Crise Politico-militaire En Côte D'Ivoire

Crise Politico-militaire En Côte D'Ivoire

Crise politico-militaire en Côte d'Ivoire

Crise Ivoirienne
Informations générales
Date 2002 - 2007
Lieu Côte d'Ivoire Côte d'Ivoire
Issue Accord de Ouagadougou
Belligérants
FANCI
Jeunes Patriotes
FAFN MILOCI
MPIGO
MJP
Commandants
Mathias Doué
Charles Blé Goudé
Wattao
Soumaïla Bakayoko
Pasteur Gammi
Gaspard Déli
SGT Félix Doh
Guerre civile de Côte d'Ivoire

La crise politico-militaire en Côte d'Ivoire commence le 19 septembre 2002, un début de solution se profile le 24 janvier 2003 avec la signature de l’Accord de Linas-Marcoussis. Cependant, une brusque crispation en novembre 2004 remet en cause toutes les avancées obtenues. Une promesse de règlement final se dessine enfin avec la signature de l’Accord politique de Ouagadougou le 4 mars 2007.

Le 19 septembre 2002, des soldats rebelles venus du Burkina Faso tentent de prendre le contrôle des villes d'Abidjan, Bouaké et Korhogo. Ils échouent dans leur tentative de prendre Abidjan mais parviennent à occuper les deux autres villes, respectivement dans le centre et le nord du pays.

La rébellion qui prendra plus tard le nom de "Forces Nouvelles" occupe progressivement la moitié nord du pays, le coupant ainsi en deux zones géographiques distinctes : le sud tenu par les Forces Armées Nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et le nord tenu par les Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN).

Sommaire

Forces en présence

Drapeau des Nations-Unies

Trois grandes composantes armées sont en présence sur le territoire ivoirien :

  • Les forces de l'État de Côte d'Ivoire :
  • Les forces rebelles :
    • les Forces armées des forces nouvelles (FAFN), qui sont les forces de la rébellion, tiennent 60% du pays, avec environ 7 000 hommes armés[1] (chiffre variable, en fonction des va-et-vient d'une partie de ces hommes avec le Libéria) constituées et équipées pour l'essentiel depuis le début de la crise en 2002 ;
    • elles sont renforcées par des supplétifs ivoiriens et probablement non ivoiriens dont de nombreux chasseurs traditionnels (Dozo)  ;
  • Les forces de maintien de la paix :

L'État bénéficie de l'appui des Jeunes patriotes, groupe nationaliste accusé de violences contre des ressortissants français, après l'assassinat présumé de 67 civils ivoiriens par les Forces françaises Licorne[4]. Issu, comme Soro Guillaune, de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI), Charles Blé Goudé, le chef des "Jeunes patriotes" est acquis à la politique du président Laurent Gbagbo.

Origine du conflit

Le règne de Félix Houphouët-Boigny

Sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny (de 1960 jusqu'à sa mort en 1993), la Côte d'Ivoire est un pays très bien intégré dans le commerce mondial. Les principales recettes de l'État viennent de l'exportation de matières premières produites dans la zone forestière, notamment le cacao (dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial), le café et le coton mais également le gaz naturel.

Ce commerce extérieur a permis au pays de se développer et aux citoyens d'avoir un bon niveau de vie. Ce paradis économique et social, dans une Afrique pauvre, attire de nombreux immigrants des pays voisins. C'est ainsi que, notamment, les Burkinabè et Guinéens furent nombreux à s'établir dans la zone forestière au sud du pays. D'abord comme ouvriers sur les chantiers forestiers, dans les usines et villes de la côte, dans les plantations industrielles et individuelles, ils sont devenus par la suite producteurs agricoles pour certains.

Vers la fin du règne d'Houphoët-Boigny, dans les années 1990, la Côte d'ivoire connut des soubresauts liés à la transition du régime de parti unique à un régime multipartisan. À sa mort, le pays entra dans une crise multiforme. Ses successeurs n'avaient pas son aura et ils ne surent faire face ni aux difficultés économiques dues pour une grande part à la dégradation des termes de l'échange entre pays du tiers monde et pays développés, ni aux difficultés politiques.

Le concept d'ivoirité et son application politique

Article détaillé : Ivoirité.

Dès 1993, Laurent Gbagbo demande une révision du Code électoral pour ne permettre qu'aux Ivoiriens de souche de pouvoir voter et surtout, se présenter. La loi électorale ivoirienne, en particulier appliquée lors de la dernière réélection de Félix Houphouët-Boigny en 1990, faisait des Africains non Ivoiriens installés en Côte d'Ivoire des électeurs qui, malgré intimidations et menaces, s'étaient rendus aux urnes en 1990 et étaient ainsi accusés par l'opposition d'avoir faussé le résultat.

Le 8 décembre 1994, une révision du Code électoral impose aux candidats à la présidence de prouver leur ascendance ivoirienne, garante de leur citoyenneté, alors que pendant la période Houphouët-Boigny, les cartes d’identité leur avaient été largement distribuées[3].

Le 26 août 1995, Henri Konan Bédié, alors président depuis la mort d'Houphouët-Boigny, réintroduit le concept d'ivoirité. Selon lui, ce concept permet à la Côte d'Ivoire de mieux préserver son identité. Cela lui permet également d'évincer son principal rival, Alassane Ouattara originaire du nord dont les parents sont considérés comme Burkinabé.

Groupes ethniques de Côte d'Ivoire

Ce rejet d'Alassane Ouattara s'appuyait sur le rejet ancien du dioula, l'homme du Nord pour les Ivoiriens de la côte et du centre. À une différence ethnique s'ajoute en effet une différence de religion : les Ivoiriens du Nord, majoritairement musulmans, sont soupçonnés de ne pas être Ivoiriens et sont donc rejetés par les Ivoiriens du Sud, majoritairement chrétiens. Les populations du Nord et du centre, notamment les Malinkés, ont des patronymes identiques à ceux des immigrés de même ethnie provenant des pays voisins. Ceux qui sont dans cette situation subissent toutes sortes d'injustices. Certains voient leurs pièces d'identité détruites par les forces de l'ordre. Ils n'obtiennent plus de carte d'identité, de passeport et ne peuvent ni avoir de certificat de nationalité ni voter. Malgré le fait que certains Ivoiriens du Sud (notamment les Akans) possèdent aussi des patronymes identiques à certains peuples immigrés (Ghana, Togo et Libéria), ils ne subissent pas le même sort.

L'apparition du concept d'ivoirité s'explique essentiellement par la crise économique que connaît la Côte d'Ivoire depuis le milieu des années 1980. En effet, cette réaction xénophobe est apparu lorsque l'économie de ce pays a cessé de créer massivement des emplois. Cette situation n'a pas sensiblement réduit les flux migratoires provenant des pays musulmans pauvres et surpeuplés du Sahel. Le but de l'ivoirité semble être avant tout d'empêcher les populations étrangères, qui peuvent rentrer dans ce pays sans visa, de participer à la compétition pour le pouvoir politique et d'accéder aux emplois de la fonction publique. En effet, les étrangers représentaient 26% de la population en 1998.

