régime démocratique stable pour la bonne et simple raison qu'aucune institution démocratique n'a été laissée au Pakistan au départ des britanniques. Depuis la partition en 1947, l'oligarchie militaire a régulièrement imposé sa volonté (en répondant aux appels pressants des membres de l'opposition) en s'appuyant, parfois de manière obscure, sur une tendance islamique fondamentaliste, quand cette tendance n'était pas ouvertement encouragée, pendant le régime Zia par exemple.

Cachemire et armement nucléaire

Le différend concernant le Cachemire oppose l'Inde et le Pakistan depuis la partition. L'Inde, qui refuse tout référendum local, revendique le Cachemire dans son entier en faisant valoir que le caractère fondamentalement fédéral et laïque de son organisation lui permet d'accueillir toute population musulmane. Le Pakistan est accusé de mener une guerre en sous-main en incitant les combattants islamistes et en les aidant par l'intermédiaire de ses services secrets, l'Interservices Intelligence Agency (ISI). De son côté, le Pakistan considère que la population à très forte majorité musulmane lui donne une légitimité naturelle sur ce territoire.

Deux des trois guerres que se sont menées les deux État étaient motivées par la question du Cachemire. En outre, comme il a été dit plus haut, la course à l'armement nucléaire s'explique essentiellement par l'existence de ce différend : moyen de dissuasion permettant à chaque pays d'adopter une posture arrogante, l'arme nucléaire constitue aussi une menace majeure pour l'ensemble du sous-continent et l'équilibre mondial. Un épisode armé majeur a été évité de justesse entre décembre 2001 et octobre 2002 après que l'Inde a mobilisé des troupes le long de sa frontière avec le Pakistan à la suite de l'attaque terroriste sur son parlement à New Delhi.

Pour la première fois en octobre 2002, des élections libres se sont tenues au Jammu-et-Cachemire, donnant le pouvoir aux autonomistes. Le taux moyen de participation ne s'est cependant élevé qu'à 44 %, de sorte que la valeur de ce scrutin a donné lieu à débats. Le Pakistan a annoncé le 23 novembre 2003 un cessez-le-feu unilatéral sur la ligne de contrôle (LOC), immédiatement accepté par l'Inde. En décembre 2003, Pervez Musharraf se déclare prêt à abandonner provisoirement une des plus anciennes revendications pakistanaises, la tenue d'un référendum au Cachemire, si cet abandon est de nature à favoriser un règlement pacifique du conflit. À la suite, l'Inde a laissé entendre qu'il existait bien un problème concernant le territoire du Cachemire, ce qui pourrait signifier qu'elle est prête à admettre que celui-ci ne faisait pas nécessairement partie intégrante de ses frontières.

Le séisme de 2005 au Cachemire a fait, selon un bilan encore provisoire au 1er novembre 2005, 73 276 morts et 69 260 blessés en Azad Cachemire. Le pays a demandé l'aide internationale et son voisin indien, qui compterait environ 1 500 tués, a ouvert la frontière et envoyé des secours : 25 tonnes de matériel de secours (notamment nourriture, couvertures et médicaments) d'abord par expédition aérienne, puis au moyen de deux autres expéditions par train, franchissant la frontière commune. L'Inde a également promis une aide de 25 millions de dollars au Pakistan. Ces actions de coopération humanitaire auront peut-être une influence positive sur l'avenir des relations bilatérales de ces pays.

L'Afghanistan, Al-Qaida et la problématique islamiste

L'assaut de la Mosquée rouge, en juillet 2007.

La situation du Pakistan sur le plan international a changé depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Réputé être le berceau de divers fondamentalismes, le pays devient alors l'objet de toutes les attentions et dispose d'une aide financière d'un niveau jamais atteint : pour un pays dont 43 % des dépenses publiques sont consacrées au paiement de la dette extérieure, le choix de la coopération avec les États-Unis sur le front de la lutte contre Al-Qaida et les Talibans afghans est impossible à refuser, même si le Pakistan avait largement soutenu le régime taliban. Le Pakistan apparaît être pour de nombreux observateurs une base privilégiée, financière et opérationnelle, des mouvements terroristes islamistes dans le monde. L'état a aussi petit à petit abandonné sa mainmise sur l'éducation au profit d'écoles coraniques privées dont de nombreuses enseignent aux plus jeunes les bases du fondamentalisme.