Côte d'Ivoire

Armoiries de la Côte d'Ivoire
Cet article fait partie de la série sur la
politique de la Côte d'Ivoire,
sous-série sur la politique.


Pouvoir exécutif :

  • Partis politique
  • Personnalités politique

Pouvoir législatif :

Pouvoir judiciaire et administratif :

Organes de regulations :


 v ·  · m 

Portail politique - Portail national

Le 22 octobre 1995, contre un seul candidat (les autres candidats sont refusés par la Cour suprême ou ont boycotté l'élection), Henri Konan Bédié est élu président de la Côte d'Ivoire avec 96,44% des voix. Fort de ce succès, il effectue en 1998 une réforme de la propriété foncière avec l'appui de tous les partis politiques, y compris celui d'Allassane Ouattara. Avec cette réforme, seuls les Ivoiriens de souche peuvent détenir des terres.

Le 24 décembre 1999, Henri Konan Bédié est renversé par l'armée, non pas à cause du concept d'ivoirité mais pour une réforme de la Constitution qui lui aurait permis de se présenter jusqu'à l'âge de 75 ans. Le concept d'ivoirité disparaît mais la tentation xénophobe persiste.

Le général Robert Guéï est placé au pouvoir jusqu'à la tenue de nouvelles élections, l'ivoirité reste utilisée dans la politique du pays pour limiter la vie sociale des « Ivoiriens d'origine douteuse ». C'est dans ces conditions que le 23 juillet 2000, une nouvelle Constitution est adoptée par référendum, tous les partis politiques ayant appelé à voter pour. Elle stipule que seul les Ivoiriens nés de parents ivoiriens peuvent se présenter à une élection présidentielle. Une vaste « campagne d'identification », destinée à définir la véritable citoyenneté des Ivoiriens, est entamée. Cette nouvelle Constitution n'empêche pas Alassane Ouattara de se déclarer candidat à l'élection présidentielle.

Depuis son élection, Laurent Gbagbo insiste sur la dimension religieuse de ce concept, l’Ivoirien du Sud étant supposé chrétien alors que le rebelle ou l’étranger du Nord (le Dioula) est supposé musulman. Cette réorientation du discours, qui devient aussi potentiellement plus dangereux (avec une exigence de purification), se fait sous l’influence de son épouse et des Évangélistes [4].

Dégradation du climat politique

Après quatre années de dictature, le coup d'État du général Robert Guéï est légitimé par la reconnaissance du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le Rassemblement des républicains de Côte d'Ivoire (RDR) d'Alassane Ouattara. L'échec de plusieurs tentatives de coup d’État oblige les partisans d'Allassane Ouattara au sein de l'armée à fuir au Burkina Faso.

Les sept candidatures présentées successivement par le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), dont Henri Konan Bédié à la présidence en 2000, sont éliminées par la Cour suprême. Il en est de même pour le candidat du RDR, Alassane Ouattara, jugé non-Ivoirien. Au total, quatorze des vingt candidatures à l'élection présidentielle présentées par des partis sont rejetées par la Cour suprême. Le décompte des bulletins de vote place Robert Gueï en seconde position derrière Laurent Gbagbo le 22 octobre ; il s'autoproclame néanmoins président de la république ce qui déclenche d'importantes manifestations de la population, bientôt suivie par la gendarmerie. Les affrontements opposent la garde prétorienne du général Gueï à la population. Les premiers sont rapidement vaincus mais les affrontements se prolongent entre partisans de Ouattara et partisans de Laurent Gbagbo. Finalement, le 26 octobre, c'est Laurent Gbagbo qui est proclamé président sur décision de la Commission électorale.

L'approche des élections législatives est source de nouvelles tensions et c'est dans ces conditions que Laurent Gbagbo décrète l'état d'urgence le 4 décembre. Le 10 décembre, aux élections législatives, le FPI remporte 96 sièges sur 223, le PDCI de son côté en remporte 98[5]. Le RDR, malgré sa décision de boycotter ces élections, compte quatre représentants au parlement élus sous la bannière « Indépendants ».

Les élections municipales se traduisent par une victoire relative pour le RDR et une victoire incontestable de la démocratie ; pour la première fois de son histoire, la Côte d'Ivoire assiste à une défaite électorale du parti au pouvoir.

La guerre civile (septembre 2002–2007)

La rébellion

La Côte d'Ivoire partagée.

Une tentative de coup d'État a lieu le 19 septembre 2002 de manière simultanée à Abidjan (principale ville du pays et siège du gouvernement), Bouaké (centre) et Korhogo[6]. Pendant ce putsch, diverses tentatives d'assassinat ont lieu contre des personnalités politiques : Alassane Ouattara et Moïse Lida Kouassi, ministre de la Défense. Le ministre de l'Intérieur Émile Boga Doudou, Robert Guéï, ex-chef de l'État (19992000), et leurs gardes du corps sont assassinés. La responsabilité de cet assassinat et tentatives seraient dues au gouvernement, selon le rapport Leliel (rapport de l'ONU, voir lien en fin d'article). Les putschistes sont repoussés et se replient à Bouaké. Des combats ont lieu entre rebelles et forces gouvernementales et Bouaké notamment passe de mains en mains ; des exécutions sommaires se multiplient, de chaque côté. Lors de ce coup d'État, Laurent Gbagbo était en voyage diplomatique en Italie.

Le général Bakayoko, Chef d'État-Major des Forces nouvelles de Côte d'Ivoire passant en revue ses troupes à Odienné

Durant les jours qui suivent et jusqu'au mois de novembre, de nombreux syndicalistes, étudiants, opposants politiques du RDR ou des partis proches du RDR, soupçonnés d'être à l'origine de la rébellion, ou militants d'organisations communistes sont exécutés par les forces de l'ordre ou par des miliciens. Trois cent personnes au total ont ainsi été assassinées à l'automne 2002. Des centaines d'étrangers ou de personnes suspectes sont également massacrées par les FANCI ou les mercenaires libériens. Des massacres similaires ont lieu dans la zone rebelle entraînant la fuite vers le Sud d'un million d'Ivoiriens alors appelés déplacés.

Des bombardements des hélicoptères de l'armée loyaliste font plusieurs morts dans les populations civiles en novembre et décembre 2002, notamment dans le village de pelezi à l'ouest.

Ce coup d'État avorté à Abidjan n'est pas le signe d'une crise tribale (avec sécession) mais celui d'une crise de transition de la dictature de la période Houphouët-Boigny[7] vers la démocratie avec les heurts inhérents à la définition de la citoyenneté. Les rebelles sont des soldats qui ont été exclus de l'armée ivoirienne à l'époque de Gueï et qui se sont entraînés au camp de Pô au Burkina-Faso ainsi qu'au Mali[8]. Équipés d'armes neuves, appuyés par des combattants provenant de plusieurs pays de la région et disposant d'une importante manne financière d'origine inconnue, ils se replient sur Bouaké et tentent dans un premier temps de se faire passer pour des soldats mutinés. Devant le succès de leur opération, les populations du Nord soutiennent leur rébellion. Leur principale revendication est le départ de Laurent Gbagbo, l'obtention de la nationalité ivoirienne à tous les habitants du pays, le droit de vote et leur représentation à Abidjan. Le concept d'ivoirité et tout ce qui en découle est directement mis en cause par les rebelles. Ils s'allieront néanmoins avec les partisans de l'ivoirité : Bédié et les héritiers de Gueï.

Un cessez-le-feu est signé en octobre 2002 mais il est aussitôt violé. L'Ouest de la Côte d'Ivoire est envahi début décembre 2002 à partir du Libéria par deux nouveaux mouvements rebelles qui exterminent plusieurs milliers d'Ivoiriens. Ces nouveaux rebelles sont constitués principalement de troupes libériennes commandées par le rebelle sierraléonais Sam Bockarie mais également par des éléments de la rébellion du MPCI (Kass, Adam's) et des militaires partisans de Gueï.

Parmi les principaux dirigeants des rebelles, Guillaume Soro, leader du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), parti principal des rebelles, est issu du syndicat étudiant proche du FPI de Gbagbo mais a aussi été colistier d'une candidate RDR aux élections législatives de 2000, Mme Henriette Diabaté. Louis Dacoury Tabley a également été un des dirigeants du FPI.

Intervention de la France

Un casque blanc

La France intervient le 22 septembre mais uniquement pour protéger ses ressortissants et les occidentaux (quelques agents américains protégeant leurs propres ressortissants) : elle refuse d’appliquer les accords bilatéraux qui devaient jouer en cas de tentative de déstabilisation[8]. De plus, la France empêche dans un premier temps tout secours d’arriver en Côte d’Ivoire : le Nigeria avait proposé son aide, l’Angola avait proposé un appui aérien[9]. Paris envoie 2 500 militaires et demande à la CEDEAO d'envoyer des casques blancs, de manière à internationaliser la gestion de la crise.

Le 17 octobre, un cessez-le-feu est signé.

Le 28 novembre, le Mouvement Populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP), deux nouveaux mouvements rebelles, prennent le contrôle des villes de Man et Danané, dans l'Ouest[10]. La France pousse à la négociation alors que rebelles et Gbagbo ne pensaient qu'à en découdre.

Plusieurs raisons ont poussé la France à intervenir :

  • respect de l'accord de protection militaire en cas d'attaque étrangère ou de tentative de déstabilisation de la Côte d'Ivoire. Or, les rebelles sont considérés par le gouvernement de Côte d'Ivoire comme des étrangers ;
  • protection des ressortissants français et occidentaux ;
  • protection des biens des ressortissants français. La moitié des PME sont détenues par des Français ;
  • éviter une tragédie comme celle du Rwanda étant intervenue tardivement pour enrayer le génocide.

Toutes ces raisons ont poussé la France à intervenir mais elle fut très vite accusée de vouloir uniquement protéger ses intérêts et d'avoir des visées néo-colonialistes.

La France considère que les rebelles s'insurgent contre une humiliation. Cette humiliation serait liée au fait que le Nord est désertique alors que le Sud est plus riche car fertile et côtier. La discrimination ethnique et religieuse est également un facteur de rébellion. La notion d'ivoirité cristallise le problème. Pour Laurent Gbagbo, il s'agit d'anciens militaires, soutenus par une ingérence du Burkina Faso, qui souhaite déstabiliser la région même s’il explique désormais la crise aussi par la différence de religion[4].

La principale différence d'interprétation porte sur la reconnaissance d'une cause juste à défendre. La conséquence en est que Paris souhaite la réconciliation quand le gouvernement de la Côte d'Ivoire souhaite une répression militaire.

Les accords Kléber (dits « de Marcoussis »)

Article détaillé : Accords Kléber.

Pour tenter un rapprochement, les parties en conflit sont invitées par la France, à Linas-Marcoussis, à trouver un compromis pour sortir de la crise. Le 26 janvier 2003, les accords Kléber (dits « de Marcoussis »), sont signés et prévoient que :

  • le président Gbagbo est maintenu au pouvoir jusqu'à de nouvelles élections ;
  • les opposants sont invités dans un gouvernement de réconciliation et obtiennent les ministères de la Défense et de l'Intérieur ;
  • des soldats de la CEDEAO et 4 000 soldats français de l'Opération Licorne sont placés entre les belligérants pour éviter une reprise du conflit.

Dès le 4 février, des manifestations anti-françaises ont lieu à Abidjan en soutien à Laurent Gbagbo qui déclare avoir eu la main forcée après s'être engagé solennellement à Paris à faire appliquer ces accords, unique solution à la crise. La fin de la guerre civile est proclamée le 4 juillet. Une tentative de putsch, organisée depuis la France par Ibrahim Coulibaly, est déjouée le 25 août par les services secrets français.

Le 27 février 2004, dans sa résolution 1528, le Conseil de sécurité des Nations unies autorise la formation de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), qui regroupe les forces françaises et celle de la CEDEAO (l'ECOMOG), pour une durée initiale de douze mois à compter du 4 avril 2004.

Le 4 mars, le PDCI suspend sa participation au gouvernement, étant en désaccord avec le FPI (parti de Laurent Gbagbo) sur des nominations au sein d'administrations et d'entreprises publiques.

Le 25 mars, une marche pacifique organisée pour protester contre le blocage des accords de Marcoussis, alors que les manifestations sont interdites par décret depuis le 18, est réprimée par les forces armées, épaulée par la police et les Jeunes patriotes : il y a 37 morts selon le gouvernement[11], entre 300 et 500 selon le PDCI d'Henri Konan Bédié[12]. Cette répression provoque le retrait de plusieurs partis d'opposition du gouvernement. Le rapport de l'ONU du 3 mai révèle l'implication des hautes autorités de l'État ivoirien et estime le bilan à au moins 120 morts.

En avril, les forces loyalistes effectuent plusieurs bombardements dans l'Ouest du pays qui tuent des civils. Le gouvernement de réconciliation nationale, composé de 44 membres à l'origine, est réduit à quinze après le limogeage de trois ministres dont Guillaume Soro, chef politique des rebelles, le 6 mai. Cela entraîne la suspension de la participation au gouvernement d'union nationale de la plupart des mouvements politiques.