Dès janvier 2002, Pervez Musharraf exprime son souhait de voir le pays revenir à une attitude plus distante avec l'Islam, dans le cadre d'un compromis social avec la religion, sans remise en cause de cette appartenance fondatrice. République islamique, le Pakistan est en effet profondément partagé entre son attachement à l'Islam et sa tolérance vis-à-vis du fondamentalisme islamique d'une part, et les nécessités économiques et financières qui le conduisent à se présenter en allié fidèle des États-Unis et à participer à la traque des dirigeants d'Al-Qaida et des terroristes sur son territoire.

Le Pakistan est régulièrement l'objet d'attentats attribués aux islamistes : l'armée et la police sont la cible d'attaques dans le nord-ouest, près de la frontière avec l'Afghanistan. Les 17 et 27 juillet 2007, deux attentats-suicide à Islamabad ont fait 27 morts au total. Le 4 septembre 2007 au moins 24 personnes sont tuées dans deux explosions dans la banlieue de la capitale. Le 21 décembre 2007, le jour de l'Aïd al-Adha, un kamikaze se fait exploser dans une mosquée du nord-ouest du pays, faisant au moins 54 victimes. Plus de 760 personnes sont mortes dans des attentats au Pakistan au cours de l'année 2007, quasi-exclusivement par des kamikazes. Le 20 septembre 2008 un camion bourré d'explosifs fonce sur l'hôtel Marriott d'Islamabad, un des plus luxueux de la ville, et fait au moins 60 morts.

Le terrorisme est devenue la plaie du pays qui peine à s'en défaire tant l'état a abandonné du terrain dans la vie quotidienne des pakistanais.

Références

  1. Asif Ali Zardari,The Frontier Against Terrorism, Washington Post, 22 juin 2009.
  2. René David et Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, 11e édition, 2002, p. 371
  3. Marc Gaborieau. « Les oulémas/soufis dans l'Inde moghole : anthropologie historique de religieux musulmans », in Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1989, n° 5, pp. 1185-1204 (en part. conclusion). [lire en ligne].
  4. (fr) Après l’assassinat de Benazir Bhutto, l’administration Bush se rue à la défense de Musharraf sur WSWS

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

Sur les autres projets Wikimedia :

Dictionnaires
  • (en) Shahid Javed Burki, Historical Dictionary of Pakistan, Scarecrow Press, Lanham Md, 2006 (3e éd.), 648 p. (ISBN 9780810856011)


Monographies
  • (en) Ishtiaq Ahmed, The Concept of an Islamic state: an analysis of the ideological controversy in Pakistan, Stockholm, Department of political science : University of Stockholm, 1985.
  • Michel Boivin, Le Pakistan, Paris, Presses universitaires de France, 1996.
  • (en) Manmath Nath Das, Partition and independence of India : inside story of the Mountbatten days, New Delhi, Vision Books, 1982.
  • Christèle Dedebant, Le voile et la bannière : l'avant-garde féministe au Pakistan, Paris, CNRS, 2003.
  • Amitav Ghosh, Compte à rebours, Éditions Philippe Rey, Paris, 2004. Sur la course à la bombe atomique entre l'Inde et le Pakistan monde-diplomatique.fr.
  • (en) J. Hussain, A history of the peoples of Pakistan: towards Independence, Karachi, Oxford university press, 1997.
  • (en) Davoodi, Schoresch; Sow, Adama: The Political Crisis of Pakistan in 2007 - EPU Research Papers: Issue 08/07, Stadtschlaining 2007
Périodiques
  • Farhad Khosrokhavar, L’Afghanistan abandonné aux seigneurs de la guerre, Le monde Diplomatique, octobre 2004 [1]
  • Vaiju Naravane, L’équilibre de la terreur entre l’Inde et le Pakistan, in Le monde Diplomatique, avril 2005.[2]
  • Jean_Luc Racine, La voie étroite du Pakistan, in Le monde Diplomatique, juin 2004.[3]

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Histoire du Pakistan de Wikipédia en français (auteurs)

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