La France est dès lors dans une situation de plus en plus inconfortable, accusée par les deux camps de favoriser l'autre :

  • par les loyalistes parce qu'elle protège les rebelles et n'applique pas les accords de défense passés avec la Côte d'Ivoire ;
  • par les rebelles parce qu'elle empêche la prise d'Abidjan.

Le 26 juin, un militaire français est tué dans son véhicule par un soldat gouvernemental près de Yamoussoukro[13].

En juillet, un sommet à Accra au Ghana rassemblé par l'ONU relance le processus de paix en donnant un nouveau calendrier.

Les exactions et crimes commis depuis 2002

Bien que le nord de la Côte d'Ivoire soit considéré par les rebelles comme libéré, de nombreuses exactions ont été commises un peu partout. Plusieurs charniers et fosses communes ont été trouvés par l'ONU et des organisations non gouvernementales comme Amnesty International[14].

Parallèlement à cela, les rebelles mettent à sac les banques de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) à Bouaké et à Korhogo. Bien que le butin ne soit pas connu avec précision, il est estimé à plusieurs milliards de francs CFA (un milliard de francs CFA = un million et demi d'euros). Plusieurs militaires français de l'Opération Licorne sont arrêtés pour avoir ramassé des sacs remplis de billets abandonnés par les pillards[15].

Dans la zone contrôlée par le gouvernement, de nombreux massacres d'étrangers ont eu lieu[16]. Les disparitions signalées aux forces de l'ordre ne donnent généralement pas lieu à des enquêtes. Tous les partis politiques d'opposition et les syndicats déplorent la disparition de plusieurs de leurs militants, disparition attribuée aux Escadrons de la mort, composés de militaires, policiers et miliciens. D'un autre côté, les détentions arbitraires et sans jugement se multiplient.

Les viols sur les femmes adultes ou sur les enfants sont extrêmement nombreux, souvent accompagnés d'actes de barbarie, sur tout le territoire de la Côte d'Ivoire[17]. Les forces de police se sont rendues responsables de torture. Plusieurs communautés religieuses (notamment les musulmans) sont victimes d'exactions dans le sud du pays.

La reprise de la guerre (depuis octobre 2004)

Facteurs de reprise

Le « chronogramme » des accords d' Accra III n'est pas respecté[18]. Les projets de lois prévus dans le processus sont bloqués par le FPI à l'Assemblée nationale. Les conditions d'éligibilité pour le scrutin présidentiel ne sont pas revues car Laurent Gbagbo prétend choisir une procédure référendaire et non la voie des ordonnances, suggérée à Accra. Devant le blocage politique, le désarmement dont le début est prévu quinze jours après ces modifications constitutionnelles ne s'engage pas à la mi-octobre.

La tension remonte et des signes indiquent que les deux camps désirent en découdre à nouveau. Des soldats de l'ONU ouvrent le feu sur des manifestants défavorables au désarmement des rebelles le 11 octobre. Les rebelles, qui ont pris le nom de Forces nouvelles (FN), annoncent le 13 octobre leur refus de se laisser désarmer face aux achats massifs d'armes des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI). Elles ont en effet intercepté deux camions des FANCI plein d'armes lourdes faisant route vers la ligne de démarcation. Le 28 octobre, elles décrètent l'état d'urgence dans le Nord du pays.

L'opération Dignité

Abidjan décide d’une contre-offensive, baptisée « opération Dignité » (parfois appelée « opération César »). Un film de propagande soutient que cette opération s'est faite avec l'accord de l'Élysée, mais sur ce point, les commentateurs politiques ne sont pas d'accord [19].

La responsabilité de la prise de décision du bombardement n’est toujours pas établie[20]. Le 4 novembre, l'aviation récente des FANCI commence des bombardements sur Bouaké. Des combats opposent les forces terrestres les jours suivants mais les FANCI ne parviennent pas à percer. Au total, les Forces nouvelles annoncent la mort de 85 civils [21] dans les bombardements du 4 au 6 novembre.

Les journées des 6 au 9 novembre

Le 6 novembre, l'aviation ivoirienne bombarde (selon le gouvernement ivoirien par erreur [22]) la base française de Bouaké (2e RIMA, RICM et 515e régiment du train) faisant neuf morts et 37 blessés parmi les soldats français et un civil américain appartenant à une ONG. Les forces françaises ripostent en détruisant les deux Sukhoï ainsi que trois Mil Mi-24 et un Mil Mi-8 postés sur la base de Yamoussoukro, quinze minutes après l'attaque.

Jacques Chirac, le président français, donne l'ordre de riposter en détruisant également tous les moyens aériens militaires ivoiriens. Cette action a pour objectif d'empêcher toute nouvelle attaque des FANCI contre les rebelles, contraire aux Accords de Marcoussis, et également d'empêcher toute nouvelle attaque contre les positions françaises.

Une heure après l'attaque sur le camp des forces françaises, des combats éclatent entre les militaires français et ivoiriens pour le contrôle de l'aéroport d'Abidjan, essentiel pour la France de manière à établir un pont aérien.

Dans le même temps, l'Alliance des jeunes patriotes d'Abidjan (voir Politique de la Côte d'Ivoire pour plus de détails sur les Jeunes patriotes), envoie ses troupes, attisées par les médias d'État (radio, télé mais aussi des journaux comme Le Courrier d'Abidjan ou Notre Voie), qui pillent de nombreux biens immobiliers. Des viols, des passages à tabac sont recensés, peut-être des meurtres par les Jeunes patriotes, qui exposent explicitement leur idéologie raciste. D'après la CCI d'Abidjan, les entreprises détenues par des Français, des Occidentaux, des Libanais ou des Ivoiriens ont été détruites ; les témoignages d'entrepreneurs ivoiriens ou libanais restés sur place s'accordent pour décrire des « pillages planifiés, ciblés et encadrés » et préciser que des militaires y participaient (Pierre Daniel, dirigeant du Mouvement des PME). Les médias d'opposition ou indépendants sont mis à sac.

Les militaires français, assiégés par la foule, ont ouvert le feu sur elle (déclaration du chef d'état-major Bentégeat, le soir du 7 novembre). Ces tirs font 67 morts et plus d'un milliers de blessés parmi les manifestants, renforçant la propagande anti-Français. Plusieurs centaines d'Occidentaux, principalement des Français, se réfugient sur les toits de leurs immeubles pour échapper à la foule, ils sont alors évacués par des hélicoptères de l'armée française.

La France envoie en renfort 600 hommes venant du Gabon et de France.

À partir de la semaine du lundi 8 novembre, certains expatriés occidentaux (Français et Libanais principalement mais aussi Marocains, Allemands, Espagnols, Britanniques, Néerlandais, Canadiens et Américains) en Côte d'Ivoire choisissent de partir, pour certains définitivement.

Le 13 novembre, le président de l'Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly (FPI), déclare que le gouvernement ivoirien ne porte aucune responsabilité dans le bombardement du samedi précédent (le 6) et annonce l'intention de porter plainte devant la Cour internationale de justice (intention répétée le 28 novembre mais finalement non mise à exécution) :

  • pour la destruction des moyens aériens de l'armée ivoirienne ;
  • pour la répression des manifestations du 6 au 9 par l'armée française qui aurait fait plusieurs dizaines de morts (le chef d'état-major français Bentégeat reconnaît des morts parmi les Ivoiriens dès le soir du 7 novembre).

Le même jour, dans un entretien accordé au Washington Post, Laurent Gbagbo remet en cause l'existence même des morts Français à Bouaké.

À la menace de plainte de Mamadou Koulibaly répond une plainte officielle déposée en France par l'association Comité du 22 avril 1988 à la mémoire des gendarmes d'Ouvéa pour « homicides volontaires avec préméditation et blessures volontaires avec armes et en réunion » contre Laurent Gbagbo, le colonel Philippe Mangou, commandant de l'opération de bombardement et depuis promu chef d'état-major des FANCI, ainsi que les pilotes des Soukhoï Su-25

Le 15 novembre, le Conseil de sécurité des Nations unies, à la demande de la France, prend à l'unanimité la résolution 1572, interdisant le commerce des armes avec l'une ou l'autre des deux parties belligérantes, rebelles du Nord ou forces gouvernementales[23]. Plusieurs pays africains ont rendu plus sévère cette interdiction.

Fin novembre, le gouvernement ivoirien abandonne la thèse de l'armée française décapitant et massacrant la foule des manifestants. Il mène par contre une opération de communication visant à démontrer des tirs volontaires sur cette foule[16], en présentant une vidéo amateur[24] tournée pendant les tirs, montrant la foule paniquée, mais néanmoins pas le carnage d'abord rapporté.

L'Appel du 6 novembre

Article détaillé : Appel du 6 novembre 2004.

Charles Blé Goudé et le COJEP pensent que le pays va sombrer si personne ne réagit, ils décident de prendre l'initiative par le seul moyen qui était l'explication de la situation et un appel à la résistance aux studios de la RTI. Blé Goudé déclare à la Première et TV2 : « Si vous êtes en train de manger, arrêtez vous. Si vous dormez, réveillez vous. Tous à l’aéroport, au 43ème Bima. L’heure est venue de choisir entre mourir dans la honte ou dans la dignité » [25],[26].

Suite à cet appel, plusieurs actions sont entreprises :

Départs des étrangers

Au 13 novembre, 2 600 expatriés français étaient revenus en France ainsi que 1 600 expatriés européens. Au 17 novembre, 8 332 Français[27] (sur les 14 000 présents début novembre) avaient quitté la Côte d'Ivoire. Les opérations d'évacuation ont couté environ cinq millions d'euros.

Jean-Louis Billon (président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire) lors d'un entretien sur la radio de l'ONUCI déclare que « les entreprises ivoiriennes sont touchées » et le départ de plusieurs entreprises détenues par des étrangers risque d'avoir des impacts importants sur l'économie et le chômage en Côte d'Ivoire.

Bien que la Côté d'Ivoire reste le premier producteur mondial de cacao, le départ de plusieurs milliers d'étrangers de Côte d'Ivoire et la fermeture de leurs entreprises risque de priver le pays de nombreuses recettes fiscales. Les troubles empêchent de plus l'exportation de ces denrées périssables ou les renchérissent : au Sud comme au Nord, les camions sont rançonnés (mais dix fois plus au Sud qu'au Nord d'après la CCI de Bouaké).

Reprise du processus de paix

Courant décembre, le président Gbagbo relance le processus de modification de la Constitution prévu dans les différents accords, de Marcoussis comme d'Accra III[28]. Le 17 décembre, le projet est adopté par l'Assemblée nationale, 179 députés ayant voté oui contre 19 députés ayant voté non. Cette modification ne porte que sur un mot de l'article 35 ; la phrase « Le candidat doit [...] être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père et de mère ivoirien d’origine » devenant « Le candidat doit [...] être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine » ce qui ouvre la candidature à l'élection présidentielle. Le dépôt de projet de loi dans le courant de la semaine avait permis de repousser les sanctions de l'ONU contre les personnes responsables de l'échec du processus de paix ; ces sanctions (gel des avoirs, interdiction de quitter la Côte d'Ivoire) seront examinées le 10 janvier 2005.

Il interdit de même les manifestations jusqu'au 10 mars alors que les Jeunes patriotes annonçaient pour samedi 18 un défilé réclamant le départ de la Force Licorne. Cette interdiction touche de même les organisations de jeunesse des autres partis qui avaient prévu un meeting le même jour afin de soutenir l'action de la France. Son discours à l'hôtel Ivoire qui accueillait la Confédération des jeunesses panafricaines (COJEP) est par contre très martial (18 décembre).

Le butin des cambriolages de la BCEAO est en partie saisi au Mali où les auteurs tentent de blanchir cet argent. La BCEAO a en effet lancé une opération de démonétisation des billets type 92 qui expire le 31 décembre.

Ce retour à la normale sera cependant rendu difficile par la fragilisation du tissu économique après deux ans de guerre et quatre jours d'émeutes à Abidjan. D'après Jean-Louis Billon, président de la Chambre de commerce et d'industrie d'Abidjan, 78 grosses entreprises sont totalement détruites, 20 ont choisi de quitter la Côte d'Ivoire et 106 n'ont pas encore rouvert leurs portes. Quant à Daniel Bréchat, président du Mouvement des petites et moyennes entreprises (MPME), il estime que sur 500 PME adhérentes, 120 ont disparu corps et bien [29].

De plus, le clan Gbagbo détient toujours les principaux médias d'État et continue de les utiliser pour influencer les opinions. Ainsi, le 15 décembre, le ministre des Transports Kobena Anaky (du Mouvement des forces d'avenir, MFA) s'est plaint que son discours ait été tronqué dans un reportage du journal télévisé. Le retour à la neutralité de la Radio-Télévision ivoirienne (fin de l'occupation du bâtiment par les Jeunes patriotes, arrêt de la diffusion de l'hymne nationaliste l'Ode à la patrie, retour des anciens cadres) s'effectue de la mi-décembre à début janvier 2005.

En novembre 2004, le président sud-africain Thabo Mbeki est mandaté par l'Union africaine comme médiateur[30]. Il établit sa feuille de route autour de cinq points :

  1. Programme législatif (programme législatif complet excluant l'article 35 de la Constitution sur les conditions d'éligibilité à la présidence de la République, adoption du nouvel article 35, ratification de la législation avec l'appui du Comité de suivi des accords de paix de Marcoussis ;
  2. Désarmement (DDR : démobilisation, désarmement, réinsertion des soldats démobilisés) ;
  3. Création d'un climat propice à des activités politiques libres (restauration de la direction de la Radio télévision ivoirienne, appel aux médias pour qu'ils évitent d'utiliser un langage incitant à la haine, appel aux Jeunes patriotes à quitter la rue, reprise des patrouilles mixtes ONUCI / Forces de défense et de sécurité ivoiriennes) ;
  4. Fonctionnement du gouvernement de réconciliation nationale (renforcement de la sécurité pour les ministres du gouvernement, retour de tous les ministres au gouvernement, reprise des opérations décisives du gouvernement) ;
  5. Restauration des services sociaux et redéploiement de l'administration sur tout le territoire.

Courant janvier 2005, alors que la France allège son dispositif, le bruit court que les FANCI sont autorisées à réparer leurs aéronefs endommagés début novembre par l'armée française. Les clarifications de l'ONUCI quelques jours plus tard montrent qu'il ne s'agit que d'un rapatriement des aéronefs vers une base d'Abidjan.

Bilans des journées de novembre 2004

Cette bonne volonté affichée survient au moment où les bilans des blessés des journées du 6 au 9 novembre et le rapport Leliel commandé par l'ONU sur les atteintes aux droits de l'homme en Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002, au moment donc où ces deux rapports sont publiés. Ils sont particulièrement accablants pour les deux bords. Selon le rapport Leliel :

  • « le pouvoir ivoirien et la rébellion se sont rendus coupables des pires atteintes aux droits de l’homme » ;
  • « le gouvernement de Laurent Gbagbo s’illustre par des assassinats ciblés de personnes enlevées le plus souvent à leurs domiciles à Abidjan, par les “ escadrons de la mort ” et des milices “ à sa solde » ;
  • « la rébellion en revanche s’illustre par des tueries en masse ».

Le décompte des blessés pour les journées du 6 au 11 est le suivant d'après le ministère de la Santé ivoirien (le ministre de la Santé est Albert Mabri Toikeusse, de l'opposition [31] :

  • le total est de 2 226 blessés dont 291 par balles (soit 13%)
  • 10% des blessés l'ont été par armes de guerre, balles ou éclats d'obus (il est donc difficile d'imputer plus de 1% des blessés à l'armée française)
  • l'hôpital de Cocody, voisin de l'hôtel Ivoire, a accueilli 954 blessés dont 71 par balles (soit 7,5%)
  • le CHU de Treichville, situé près des ponts d'Abidjan, a accueilli 350 blessés dont 25 par balles ou éclats d'obus (7%)
  • l'hôpital de Port-Bouët, proche de l'aéroport où a eu lieu la bataille opposant l'armée française aux FANCI, 350 blessés ont été accueillis dont 167 par armes de guerre (48%).

Au total, plus de 90% des blessés l'ont été par l'effet de la manifestation (piétinement, chevrotine, blessures aux armes blanches) ; le ministère de la Santé n’a pas donné de chiffres concernant les morts.

Les bilans dans les autres villes sont :

  • 9 morts et 29 blessés dont 21 par balles à Duékoué où des manifestants et des militaires ivoiriens ont tenté de bloquer l'avance d'une colonne de blindés français
  • 7 tués et 55 blessés (4 par balles) à Gagnoa
  • 1 mort et 91 blessés (1 par balle) à Abobo (l'armée française n'y était pas présente)
  • 7 morts et 297 blessés (19 par balles) à Yopougon, un quartier populaire d'Abidjan traversée par l'armée française (entrée Nord d'Abidjan) pour se rendre au Sud.

Ce bilan officiel ivoirien n'inclut pas les morts et blessés parmi les expatriés français vivant à Abidjan durant la nuit du samedi 6 novembre. En outre, les événements de cette nuit-là et des jours qui suivirent provoquèrent l'évacuation de plus de 8 000 occidentaux[32].

2005

Le Mouvement ivoirien de libération de l'ouest de la Côte d'Ivoire (Miloci) attaque des positions des Forces nouvelles le 28 février et son chef militaire[33], le pasteur Gammi, promet une nouvelle Diên Biên Phu aux Français[34].

Le président d'Afrique du Sud, Thabo Mbeki, mandaté par l'OUA pour résoudre la crise ivoirienne, fait signer aux milices un accord de désarmement le 14 mai. Il remet son rapport le 31 août.

En octobre 2005, l'Armée française envoie neuf blindés de transporteurs de troupes AMX10P du 16e bataillon de chasseurs en Côte d'Ivoire. Paradoxalement, au moment où la situation semblait se détendre un peu, après que l'UA officialise le maintien de Laurent Gbagbo au pouvoir[35]. Cette décision pourrait avoir plusieurs origines : la volonté de mieux protéger ses hommes (auparavant, certaines zones en ville n'étaient pas « couvertes » par manque de sécurité) et le sentiment que la situation risque de durer avant de trouver une issue et envisager un retrait.

Affaire Mahé-Poncet

Article détaillé : Henri Poncet.

Le 17 octobre, l’ancien responsable de l’Opération Licorne, le général Henri Poncet, a été suspendu[36], mesure exceptionnelle, pour avoir couvert le décès suspect le 13 mai 2005 de Firmin Mahé, impliquant des militaires français. Un communiqué militaire de mai 2005 déclarait que le « dangereux milicien » Firmin Mahé était « mort de ses blessures »[37] après avoir ouvert le feu sur les militaires français qui venaient l’arrêter dans l'ouest de la Côte d'Ivoire.

Selon la presse et l'armée française, cet Ivoirien « coupeur de route » était recherché pour plusieurs meurtres et viols sur les populations civiles[38]. L'enquête a établi qu'étant blessé par balle lors de son arrestation, il est étouffé avec un sac en plastique par des militaires français durant son transfert vers l'hôpital. Les militaires accusés d'avoir commis le meurtre ont prétendu avoir agi sur ordre de leur colonel qui a affirmé avoir transmis un ordre oral du général Poncet, ce que conteste ce dernier. Aucune information n'a filtré sur les crimes qui seraient reprochés depuis plus d'un an à Firmin Mahé. Son entourage et la presse pro-FPI d'Abidjan contestent qu'il en ait commis aucun et affirment que Firmin Mahé a été abattu à cause de son engagement politique contre la rébellion.

Il semblerait que le général Poncet était au courant que la version officielle n'était pas exacte et aurait couvert ses hommes[39]. Des interrogations se font dans les médias sur les motivations réelles du gouvernement français. Est-ce vraiment pour la mort de cet Ivoirien et non pas pour les évènements de novembre 2004 autour de l' Hôtel Ivoire à Abidjan que le Général Poncet aurait été suspendu ?

Une certaine confusion a été entretenue autour du cas de Nestor Mahé, homonyme de Firmin Mahé[40], et qui aurait été arrété par l'armée française la veille de la mort de Mahé. Remis une première fois à la justice ivoirienne qui l'aurait relaché faute de plainte à son sujet, Nestor a été livré aux rebelles qui l'ont incarcéré.

Plus de 2 ans après les faits, l'armée francaise n'a toujours pas donné de précisions (identité des victimes, témoignages, dates et lieux) sur les faits qui seraient reprochés à Firmin Mahé. Une enquête menée par le journal Le Monde semble indiquer que les accusations de meurtre et de viol à son encontre reposent exclusivement sur les propos d'Adèle Dito, adjointe au maire de Bangolo. Cette personne a été exfiltré en France. Selon le Canard Enchainé du 25/07/2007, "Le problème, c’est qu’Adèle Dito, interrogée par la juge sur la personnalité de Mahé, a expliqué dans son audition, le 21 novembre, qu’elle ne connaissait pas "l’identité exacte de cette personne", qu’elle ne l’a "jamais vue physiquement" mais que, "d’après des rumeurs", c’était un bien mauvais garçon."

Les journalistes du Monde ont également retrouvé le corps de Mahé dont l'armée francaise avait perdu la trace mais les résultats de l'autopsie n'ont pas été rendus publics.

Le procés de l'affaire Mahé devrait s'ouvrir devant le Tribunal aux Armées de Paris début 2008.

Attaque

Une caserne de gendarmerie d’Abidjan est attaquée le 1er décembre[41].

2006

De nouveaux combats ont lieu début janvier : le 2, des casernes d’Abidjan sont attaquées par des rebelles[42] qui sont repoussés avec des pertes.

Après un report de 24 heures, un sommet extraordinaire réunissant tous les protagonistes de la crise ivoirienne – la première rencontre en terre ivoirienne des principaux leaders depuis le début de la guerre civile, en septembre 2002 – s'est ouvert le 28 février 2006 à Yamoussoukro[43], la capitale du pays, en présence du Président de la République Laurent Gbagbo, du Premier ministre Charles Konan Banny, du chef des rebelles Guillaume Soro et des dirigeants des deux principaux partis d'opposition, l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara et l'ancien chef de l'État Henri Konan Bédié. Cette rencontre suscite de grands espoirs dans la population qui souhaite que soit trouvée rapidement une issue au conflit.

2007

Accords de Ouagadougou

Article détaillé : Accord de Ouagadougou .
Le « facilitateur », Blaise Compaoré

Le 4 mars, de nouveaux accords de paix sont signés à Ouagadougou[44]. À la différence des précédents accords, un dialogue direct s'est établi entre les deux parties avec comme seuls négociateurs externes le président Blaise Compaoré et la communauté catholique Sant'Egidio qui a œuvré très discrètement depuis les accords de Marcoussis.

Cet accord a conduit le président Gbagbo à nommer le 29 mars Guillaume Soro chef d'un gouvernement de transition dont la liste des membres est fixée par décret le 7 avril. Dans la perspective d'une sortie de crise, une ordonnance[45] est publiée le 12 avril. Elle proclame une amnistie sauf pour les infractions économiques. Un des principaux points est une procédure de révision des listes électorales qui devraient permettre l’inscription de trois millions de nouveaux électeurs[46].

La « zone de confiance » (de séparation entre zone rebelle et zone loyaliste) est progressivement démantelée à partir du 16 avril[47], comme prévu dans ces accords.

Attentat du 29 juin

Le 29 juin 2007, Guillaume Soro (Premier ministre ivoirien) échappe à un attentat à la roquette lors de l'atterrissage de l'avion dans lequel il était à Bouaké. Quatre passagers sont décédés (deux gardes du corps de Soro, deux protocoles) et plusieurs sont grièvement blessés[48].

Flamme de la paix

Article détaillé : Flamme de la paix.

Le 30 juillet 2007, pour sceller la paix en Côte d'Ivoire, La cérémonie de la Flamme de la paix est organisée pour la première fois. Ce jour est décrété férié dans le calendrier ivoirien.

Citation

  • « Les Burkinabés vivent en ce moment en Côte d'Ivoire ce qu'aucun Africain ne vit en Europe. »

Déclaration du président de la république sénégalais Abdoulaye Wade lors de l'ouverture le 22 janvier 2001 à Dakar d’un forum sur le « racisme, la xénophobie et l’intolérance »[49]. L'exaspérations de la situation économique désastreuse ne peut être qu'un élément catalyseur des comportements xénophobes des ivoiriens et des sentiments d'"ivoirophobie" des étrangers vivants en Cote d'Ivoire.

Annexes

Bibliographie

  • La guerre de Côte d'Ivoire, Anicet Maxime Djéhoury, paru en novembre 2007 aux Editions l'Harmattan"".
  • La guerre de la France contre la Côte d'Ivoire, de Mamadou Koulibaly, paru en novembre 2003 aux éditions L'Harmattan.
  • Paroles d'honneur, de Simone Ehivet Gbagbo, paru en Février 2007 aux Editions Pharaos
  • La vérité sur la guerre en Côte d'ivoire, de Colombe Morel.
  • Le peuple n'aime pas le peuple - La Côte d'ivoire dans la guerre civile, de Kouakou Kouakou-Gbahi, paru aux Editions Gallimard.
  • Guillaume Soro : Pourquoi je suis devenu un rebelle - La Côte D'ivoire au bord du gouffre, de Serge Daniel, paru en 2005, aux Editions Hachette
  • Côte d'ivoire - Le feu au pré carré, de Judith Rueff, paru en 2004, aux Editions Autrement.
  • Crimes contre l'humanité - Massacres en Côte-d'ivoire, de Jacques Vergès, paru en 2006 aux Editions Pharaos.
  • La Crise en Côte d'ivoire - Dix clés pour comprendre, de Thomas Hofnung, paru en 2005 aux Editions La Découverte.
  • La Côte d'ivoire en guerre - Le sens de l'imposture française, de Blé Kessé Adolphe, paru en 2005 aux éditions L'Harmattan.
  • Parmi les rebelles - Carnets de route en Côte D'ivoire 19 septembre 2002 - 19 septembre 2003, de Agnès Du Parge, paru en novembre 2004 aux éditions L'Harmattan.
  • Côte d'ivoire : Des lambeaux de République, de Berengère Danigo et Francois-Xavier De Guibert, paru en octobre 2005.
  • Côte d'ivoire - La formation d'un peuple , de Pierre Kipré, paru en 2005 aux Editions Sides
  • Côte D'ivoire, Après La Faillite, L'espoir ? , de Antoine Dery, paru en 1990 aux éditions L'Harmattan.
  • Une chronique de la révolution démocratique en Côte d'ivoire (1989-1995), de Alphonse Voho Sahi paru en 2005 aux éditions L'Harmattan.
  • Géopolitique de la Côte d'ivoire - Le désespoir de Kourouma, de Christian Bouquet paru en 2005 aux editions Armand Colin.
  • Lettre au président des français a propos de la Côte d'ivoire et de l'Afrique en général, de Aminata Traoré paru en 2005 aux Editions Fayard.
  • Le rempart - Attaque terroriste contre la Côte d'ivoire, de Hilaire Gnohité Gomé paru en 2004 aux éditions L'Harmattan.
  • Fallait-il prendre les armes en Côte d'ivoire ? de Jean-Claude Djéréké paru en 2003 aux éditions L'Harmattan.
  • Côte d'ivoire, l'année terrible (1999-2000) de Marc Le Pape paru en 2002 aux editions Karthala.
  • La Côte d'ivoire - De la déstabilisation à la refondation de Jean-Pierre Jarret paru en 2002 aux éditions L'Harmattan.
  • Côte d'ivoire : Quelle issue pour la transition ? de Arsène Ouegui Goba paru en 2000 aux éditions L'Harmattan.
  • Felix Houphouët et la Cote d'ivoire. L'envers d'une légende de Marcel Amondji paru en 1984 aux Editions Karthala.

Liens externes

Articles connexes

Notes et références

  1. "Le Général Irastorza quitte la Force Licorne" sur SaphirNews.com, 8 mars 2007
  2. Article de Fernanda Faria, La gestion des crises en Afrique subsaharienne : le rôle de l'Union Européenne, novembre 2004.
  3. Colette Braeckman. Aux sources de la crise ivoirienne, Manière de voir, n° 79, février-mars 2005, ISSN 1241-6290, p 81.
  4. a  et b Sandrine Raynal. En Côte-d’Ivoire, « les forces du bien contre les forces du mal », Revue Hérodote, n° 119, Les Évangéliques à l’assaut du monde (quatrième trimestre 2005), disponible en ligne [1], consulté le 4 juin 2007.
  5. Site d'informations générales sur la Côte d'Ivoire.
  6. Côte d'Ivoire : La chronologie des événements depuis le 19 septembre 2002 sur le site de l'Onuci.
  7. Convergences révolutionnaires, numéro 25, janvier-février 2003.
  8. a  et b Didier Fassio et Elio Comarin. La Bataille d'Abidjan. Arte 2006.
  9. Colette Braeckman, op. cit., p 82.
  10. Les forces en présence sur le site de la documentation française.
  11. Côte d’Ivoire : les Casques bleus attendus dans un contexte délétère, Depêche AFP du 4 avril 2004 sur Intérêt général.info.
  12. Article de Nicolas Michel, Un rapport en forme de réquisitoire, Jeune Afrique, 9 mai 2004.
  13. Chronologie sur La Paix.org.
  14. Amnesty International, Côte d'Ivoire : Une suite de crimes impunis, 27 février 2003.
  15. Des militaires pilleurs de banque sur RFI actualité.
  16. a  et b Côte d'Ivoire, un avenir incertain, ACAT, 77 pages.
  17. L'actualité de la Côte d'Ivoire sur IZF.net.
  18. Texte de A. Ekissi, secrétaire général du PCI.
  19. Didier Fassio et Elio Comarin, dans leur reportage La Bataille d'Abidjan, Arte 2006, affirment que Paris était d’accord. Pour sa part Vincent Hugueux, de l'Express, rapporte l'opposition de la France article du 18 mai.. Quand au Nouvel Observateur il suppose que cet accord de la France serait un malentendu entre Laurent Gbagbo et Jacques Chirac
  20. Abidjan.net laisse entendre que c’est le chef d’état-major ivoirien qui aurait décidé seul d’attaquer l’armée française [2] (article du 12/12/2006), relayé par Bakchich info : Confidences d’une barbouze volante, 16 février 2007 [3], consulté le 4 juin 2007.
  21. Sur Vulgum.org, article 1173.
  22. (en) Parfait Kouassi, « French Unleash Force Against Chaos in Ivory Coast » sur Washingtonpost.com, 8 novembre 2004, Associated Press. Mis en ligne le 8 novembre 2004, consulté le 26 novembre 2008
  23. Communiqué de presse de l'ONU.
  24. Video sur Dailymotion.
  25. Les événements entre le 31 octobre et le 9 novembre 2004 sur NouvelObs.com.
  26. Selon une autre source non disponible sur Internet, un reportage vidéo Évènement de 2004 distribué par Kaluila, le message serait : « Si vous dormez, réveillez-vous. Si vous mangez, déposez votre fourchette. Je ne vous demande pas d'aller attaquer les Français qui sont venus vivre avec vous, beaucoup de Français ont défilé avec nous contre la rébellion. Venez libérer l'aéroport. Abidjan n'est pas un quartier de Paris... »
  27. Compte-rendu de l'Assemblée nationale française, séance du 13 février 2007.
  28. Information sur Kas.de.
  29. Le Jour, article 21 décembre 2004.
  30. Les bons offices de Thabo Mbeki sur RFI actualité.
  31. Côte d’Ivoire : Nouveau bilan des émeutes de novembre 2004, dépêche de l'AFP du 18 décembre 2004
  32. Sur le racisme anti-blanc du pouvoir ivoirien, possibilité de télécharger le livre.
  33. Des milices attaquent les Forces nouvelles sur RFI actualité.
  34. Sur Bakwaba.club.fr.
  35. Les évènements en Côte d'Ivoire sur Bakwaba.club.fr.
  36. Le film des événements de l'affaire Poncet/Mahé dans Jeune Afrique, 14 décembre 2005.
  37. Article dans l'Express.fr, 18 octobre 2005.
  38. Laurent Zecchini, Côte d’Ivoire : Paris insiste sur la gravité des faits reprochés au général Poncet, sur le site Intérêt-général.info.
  39. Article sur le site du Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali.
  40. Le confusion des Mahé sur le site de Sonamar, la voix du Mali.
  41. Coups de feu autour d’une caserne militaire sur RFI actualité.
  42. Article de Armand B. Depeyla, SoirInfo, 6 janvier 2006.
  43. Sommet des 5 à Yamoussoukro sur Eburneanews.net.
  44. Les accords de paix de Ouagadougou sur Le Faso.net.
  45. Ordonnance N° 2007 457 du 12 avril 2007 portant amnistie.
  46. Sortir de la crise avant la fin de l’année sur RFI actualité.
  47. Début de démantèlement de la ZDC sur RFI actualité.
  48. Guillaume Soro échappe à un tir de roquette à Bouaké, Dépêche de Reuters du 29 juin 2007.
  49. Le Monde diplomatique, "L'Afrique de l'Ouest dans la zone des tempêtes", mars 2001, pp 10 et 11.
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